L’Art de péter/Conclusion

Florent-Q., rue Pet-en-Gueule, au Soufflet (p. 98-108).

CONCLUSION.



MAis pour ne laiſſer rien à déſirer ſur l’Art de peter ; nous avons jugé à propos de donner ici une liſte de quelques Pets, que nous n’avons point inſérés dans le courant de l’Ouvrage ; on ne ſçauroit prévoir tout, principalement dans une matiére peu battuë ; ce n’a été qu’après des Mémoires qu’on vient de nous envoyer récemment, que nous avons écrit ce qui ſuit. Nous commencerons donc, pour faire honneur à la province, par les Pets Provinciaux.
Les Pets de Province.

On nous aſſure, & cela par gens qui ont l’expérience, que ces Pets ne ſont pas ſi falſifiés que ceux de Paris où l’on rafine ſur tout. On ne les ſert pas avec tant d’étalage, mais ils ſont naturels & ont un petit goût ſalin, ſemblable à celui des huitres vertes ; ils reveillent agréablement l’appetit.

Pets de mênage.

Nous apprenons d’après les remarques d’une grande ménagére de Peterſbourg, que ces ſortes de Pets ſont d’un goût excellent dans leur primeur, & que quand ils ſont chauds, on les croque avec plaiſir ; mais que dès qu’ils font raſſis, ils perdent leur ſaveur & reſſemblent aux pillules qu’on ne prend que pour le beſoin.

Pets de Pucelles.

On écrit de l’Iſle des Amazônes que les Pets qu’on y fait ſont d’un goût délicieux & fort recherché. On dit qu’il n’y a qu’en ce pays où on en trouve ; mais on n’en croit rien : toutefois on avoue qu’ils ſont extrêmement rares.

Pets de Maître en fait d’Armes.

Les Lettres du Camp près Conſtantinople marquent, que les Pets des Maitres en fait d’Armes ſont terribles, & qu’il ne fait pas bon de les ſentir de trop près, & comme ils font toujours plaſtronnés, on dit qu’il ne faut les approcher que le fleuret à la main.

Pets de Demoiſelle.

Ce ſont des mets exquis, ſurtout dans les grandes villes, où on les prend pour du croquet à la fleur d’Orange.

Pets de jeunes Filles.

Quand ils ſont murs ils ont un petit goût, de Revaſy qui flatte les véritables connoiſſeurs.

Pets de Femmes mariées.

On auroit bien un long mémoire à tranſcrire ſur ces Pets, mais on ſe contentera de la concluſion de l’Auteur & l’on dira d’après lui, « qu’ils n’ont de goût que pour les amans & que les maris n’en font pas d’ordinaire grand cas ».

Pets de Bourgeoiſe.

La bourgeoiſie de Roüen & celle de Caën nous ont envoyé une longue adreſſe en forme de diſſertation ſur la nature des Pets de leurs femmes, nous voudrions bien satisfaire l’une & l’autre ; mais nous ne pouvons pas mieux décider qu’en leur aſſurant que le Pet de bourgeoiſe eſt d’un aſſez bon fumet lorſqu’il eſt bien dodu & proprement accommodé & qu’on peut très bien s’en contenter faute d’autres.

Pets de Payſannes.

Pour répondre à certains mauvais plaiſans qui ont perdu de réputation les Pets de Payſannes, on écrit des environs d’Orléans qu’ils ſont très beaux & très bien faits ; quoiqu’accomodés à la vilageoiſe, qu’ils ſont encore de fort bon goût, & l’on aſſure les voyageurs que c’eſt un véritable morceau pour eux, qu’ils pourront les avaler en toute ſureté comme des gobets à la courte-queuë.

Pets de Bergeres.

Les Bergeres de la vallée de Tempé en Theſſalie nous donnent avis que leurs Pets ont le véritable fumet du Pet, c. à. d. qu’ils ſentent le ſauvageon parce qu’ils ſont produits dans un terrein où il ne croît que des aromates, comme le Serpolet, la Marjolaine, &c & qu’elles entendent qu’on diſtingue leurs Pets d’avec ceux des autres bergéres qui prennent naiſſance dans un terroir inculte. La marque diſtinctive qu’elles enſeignent pour les reconnoître & n’y pas être trompé, c’eſt de faire ce que l’on fait aux lapins pour être ſûr s’ils ſont de garenne, c’eſt de leur flairer au moule.

Pets de Vieilles.

Le commerce de ces Pets eſt ſi déſagréable, qu’on ne trouve point de marchand pour les négocier. On ne prétend pas pour cela empêcher perſonne d’y mettre le nez ; le commerce eſt libre.

Pets de Boulangers.

Voici une petite notte que nous avons reçue à ce sujet d’un maître Boulanger du Havre. « L’effort, dit-il, que l’ouvrier fait en faiſant ſa pâte, le ventre ſerré contre le pétrin, rend les Pets diphtongues : ils ſe tiennent quelquefois comme des hannetons, & on pourroit en avaler une douzaine tout d’une tire. » Cette remarque eſt des plus ſçavantes, & de fort bonne digeſtion.

Pets de Potier de Terre.

Quoiqu’ils ſoient fait autour, ils n’en ſont pas meilleurs, ils ſont ſales, puans & adhérens aux doigts ; on ne peut les toucher crainte de s’emberner.

Pets de Tailleur.

Ils ſont de bonne taille, & ont un goût de prunes ; mais les noyaux en ſont à craindre.

Pets de Lays.

On en trouve d’aſſez drôles ; leur goût eſt aſſez appetiſſant, ils crient toujours famine en langue Allemande ; mais prenez y garde, il y a bien de l’alliage ; ſi vous ne trouvez pas mieux, prenez les au poinçon de Paris.

Pets de Cocus.

Il y en a de deux ſortes. Les uns ſont doux, affables, mous, &c. Ce ſont les Pets des Cocus volontaires, ils ne ſont pas malfaiſans. Les autres ſont bruſques, ſans raiſon & furieux ; il faut s’en donner de garde ; ils reſſemblent au limaçon qui ne ſort de ſa coquille que les cornes les premières. Fænum habent in cornu.


Ludere non Lædere.