L’Encyclopédie/1re édition/CAGOTS ou CAPOTS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 530).

* CAGOTS ou CAPOTS, s. m. pl. (Hist. mod.) c’est ainsi, dit Marca dans son histoire de Béarn, qu’on appelle en cette province, & dans quelques endroits de la Gascogne, des familles qu’on prétend descendues des Visigots qui resterent dans ces cantons après leur déroute générale. Ce que nous en allons raconter, est un exemple frappant de la force & de la durée des haines populaires. Ils sont censés ladres & infects ; & il leur est défendu, par la coûtume de Béarn, sous les peines les plus séveres, de se mêler avec le reste des habitans. Ils ont une porte particuliere pour entrer dans les églises, & des siéges séparés. Leurs maisons sont écartées des villes & des villages. Il y a des endroits où ils ne sont point admis à la confession. Ils sont charpentiers, & ne peuvent s’armer que des instrumens de leur métier. Ils ne sont point reçûs en témoignage. On leur faisoit anciennement la grace de compter sept d’entr’eux pour un témoin ordinaire. On fait venir leur nom de caas Goths, chiens de Goths. Cette dénomination injurieuse leur est restée, avec le soupçon de ladrerie, en haine de l’arianisme dont les Goths faisoient profession. Ils ont été appellés chiens & réputés ladres, parce qu’ils avoient eu des ancêtres Ariens. On dit que c’est par un châtiment semblable à celui que les Israélites infligerent aux Gabaonites, qu’ils sont tous occupés au travail des bois. En 1460, les états de Béarn demanderent à Gaston d’Orléans, prince de Navarre, qu’il leur fût défendu de marcher piés nuds dans les rues, sous peine de les avoir percés, & enjoint de porter le pié d’oie ou de canard sur leur habit. On craignoit qu’ils n’infectassent, & l’on prétendoit annoncer par le pié d’un animal qui se lave sans cesse, qu’ils étoient immondes. On les a aussi appellés Géziatins, de Giezi, serviteur d’Elisée, qui fut frappé de lepre. Le mot cagot est devenu synonyme à hypocrite.