L’Art de péter/Chapitre quatriéme

Florent-Q., rue Pet-en-Gueule, au Soufflet (p. 30-36).

CHAPITRE QUATRIÉME.

A. B. C. des Pets.



OR ces Pets reſſemblent aux tonnerres, & ils ſont ſimples ou compoſés.

Les ſimples ſont ceux qui ne conſiſtent que dans un grand coup, ſeul & momentané. Priape les compare avec tout le bon ſens poſſible à des outres crevées, nam diſploſa ſonat quantùm veſica pepedi.

Ils ſe font lorſque la matiére eſt compoſée de parties homogénes, qu’elle eſt abondante, que le trou par où elle ſort eſt aſſez large ou aſſez diſtendu & que le ſujet qui les pouſſe eſt robuſte & ne fait qu’un ſeul effort.

Les compoſés ſont ceux qui conſiſtent dans pluſieurs grands coups, & qui ne ſe font entendre qu’éclat par éclat ; qui reſſemblent à des vents continuels & qui partent l’un après l’autre à peu près comme pluſieurs coups de fuſils. On les nomme Diphtongues & l’on ſoutient qu’une perſonne d’une forte conſtitution en pourroit faire

une vingtaine tout d’un tire.
Raiſon tirée du bon ſens.

Cela arrive lorſque l’orifice eſt bien large, la matière copieuſe, mais les parties inégales, & mêlées tout à la fois d’humeurs chaudes & tenuës, froides & épaiſſes ; ou lorſque cette même matiére, ayant un foyer varié, eſt obligée de ſe répandre dans différentes parties des inteſtins. Alors elle ne peut-être réſoute d’une ſeule fonte, ni ſe contenir dans les mêmes cellules des inteſtins, ni être chaſſée d’un ſeul effort ; mais elle s’échappe éloquemment par des intervalles variés & inégaux, juſqu’à ce qu’il n’en reſte plus ; c’eſt pourquoi le ſon ſe fait entendre quelquefois inégalement, & articule ses ſyllabes diphtonguées telles que pa pa pax, pa pa pa pax, pa pa pa pa pax, &c. ( Ariſtoph. in nubib.)

La cauſe des dipthongues peut-être placée dans l’anus ; & cela toutes les fois que le Pet par lui-même paroit ample, moilleux & étoffé, & que la matière eſt aſſez égale pour produire un Pet ſimple. On remarque, en effet, qu’après le premier coup, échappé malgré ſoi, l’anus ne ſe renferme pas toujours exactement (la matiére étant ſouvent plus forte que la nature). Mais lorſque relativement à l’abondance de la matiére, & à l’orgaſme, le fondement s’ouvre derechef, & ſe referme enſuite un peu ; le combat de la nature avec la matiére dure ordinairement juſqu’à ce que cette derniére ſoit tout-à-fait expulſée, ou que l’anus preſſé violemment, retienne les vents pour les rendre enſuite plus commodément & dans un temps plus avantageux. Et pedit decieſquo vicieſque. Mart. Ep. liv. 2. Il pete dix, vingt fois.

On ſent parfaitement que c’eſt de ces Pets diphtongues dont parle Priape, & dont Horace fait une hiſtoire. Il raconte qu’un jour ce Dieu incivil en fit un ſi grand & ſi bien tiré, qu’il effaroucha un grand nombre de Sorciéres qui s’occupoient alors à des enchantemens. En effet, il ne ſeroit pas vraiſemblable que ſi ce n’eut été qu’un Pet ſimple, elles euſſent été éfrayées juſqu’au point d’abandonner leurs ſortiléges & leurs ſerpens, pour ſe réfugier à toutes jambes dans la ville. Nous convenons encore que Priape a pu d’abord lâcher un Pet ſimple mais avec grand éclat, ſemblable à celui d’une veſſie tendue, & que ce bruit ayant été auſſitôt ſuivi d’un diphtongue, aura épouvanté les Magiciennes, & les aura contraintes de prendre la fuite. Horace dans la crainte d’être trop diffus n’en dit mot, & il s’eſt tû parce qu’il ne ſoupçonnoit perſonne d’en être informé. Nous avons fait cette petite annotation parce qu’elle nous a paru néceſſaire, & convenir à l’obſcurité & à la difficulté du paſſage : nous n’en voulons pas dire davantage, ni diſputer avec qui que ce ſoit.