L’Aviation militaire/Note n°5

Berger-Levrault (p. 32-52).

NOTE No 5

LES VOIES AÉRIENNES[1]


PREMIÈRE PARTIE

Généralités

Grave question ! L’attention des aviateurs militaires, continuellement tournée vers les variations atmosphériques, n’aurait pas manqué d’amener l’organisation d’un service météorologique permanent capable de renseigner à chaque instant les états-majors et les aires sur les phénomènes aériens au fur et à mesure qu’ils se seraient produits dans toutes les régions. En attendant cette solution, nous aurions fait un large appel au concours des observatoires déjà existants.

La pluie, la neige, la grêle, les orages, devenaient les obstacles des routes aériennes que les avions auraient dû franchir ou éviter pour se réfugier sur une aire amie. Le simple vent, au contraire, aurait plutôt favorisé leur voyage, à la condition, toutefois, qu’ils eussent suivi certaines directions établies par le service météorologique.

Par une explication simple, nous établirons en principe la formation de la voie atmosphérique : chaque fois que le vent souffle plus ou moins normalement vers un coteau à déclivité ordinaire, la couche atmosphérique en mouvement se moule assez exactement sur cette inégalité du sol. Si le coteau a deux versants, cette couche d’air en mouvement produira devant le coteau un courant continuellement ascendant et derrière un courant descendant, ce qui est connu, depuis longtemps, des météorologistes.

Un coteau long eût donc constitué, du côté du vent, une route aérienne, procurant une économie de traction aux avions, la supprimant même, avec un vent favorable ; du côté opposé au vent, c’eût été l’endroit à éviter. Par exemple : les coteaux de Saint-Cloud, Suresnes, Puteaux à Courbevoie ; Bezons à Argenteuil ; ceux de Saint-Germain et sa terrasse devenaient trois voies aériennes excellentes, presque parallèles, praticables pendant les vents d’est et non avec ceux d’ouest. Cet exemple se serait étendu à toutes les régions de la France.

Le service météorologique de l’aviation, de concert avec le service topographique, aurait dressé une carte où les bonnes routes atmosphériques auraient été représentées ainsi que les mauvaises ou dangereuses et les écueils, mettant en garde l’aviateur contre toute surprise pendant son vol et le dirigeant vers les aires d’atterrissage, véritables ports aériens.

Ces cartes topo-météorologiques, jointes aux renseignements permanents venant des observatoires, devaient servir de base et être la grande préoccupation de la stratégie et de la tactique. Et cela ne veut pas dire que les avions de guerre auraient toujours suivi leurs indications comme une règle inéluctable ; bien souvent les officiers aviateurs s’en seraient départis, selon l’attitude de l’ennemi, l’ardeur de l’offensive ou les nécessités de la défensive.


Particularités des voies aériennes

Nous venons de voir le service, en général, qu’aurait rendu la connaissance approfondie de la topo-météorologie ; examinons maintenant quelques cas particuliers.

Falaises. — Elles se présentent à quelques endroits, sous forme dentelée, bien souvent on les rencontre presque rectilignes sur de grands parcours ; dans les Landes à l’état de dunes ; ailleurs elles sont basses, doucement inclinées comme des coteaux, ou très hautes, abruptes, la mer les rongeant continuellement à leur base ; des rochers escarpés, restés debout, s’en détachent par places. Ces côtes bordant les océans devenaient des voies aériennes bien utiles, comme aussi très dangereuses, selon les caprices de l’atmosphère.

Avec un vent, bon frais, venant du large, tenu régulier par l’horizontalité des eaux, arrivant devant les falaises, douces ou à pic, pour être converti en un courant oblique ascensionnel, c’eût été des vols faciles et agréables. Par les vents de l’ouest, de Dunkerque à Bayonne, sauf quelques lacunes aux embouchures des rivières, à l’entrée des baies et dans des plages de pays plats, les avions auraient pu voler sans dépenser beaucoup d’essence ou de combustible, les propulseurs, la plupart du temps repliés, se laissant glisser à une faible altitude dans le courant ascendant à chaque instant renouvelé. Leur attitude pendant ce trajet aurait été l’avant vers la mer, tourné aussi plus ou moins dans le sens de la voie à parcourir ; c’était le vol oblique, vol obligé, excepté en calme plat, dans toutes les voies aériennes quelles qu’elles fussent.

Pendant les vents de mer violents se changeant en bourrasques, engendrant des courants indéterminés et des tourbillons dans les irrégularités de la haute falaise, c’eût été tous les dangers réunis, surtout en temps de guerre devant l’ennemi. La voie aérienne, devenue très difficilement praticable près de terre, aurait obligé les avions à voler à une certaine hauteur. Mais, avec des vents aussi impétueux, même moins, soufflant de terre, l’espace entre la haute falaise et la plage se serait changé en un énorme remous atmosphérique, devenu un véritable précipice.

Montagnes. — Les raids dans les pays montagneux, l’atmosphère étant calme, se seraient accomplis avec assez de facilité, soit entre les montagnes, soit par-dessus ; si des vents un peu forts étaient intervenus, la situation aurait changé aussitôt : Les supérieurs se seraient transformés en tourbillons autour des cimes et des pics, tandis que les fonds des vallées seraient restés aviables. Les vents bas contournant les montagnes, trouvant des issues dans les petits vallons, formant ainsi autant de courants d’air qui se seraient engouffrés dans les larges vallées, auraient opposé, là encore, de grandes difficultés au vol des avions. Et l’arrivée fortuite des neiges en hiver, des orages en été ! l’impossibilité d’atterrir presque partout ! La sage détermination des aviateurs aurait été de fuir cette brouillerie aérienne et de ne s’y aventurer qu’en de rares manœuvres ou en temps de guerre, si la tactique l’avait exigé.

Fleuves et coteaux. — Les grands fleuves larges, encaissés, bordés de rives hautes, étaient susceptibles d’être classés parmi les bonnes voies aériennes, selon que les vents les auraient suivis, remontés ou passés en travers ; généralement, d’ailleurs, les grands coteaux longent les rivières et les deux influences s’ajoutent pour changer les vents de travers en courants ascendants.

Proéminences. — Dans les plaines, sur les mers, dominent souvent de grandes masses isolées, telles que : rochers, îles proéminentes, églises et autres édifices, promontoires, etc. Les vents, d’où qu’ils viennent, s’y transforment en courants ascendants dont l’action se maintient à de grandes hauteurs. L’avion n’aurait pas manqué de profiter de cette force passagère et gratuite, pour s’élever, en pratiquant des orbes, à la plus haute altitude possible et se laisser glisser ensuite dans la plus voisine voie aérienne qui l’aurait conduit à son aire d’atterrissage. Au point de vue stratégique, tous ces promontoires et monticules auraient été des positions importantes.

Courants supérieurs. — Outre les voies aériennes voisines de terre, il y a des courants supérieurs atmosphériques provenant des réactions barométriques, qu’on aurait pu utiliser dans maintes circonstances et même classer, en seconde ligne, sur les cartes topo-aériennes ; en effet, chaque vent régulier touchant le sol est presque toujours accompagné d’un autre supérieur, qui le croise, qui même se dirige en sens contraire et disparaît ou revient avec lui. Les aviateurs s’élevant à ces hauteurs en auraient profité, allant avec ces vents, si le but de leur voyage s’était trouvé dans leur direction, économisant ainsi la force motrice et arrivant plus tôt. La tactique n’aurait pas laissé échapper l’existence de la simultanéité de ces deux vents, supérieur et inférieur, sans en profiter.

Cyclones et tourbillons. — En été, et dans les pays chauds, on voit se produire le phénomène des cyclones et des tourbillons : l’atmosphère surchauffée à sa base par le contact du sol brûlant, sous l’ardeur du soleil, accumule des couches inférieures d’air d’une densité bien moindre que celle des couches du dessus ; cet air, très dilaté, quelquefois sur de grandes étendues, tend constamment à se frayer un passage à travers la masse atmosphérique pour gagner et surmonter les parties froides supérieures ; il n’y arrive qu’en prenant un mouvement giratoire conoïdal qui, de très accéléré, même violent sur une surface restreinte au ras du sol, diminue ensuite de vitesse en s’élargissant et en s’élevant.

L’air en mouvement dans ce cône renversé engendre donc un courant qui rampe hélicoïdalement jusque dans les plus hautes régions atmosphériques. Ces cyclones auraient constitué de gigantesques ascenseurs pour les avions qui auraient eu l’audace de se livrer à leur puissante action, même sans risquer le danger qui d’abord apparaissait comme inévitable ; car ils pouvaient s’envoler loin du rayon cyclonal pour s’y engager peu à peu, et, une fois dans le mouvement, y rester pour atteindre les hautes altitudes, ou en sortir à n’importe quel point du cône et à tous les moments. Néanmoins, le caractère inopiné de ces grands phénomènes météorologiques aurait rendu rare l’occasion de s’en servir et ce n’eût été que dans des cas imprévus aventureux, coïncidant avec leur présence, que les avions auraient pu en profiter.

Tout autres sont les tourbillons ordinaires, quoique de même nature que les premiers et produits par d’identiques causes physiques ; ils se montrent souvent, un peu partout, pendant les journées chaudes d’été. Qui n’a vu la poussière et les débris légers enlevés du sol en tournoyant ? Il y a des tourbillons qu’on ne voit pas, ce sont ceux qui prennent naissance à une certaine hauteur de terre ; il suffit, pour déterminer leur mouvement giratoire, d’une tranche d’air, large et épaisse, chaude, isolée dans la masse froide atmosphérique et qui tend à prendre sa place dans l’ordre des densités.

Dans certains tourbillons qui se forment en effleurant le sol, on remarque que leur cône rempli de poussière s’élève peu à peu à une assez grande hauteur, tout en continuant son mouvement tournant, tandis qu’au-dessous, près de terre, l’air est redevenu calme. Tous ces tourbillons font sentir leur action bien haut et les objets légers qu’ils enlèvent en donnent la preuve en allant tomber ensuite très loin ; certainement qu’il doit se trouver des époques, avec des conditions de température favorables, où l’atmosphère doit en être remplie ; comme ils ne laissent aucune trace, on ne les voit pas, mais ils n’en subsistent pas moins.

Tous ces cyclones, ces tourbillons grands et petits, auraient été, pour les avions, ou de graves embarras ou d’un grand secours, selon l’opportunité de leur apparition. Mais il eût été bien prématuré de tabler sur ce redoutable imprévu. Cependant, ces phénomènes auraient, quand même, donné lieu à de sérieuses et nombreuses observations, desquelles on serait peut-être parvenu à déduire des probabilités suffisantes sur leur apparition, afin de préparer éventuellement la tactique à les éviter ou à les utiliser.

Résumé

En résumé et comme conclusion de tout ce qui précède, nous pouvons établir :

Un avion ne peut voler dans un courant d’air horizontal sans le secours de la traction[2].

La puissance ascensionnelle utilisable d’une voie aérienne est proportionnelle au degré d’inclinaison et à la vitesse du courant d’air, moins l’effort de sustentation nécessaire à l’avion en translation horizontale.


DEUXIÈME PARTIE

Les oiseaux dans les voies aériennes

Le chapitre des voies aériennes ne saurait être terminé sans parler des oiseaux, ces maîtres aviateurs, dont toutes les facultés sont concentrées dans celle de voler. Dans l’organisation de l’École d’aviation militaire, à côté de la topo-météorologie, nous aurions insisté pour l’institution d’un cours théorique et pratique du vol des oiseaux, principalement des gros ; nous aurions surtout conseillé d’emmener les futurs officiers aviateurs voir, étudier et contempler les condors, vautours, gypaètes, aigles, cigognes, gros cheiroptères, etc., sur place, dans leur pays d’origine.

Migrateurs. — Les oiseaux migrateurs, dont on ne connaît qu’imparfaitement les habitudes, n’obéissent peut-être pas seulement à leur instinct, ainsi qu’on se complait généralement à le croire. Les ornithologistes ont cependant remarqué, depuis longtemps, que dans leurs longs déplacements annuels ils repassaient souvent par les mêmes endroits et que les jeunes oiseaux, retenus captifs, auxquels on donnait la liberté après le départ de leurs semblables, restaient dans le pays où ils étaient nés.

Les migrateurs savent et retrouvent, topographiquement, très bien leur chemin dans ses moindres détails : mais ce que l’habitude et la pratique de leur voyage ont mis le plus à leur service, c’est la connaissance impeccable de ces voies aériennes qui changent avec les vents et qui nous préoccupent depuis si longtemps.

Observation des cigognes à Strasbourg

Il nous fut possible, à Strasbourg, d’observer les cigognes : L’une des tours de la cathédrale se termine par une plate-forme qui domine toute la ville et ses alentours. Un service de guetteurs y était installé pour prévenir les autorités municipales en cas d’incendie ; quoique l’accès en fût interdit, grâce à l’obligeance des employés, français de cœur depuis qu’ils ne l’étaient plus de nom, nous pûmes à l’aise y faire quelques observations. Vues de là-haut, les allées et venues de ces gros et paisibles oiseaux, depuis leur nid perché sur les cheminées jusqu’à la campagne marécageuse, étaient extrêmement intéressantes ; le père et la mère apportaient toujours à leur progéniture une provision copieuse de reptiles et de batraciens, qu’ils distribuaient en les lançant et que les petits recevaient au bout de leur long bec avec une agilité surprenante.

Mais le plus remarquable consistait dans les évolutions du vol des cigognes pendant ces va-et-vient. À quelques dizaines de mètres de notre poste, le faîtage de la nef de la cathédrale se présentait long et rectiligne à un vent assez fort qui le prenait de travers. Les cigognes, après la becquée, pour revenir aux étangs et aux cours d’eau, ne s’y envolaient pas directement ; elles venaient invariablement d’abord, vers la cathédrale, se mettre parfaitement dans le vent qui devait la choquer ; puis, en faisant des ronds pardessus le monument, sans battre des ailes, elles se laissaient enlever à de grandes hauteurs, pour de là, toujours en planant, glisser comme sur un plan incliné jusqu’à l’endroit qu’elles devaient atteindre. On sait que lorsque les oiseaux volent il se détache parfois des plumes de leur corps ; lorsque cela arrivait aux cigognes, à l’aplomb du faîtage de la cathédrale, leurs plumes perdues, loin de tomber, s’élevaient au contraire bien plus rapidement qu’elles-mêmes ; preuve certaine de l’activité du courant d’air ascensionnel créé par l’obstacle. Le retour au nid ne leur était pas si commode, c’est en battant des ailes qu’elles y parvenaient.

Dans une autre séance, le vent ayant changé de direction, les conditions du vol des cigognes changèrent aussi ; les besoins de la nichée étant les mêmes, le père et la mère allaient souvent aux provisions. Le point de départ n’était plus la cathédrale, parce que le vent la prenait longitudinalement et que nos gros oiseaux n’y trouvaient plus l’aide du courant ascensionnel, disparu avec l’orientation nouvelle du vent ; ils faisaient donc le trajet en battant des ailes et nous remarquâmes qu’ils profitaient de toutes les proéminences pour gagner, sans fatigue, le plus possible en hauteur et voler ensuite dans l’inclinaison. C’était la même manœuvre en petit que celle de la cathédrale.

À cette époque, les Allemands construisaient une nouvelle enceinte fortifiée au delà de l’ancienne ; l’un de ses bastions présentait déjà l’aspect d’un formidable massif. Le vent se dirigeait favorablement contre ses murs et les cigognes ne manquaient pas d’en profiter à chacun de leurs passages, en faisant des évolutions particulièrement instructives, selon les terrassements et la hauteur des murs en construction ; nous descendîmes de la tour et, pour mieux les observer, nous allâmes nous installer près des travaux, parmi les pierres de taille, prenant des notes et des croquis sur notre carnet.

Un officier surveillant l’instruction des recrues nous aperçut et vint droit à nous ; il nous questionna en allemand et nous lui répondîmes en français que nous ne comprenions rien à ce qu’il nous disait ; il voulut s’emparer de notre carnet, que nous mîmes prestement dans notre poche ; alors, il appela quatre hommes et nous conduisit en ville chez le commandant de la place.

Nous étions devant un officier général à l’air sévère, dans son uniforme foncé sans galons ; il commença d’abord par nous prévenir, en français, qu’en Allemagne on punissait l’espionnage de plusieurs années de forteresse ; il nous demanda ensuite notre nom que nous lui dîmes ; en l’entendant, un ingénieur de la maison Siemens de Berlin, qui installait le téléphone dans la salle, se tourna vers nous ; l’officier général le remarqua et lui demanda, sans doute, s’il nous connaissait ; après quelques explications échangées entre eux, nous comprîmes que les choses tournaient en notre faveur et nous en remerciâmes, d’un geste, notre confrère étranger.

Néanmoins, le général allemand voulut voir notre carnet ; il y avait dedans des croquis concernant les oiseaux que nous venions d’étudier et force notes de téléphonie ; le général sourit, et ce mélange de cigognes et de téléphones mit fin à une situation qui aurait pu devenir très désagréable.


Divers oiseaux

Corbeaux. — Tous les oiseaux savent profiter des courants ascensionnels, quelle que soit la forme sous laquelle ces courants se présentent ; mais les gros oiseaux, incomparablement mieux que les petits. Par un temps de calme plat, la journée ayant été chaude, nous avons vu un grand vol de corbeaux quitter ensemble les prairies où ils prenaient leur nourriture, et s’élever innombrables, tout doucement, jusqu’à un certain point de ralliement où ils se mirent tous à tourner, leurs ailes largement étendues et immobiles. Peu à peu la masse des corbeaux, en s’élevant, prit une forme circulaire qui s’accentua et finit par devenir une vaste couronne augmentant toujours de diamètre, sans aucun oiseau au centre. Arrivés à une haute altitude, les corbeaux devinrent des points noirs presque imperceptibles et prirent tous une direction unique. S’ils étaient parvenus à une si grande hauteur, sans le moindre battement d’aile et dans cet ordre circulaire, pendant un temps d’apparence calme au ras du sol, quelle en était la cause, sinon un courant d’air circulaire ascensionnel appartenant à un tourbillon ?

En mer. −La mer même a ses voies aériennes. Avec les faibles brises, comme pendant les tempêtes, des vagues se forment normalement au vent, douces ou agitées, mais toujours précédées d’un courant ascensionnel. À ces vagues marines, en effet, sont exactement superposées des vagues atmosphériques qui se perdent dans les hauteurs de l’air, tout comme celles de la mer dans les profondeurs de l’eau. Pour en profiter, les oiseaux marins sont donc obligés de voler très bas ; c’est pour cette raison qu’ordinairement on les voit voler haut en battant des ailes, ou bas en planant sur les vagues ; mais en l’absence de vent et de vagues, les mouettes, par exemple, n’apparaissent pas en si grand nombre, elles préfèrent se réunir dans quelque baie isolée et se reposer sur l’eau, même y dormir.

Les grands oiseaux sont à leur aise par les grands vents et les tempêtes ; les cormorans, dit-on, les préfèrent pour aller à la pêche ; et les frégates s’en servent sûrement pour traverser les océans. Mais tout ceci ne nous eût appris rien de bien profitable aux avions, la mer aurait été et sera toujours pour eux un grand danger ; certainement, à la rigueur, ils pourraient voler dans les courants ascensionnels résultant des vagues, seulement, à la moindre maladresse de l’aviateur, les ailes risqueraient de se mouiller, et homme et avion de se noyer.

Le condor et les Andes

Les ailes du condor auraient bien valu la peine de traverser l’Atlantique pour aller les étudier chez lui, sur sa voie aérienne, unique, mais longue de 7.000 à 8.000 kilomètres, la grande Cordillère des Andes. On l’aurait vu, sans donner le moindre battement d’ailes, glisser à des hauteurs prodigieuses dans l’immense couche atmosphérique, venant du Pacifique, qui escalade les Andes.

Bel exemple pour les futurs avions américains, du nord ou du sud, qui sait ? Ce sera la voie aérienne la plus colossale du globe, ayant une importance stratégique bien en rapport avec son étendue ; les Américains, qui ne se doutent même pas encore de son existence, ne manqueront pas de se la disputer âprement. Et celui qui en sera le maître : le nord ou le sud, sera aussi le maître de toutes les Amériques.

Ils exploiteront aussi, sûrement, un jour, ce long et puissant courant ascensionnel ; quand on songe qu’avec de grands et vastes avions industriels, sans dépense de combustible ni d’essence, ils pourront parcourir gratuitement des milliers de kilomètres !

Mais laissons les Américains à leur aventureuse destinée et revenons chez nous.

Excursion d’études en Algérie

Les grands vautours aussi méritaient une étude approfondie, d’autant plus facile qu’elle pouvait se faire de l’autre côté de la Méditerranée, dans tout le nord de l’Afrique. Nous nous étions contenté de l’Algérie et c’est là que nous aurions proposé de conduire les élèves aviateurs. L’Atlas et ses contreforts, les hauts coteaux en pente raide ou douce, les ravins mêmes ; enfin, tout un territoire fortement accidenté, caressé par des vents faibles ou balayé par d’autres impétueux, forme pour les vautours un splendide promenoir.

Qu’on nous permette, ici, de relater sommairement l’excursion d’études que nous fîmes dans la province de Constantine au mois d’octobre 1882.

Embarqué un soir à Marseille sur la Ville-d’Oran, nous arrivâmes le surlendemain de très bonne heure à Alger ; d’escale en escale nous débarquâmes à Philippeville, où nous ne séjournâmes que le temps suffisant pour prendre le train qui devait nous emmener à Constantine, où, d’après les indications que nous avions recueillies, les vautours se trouvaient le plus nombreux.

Nous avions pris place sur la plate-forme d’un wagon pour mieux voir se dérouler le paysage et surtout en cas qu’il apparaisse quelque vautour. Le train avait filé jusqu’à l’oasis du Hamma, sans en rencontrer ; cependant, vers les hauteurs rocheuses, à l’endroit escarpé où un point noir marque pittoresquement l’entrée du tunnel, sous une forme vague lointaine, nous crûmes en reconnaître un ; le gros oiseau planait en descendant près du flanc du rocher pendant que le convoi gravissait la rampe, il se rapprochait ainsi de nous, grandissant ; déjà nous admirions ses grandes ailes largement déployées lorsque, à notre grand désappointement, la locomotive s’engagea dans le tunnel ; peu après nous étions en gare de Constantine. Puis, passant sur le pont d’El-Kantara qui relie les deux rives du profond ravin au bas duquel coule le Rummel, nous étions tout yeux, depuis l’impériale de la voiture, pour découvrir quelques-uns de ces grands rapaces qui, nous avait-on assuré, fréquentaient cet immense précipice ; mais il était désert.

Notre première question, en arrivant à l’hôtel, concerna les vautours : rien n’était plus facile, on en voyait partout, nous répondit-on. Cela nous fit espérer mieux pour le lendemain. Et, de bonne heure, nous revînmes sur le pont d’El-Kantara surplombant l’abîme ; de cette hauteur vertigineuse nous pûmes explorer toute la partie centrale jusqu’où le Rummel disparaît sous les roches. Puis, en aval du ravin, nous descendîmes aux cascades, bains, bosquets et promenades : magnifique et fraîche oasis, remplie de charme et malheureusement aussi de fièvres ; nous remontâmes de là, non sans peine, en plein soleil, ruisselant de sueur, pour aller en amont du Rummel, à l’entrée du ravin, dans le voisinage de la belle ruine de l’aqueduc romain. Au moulin qui s’y trouve, le meunier, homme très complaisant, nous donna toutes sortes de renseignements sur les vautours ; il en avait vu, lui, beaucoup et souvent ! Quant à nous, ni au commencement, ni au milieu, ni à la fin du ravin, nous n’en avions aperçu aucun.

De retour à l’hôtel, le garçon, ancien zouave, nous conseilla d’aller dans un certain quartier où on déposait les gadoues, les ordures ménagères de la ville ainsi que leurs issues, et qu’immanquablement nous y trouverions de nombreux rapaces, puisqu’ils y séjournaient en permanence ; il nous recommanda de nous faire accompagner par le garde champêtre arabe, dont l’habitation se trouvait, d’ailleurs, sur notre chemin. Une petite cour précédait la maison, et la porte légèrement entrebaillée se trouva, en poussant, large ouverte ; aussitôt, trois ou quatre jeunes femmes éclatèrent de rire, mais une atroce vieille se précipita sur nous avec des imprécations énergiques inintelligibles et nous referma la porte au nez. Un passant nous objecta que, pour parler au garde champêtre, qui était musulman, il fallait aller à la mairie, et que ce que nous cherchions, d’ailleurs, n’était pas loin ; il nous expliqua que la route, si nos souvenirs sont exacts, s’appelait Bienvenu, du nom de son premier habitant, ancien soldat de la conquête, et y résidant encore, exerçant la profession d’éleveur de pourceaux ; exécré de tous les juifs et Arabes de la contrée, justement son établissement, en cas qu’il ne fût pas assez répugnant, était attenant aux gadoues. Mais où ne serions-nous pas allé pour voir des vautours ?

Laissant la nécropole des roumis à gauche, plus loin nous trouvions le vétéran devant sa maison.

« Nous désirerions arriver jusqu’aux vautours. — Ce n’est pas la peine, il n’y en a pas aujourd’hui. — Quand alors ? on nous a assuré qu’il y en avait toujours ! — Non. Voyez-vous, sans être un savant, il y a des choses que je connais. Ça dépend du vent. Aujourd’hui, le temps est chaud et très calme, les odeurs ne s’en vont pas ; mais quand le vent soufflera, il les portera loin et les vautours arriveront. — Ah ! bien, bien, c’est compris. Merci. »

Ce raisonnement, quoique faux, nous mit sur la trace du vrai. Évidemment, les odeurs n’étaient pour rien dans le retour des rapaces, le vent seul les ramenait. De sorte que nous pûmes noter cette première constatation : Sans vent, les voies aériennes n’existaient pas. Faute de voies aériennes les vautours restaient sur leurs rochers.

En rentrant à l’hôtel, notre ancien zouave nous présenta un de ses camarades, garçon comme lui, accompagné d’un homme d’aspect rude. — « Je me charge, nous dit le deuxième garçon, de vous conduire dans les environs de Constantine, de l’autre côté du ravin, au lieu dit Sidi-M’Cid, près d’un fort-pénitencier, occupé par les turcos, où vous vous trouverez en présence d’autant de vautours et de gypaètes que vous désirerez. — Allons-y demain matin. — Pardon, il nous faut attendre le jour d’une certaine fête musulmane, qui arrivera dans quelques mois, à l’occasion de laquelle les femmes des Arabes vont en nombre offrir des victuailles aux grands rapaces, avec la croyance qu’ils épargneront leurs époux et maîtres, morts dans les combats ou pendant les razzias. »

L’homme de mauvaise mine venait se mettre à notre service pour faire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe où. Il nous dit être chasseur et n’avoir peur d’aucune bête, ni grosse, ni petite ; en réalité, c’était un braconnier à tous crins ; nous le prîmes.

Réfléchissant à ce que nous avait proposé et raconté le deuxième garçon, nous nous doutions bien que les supplications superstitieuses des femmes arabes ne devaient guère être entendues des vautours et que ceux-ci, ignorant la fête, n’arrivaient que pour faire ripaille. Nous décidâmes donc de simuler une fête et nous en fîmes part à notre chasseur : « Hum ! » fit-il, et, sans conviction, nous répondit : « Oui. »

Un bel appât, d’après lui, était nécessaire, il savait où le trouver, chez un sien ami, au Bardo. Nous lui donnâmes 10 francs, il revint avec un âne et son maître, car s’il avait acheté le premier, il avait loué le second, pour le même prix. Pour se rendre sur la hauteur de Sidi-M’Cid, après avoir passé le pont d’El-Kantara, on a à choisir entre deux chemins, l’un court, très rampant entre les rochers ; l’autre, beaucoup plus long, contournant l’hôpital et le cimetière juif, mais en pente douce ; c’est celui que nous choisîmes tandis que les deux hommes préférèrent passer par le plus direct. Ils s’engagèrent ; bientôt nous vîmes que ça n’allait pas à souhait ; le maître devant tirant par le licol, le chasseur derrière poussant ferme, l’âne au milieu se laissant faire, grimpaient péniblement ; par le détour nous arrivâmes le premier ; un peu après, apparurent nos gens, tout en nage ; on choisit l’emplacement du sacrifice et le chasseur donna le coup de grâce à l’âne. La nuit approchait et le lendemain matin, à la pointe du jour, nous devions revenir, espérant trouver les gros oiseaux rapaces à l’œuvre sur l’âne, ainsi que l’avait prédit le chasseur.

Le soleil n’était pas encore levé, que déjà nous étions tous rendus ; non seulement les vautours étaient absents, mais l’âne aussi avait disparu ; l’endroit cependant était, à n’en pas douter, celui où l’animal avait été abattu ; le chasseur et son aide, craignant de s’être trompés, explorèrent les alentours et de loin nous les vîmes faire des signes ; nous accourûmes et, derrière un mamelon, à notre grande surprise, nous aperçûmes le squelette de l’âne, aussi nettoyé que s’il fût sorti du laboratoire du Muséum ; les chacals l’avaient mangé pendant la nuit et traîné jusque-là en se le disputant.

Le chasseur, qui au fond était serviable, très vexé de s’être laissé dévorer le bourricot par de simples chacals, convint qu’il fallait essayer le subterfuge de la fête. À l’aide de son fils, un grand diable de paresseux, il se procura de la compagnie. Quel mélange ! ils nous arrivèrent en bande, un paquet sous le bras, contenant de vieux burnous et des défroques prêtées par un chiffonnier, pour se les affubler et tâcher de faire croire aux rapaces qu’ils étaient des femmes musulmanes. Le chasseur était passé au marché pour remplir un panier de déchets d’étal ; puis tout le monde se dirigea vers Sidi-M’Cid et put s’y installer vers 9 heures.

Le temps était beau, avec une bonne brise d’ouest ; tout aussitôt, non loin du pénitencier, près d’un vieux petit marabout en rocaille, d’ailleurs en ruine, chacun se travestit, et le chasseur, son panier à la main, brandissait l’appât dans toutes les directions afin d’attirer l’attention des vautours. Mais nous n’en apercevions aucun à l’horizon.

Soudain, levant la tête, dans le ciel éblouissant, à une hauteur prodigieuse, nous vîmes une forme vaporeuse, orange clair, bordée en arc de gris tendre, immobile en apparence : c’était un vautour ; notre œil exercé nous en fit découvrir un autre, plus élevé, presque imperceptible, puis d’autres encore ; tous descendaient en faisant des orbes et leurs ailes se dessinaient, rigides, grandes ouvertes, au fur et à mesure de leur rapprochement. Bientôt ils se trouvèrent près de nous, nous montrant leur superbe structure et leur allure impressionnante. Sans hésiter, ils se portèrent du côté du chasseur qui leur lançait des paquets de viande ; nous essayâmes aussi de leur en distribuer et quoique nous ne fussions pas déguisé, ils happèrent les morceaux que nous leur jetions.

Les provisions furent vite épuisées, alors les vautours s’en retournèrent par le même chemin, c’est-à-dire, en s’élevant vers le zénith, toujours en faisant des ronds et sans le moindre battement d’aile ; ils finirent par n’être que des petits points dans l’espace et peu après devinrent complètement invisibles.

Nous étions satisfait au delà de ce que nous avions espéré ; néanmoins, il importait de faire mieux. Nos comparses étaient trop nombreux et les vivres insuffisants, ensuite tous ces oripeaux restaient parfaitement inutiles. Le chasseur revint au marché, visita tous les bouchers et emplit jusqu’à l’anse douze grands paniers. Désormais, il n’emmènerait que son fils, le restant des provisions serait porté par quelques turcos du poste gardant le pénitencier, que leur lieutenant avait eu l’obligeance de mettre à notre disposition.

Le lendemain matin, muni de notre jumelle et de trois ou quatre instruments combinés pour l’étude du vol des gros oiseaux, nous nous rendîmes sur les mêmes rochers. Il y ventait encore de l’ouest, mais plus fortement que la veille ; l’air saturé de lumière et sans nuage était propice aux observations lointaines et rapprochées ; cette fois, la voie aérienne existait nettement, le courant ascendant allait de l’ouest à l’est, devant le grand rocher qui surplombe la sortie du ravin ; et, quelques centaines de mètres plus loin, le coteau se trouvant en déclivité, il se modifiait en courant descendant. Nous organisâmes l’expérience de façon à pouvoir remarquer et enregistrer avec nos appareils toutes les phases du vol des rapaces.

Les deux hommes furent postés l’un au couchant, en pleine voie aérienne, l’autre au levant, sur la pente opposée, nous-même devions circuler sur le terrain, suivi d’un turco, le panier de provisions à la main. Nous aidant de la jumelle, à l’horizon nous ne vîmes d’abord rien, en haut non plus ; mais notre attente ne fut pas longue, les points d’aspect vaporeux apparurent comme la veille dans les hauteurs atmosphériques ; à l’œil nu, ils n’étaient pas encore visibles et pourtant les rapaces avaient déjà compris dans nos allées et venues que nous leur apportions des victuailles, nous prouvant ainsi que leur vue était meilleure que la nôtre.

Bientôt très perceptibles, ils descendaient en foule, se laissant presque tomber, tant ils étaient pressés d’arriver ; en un instant leur nombre s’accrut tellement, que nous en fûmes tout émotionné, bien que nous sachions que ces oiseaux carnassiers n’étaient nullement dangereux. Nous en étions littéralement entouré, le bout de leurs ailes nous frôlait presque, marquant leur passage par un bruissement assez semblable au passage du vent à travers la feuillée. C’était un spectacle admirable.

Le chasseur ne perdait pas son temps et les vautours manquaient rarement les débris de viande qu’il leur jetait ; justement c’était lui qui se trouvait placé sur la voie aérienne ; nous remarquâmes avec satisfaction que, de son côté, les vautours étaient très nombreux ; ils montaient bien haut avec leur proie, puis une fois avalée, se laissaient choir sur lui pour en happer une autre ; cela sans un seul battement d’aile et avec une facilité d’évolution étonnante. Ce fut la confirmation évidente de la voie aérienne. Son fils n’était pas si occupé, les rapaces dédaignaient d’aller vers lui et ceux qui s’y aventuraient, alléchés par son panier encore plein, revenaient sans rien prendre, en donnant péniblement quelques battements d’ailes ; dépense de force qu’ils ne font que très rarement et dans les cas dangereux ou urgents. C’est que le jeune homme stationnait à l’envers de la voie aérienne, dans le courant descendant. Cette constatation était non moins importante que la précédente.

Pour plus de certitude et afin de contrôler entre elles les deux observations précédentes, nous fîmes changer le jeune homme de place en le ramenant près du père ; la troupe des énormes oiseaux le suivit et son panier fut bientôt vide. Peu après, au contraire, nous déplaçâmes nos deux aides pour les poster ensemble sur la déclivité qu’occupait précédemment le fils, en distribuant chemin faisant des vivres aux vautours, qui les recevaient fort bien ; mais, insensiblement, leur hardiesse se calmait et ils finirent par rester comme suspendus, tournoyant à une certaine hauteur qui augmentait au fur et à mesure que les porteurs de vivres descendaient ; arrivés au but, hommes et oiseaux restèrent dans leur attitude, les premiers offrant l’appât aux seconds qui ne l’acceptaient plus. Dès lors, nous leur fîmes rebrousser chemin pour les faire revenir au point de départ et les choses se passèrent exactement de même, mais en sens inverse ; les rapaces redescendirent tous.

Durant toutes ces manœuvres, ils ne quittèrent jamais la voie aérienne. N’était-ce pas la consécration définitive, éclatante, de son existence ?

Avec les paniers vides, le festin fut clos. Vautours et gypaètes préparèrent aussitôt leur départ ; sans hâte, ils se mirent à tracer des orbes interminables, et à force de ronds, sans un seul coup d’aile, parvinrent à gagner les hautes altitudes. On les voyait, tout petits, semés dans la clarté azurée d’un soleil déclinant, s’orienter dans diverses directions et, quoique volant très haut, suivre principalement cette chaîne sinueuse des grands coteaux qui est le prolongement des rochers du ravin et aussi la continuation de la voie aérienne. Puis, au bout de la jumelle il ne se trouva plus rien.

Entre temps, pendant cette belle journée, nous avions pu opérer un peu avec nos instruments et recueillir quelques renseignements utiles dont nous parlerons dans la suite des notes, lorsque nous attaquerons la question de l’avionnerie. Nous ne pensons pas qu’il soit possible, par le seul raisonnement, de se représenter cette scène saisissante ; aussi nous proposions-nous d’y emmener les élèves de l’École d’aviation militaire et de la renouveler devant eux ; à l’étude du vol des grands oiseaux ils auraient ajouté celle des voies aériennes.

Nous les aurions dissuadés surtout d’une grande erreur : à cette époque, on croyait beaucoup au vol à voile et on avait superposé, pour l’expliquer, des théories erronées ou fantaisistes[3]. Nous n’en avons jamais été le partisan, nous basant sur ce principe immuable de mécanique : qu’un travail ne saurait être obtenu qu’aux dépens d’une force correspondante ; et celui du vol plané ne pouvant se trouver que dans le même cas, nous vîmes dans les courants obliques ascensionnels cette force déterminante. Cela nous conduisit à la constatation de l’existence des voies aériennes, ensuite à leur utilisation par les grands oiseaux, pour éviter la fatigue du vol ramé ; et, puisque ces derniers s’en servaient si bien, les avions à leur tour pourraient en faire autant.

L’Algérie présente la particularité, importante pour l’avenir, d’avoir son territoire sillonné par de grandes voies aériennes, dans lesquelles les avions de guerre pourront voler facilement et économiquement, pour conserver à la France, si elle l’a encore, cette partie d’elle-même.


  1. Quelques-unes des notes qui suivent datent de longtemps. Elles ont été réunies en une seule en 1899, alors que tout espoir de reprendre l’affaire de l’aviation militaire avait disparu.
  2. Autrement dit, le vol à voile est impossible
  3. Dans l’important et instructif ouvrage de Markey : Le Vol des oiseaux (1890), on trouvera les auteurs qui ont traité la question du vol à voile.