L’Encyclopédie/1re édition/DOMAINE

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DOMANIAL  ►

DOMAINE, s. m. (Hist. Rom.) terres de la république romaine prises sur ses ennemis, & dont le produit formoit un fonds pour les besoins de l’état. Il en est trop parlé dans l’histoire romaine, pour n’en pas faire ici l’article.

Tous ceux qui connoissent cette histoire, savent que les Romains, quand ils avoient vaincu leurs ennemis, avoient coûtume de leur ôter une partie de leur territoire ; qu’on affermoit quel quefois ces terres au profit de l’état, & que souvent aussi on les partageoit entre les pauvres citoyens, qui n’en payoient à la république qu’un leger tribut. Ce domaine public s’accrut avec la fortune de la république, des dépouilles de tant d’états que les Romains conquirent dans les trois parties du monde. Rome possédoit des terres dans les différens cantons de l’Italie, en Sicile, & dans les îles voisines, en Espagne, en Afrique, dans la Grece, la Macédoine, & dans toute l’Asie. En un mot, on incorpora dans le domaine public le domaine particulier de tant de villes libres & des royaumes dont les Romains avoient fait leurs conquêtes. On en portoit le produit & le revenu dans l’épargne. C’étoit-là le fonds dont on tiroit la solde des troupes, & avec lequel on subvenoit à toutes les dépenses & à toutes les nécessités publiques.

César fut le premier qui osa s’en emparer pendant la guerre civile contre Pompée : il en tira pour son usage quatre mille cent trente livres d’or, & quatre-vingt mille livres d’argent. Dans la suite, les empereurs imiterent son exemple, & ne regarderent plus le domaine public que comme le leur. Enfin dans notre langue, le mot général de domaine est devenu particulier & propre au patrimoine des rois. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Domaine éminent, (Droit polit.) c’est le droit qu’a le souverain de se servir pour le bien public, dans un besoin pressant, des fonds & des biens que possedent les sujets.

Ainsi, par exemple, quand la nécessité du bien public requiert de fortifier une ville, le souverain est autorisé à prendre les jardins, les terres, & les maisons des particuliers, qui se trouvent situés dans l’endroit où il faut faire les remparts, les fossés, & autres ouvrages de fortification que demande l’intérêt de l’état ; c’est pourquoi, dans un siége, le souverain abat & ruine souvent des édifices & des campagnes de ses propres sujets, dont l’ennemi pourroit sans cela retirer quelque grand avantage.

Il est incontestable que la nature même de la souveraineté autorise le prince à se servir, dans les cas urgens de nécessité, des biens que possedent les sujets ; puisqu’en lui conférant l’autorité souveraine, on lui a donné en même tems le pouvoir de faire & d’exiger tout ce qui est nécessaire pour la conservation & l’avantage de l’état.

Il faut encore remarquer, que c’est une maxime de l’équité naturelle, que quand il s’agit de fournir ce qui est nécessaire à l’état, & à l’entretien d’une chose commune à plusieurs, chacun doit y contribuer à proportion de l’intérêt qu’il y a : mais comme il arrive quelquefois que les besoins présens de l’état & les circonstances particulieres ne permettent pas que l’on suive cette regle à la lettre, c’est une nécessité que le souverain puisse s’en écarter, & qu’il soit en droit de priver les particuliers des choses qu’ils possedent, mais dont l’état ne sauroit se passer dans les conjonctures pressantes où il se trouve : ainsi le droit dont il s’agit, n’a lieu que dans de telles conjonctures.

Posons donc pour maxime, avec M. de Montesquieu, que quand le public a besoin du fonds d’un particulier, il ne faut jamais agir par la rigueur de la loi politique : mais c’est-là que doit triompher la loi civile, qui avec des yeux de mere, regarde chaque particulier comme toute la cité même.

« Si le magistrat politique veut faire quelque édifice public, quelque nouveau chemin, il faut qu’il indemnise noblement : le public est à cet égard comme un particulier qui traite avec un particulier. C’est bien assez qu’il puisse contraindre un citoyen de lui vendre son héritage, & qu’il lui ôte le grand privilége qu’il tient de la loi civile, de ne pouvoir être forcé d’aliéner son bien.

» Beaumanoir, qui écrivoit dans le douzieme siecle, dit que de son tems quand un grand chemin ne pouvoit être rétabli, on en faisoit un autre, le plus près de l’ancien qu’il étoit possible ; mais qu’on dédommageoit les propriétaires aux frais de ceux qui tiroient quelque avantage du chemin : on se déterminoit pour lors par la loi civile ; on s’est déterminé de nos jours par la loi politique ».

Il est donc juste que dans les rares conjonctures où l’état a besoin de priver les particuliers de leurs biens, alors 1°. les propriétaires soient dédommagés par leurs concitoyens, ou par le thresor public, de ce qui excede leur contingent, autant du moins que la chose est possible ; que si les citoyens eux-mêmes se sont exposés à souffrir cette perte, comme en bâtissant des maisons dans un lieu où elles ne sauroient subsister en tems de guerre, alors l’état n’est pas tenu à la rigueur de les indemniser, & ils peuvent raisonnablement être censés avoir consenti eux-mêmes aux risques qu’ils couroient.

2°. Le droit éminent n’ayant lieu que dans une nécessité d’état, il seroit injuste de s’en servir en tout autre cas ; ainsi le monarque ne doit user de ce privilége supérieur, qu’autant que le bien public l’y force, & qu’autant que le particulier qui a perdu ce qui lui appartenoit, en est dédommagé, s’il se peut, du fonds public, ou autrement : car d’un côté la loi civile, qui est le palladium de la propriété, & de l’autre la loi de nature, veulent qu’on ne dépouille personne de la propriété de ses biens, ou de tout autre droit légitimement acquis, sans y être autorisé par des raisons grandes & importantes. Si un prince en use autrement à l’égard de quelqu’un de ses sujets, il est tenu sans contredit de réparer le dommage qu’il lui a causé par-là, puisqu’il a donné atteinte à un droit d’autrui certain & incontestable ; il le doit même dans un gouvernement civil, qui quoique monarchique & absolu, n’est point despotique, & ne donne pas conséquemment au souverain sur ses sujets le même pouvoir qu’un maître s’arroge sur ses esclaves.

3°. Il s’ensuit de-là encore, qu’un prince ne peut jamais dispenser valablement aucun de ses sujets des charges auxquelles ils sont tous astraints en vertu du domaine éminent ; car tout privilége renferme une exception tacite des cas de nécessité : & il paroît de la contradiction à vouloir être citoyen d’un état, & prétendre néanmoins avoir quelque droit dont on puisse faire usage au préjudice du bien public.

4°. Enfin, puisque le droit dont il s’agit ici est un droit malheureux & onéreux aux citoyens, on doit bien se garder de lui donner trop d’étendue ; mais il faut au contraire tempérer toûjours les priviléges de ce droit supérieur, par les regles de l’équité, & c’est d’après ces regles qu’on peut décider la plus grande partie des questions qui se sont élevées entre les politiques, au sujet du domaine éminent. Mais comme ces questions nous meneroient trop loin, & qu’elles sont d’une discussion trop délicate pour cet ouvrage, je renvoye le lecteur aux savans jurisconsultes qui les ont traités ; par exemple, à M. Buddœus dans son histoire du droit naturel ; à M. Bochmer, dans son droit public universel ; à Grotius & à Puffendorff. Hîc jura regum extremis digitis attigisse sat est. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Domaine, (Jurispr.) en latin dominium, signifie ordinairement propriété d’une chose. Il se prend aussi quelquefois pour un corps d’héritages, & singulierement pour une métairie & bien de campagne tenu en roture.

Le domaine en tant qu’on le prend pour la propriété d’une chose, est un droit qui dérive en partie du droit naturel, en partie du droit des gens, & en partie du droit civil, ces trois sortes de lois ayant établi chacune diverses manieres d’acquérir le domaine ou propriété d’une chose.

Ainsi, suivant le droit naturel, il y a certaines choses dont le domaine est commun à tous les hommes, comme l’air, l’eau de la mer, & ses rivages ; d’autres, qui sont seulement communes à une société particuliere ; d’autres, qui sont au premier occupant.

Les conquêtes & le butin que l’on fait sur les ennemis, les prisonniers de guerre, & la plûpart de nos contrats, tels que l’échange, la vente, le loüage, sont des manieres d’acquérir le domaine d’une chose, suivant le droit des gens.

Enfin il y a d’autres manieres d’acquérir introduites par le droit civil, telles que les baux à rente & emphitéotiques, la prescription, la commise, & confiscation, &c.

On distingue deux sortes de domaine ou propriété, savoir le domaine direct & le domaine utile.

Le domaine direct est de deux sortes ; l’une qui ne consiste qu’en une espece de propriété honorifique, telle que celle du seigneur haut justicier, ou du seigneur féodal & direct, sur les fonds dépendans de leur justice ou de leur seigneurie : l’autre espece de domaine direct est celle qui consiste en une simple propriété séparée de la joüissance du fond, & celle-ci est encore de deux sortes ; savoir celle du bailleur à rente ou à emphytéose, & celle du propriétaire qui n’a que la nue propriété d’un bien, tandis qu’un autre en a l’usufruit.

Le domaine utile est celui qui consiste principalement dans la joüissance du fonds, plûtôt que dans une certaine supériorité sur le fonds, & ce domaine utile est aussi de deux sortes, savoir celui de l’emphytéote ou preneur à rente, & celui de l’usufruitier.

Il y a différentes manieres d’acquérir le domaine d’une chose, qui sont expliquées aux instit. de rer. divis. & acq. earum dominio. Voyez les mots Acquisition & Propriété. (A)

Domaine ancien, est le domaine du roi, consistant en seigneuries, terres, bois, forêts, & autres héritages, & en droits domaniaux ; tels que les tailles, gabelles, doüannes, droits d’entrée & autres, qui sont aussi anciens que la monarchie, ou du moins qui de tems immémorial appartiennent à la couronne ; à la différence du domaine, qui consiste dans ce qui y est uni ou réuni nouvellement, soit par droit de conquête, soit par aubaine, confiscation, bâtardise & deshérence : ce qui forme d’abord un domaine casuel & nouveau, lequel par succession de tems devient ancien. (A)

Domaine casuel, est tout ce qui appartient au Roi par droit de conquête, ou par acquisition ; comme par succession, aubaine, confiscation, bâtardise, & deshérence.

Le domaine casuel est opposé au domaine fixe, qui est l’ancien domaine, lequel de sa nature est inaliénable & imprescriptible ; au lieu que le domaine casuel peut être aliéné par le roi, & par une suite de ce principe il peut être prescrit. La raison est que le domaine casuel, tant qu’il conserve cette qualité, n’est pas considéré comme étant véritablement annexé à la couronne : c’est pourquoi nos rois en peuvent disposer par donation, vente, ou autrement.

Mais le domaine casuel devient fixe après dix années de joüissance, ou bien quand il a été joint au domaine ancien ou fixe par quelque édit, déclaration, ou lettres patentes. (A)

Domaine congéable : on appelle ainsi en Bretagne un héritage dont le possesseur est obligé de se dessaisir à la volonté du seigneur, comme si on disoit que le seigneur en peut donner congé au possesseur.

Ces sortes de domaines sont sur-tout communs dans la basse Bretagne. Leur origine vient de ce que dans cette province il y avoit beaucoup de landes ou terres en friche & en bois, sans aucuns habitans, que les seigneurs concéderent à divers particuliers pour les défricher, à la charge d’une redevance annuelle, & à condition que le seigneur pourroit les congédier, c’est-à-dire reprendre ces héritages, en leur remboursant la valeur des impenses utiles qu’ils y auroient faites.

Ces concessions de domaines congéables ne sont pas translatives de propriété, comme les inféodations & baux à cens, attendu la faculté que le seigneur s’y reserve de déposséder le tenancier à sa volonté ; il ne le peut faire néanmoins qu’en lui remboursant la valeur des bâtimens, fossés, arbres fruitiers, & autres impenses utiles & nécessaires.

On doutoit autrefois si ces sortes de domaines, ou les rentes qui en tiennent lieu, étoient réputés nobles à cause que ces concessions sont d’une nature singuliere, qui ne ressemble point aux fiefs ; cependant l’article 541 de la coûtume de Bretagne, décide que ces biens se partagent noblement. Voyez Perchambaut sur cet article, & Belordeau, lett. D. art. 29. (A)

Domaine de la Couronne. Le domaine de la couronne, qu’on appelle aussi domaine du roi, ou par excellence simplement le domaine, est le patrimoine attaché à la couronne, & comprend toutes les parties dont il est composé.

Origine du domaine. Le domaine de la couronne a commencé à se former aussi anciennement que la monarchie, dès le moment de l’entrée des Francs dans les Gaules. Ces peuples qui habitoient au-delà du Rhin dans l’ancienne France, se rendirent d’abord les maîtres de quelques contrées en-deçà de ce fleuve qui les séparoit de ce qu’ils possédoient au-delà : les villes de Cambrai & de Tournai se soûmirent à eux, & cette derniere ville fut quelque tems la capitale de leur empire.

Le roi Clovis monté sur le throne, jetta des fondemens plus solides de la grandeur de cette couronne : à l’aide des troubles de l’empire, secondé de son courage & de la valeur de sa nation, & plus encore à la faveur du Christianisme qu’il embrassa, il devint maître d’abord des provinces qui étoient demeurées sous l’obéissance des Romains, ensuite des provinces confédérées qui s’en étoient soustraites, & chassa les Ostrogots. Clovis devenu ainsi le souverain des Gaules, entra aussi-tôt en possession des droits de ceux qui en étoient les maîtres avant lui, & de tout ce dont y joüissoient les Romains, qui consistoit en quatre sortes de revenus.

La premiere espece se tiroit des fonds de terre, dont la propriété appartenoit à l’état.

La seconde étoit l’imposition annuelle que chaque citoyen payoit à raison des terres qu’il possédoit, ou de ses autres facultés.

La troisieme, le produit des péages & des traites ou doüanes.

La quatrieme, les confiscations & les amendes.

Ces mêmes revenus qui ne furent point détachés de la souveraineté, formerent la dot de la couronne naissante de nos rois, comme ils avoient formé le patrimoine de la couronne impériale ; & telle fut l’origine de ce que nous appellons domaine de la couronne.

Ce domaine s’est augmenté dans la suite ; & les lois qui lui sont propres, se sont établies peu-à-peu.

Les objets les plus importans à considérer par rapport au domaine, sont la nature & les différentes especes de parties qui le composent, ses priviléges, la maniere dont il peut être conservé, augmenté ou diminué, les formes successives de son administration, & la jurisdiction.

Nature du domaine, & ses différentes especes. Pour bien connoître la nature du domaine, il faut d’abord distinguer tous les revenus du Roi en deux especes.

La premiere aussi ancienne que la monarchie, & connue sous le nom de finance ordinaire, comprend les revenus dépendans du droit de souveraineté, la seigneurie, & autres héritages dont la propriété appartient à la couronne, & les droits qui y sont attachés de toute ancienneté, tels que les confiscations, amendes, péages, & autres.

La seconde espece plus récente comprend sous le nom de finances extraordinaires, les aides, tailles, gabelles, décimes, & autres subsides, qui dans leur origine ne se levoient point ordinairement, mais seulement dans certaines occasions, & pour les besoins extraordinaires de l’état.

Les Romains avoient deux natures de fisc, alia reipublicæ, alia principis, le public & le privé. Ce dernier qui appartenoit personnellement à l’empereur, étoit tellement séparé de l’autre, qu’il y avoit deux procureurs différens chargés d’en prendre le soin.

On faisoit en France la même distinction sous les deux premieres races de nos rois. Le domaine public étoit composé de possessions attachées à leur couronne, des tributs ou impositions réelles qui se payoient alors en deniers, ou en fruits & denrées en nature, des péages sur les marchandises, des amendes dûes, soit par ceux qui n’alloient point à la guerre, ou par composition pour les crimes dont les accusés avoient alors la faculté de se racheter par argent. Le domaine privé étoit le patrimoine personnel du roi qui lui appartenoit lors de son avenement à la couronne, ou qui lui étoit échû depuis par succession, acquisition, ou autrement,

Cette distinction du domaine public & privé est aujourd’hui inconnue, comme l’observe Lebret en son traité de la souveraineté, liv. III. chap. j. mais on fait plusieurs divisions du domaine pour distinguer les différens objets dont il est composé, & leur nature.

Entre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, tels que la mer, les fleuves, & rivieres navigables, les grands chemins, les murs, remparts, fossés, & contrescarpes de villes ; les autres ne sont domaniaux, que parce qu’ils ont fait partie du domaine dès le commencement de la monarchie, ou qu’ils y ont été unis dans la suite.

De cette premiere division du domaine, il en naît une seconde bien naturelle : on distingue le domaine ancien & le domaine nouveau.

Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, par le partage que nos rois firent des terres nouvellement conquises entr’eux, & les principaux capitaines qui les avoient accompagnés dans leurs expéditions. Dans cette classe sont les villes & les provinces dont nos rois ont joüi dès l’établissement de la monarchie, les mouvances qui y sont attachées, & en général tout ce qu’ils possedent, sans qu’on voye le commencement de cette possession. Or comme toute réunion suppose une union précédente, il faut y ajoûter tout ce qui a été réuni à la couronne, sans qu’on voye l’origine de l’acquisition de nos rois, parce que cette ignorance du principe de leur possession fait supposer qu’elle a commencé au moment de leur conquête des Gaules.

Le domaine nouveau est composé des terres & biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien, soit par l’avenement du roi à la couronne, soit par les successions qui peuvent lui écheoir, soit par les acquisitions qu’il peut faire à titre onéreux ou lucratif.

Les biens qui composent le domaine, soit ancien ou nouveau, consistent ou en immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés, marquisats, fiefs, justices, maisons, ou endroits incorporels, comme le droit d’amortissement, ou autres semblables.

Les immeubles réels qui composent le domaine, donnent lieu à cette subdivision en grand & petit domaine.

Le grand domaine consiste en seigneuries ayant justice haute, moyenne & basse, telles que les duchés, principautés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies, châtellenies, prevôtés, vigueries, & autres, avec leurs mouvances, circonstances, & dépendances. Le petit domaine consiste en divers objets détachés, & qui ne font partie d’aucun corps de seigneuries. L’édit du mois d’Août 1708, met dans cette classe les moulins, fours, pressoirs, halles, maisons, boutiques, échopes, places à étaler, terres vaines & vagues, communes, landes, bruieres, patis, paluds, marais, étangs, boqueteaux séparés des forêts, bacqs, péages, travers, parages, ponts, droits de minage, mesurage, aunage, poids, les greffes, tabellionage, prés, îles, ilots, cremens, atterrissemens, accroissemens ; droits sur les rivieres navigables, leur fond, lit, bords, quais, & marche-piés, dans l’étendue de vingt-quatre piés d’icelles, les bras, courans, eaux mortes, & canaux, soit que lesdits bras & canaux soient navigables, ou non, les places qui ont servi aux fossés, remparts & fortifications, tant anciennes que nouvelles de toutes les villes du royaume, & espace étant au-dedans desdites villes, près les murs d’icelles, jusqu’à concurrence de neuf piés, soit que les villes appartiennent au roi ou à des seigneurs particuliers.

Les immeubles réels peuvent être en la main du roi, ou hors sa main, ce qui forme une seconde subdivision de domaine engagé ou non engagé : le domaine engagé est celui que le roi a engagé à titre d’engagement, soit par concession en apanage sous condition de reversion à la couronne, soit par vente sous faculté de rachat perpétuel expresse ou tacite.

Les droits incorporels faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature : les uns dépendent de la souveraineté, & sont domaniaux par leur essence, comme le droit de directe universelle, le droit d’amortissement, francs fiefs & nouveaux acquêts, d’aubaine, le droit de légitimer les bâtards par lettres patentes, & de leur succéder exclusivement hors les cas où les hauts justiciers y sont fondés ; les droits d’annoblissement, de grande voierie, de varech, sur certains effets, de joyeux avenement, de régale, de marc d’or, le droit appellé domaine, & barrage ; droits sur les mines, droits des postes & messageries, le droit de créer des offices, d’établir les foires & marchés, d’imposer & concéder les octrois de ville, d’accorder des lettres de regrat ; droits de contrôle des exploits & des actes des notaires, & sous signature privée, d’insinuation, de centieme denier & de petit scel.

Les autres droits incorporels ne sont point domaniaux par leur nature, & dépendent du droit de justice, comme les droits de deshérence, de confiscation, de gruerie, de grairie, de fisc & danger ; les offices dépendans des terres domaniales, & pour cet effet appellés domaniaux ou patrimoniaux ; les amendes, les droits de bannalité, de tabellionage, de poids-le-roi, de minage, le droit d’épave.

D’autres droits incorporels & domaniaux ne sont attachés, ni à la souveraineté, ni à la justice, tels que les redevances en argent ou en grain, ou autre espece de prestation ; les rentes foncieres sur des maisons situées dans des villes ou sur des héritages de la campagne, les droits d’échange dans les terres des seigneurs particuliers.

On divise encore le domaine en domaine muable, dont le produit peut augmenter suivant les circonstances, qui s’afferme comme greffe, sceaux, tabellionage : domaine immuable, dont le produit n’augmente ni ne diminue, comme les cens & rentes : domaine fixe, dont l’existence est certaine & connue, & ne dépend d’aucun évenement : domaine casuel, qui est attaché à des évenemens incertains, comme les droits de quint & requint, reliefs, rachats, lods & ventes, les successions des aubains & des bâtards, les amendes. Enfin on trouve dans les auteurs plusieurs autres especes de domaine, telles que le domaine forain consistant en certains droits domaniaux qui se levent sur des marchandises lors de leur entrée ou sortie du royaume ; le domaine en pariage, c’est-à-dire les seigneuries, & autres biens que le Roi possede en commun avec des seigneurs particuliers.

Priviléges du domaine. Les priviléges du fisc chez les Romains sont peu connus ; le titre du code de privilegio fisci, n’a rapport qu’à un seul, qui est celui de la préférence qu’il peut avoir sur les biens d’un débiteur qui lui est commun avec d’autres créanciers ; & on n’y explique même pas dans toute son étendue en quoi consiste cette préférence. Chopin, dans le titre xxjx. du III. liv. du domaine, pour suppléer au silence que ce titre du code garde sur les autres priviléges du fisc, a rassemblé ce qui se trouve sur ce sujet dispersé dans les autres titres du droit civil, & en a fait une longue énumération ; mais la plûpart des priviléges dont il fait mention, fondés sur les dispositions des lois romaines, sont inconnus parmi nous.

Dans notre droit on peut distinguer deux sortes de priviléges du domaine.

Les uns sont inhérens à sa nature, tel est celui de l’inaliénabilité, suite nécessaire de sa destination à l’usage du prince pour le bien public. Casa, Ragueau, & autres auteurs, ont observé que l’inaliénabilité du domaine est comme du droit des gens ; que la prohibition d’aliéner le domaine n’a été établie par aucune loi spéciale, mais qu’elle est née, pour ainsi dire, avec la monarchie, & que chaque roi avoit coûtume à son avenement de faire serment de l’observer. Ces principes ont été constans & consacrés irrévocablement dans l’ordonnance générale du domaine du mois de Février 1566.

Les autres priviléges du domaine sont établis sur les dispositions des ordonnances.

Ces priviléges peuvent avoir rapport, soit à la conservation du domaine, soit aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, soit à la nature des actions qu’il peut intenter, ou dont il est exempt.

Les priviléges qui ont rapport à la conservation du domaine, consistent dans son affranchissement de la condition commune des autres héritages, suivant laquelle ils sont susceptibles de toute sorte de convention, donation, vente, échange, & autres dispositions, & sujets aux droits rigoureux de la prescription ; au lieu que le domaine hors du commerce des hommes, ne peut être aliéné ni prescrit.

Les priviléges du domaine qui ont rapport aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, consistent en ce que la connoissance des causes qui intéressent le domaine, ne peut appartenir aux juges des seigneurs, ni même à tous officiers royaux, mais seulement à ceux à qui cette attribution a été spécialement faite, soit en premiere instance, soit par appel, ainsi qu’il sera dit plus au long en parlant de la jurisdiction du domaine : de-là la maxime attestée par tous les auteurs, que, quoique le domaine soit enclavé dans la justice d’un seigneur, il ne peut être soûmis à sa justice, & qu’une terre qui y étoit soûmise auparavant, cesse de l’être, lorsqu’elle est acquise par le roi, comme le décide Loiseau des seigneuries, chap. xij. n. 21 & 22. & Chopin, liv. du domaine, tit. 12. n. 3.

Les priviléges du domaine qui ont rapport à la nature des actions que le Roi peut intenter, sont la préférence sur les biens des fermiers de ses domaines, fixée par un édit du mois d’Août 1669 à trois différens objets, sur les meubles & deniers comptans, les immeubles & les offices : la contrainte par corps qui peut être exercée pour le payement des revenus du domaine, aux termes de l’art. 5. du titre 34. de l’ordonnance de 1667 : le droit de plaider main garnie, & d’obliger à la représentation de titres : le droit de se pourvoir même contre des arrêts contradictoires, ou par la voie des lettres de rescision, contre des actes passés, soit au nom du roi, soit au nom de celui qui l’a précédé, à quelque titre que ce puisse être : l’affranchissement de toutes dispositions des coûtumes, ou sa condition fixée par des lois générales & par les ordonnances du royaume.

Enfin les priviléges du domaine qui ont rapport à la nature des actions dont il est exempt, sont de ne pouvoir être sujet à aucune action de complainte ; (car cette action qui suppose une voie de fait, une violence, & par conséquent une injustice, ne peut être intentée contre le Roi, qui est la source & le distributeur de toute justice, sans blesser la révérence dûe à la majesté du prince) : de ne pouvoir également être sujet à l’action du retrait lignager : la raison en est que lorsque le roi acquiert un héritage, on doit présumer qu’il a en vûe le bien & l’utilité de l’état, qui doit l’emporter sur l’objet qu’ont eu les coûtumes de conserver les héritages dans les familles.

Aux exemples des actions qui ne peuvent être intentées contre le domaine, il faut ajoûter ceux des exceptions qui ne peuvent lui être opposées, telles que la péremption d’instance, la compensation, la cession de biens, les lettres de répi, les lettres d’état, les lettres de bénéfice d’inventaire.

On terminera ce détail des priviléges du domaine, en ajoûtant que les causes qui le concernent, ne peuvent être évoquées, même dans le cas où le procureur du roi n’est pas seule partie, mais seulement intervenant dans un instance qu’un autre auroit commencée, suivant la décision de Chopin, liv. II. du domaine, tit. xv. n. 13.

Il est aussi nécessaire d’observer que plusieurs de ces priviléges, tels que l’inaliénabilité & l’imprescriptibilité, n’ont lieu que pour le domaine ancien ou fixe, & ne conviennent point au domaine casuel, c’est-à-dire aux biens qui échoient au roi par droit d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscation, épave, & autres semblables revenus casuels, dont il est libre au roi de disposer comme il le juge à-propos, aussi long-tems qu’ils n’ont point acquis la qualité de domaine fixe.

La nature du domaine établie, les différentes especes des parties dont il est composé étant distinguées, ses priviléges étant connus, il n’est pas moins utile de savoir comment il peut être conservé, augmenté, ou diminué.

Conservation du domaine. Pour assûrer la conservation du domaine, outre les priviléges ci-dessus détaillés, on a en divers tems pris plusieurs précautions.

Il a été ordonné par un arrêt du conseil, du 19 Septembre 1684, que les fermiers, sous-fermiers, engagistes, ou autres possesseurs du domaine, remettroient leurs baux & sous-baux, avec les registres, & des états en détail des domaines, au greffe du bureau des finances de chaque généralité où les biens sont situés.

Une disposition d’un édit du mois d’Avril 1685, porte, article 6, que les receveurs généraux du domaine feront mention dans les états au vrai & comptes qu’ils rendront, de la consistance en détail, & par le menu, de tous les droits dépendans des domaines dans leurs généralités & départemens, tant de ceux qui sont entre les mains du roi, que de ceux qui sont aliénés ; & par l’article 7, il est dit que les fermiers & engagistes des domaines seront tenus à la Ire sommation de fournir aux receveurs généraux, des états en détail par eux dûment signés & certifiés, des domaines & droits domaniaux dont ils joüissent : même les engagistes & détempteurs des domaines, de donner une fois seulement à chaque mutation des copies en bonne forme de leurs titres & contrats, & des édits & déclarations, en vertu desquels les aliénations leur auront été faites ; & de dix ans en dix ans, de pareils états, à cause des mutations qui y arrivent de tems en tems, signés & certifiés par eux ; lesquels états, les receveurs généraux vérifieront sur les papiers-terriers qui auront été faits dans l’étendue de leurs généralités, & desquels ils prendront communication aux chambres des comptes & aux bureaux des finances, pour sur iceux & sur lesdits états dresser leurs comptes. Deux édits postérieurs du mois de Décembre 1701, art. 16, & de Décembre 1727, art. 8, renouvellent la même remise des états en détail des domaines, que le dernier prescrit de rapporter tous les cinq ans.

Dans cette même vûe de la conservation du domaine, on a prescrit par rapport aux fiefs, que les actes de foi & hommage, & les aveux & dénombremens, seroient renouvellés non-seulement à chaque mutation de vassal, mais encore à l’avenement de chaque roi à la couronne, suivant l’arrêt du conseil du 20 Février 1722, & que tous les actes seroient déposés à la chambre des comptes de Paris. Par rapport aux rotures, on a ordonné de renouveller les terriers, & d’exiger de nouvelles déclarations des détempteurs : les arrêts les plus modernes, à l’égard de la ville & prevôté de Paris, sont du 28 Décembre 1666, & du 14 Décembre 1700.

A ces précautions prises pour la conservation du domaine, il faut ajoûter celle de la création qui a été faite en différens tems, d’officiers chargés spécialement d’y veiller ; tels que les receveurs & les contrôleurs généraux des domaines & bois créés par les édits des mois d’Avril 1685, & Décembre 1689.

Enfin par l’article 5 de l’édit du mois de Décembre 1701, on a ordonné l’ensaisinement de tous les contrats & titres translatifs de propriété des héritages étant dans la directe du roi ; & cette nécessité a été étendue même aux provinces où l’ensaisinement n’a point lieu par les dispositions des coûtumes, & dans les cas de changement de possession sans aucun acte passé, comme lors d’une succession. On a assujetti les héritiers ou autres, à faire leurs déclarations de ce changement, & à les faire enregistrer & contrôler, aux termes des arrêts du 7 Août 1703 & 22 Décembre 1706, dont les dispositions ont été confirmées depuis par un édit du mois de Décembre 1727, qui a assujetti les héritiers même en directe à la nécessité de ces déclarations.

Par rapport aux domaines qui ne sont pas dans la main du roi, on a pourvû à leur conservation en particulier, non-seulement par les offices dépendans des terres domaniales, cédées en apanage ou par engagement, mais encore par la création faite en différens tems d’offices de conservateurs des domaines aliénés ; au lieu desquels, par édit du mois de Juillet 1708, on a créé dans chaque généralité un office d’inspecteur-conservateur général des domaines, avec injonction de faire des états de tous les domaines étant en la main du roi, & de tenir des registres des domaines aliénés. Ces derniers offices ayant été encore supprimés, le Roi commit en 1717 deux personnes éclairées, pour poursuivre & défendre au conseil toutes les affaires de la couronne, sous le titre d’inspecteurs-généraux du domaine ; & depuis ce tems, cette fonction a continué d’être en commission. Enfin par plusieurs arrêts, & notamment par celui du 6 Juin 1722, les thrésoriers de France ont été spécialement chargés de faire procéder aux réparations des domaines engagés, par saisie du revenu des engagistes.

Le domaine peut être augmenté en deux manieres : par la réunion d’anciennes parties, & par l’union de nouvelles parties. La différence entre ces deux moyens est d’autant plus sensible, que la réunion n’est pas tant une augmentation que le retour d’une partie démembrée à son principe ; au lieu que l’union produit une augmentation véritable. Cette réunion s’opere de plein droit, la partie qui se réunit rentrant dans sa situation naturelle, qui est de n’avoir qu’un seul être avec le corps dont elle avoit été détachée pour un tems : le retour des fiefs démembrés du domaine concédé, ou pour un tems, ou pour un certain nombre de générations, fournit un exemple de cette réunion, qui n’est en quelque maniere que la consolidation de l’usufruit à la propriété.

Il n’en est pas de même de l’union qui produit une augmentation véritable, & qui se peut faire expressément ou tacitement en plusieurs manieres différentes.

L’union expresse s’opere par lettres patentes, qui l’ordonnent dans les cas où le souverain la juge nécessaire. Telle est l’union de terre érigée en duché, marquisat, ou comté, qui se réunissent au domaine par la mort du possesseur sans hoirs mâles, suivant l’édit du mois de Juillet 1566. Telles sont aussi les terres qui n’ont point encore été unies au domaine, échûes à nos rois à quelque titre que ce puisse être, inféodées pour un tems au profit d’un certain nombre de générations, à la charge de retour après l’expiration du terme. Cette nécessité de retour imposée lors de la concession, opere l’union la plus expresse, le cas arrivant, puisque ce retour ne peut avoir été stipulé qu’au profit du domaine.

L’union tacite se peut faire, ou de plein droit, comme par la voie de la conquête, ou par l’effet de la confusion des revenus d’une terre avec ceux du domaine pendant l’espace de dix ans, aux termes de l’ordonnance générale du domaine de 1566.

Le domaine peut encore s’augmenter par la voie du retrait féodal, de la commise, de la confiscation, par l’avenement du Roi à la couronne qui produit une union de droit, aux termes de l’édit du mois de Juillet, dont les termes sont remarquables. Henri IV. y déclare, la seigneurie mouvante de la couronne tellement réunie au domaine d’icelle, que dès-lors dudit avenement elles sont advenues de même nature que son ancien domaine, les droits néanmoins des créanciers demeurant en leur état. Enfin toutes les terres & biens fonds qui écheroient au Roi à titre de succession, ou qu’il acquiert à titre onéreux ou lucratif, sont de nature à procurer l’augmentation du domaine.

Aliénation du domaine. Si l’on considere le privilége de l’inaliénabilité du domaine, il ne paroît point pouvoir être susceptible de diminution : mais quelque étroite que soit la regle qui défend l’aliénation du domaine, elle reçoit cependant quelque exception que l’ordonnance même a autorisée.

La premiere est en faveur des puînés, fils de France : la nécessité de leur fournir un revenu suffisant pour soûtenir l’éclat de leur naissance, qui est une charge de l’état, est le fondement de cette exception. Le fonds que l’on y employe, qui est un démembrement du domaine, est appellé apanage, & est essentiellement chargé de la condition de réversion à défaut de mâles. Il faut cependant convenir que cet usage qui s’observe aujourd’hui, n’a pas toûjours été suivi. Sous la premiere race de nos rois, chacun de leurs enfans mâles recueilloit une portion du royaume, entierement indépendante de celle de ses freres. Les partages du royaume entre les quatre fils de Clovis, & ensuite entre ses quatre petits-fils, tous enfans de Clotaire roi de Soissons, qui avoit réuni les parts de ses trois freres, en fournissent la preuve. On en trouve plusieurs exemples semblables sous la seconde race, dans le partage du royaume entre les deux fils de Pepin le Bref, entre les trois fils de Charlemagne, & entre les quatre fils de Louis le Débonnaire. Mais sous la troisieme race les puînés furent exclus du partage du royaume, & on leur assigna seulement des domaines pour leurs portions héréditaires ; d’abord en propriété absolue, comme le duché de Bourgogne donné par le roi Robert en apanage à Robert son second fils, qui fut la tige de la premiere branche de Bourgogne, qui dura 330 ans : ensuite sous la condition de reversion à la couronne à défaut d’hoirs, comme le comté de Clermont en Beauvoisis, accordé par le roi Louis VIII. à Philippe de France son frere, en l’année 1223 ; & enfin sous la condition de reversion à défaut d’hoirs mâles, à l’exclusion des filles, comme le comté de Poitou donné par Philippe le Bel en apanage à Philippe son frere, par son testament de 1311, sous la condition expresse de reversion à défaut d’hoirs mâles, suivant son codicile de 1314 : ce qui a été depuis reconnu en France comme une loi de l’état.

A l’égard des filles de France, Charles V. ordonna en 1374, qu’elles n’auroient point d’apanage, mais qu’elles seroient dotées en argent ; ce qui s’est ainsi pratiqué depuis : ou si on leur a donné quelquefois des terres en dot, ce n’a été qu’à titre d’engagement, & sous la faculté perpétuelle de rachat.

Une seconde exception à l’inaliénabilité du domaine a été produite par la nécessité de pourvoir aux charges accidentelles de l’état, telles que les frais de la guerre. L’ordonnance de 1566, qui a renouvellé cette regle, admet en effet l’exception de la nécessité de la guerre sous trois conditions : la premiere, que l’aliénation se fasse en deniers comptans, pour assûrer la réalité du secours : la seconde, qu’elle soit fondée sur des lettres patentes registrées, pour empêcher qu’on ne puisse trop aisément employer cette ressource extraordinaire : la troisieme, que l’aliénation soit faite sous la faculté de rachat perpétuel, pour assûrer au roi le droit de rentrer dans un bien que la nécessité de l’état l’a forcé d’aliéner. On peut consulter Chopin, liv. II. du domaine, titre 14. où cette matiere est traitée amplement.

Le premier engagement du domaine fut fait par François I. par lettres patentes du 1er Mai 1519, selon la remarque de Chopin ; & Mezerai en son abrégé sur l’an 1522, fixe aussi la même époque aux engagemens. Ces aliénations se faisoient d’abord par actes devant notaires : cette forme s’observoit encore sous le regne d’Henri IV ; mais ce prince donna une autre forme aux aliénations du domaine, en nommant des commissaires pour en faire des adjudications au plus offrant, & cette forme est celle qui a depuis été suivie dans ces sortes d’actes.

Les aliénations faites en vertu des édits de Mars 1619, Décembre 1652, & autres édits postérieurs, durerent jusqu’en 1662, recommencerent en 1674 jusqu’en 1681. De nouveaux édits qui ordonnerent l’aliénation du domaine, des mois de Mars & Avril 1695, étendirent l’objet des précédens, en ordonnant le rachat des rentes dûes au domaine, l’aliénation des droits d’échange, la confirmation des précédens engagemens, l’aliénation des places qui avoient servi aux fossés & remparts des villes. Deux édits des mois d’Avril 1702, & Août 1708, ordonnerent de nouveau l’aliénation du domaine.

Un autre édit postérieur du mois d’Août 1717, & une déclaration du 5 Mars 1718, en ont autorisé une nouvelle, tant en engagement qu’à vie. Enfin, par un arrêt du conseil du 13 Mai 1724, il a été ordonné que les offres & encheres pour la revente des domaines engagés, ne se feroient à l’avenir qu’en rentes payables au domaine, & à la charge de rembourser les précédens engagistes.

Une troisieme maniere dont le domaine peut être diminué, est l’aliénation par échange : car quoique le contrat d’échange ne soit pas une aliénation véritable, puisqu’au lieu du bien que l’on y abandonne, on en reçoit un autre de pareille valeur, cependant comme il peut arriver que le terme d’échange ne soit qu’un déguisement qui couvre une aliénation véritable, les ordonnances ont mis cette espece de contrat au rang des aliénations du domaine qu’elles prohibent. On en trouve des exemples dans celles du 29 Juillet 1318, & 5 Avril 1321. Cependant l’égalité qui doit régner dans l’échange fait dire à Chopin, liv. III. du domaine, tit. 16. n°. 1. que l’ordonnance de 1566 n’a pas entierement reprouvé les échanges du domaine, dont il rapporte plusieurs exemples. Mais pour la validité de ces sortes d’échanges, il faut qu’il y ait nécessité ou utilité évidente pour le domaine ; que les formalités nécessaires pour les aliénations y soient observées ; qu’il y ait dans l’échange une égalité parfaite, de maniere que le domaine du roi n’en soit point diminué ; enfin que les lettres patentes qui autorisent cet échange, soient dûement registrées : alors les biens cédés au roi en contre-échange, prennent la place des biens domaniaux, & deviennent de même nature.

Une derniere maniere d’aliéner le domaine provenoit autrefois des dons de la libéralité de nos rois. Pour la validité de ces dons, il étoit nécessaire qu’il en fût expédié un brevet en forme, & qu’il fût enregistré en la chambre du thrésor : mais les dons étant de véritables aliénations, sont sujets à être révoqués, même lorsqu’ils sont faits pour récompense de service ; ce qui s’est ainsi pratiqué de tout tems. En effet, on voit dans les formules de Marculfe que dès le tems de la premiere race, ceux qui avoient eu du roi des fonds en don, faisoient confirmer ces libéralités par les rois ses successeurs. On pratiquoit aussi la même chose du tems de la seconde race ; de sorte que le prince étoit censé faire une seconde libéralité, lorsqu’au lieu de révoquer le don fait par ses prédécesseurs, il vouloit bien le confirmer. On a tellement reconnu l’abus qui pouvoit résulter de ces sortes d’aliénations, que depuis plusieurs années nos rois en affermant sans reserve toutes les parties de leur domaine, soit fixes, soit casuelles, se sont privés de la liberté d’en pouvoir faire à l’avenir aucun don.

Administration du domaine. Pour ce qui est de l’administration du domaine, on n’entrera point ici dans le détail de tout ce qui peut y avoir quelque rapport ; il suffira d’observer que de tems immémorial, les biens du domaine ont toûjours été donnés à ferme au plus offrant & dernier enchérisseur, même les émolumens des sceaux & ceux des écritures, c’est-à-dire des greffes & de tabellionage. On affermoit aussi le produit des prevôtés & bailliages : les anciennes ordonnances disent, que ces sortes de biens seront vendus par cris & subhastation, ce qui ne doit pas néanmoins s’entendre d’une vente proprement dite, mais d’un bail à ferme.

Suivant une ordonnance de Philippe le Long, du 27 Mai 1320, chaque receveur devoit faire procéder aux baux des domaines de sa baillie ou recette : les baux de justice & droits en dépendans, ne devoient être faits que pour un an & séparément de ceux des châteaux, que le receveur pouvoit affermer pour une ou plusieurs années, selon ce qui paroissoit le plus avantageux au roi. Postérieurement l’usage établi par les déclarations du roi & les arrêts, a été que les thrésoriers de France ne peuvent faire les baux du domaine pour plus de neuf années ; autrement ces baux seroient considérés comme une aliénation qui ne peut être faite sans nécessité & sans être autorisée par des lettres patentes dûment registrées. Depuis plusieurs années, on ne voit plus de baux particuliers du domaine, & tous les domaines du roi sont compris dans un seul & même bail, qui fait partie du bail général des fermes.

On a établi dans chaque généralité des receveurs généraux des domaines & bois, auxquels les fermiers & receveurs particuliers sont obligés de porter le produit de leurs baux & de leurs recettes. Les receveurs généraux ont chacun des contrôleurs qui tiennent un double registre de tous les payemens faits aux receveurs. Les fermiers & receveurs du domaine sont obligés d’acquitter les charges assignées sur leur recette : leurs recettes & dépenses sont fixées par des états du roi, arrêtés tous les ans au conseil sur les états de la valeur & des charges du domaine, qui doivent être dressés & envoyés par les thrésoriers de France. Ces états du roi sont adressés aux bureaux des finances de chaque généralité par des lettres patentes de commission, pour tenir la main à leur exécution. L’année de l’exercice expirée, les receveurs généraux sont tenus de compter par état, au vrai, de leur recette & dépense, d’abord au bureau des finances dans le ressort duquel est leur administration ; ensuite au conseil, & enfin de présenter leurs comptes en la chambre des comptes, en y joignant les états du roi & les états au vrai arrêtés & signés.

Il se trouve à la chambre des comptes plusieurs anciennes ordonnances, qui portent, qu’entre les charges du domaine, on doit d’abord payer les plus anciens fiefs & aumônes, les gages d’officiers, les réparations, & que ces sortes de charges doivent passer avant les dons & autres assignations.

Les possesseurs des biens domaniaux sont aussi tenus d’en payer les charges accoûtumées, quoique le contrat d’engagement n’en fasse pas mention : c’est la disposition des anciennes ordonnances, rappellée dans une déclaration du 12 Octobre 1602, ensorte néanmoins que les acquéreurs puissent retirer le denier vingt du prix de leur acquisition, & ne soient point chargés au-delà.

Jurisdiction du domaine. La forme de l’administration du domaine ne pourroit long-tems subsister, si elle n’étoit soûtenue par les lois établies pour sa conservation, & par les juges spécialement chargés d’y veiller, ce qui forme la jurisdiction du domaine.

On a exposé plusieurs des lois du domaine dans le détail des priviléges qui le concernent, & ce n’est point ici le lieu d’en faire une plus longue énumeration : mais on ne peut se dispenser de donner une idée des juges auxquels cette jurisdiction a été confiée.

On a mis au rang des priviléges les plus essentiels du domaine, le droit de ne pouvoir être soûmis à la justice des seigneurs particuliers, de n’être confié qu’aux juges royaux, & même d’avoir ses causes attribuées à certains juges royaux à l’exclusion de tous autres, soit en premiere instance, soit par appel.

Les thrésoriers de France connoissoient d’abord seuls des affaires domaniales dans toute l’étendue du royaume : mais le domaine s’étant augmenté par les différens duchés & autres seigneuries qui furent unies à la couronne, les thrésoriers de France souvent occupés près de la personne du roi, & ne pouvant toûjours vaquer par eux-mêmes à l’expédition des affaires contentieuses, en commettoient le soin à des personnes versées au fait de judicature, qui faisoient la fonction de conseillers, sans néanmoins en prendre le titre. On en voit dès 1356, d’abord au nombre de quatre, ensuite de six : le premier de ces juges commis par les thrésoriers de France étoit ordinairement un évêque ou autre grand seigneur. En 1380 l’évêque de Langres présidoit en qualité de conseiller super facto domanii regis : les jugemens & commissions émanés de ce juge étoient intitulés, les conseillers & thrésoriers au thrésor, comme on le voit par un ancien livre des causes par eux expédiées en 1379, & par le compte des changeurs du thrésor.

Comme il étoit peu convenable que la connoissance du domaine de la couronne fût confiée à des personnes privées & sans caractere, le roi, en 1388, donna deux adjoints aux thrésoriers de France, qui étoient alors au nombre de trois, & ordonna que deux d’entr’eux vaqueroient au fait de la distribution & gouvernement des deniers, & les trois autres à l’expédition des causes du domaine ; ensorte que l’on distingua depuis ce tems le thrésorier de France sur le fait des finances ou de la direction, & le thrésorier de France sur le fait de la justice.

Il y eut plusieurs changemens dans leur nombre jusqu’en 1412, qui sont peu importans à connoître. En cette année, sur les remontrances des états du royaume, il fut établi par le roi un clerc conseiller du thrésor, pour juger avec les thrésoriers de France les affaires contentieuses du domaine. Depuis ce tems les thrésoriers de France observerent entr’eux exactement de tenir deux séances différentes, l’une pour les affaires de finance ou de direction, que l’on ne traitoit plus qu’en la chambre de la finance, appellée depuis le bureau des finances ; l’autre pour les affaires contentieuses, qui se tenoit en une chambre appellée chambre de la justice, depuis chambre du thrésor.

Les registres les plus anciens de ces chambres font mention des officiers des deux chambres, & des dépenses faites pour les menues nécessités de l’une & de l’autre : on y trouve que le 3 Février 1413, un procureur s’étant présenté en la chambre des finances, pour demander aux thrésoriers de France la main-levée de biens qu’ils avoient fait saisir sur un particulier, les thrésoriers de France répondirent qu’ils iroient incessamment tenir l’audience en la chambre de la justice, & qu’ils y feroient droit sur sa requête.

Le 25 Mars de la même année le roi créa un second conseiller du thrésor, reçu le 17 Avril suivant. Ses provisions portent qu’il est créé pour tenir l’auditoire & siége judiciaire au thrésor. Dans le procès-verbal de réception d’un autre conseiller, le 23 Avril 1417, il est dit qu’il fut installé au bureau de la justice & auditoire du thrésor, pour tenir & exercer le fait de la justice pour & au nom des thrésoriers de France.

En l’année 1446 le roi créa un troisieme office de conseiller du thrésor. Un quatrieme office fut créé le 4 Août 1463 ; & un cinquieme office le fut de même le 26 Septembre 1477. Enfin, par une déclaration du 13 Août 1496, le nombre des conseillers du thrésor fut fixé aux cinq qui étoient alors subsistans, & c’est à cette époque que l’on doit considérer l’établissement stable & permanent de la chambre du thrésor, depuis appellée chambre du domaine. Le nombre des officiers de cette chambre fut dans la suite porté à dix, par la création de trois nouveaux offices de conseillers du thrésor, par un édit du mois de Février 1543, & par celle postérieure d’un lieutenant général & d’un lieutenant particulier.

Pour connoître l’étendue de la jurisdiction de la chambre du thrésor, il faut considérer ses époques différentes depuis la déclaration du 13 Août 1496, que l’on peut regarder comme son premier âge. Par cette déclaration, la chambre du thrésor avoit le droit de connoître des affaires domaniales de tout le royaume. Tel étoit son territoire ; elle étoit l’unique tribunal où l’on pût porter ces sortes de contestations : mais comme les thrésoriers de France avoient exercé la jurisdiction du thrésor, & que cette jurisdiction étoit un démembrement de la leur, ils conserverent la prérogative de venir prendre place dans cette chambre, & d’y présider.

Le roi François I. parut donner atteinte à l’étendue de la jurisdiction de la chambre du thrésor par l’édit de Crémieu, de l’année 1536, qui est le commencement du second âge de cette chambre : cet édit renferme deux clauses qu’il est nécessaire d’observer : la premiere, l’attribution aux baillis & sénéchaux des causes du domaine : la seconde, la prévention qu’on y réserve dans son entier à la chambre du thrésor ; ainsi par cet édit la chambre du thrésor partage ses fonctions, & a des concurrens, mais conserve son territoire en entier : on ne borne point son étendue, & si on ne lui laisse point cette prévention & cette concurrence, elle est dépouillée entierement, on ne lui laisse aucune jurisdiction, ce qui est contraire aux termes de l’édit, qui l’a reservé en son entier. Par rapport aux thrésoriers de France, on n’en fait nulle mention dans cet édit : ils demeurent dans leur ancien état ; ils conservent leur séance d’honneur dans la jurisdiction du thrésor.

Le concours donné aux baillis & sénéchaux par l’édit de 1536, fut modéré par un édit du mois de Février 1543, qui est le commencement du troisieme âge de la chambre du thrésor. Cet édit rendit à cette chambre une partie de sa jurisdiction, en lui attribuant la privative dans l’étendue de dix bailliages, & lui conservant la prévention dans le reste du royaume.

Tel étoit l’état auquel les thrésoriers de France établis en corps de bureaux sous le titre de bureaux des finances, par un édit du mois de Juillet 1577, ont trouvé la chambre du thrésor lors de cet établissement. Il n’y eut aucun changement à cet égard jusqu’en l’année 1627. Par un édit donné au mois d’Avril de cette année, le roi Louis XIII. ôte aux baillis & sénéchaux la jurisdiction du domaine, qui leur avoit été attribuée par l’édit de 1536, pour la donner aux thrésoriers de France, chacun dans l’étendue de leurs généralités, avec faculté de juger jusqu’à 250 livres en principal, & jusqu’à 10 livres de rente en dernier ressort, & le double de ces sommes par provision. Cet édit laisse la chambre du thrésor dans le même état où elle se trouvoit, ne lui ôte rien expressément, & la maintient au contraire en termes formels ; il substitue seulement les bureaux des finances aux bailliages, & conserve à la chambre du thrésor la privative dans l’étendue de dix bailliages, la concurrence & la prévention dans tout le royaume, aux termes des édits de 1536 & 1543.

La chambre du thrésor n’a souffert aucun changement jusqu’en l’année 1698, qui a formé ce qu’on peut appeller son quatrieme & dernier âge. Le roi Louis XIV. par un édit donné au mois de Mars 1693, a fixé la jurisdiction du domaine en l’état où elle se trouve encore aujourd’hui. Cet édit contient deux dispositions différentes. L’édit de 1627 n’avoit pas été précisément exécuté dans la généralité de Paris, dans laquelle les baillis & sénéchaux s’étoient maintenus en possession, contre l’intention du roi, de connoître des contestations domaniales dans les bailliages qui n’étoient pas du ressort privatif de la chambre du thrésor. Cet édit ne pouvoit y être exécuté sans que cette compétence se trouvât partagée entre deux jurisdictions, ce qui pouvoit produire de fréquens abus. Le roi, pour faire cesser les fréquens inconvéniens qui en pouvoient naître, dépouille les baillis & sénéchaux dans l’étendue de la généralité de Paris, de la possession dans laquelle ils s’étoient maintenus, & réunit en un même corps le bureau des finances & la chambre du thrésor, à laquelle on substitua le nom de chambre du domaine. Voulons que la jurisdiction du thrésor demeure unie au corps des thrésoriers de France ; c’est la premiere disposition de l’édit : Avons attribué à nos thrésoriers de France de Paris toute cour & jurisdiction, pour juger les affaires concernant notre domaine, dans l’étendue de notre généralité de Paris : c’est la seconde disposition de l’édit.

Par rapport aux matieres qui forment la compétence de la chambre du domaine, ce sont tous les biens & droits royaux & domaniaux, tels que les seigneuries domaniales & autres héritages dépendans du domaine, les bois de haute-futaie qui sont extans sur ces héritages, les droits de gruerie, tiers & danger, tout ce qui concerne les annoblissemens, amortissemens, francs-fiefs & nouveaux acquêts, les droits d’aubaine, bâtardise, deshérence, biens vacans, épaves, confiscations, amendes, droits de confirmations, dixmes inféodées, greffes, droits féodaux, tels que la foi & hommage, aveux & dénombremens, censives, lods & ventes, champarts, & autres droits de justice, de voiries, de tabellionage, de bannalité, de foires & marchés, de poids & mesures, péages, barrages, travers, & autres, & généralement tout ce qui a rapport au domaine engagé ou non engagé, à l’exception des apanages, & toutes les contestations qui les concernent, soit que le roi soit partie, soit que ce soit entre particuliers.

Le roi adresse à la chambre du domaine toutes les commissions qu’il délivre pour la confection du papier terrier dans la généralité de Paris, pour la recherche des droits domaniaux recelés ou usurpés, pour malversation des officiers du domaine ou de leurs commis.

Les seigneurs possedans des terres & seigneuries mouvantes immédiatement du roi, après avoir fait la foi & hommage au lieu où elle est dûe, & fait recevoir leur aveu & dénombrement à la chambre des comptes, sont astraints à donner à la chambre du domaine, une déclaration sommaire qu’ils sont détempteurs de telle seigneurie ; faire mention de quels cens, rentes, & autres droits & devoirs seigneuriaux & féodaux elles sont chargées ; fournir des copies collationnées des actes de foi & hommage, aveux & dénombremens, & représenter les quittances des droits seigneuriaux qu’ils ont dû payer.

Les acquéreurs, propriétaires, & possesseurs de biens en roture, situés dans la censive du roi, sont également astraints à fournir de semblables déclarations à la chambre du domaine.

Ceux qui ne satisfont pas à cette formalité, y sont contraints à la requête du procureur du roi de la chambre du domaine ; poursuite & diligence des fermiers, suivant l’ordonnance de Henri III, du 7, Septembre 1582.

Les lettres de naturalité & légitimation doivent être enregistrées au greffe de cette chambre, à peine de nullité ; & jusqu’à ce qu’on y ait satisfait, il est défendu aux impétrans de s’en servir, & à tout juge d’y avoir égard, aux termes de la déclaration du 17 Septembre 1582. On y fait aussi l’enregistrement de tous les brevets de don accordés par le roi, de droits d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, droits seigneuriaux, & autre casuel, dépendans du domaine, & des lettres patentes expédiées sur ces brevets.

Le procureur du roi de la chambre du domaine fait procéder à sa requête par voie de saisie sur les biens & effets qui échoient au roi par droit d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, & autres semblables : on procede ensuite en ladite chambre aux baux & adjudications des immeubles provenans des successions adjugées au roi pour raison de ces droits.

Le procureur du roi fait aussi saisir féodalement les fiefs mouvans du roi, faute par les vassaux d’avoir fait la foi, & d’avoir fourni leur aveu & dénombrement dans le tems prescrit par la coûtume.

L’appel des jugemens de la chambre du thrésor, a toûjours ressorti nuement au parlement de Paris : il fut établi en 1570 une nouvelle chambre au parlement, qu’on appella la chambre du domaine, pour juger les appellations de la chambre du thrésor ; elle fut composée de deux conseillers de la grand’chambre, & de quatre des conseillers du thrésor : mais depuis, cette chambre a formé la quatrieme des enquêtes, & les appellations de la chambre du thrésor, présentement chambre du domaine, ont ressorti à la grand’chambre du parlement.

On pourroit entrer dans un plus long détail de tous les objets différens qui composent la jurisdiction de la chambre du domaine ; mais la réunion de cette jurisdiction aux autres matieres, dont la connoissance appartient aux thrésoriers de France de Paris, oblige de renvoyer cette partie à l’article Thrésoriers de France, où l’on réunira sous un même point de vûe tout ce qui a rapport à leurs fonctions, soit comme thrésoriers de France pour la direction du domaine, soit comme thrésoriers de France pour la jurisdiction du domaine, soit comme ayant réuni les fonctions de la chambre du thrésor, soit comme généraux des finances, soit comme grands-voyers en la généralité de Paris. On se contentera d’observer, que pour connoître l’origine & la compétence de la chambre du thrésor ou domaine, & de ses officiers, on peut consulter le recueil des ordonnances de la troisieme race ; Chopin, du domaine, liv. II. tit. 15. Fontanon, tom. II. pag. 247. Rebuffe, liv. II. tit. 2. ch. ij. Joli, des offices de France, tom. I. pag. 5. Miraulmont, traité de la chambre du thrésor & des thrésoriers de France ; Pasquier, recherches de la France, liv. II. ch. viij. Filleau, part. II. tit. X. ch. ij. & suiv. Henrys, tom. I. liv. II. ch. jv. quest. 14. Bacquet, traité de la chambre du thrésor, & au mot Thrésoriers de France.

Domaine direct, signifie quelquefois la seigneurie d’un héritage, quelquefois la simple propriété opposée au domaine utile, tel que l’usufruit. Voyez ci-devant au mot Domaine. (A)

Domaine engagé, est une portion du domaine de la couronne que le Roi a transferée à quelque particulier. Ce domaine ainsi engagé, est toûjours réputé faire partie du domaine de la couronne, & la véritable propriété n’en appartient qu’au roi, attendu la faculté perpétuelle de rachat que le roi peut exercer. Voyez Engagement & Engagiste. (A)

Domaine fixe ; c’est l’ancien domaine de la couronne, tel que les seigneuries, les tailles, & autres droits domaniaux qui ne dépendent point d’aucun évenement casuel. Voyez ci-devant Domaine ancien & Domaine casuel. (A)

Domaine forain ; ce sont certains droits domaniaux qui se levent sur les marchandises qui entrent dans le royaume, ou qui en sortent. (A)

Domaine immuable, est celui dont le produit n’augmente ni ne diminue, comme les cens & rentes, à la différence du domaine muable, qui consiste en greffes, sceaux & autres choses qui s’afferment, & dont le prix peut augmenter ou diminuer selon les circonstances. Voyez ci-devant Domaine de la Couronne. (A)

Domaine muable, voyez ce qui en est dit ci-devant à Domaine immuable, & à Domaine de la Couronne. (A)

Domaine noble, est un héritage appartenant à un particulier, & tenu par lui noblement, c’est-à-dire en fief ou en franc-aleu noble. Voyez Fief & Franc-aleu. (A)

Domaine nouveau ; c’est celui qui est avenu au Roi par conquête ou par acquisition, soit à prix d’argent ou par échange, ou par confiscation, commise, aubaine, bâtardise, deshérence. Voyez ci-devant Domaine ancien & Domaine de la Couronne. (A)

Domaine particulier du Roi. est différent de celui de la couronne. Voyez ce qui en est dit ci-devant au mot Domaine de la Couronne. (A)

Domaine plein, signifie quelquefois la pleine propriété, c’est-à-dire celle à laquelle on joint l’usufruit : quelquefois il signifie la mouvance directe & immédiate d’un fief envers un autre seigneur, à la différence des arrieres-fiefs qui ne relevent pas en plein fief ou plein domaine du fief suzerain. (A)

Domaine du Roi. Ce terme pris strictement, signifie le domaine particulier du roi, qui n’est point encore uni à la couronne ; néanmoins dans l’usage on entend souvent par-là le domaine de la couronne. Voyez ci-devant Domaine de la Couronne. (A)

Domaine reversible ; c’est un domaine du roi ou de la couronne, qui y doit retourner à défaut d’hoirs mâles, ou dans quelqu’autre cas ou au bout d’un certain tems, soit qu’il ait été donné à titre d’apanage ou à titre d’engagement. (A)

Domaine réuni. On entend ordinairement par-là un domaine réuni à la couronne. Il y a différence entre un domaine uni & un domaine réuni ; le dernier suppose qu’il avoit été séparé de la couronne, au lieu qu’un domaine peut être uni à la couronne, sans y avoir jamais été uni précédemment. Voyez le factum de M. Husson sur le domaine de Montbar. (A)

Domaine roturier, est un héritage appartenant à un particulier, & par lui tenu en censive de quelque seigneur, ou en franc-aleu roturier. (A)

Domaine du Roi, voyez ci-devant Domaine de la Couronne, & Domaine particulier du Roi. (A)

Domaine du Seigneur ; c’est le corps de son fief. Réunir à son domaine, c’est réunir à son fief ; faire de son fief son domaine, c’est se joüer de son fief. (A)

Domaine utile ; c’est la joüissance d’un fonds détachée de la seigneurie & de la simple propriété. Le domaine utile est opposé au domaine direct. Un seigneur a le domaine direct d’un fonds, son censitaire en a le domaine utile ; de même le bailleur à rente ou à emphitéose, a le domaine direct de l’héritage, le tenancier a le domaine utile. Le propriétaire considéré par rapport à l’usufruitier, a le domaine direct, & l’usufruitier le domaine utile. Enfin on dit quelquefois que le fermier a le domaine utile, c’est-à-dire la possession. Voyez ci-dev. au mot Domaine. (A)