L’Encyclopédie/1re édition/BATIMENT

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 141-142).
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BATIMENT, s. m. (Architect.) on entend sous ce nom tous les lieux propres à la demeure des grands & des particuliers, aussi bien que les édifices sacrés, places publiques, portes de ville, arcs de triomphe, fontaines, obélisques, &c. construits tous de pierre, ou de pierre & de bois de charpente, & dans lesquels on employe le marbre, le bronze, le fer, le plomb, & autres matieres. Ces différens bâtimens passent pour réguliers ou pour irréguliers, selon la forme des plans qui les composent. Ainsi on dit qu’un bâtiment est régulier, lorsque son plan est quarré, ou de forme oblongue, pourvû que ses côtés opposés, ses avant-corps, pavillons & arriere-corps, soient égaux, & bâtis avec symmétrie : au contraire on dit qu’il est irrégulier, lorsque son plan n’est pas renfermé dans des lignes paralleles entr’elles, tel qu’est un plan triangulaire, ou celui qui n’a qu’un pavillon, qu’une aîle à l’une de ses extrémités, & qui n’en a point à ses côtés opposés.

Ces mêmes bâtimens prennent encore différens noms, eû égard à leur situation : on les appelle isolés, lorsqu’ils sont entourés de rues, de jardins, ou de grandes cours, comme est celui de l’Observatoire ; flanqués ou adossés, lorsqu’ils touchent à quelqu’autre grand édifice, tels que ceux qui sont mitoyens au Palais-royal ou au Luxembourg ; enfoncés, lorsque leur sol est plus bas que la rue, ou les maisons adjacentes, tels que ceux qui sont construits dans les rues basses du Rempart, à la porte S. Honoré, Montmartre, S. Denys, &c.

On ajoûte ordinairement au terme de bâtiment, celui de son usage en particulier : par exemple, on appelle bâtimens civils, ceux qui servent de demeures aux princes, aux ministres, aux prélats, & en général ceux qui sont relatifs à la société ; au contraire on appelle bâtimens militaires, ceux qui sont consacrés à l’art de la guerre, tels que les portes de ville, les arsenaux, casernes, bastions, guérites, &c. on appelle bâtimens hydrauliques, ceux qui sont destinés à contenir les machines pour élever les eaux, soit pour l’utilité publique, comme celui du pont Notre-Dame ; soit pour les embellissemens des maisons royales, tels que ceux de la Samaritaine & de Marly : bâtimens publics, ceux qui sont destinés à rendre la justice, ou à l’usage du public, comme le Palais à Paris, l’Hôtel-de-ville, les fontaines de Grenelle & des Innocens, ou autres de cette espece : bâtimens du commerce, ceux où les négocians s’assemblent certain jour de la semaine, pour s’y tenir en correspondance avec les étrangers ; c’est ce qu’on appelle bourse, banque, &c.

Bâtimens de Marine, sont ceux qui sont destinés à la construction des vaisseaux, dans lesquels sont compris les magasins, arsenaux, corderies, aussi bien que ceux où l’on tient ces vaisseaux en sureté, comme les ports, moles, bassins, &c. batimens rustiques & champêtres, ceux qui à la campagne sont destinés à contenir les bestiaux, les grains, les jardins potagers, vergers, légumiers, connus sous le nom de fermes ; ils sont ordinairement voisins de quelque terre considérable : enfin on appelle bâtimens particuliers, ceux qui sont destinés a la demeure des habitans d’une ville ou d’une province, qui n’ont point d’autre objet qu’une commodité relative à l’état & à la condition de leur propriétaire.

On dit aussi d’un bâtiment qu’il est triple, double, demi double, ou simple, lorsque dans sa profondeur entre cour & jardin, il est partagé par trois, deux, une & demie, ou une seule piece ; comme on dit bàtiment en aîle, lorsque l’on pratique ou ajoûte après coup à un bâtiment un ou plusieurs étages, en retour de sa façade principale.

On dit encore qu’un bâtiment est feint, lorsqu’on veut parler d’une aîle affectée contre un mur mitoyen, sans autre utilité que la symmétrie, soit que cette affectation se fasse en peinture ou en maçonnerie, comme celle que l’on a pratiquée à l’hôtel de Beauvilliers à Paris ; de même on appelle bâtiment ruiné, celui qui par vétusté ne laisse plus que quelques fragmens de son ancienne ordonnance, tels que les ruines de Tivoli, ou la plûpart des anciens châteaux aux environs de Paris, dont il ne reste plus que quelques vestiges.

Des parties essentielles qui composent la plûpart des bâtimens dont nous venons de parler, on en distingue trois de préférence, savoir, la solidité, la commodité, & l’ordonnance ; la premiere a pour objet la connoissance de l’emploi & de la qualité des matériaux, & doit être considérée comme la plus importante partie du bâtiment, connue sous le nom de construction ; la seconde consiste dans l’art de distribuer les plans selon la dignité du personnage qui fait bâtir, connue sous le nom de distribution ; la troisieme consiste dans l’art de donner de la proportion, de l’harmonie & de l’accord aux parties d’un bâtiment, pour que réunis ensemble ils concourent à faire un beau tout ; & c’est ce qu’on appelle décoration. Voyez la définition de chacun des termes dont on vient de parler à leurs différens articles. (P)

Batiment, (Marine.) on entend ordinairement par ce mot toutes sortes de navires ou vaisseaux, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, lorsqu’ils ne sont pas vaisseaux de guerre. Il y a cependant beaucoup de gens qui l’attribuent également aux vaisseaux de guerre & aux vaisseaux marchands.

Bâtiment ras, c’est un bâtiment qui n’est pas ponté.

Bâtiment délicat, c’est un navire foible de bois. (Z)