Traduction par Henriette Loreau.
Hachette (tome 1p. 96-110).

IX

CONSULTATION DE MISTER ET DE MISSIS BOFFIN


S’étant rendu chez lui directement, l’excellent homme arriva au Bower sans plus d’obstacle. Il y trouva missis Boffin en costume de promenade (velours noir et panache blanc, comme un cheval de corbillard) et lui rendit compte de ce qu’il avait fait depuis le déjeuner.

« Ceci, ma vieille, poursuivit-il, nous ramène à la question que nous avons posée ce matin et qui n’a pas été résolue, à savoir s’il y a encore quelque chose à faire pour te mettre à la mode ?

— Eh bien, Noddy, je vas t’expliquer, répondit missis Boffin en repassant sa robe avec la paume de sa main, et d’un air de vive satisfaction, je veux voir la société.

— La fashionable ! s’écria le mari.

— Oui, retourna missis Boffin avec le rire joyeux d’un enfant ; oui, mon cher. Il ne faut pas me garder à la maison comme une figure de cire.

— Ma vieille, répliqua le mari, on paye pour entrer aux figures de cire, tandis que les voisins (et pourtant au même prix ce ne serait pas cher) peuvent venir te voir quand ils veulent, et sans qu’il leur en coûte.

— Ce n’est pas là ce qu’il me faut, répondit la joyeuse femme ; c’était bon autrefois. Lorsqu’on travaillait comme eux, les voisins pouvaient convenir ; à présent que nous avons quitté l’ouvrage, nous n’allons plus ensemble.

— Est-ce que tu songerais à le reprendre ? insinua mister Boffin.

— Pas du tout ; à quoi penses-tu ? Mais nous voilà très-riches ; il faut agir en conséquence, et mettre sa vie en rapport avec sa fortune. »

Boffin, qui avait le plus profond respect pour la haute sagesse de sa femme, répondit que c’était son opinion ; il fit cependant cette réponse d’un air méditatif.

« Nous n’avons encore rien fait de ce qu’il faut, reprit missis Boffin ; et c’est pour cela que le bien ne s’est pas produit.

— C’est vrai, dit le bonhomme qui toujours pensif, alla s’asseoir sur un banc ; mais j’espère qu’avec le temps il en sortira quelque chose. Dis, ma vieille, qu’en penses-tu ? »

La souriante créature, ample de corps, simple de cœur, les mains croisées sur son giron, et le cou gaillardement plissé, commença l’exposé de ses désirs.

« Je pense qu’il nous faut une belle maison, dans un beau quartier, avec de belles choses autour de nous, une bonne table et une belle société. Je dis qu’il nous faut vivre suivant nos moyens, sans faire de folies ; mais vivre bien heureux.

— Moi aussi ; bien heureux, approuva le mari, toujours pensif.

— Miséricorde ! s’écria missis Boffin en frappant dans ses mains et en se balançant à force de rire, miséricorde ! je me vois déjà dans un grand carrosse jaune à deux chevaux, et des boîtes d’argent aux moyeux.

— Comment ! tu penses à un carrosse ?

— Oui, continua l’heureuse créature ; nous aurons un grand laquais par-derrière, qui se tiendra tout droit, avec une barre pour empêcher le timon des voitures de lui frapper les mollets. Et par-devant un petit cocher, enfoncé dans un grand siège trois fois trop grand pour lui, et tout recouvert de tentures vertes, à garnitures blanches. Et deux grands chevaux bais, secouant la tête et levant bien haut les jambes en trottant le long du chemin ! Et puis nous deux à l’intérieur, toi et moi, Noddy, appuyés tout au fond, aussi roides que des quilles ! Oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah !

Missis Boffin se balança de nouveau en riant aux larmes, battit des mains, trépigna de joie, et s’essuya les yeux.

« Maintenant, ma vieille, demanda le bonhomme, après avoir ri par sympathie, quelles sont tes vues à l’égard du Bower ?

— S’en aller ; mais ne pas le vendre ; on le fera garder par quelqu’un.

— As-tu encore d’autres idées, la vieille ? »

Elle quitta son canapé, alla s’asseoir sur le banc, à côté de son mari ; puis accrochant de son bras dodu celui de Nick :

« La première chose à faire, dit-elle, c’est de nous occuper de cette pauvre fille. Vois-tu, Noddy, j’y pense tous les jours de grand matin, et le soir encore bien tard. Elle a été si malheureuse ! Perdre à la fois son mari et sa fortune ! Ne trouves-tu pas, Noddy, que nous devons songer à elle ? La prendre avec nous, ou quelque chose comme cela ?

— Et dire, s’écria le brave homme en frappant sur la table avec admiration, dire que je n’y avais pas pensé ! Quelle machine à idées que cette femme-là ! Elle les forge à la vapeur, et sans qu’elle s’en doute ; cela lui vient comme à la mécanique. »

Missis Boffin lui tira l’oreille en retour du compliment ; et d’une voix qui prit peu à peu l’accent maternel :

« Enfin, poursuivit l’excellente femme, j’ai un désir qui surpasse tout, Noddy. Tu te rappelles ce pauvre petit John au moment où il s’en alla tout seul. Je le vois encore à notre feu, là-bas, en haut de la cour. Aujourd’hui qu’il n’a plus besoin de rien, et que son argent nous est revenu, j’aimerais à trouver un pauvre enfant de son âge, qui n’aurait ni père ni mère ; à le prendre chez nous, à l’adopter, à l’appeler John, comme lui, et à lui faire un sort. Je me figure que cela me mettrait le cœur à l’aise. Dis, si tu veux, que c’est un caprice…

— Je ne dis pas cela, interrompit Boffin.

— Non ; mais si tu le pensais, Noddy…

— Je serais une brute, s’écria le digne homme,

— Tu consens, alors ? c’est bien bon de ta part, chéri, bien bon ; mais cela te ressemble. Ne trouves-tu pas que c’est très-agréable, dit missis Boffin qui rayonnait dans toute sa personne avenante, et caressait sa robe avec délices ; ne trouves-tu pas bien agréable de penser qu’un orphelin sera tiré de la misère, rendu meilleur, et finalement aura une vie heureuse en mémoire de ce cher petit que nous avons vu si triste ? Comme il est doux, n’est-ce pas, de songer que ce bien-là sera dû à son argent ?

— Oui, répondit l’excellent homme ; il est bien doux aussi de penser que tu es missis Boffin, et cela depuis tant d’années, ma vieille. »

Malgré les aspirations de la digne femme et la profonde atteinte qu’en recevaient ses tendances fashionables, ils restèrent l’un à côté de l’autre sur le banc de bois, couple très-peu à la mode et à jamais inélégant. Mais, dans leur profonde ignorance, ces créatures incultes avaient eu pour guide, au milieu des écueils de la vie, le sentiment religieux du devoir et le désir de bien faire. Vous auriez pu découvrir chez eux mille absurdités, mille faiblesses ; trouver peut-être chez la femme mille vanités par surcroît ; et cependant l’être violent et sordide qui avait exploité leurs belles années, les avait pressurés pour en extraire le plus d’ouvrage possible en échange du moins d’argent qui pût leur permettre de gagner la vieillesse, cet être sans scrupule avait lui-même reconnu leur droiture et l’avait respectée. Malgré la lutte incessante que les pauvres gens avaient soutenue contre lui, malgré le dépit qu’il en avait éprouvé, il avait subi l’influence de leur probité inflexible. Et ceci est la loi éternelle, le mal s’arrête souvent de lui-même, et s’éteint avec celui qui l’a fait ; le bien persiste, et son action est croissante.

À travers son despotisme haineux, le geôlier d’Harmony-jail avait senti l’honnêteté de ces fidèles serviteurs. Furieux de leur opposition, il les avait accablés d’injures ; mais leur courageuse franchise avait entamé son cœur de roche ; et en face de cette loyauté inébranlable, qu’il savait ne pouvoir corrompre, il avait senti l’impuissance de sa fortune. Ainsi, à l’époque où jamais il ne leur avait dit une bonne parole, cet homme avide, autant qu’impitoyable, les inscrivait dans son testament. Alors qu’il déclarait se défier de tout le genre humain (et il n’avait que trop de raisons de suspecter ses semblables), il confiait à ces honnêtes gens ses dernières volontés, et il n’était pas moins certain de la complète exécution de celles-ci que de la mort qui devait le frapper un jour.

Assis côte à côte, sur leur banc, à une distance incalculable de la fashion, mister et missis Boffin se demandèrent par quel procédé ils trouveraient leur orphelin.

« On pourrait faire mettre dans les journaux, dit l’excellente femme, qu’un enfant de tel âge, réunissant telles conditions, est prié de se rendre tel jour au Bower. »

Mais Noddy craignant d’obstruer la voie publique par la quantité d’orphelins qui se présenteraient, cette mesure ne fut pas adoptée. Missis Boffin proposa alors de s’adresser au recteur de la paroisse ; et le mari n’y voyant pas d’inconvénient, il fut décidé qu’on partirait tout de suite. On irait chez les Wilfer par la même occasion ; et pour que ces visites fussent de cérémonie, l’équipage fut demandé.

Cet équipage consistait en un vieux cheval ayant la tête en marteau, cheval qui jadis traînait la charrette, et qui aujourd’hui s’attelait à une chaise d’une époque reculée ; celle-ci, voiture à quatre roues, avait été pendant longtemps à l’usage exclusif de la basse-cour, et certaines poules discrètes aimaient à y couver leurs œufs. Une ration d’avoine au cheval, qui n’y était pas habitué, jointe à une couche de peinture au véhicule, avait, aux yeux de Boffin, mis les choses sur un pied très-sortable. Enfin, ayant ajouté à ces deux objets, sous forme de cocher, un jeune homme long et maigre, ressemblant à une zygène, ce poisson connu sous le nom de marteau, l’équipage ne laissait rien à désirer.

Ainsi que le cheval, le cocher, assorti à la bête, avait servi dans le balayage ; mais un tailleur du district, pris en journée au Bower, l’avait enseveli dans une grande paire de guêtres et dans une immense redingote, scellée d’énormes boutons. Derrière cette livrée, mister et missis Boffin occupaient le fond de la chaise, compartiment assez commode, sauf une tendance alarmante à se séparer de l’avant-train, avec un hoquet peu convenable, chaque fois qu’il y avait une ornière à franchir.

En voyant le cheval émerger du Bower, tout le quartier fut sur la porte ou à la fenêtre, pour saluer les Boffin. Parmi ceux qui furent laissés en arrière, bouche béante et l’œil tendu vers l’équipage, était une nombreuse jeunesse qui saluait le bonhomme en criant d’une voix retentissante :

« Nod-dy-y Bof-fin ! Bof-fin est ri-i-iche ! À bas le balaya-a-ge ! » et autres compliments du même genre. Le cocher à tête de marteau le prit en si mauvaise part qu’il en dérangea la majesté de sa course ; et il se disposait à quitter son siège pour tomber sur cette marmaille, lorsque ses maîtres intervenant, il en résulta une longue et vive discussion, qui finit cependant par le dissuader de son projet.

Enfin l’équipage s’éloigna du quartier et s’arrêta devant la paisible demeure du révérend Milvey, une modeste maison, attendu que les ressources du révérend étaient elles-mêmes fort modestes. Obligé par état d’être accessible à toute vieille femme qui avait à lui communiquer ses pensées incohérentes, Franck Milvey reçut immédiatement les Boffin. C’était un tout jeune homme, élevé d’une façon dispendieuse, et pauvrement rétribué. Pourvu d’une toute jeune femme, et de six enfants tout jeunes, il se voyait dans la nécessité de donner des leçons et de traduire les classiques, pour ajouter à son maigre salaire ; mais il était regardé par tout le monde comme devant consacrer aux autres plus de temps que le plus oisif de la paroisse, et faire plus d’aumônes que le plus riche du district. Il acceptait les difficultés inutiles et contradictoires de son existence avec une résignation qui tenait du servilisme ; un laïque audacieux qui se serait ingéré de lui ajuster son fardeau d’une manière plus commode, ou plus décente, n’aurait eu de sa part qu’un très-faible concours.

Mister Milvey, les manières et la figure placides, mais non sans un sourire latent qui annonçait une prompte observation de la toilette de missis Boffin, reçut ses visiteurs dans une étroite bibliothèque où le bruit des bambins descendait par le plafond, où l’odeur du gigot montait par le plancher.

« Je crois, dit le jeune pasteur à missis Boffin, lorsqu’elle lui eut exposé sa requête, je crois que vous n’avez jamais eu d’enfants.

— Non, monsieur, jamais.

— Et comme les reines des contes de fées, vous auriez voulu, je suppose, en avoir au moins un ?

— Assurément. »

Mister Milvey sourit de nouveau ; ces rois et ces reines, se dit-il à part lui, désirent toujours des enfants. Peut-être fut-il frappé de cette idée que s’ils étaient à sa place ils pourraient souhaiter le contraire.

« Je pense, reprit-il à haute voix, que nous ferons bien d’appeler mistress Milvey ; elle est de fort bon conseil ; permettez que je la fasse venir. Margaretta ! ma chère !… »

Mistress Milvey descendit aussitôt. Une jolie petite femme, jeune et vive, un peu flétrie par les travaux quotidiens. Elle avait réprimé une foule de goûts élégants, de fantaisies brillantes, et leur avait substitué les écoles, les plats de soupe, les dons de flanelle et de charbon, tous les besoins d’une population nombreuse, y compris les maux de tous les jours et les rhumes des dimanches. Son mari avait réformé non moins bravement tout ce qui découlait de ses études, ou le rattachait à ses anciens condisciples ; et il s’était lancé à corps perdu au milieu des pauvres et de leurs enfants, ramassant avec eux les miettes les plus dures de la vie.

« Mister et mistress Boffin, ma chère, dont vous savez l’heureuse fortune. »

Mistress Milvey salua et félicita les braves gens de la façon la plus gracieuse et la plus naturelle du monde. Elle était enchantée de les voir ; néanmoins sa figure engageante, à la fois ouverte et fine, laissa poindre le sourire qu’avait inspiré à son mari la toilette de la visiteuse.

« Mistress Boffin, ma chère, voudrait adopter un enfant, un petit garçon. — Et comme la jeune femme prit un air alarmé, il ajouta vivement : Un orphelin, ma chère.

— Oh ! fit mistress Milvey, que ce détail rassura au sujet de ses propres bébés.

— Et je pensais, Margarette, que le petit-fils de missis Goody pourrait peut-être convenir.

— Oh ! Franck, je ne pense pas.

— Vraiment ?

— Oh ! non, cher ! »

La souriante mistress Boffin sentit qu’elle devait se mêler à la conversation. Ravie de l’intérêt que l’expressive petite femme prenait à son affaire, elle présenta ses remerciements, et demanda ce que le susdit petit-fils pouvait avoir contre lui.

« Je ne crois pas, répondit mistress Milvey en regardant son mari, et certes, en y réfléchissant, mon cher Franck partagera mon opinion, je ne crois pas qu’on puisse empêcher cet enfant d’être sali par le tabac ; sa grand-mère en consomme une telle quantité, et renverse presque tout sur lui.

— Chère Margarette, il ne restera pas chez sa grand’mère, reprit M. Milvey.

— Je le sais bien, Franck ; mais il sera impossible d’interdire à cette femme la maison de mistress Boffin ; plus elle y trouvera à boire et à manger, plus elle ira souvent ; elle est si peu discrète ! J’espère que ce n’est pas manquer de charité ; mais rappelez-vous qu’au dernier réveillon elle a bu onze tasses de thé ; et qu’elle a grogné tout le temps. Puis elle n’a aucune reconnaissance ; vous vous souvenez du jupon de flanelle tout neuf qu’on lui avait donné ; elle l’a rapporté parce qu’il était trop court ; et que de bruit, que de plaintes à la foule qu’elle avait attirée !

— C’est vrai, dit le révérend, je ne crois pas que cela convienne. Pensez-vous qu’Harrison…

— Oh ! Franck ! objecta la jeune femme.

— Il n’a pas de grand’mère, chère Margarette.

— Non, mais il louche si fort !

— C’est encore vrai, dit le pauvre Franck, si la petite fille de…

— Mais c’est un petit garçon, mon cher, que demande mistress Boffin.

— C’est vrai, dit le révérend ; et il ajouta d’un air pensif : Tom Bocker est un charmant garçon.

— Mais je doute, Franck, insinua la jeune femme, qu’un orphelin de dix-neuf ans, charretier de son état, et qui arrose les routes, convienne à mistress Boffin. »

Le révérend interrogea celle-ci du regard ; et la souriante dame ayant secoué négativement son chapeau de velours noir, le cher Franck répéta d’un air abattu : « C’est encore vrai. »

— Si j’avais su, dit mistress Boffin, qui était consternée de l’embarras du pasteur, si j’avais su vous donner tant de peine, monsieur, et à vous aussi, madame, il est certain que je ne serais pas venue.

— Oh ! mistress Boffin ! ne dites pas cela, je vous en prie, s’écria mistress Milvey.

— Ne dites pas cela, confirma le révérend ; nous vous savons si bon gré de nous avoir donné la préférence.

— Oh ! oui, » dit la jeune femme.

Et rien n’était plus vrai ; ce couple excellent et consciencieux éprouvait la même satisfaction que s’il avait tenu boutique d’orphelins, et que mistress Boffin lui eût donné sa clientèle.

« Mais c’est une grande responsabilité, ajouta M. Milvey ; et la confiance qu’on nous témoigne rend la tâche plus délicate. Cependant, nous serions désolés de perdre l’occasion que vous avez la bonté de nous offrir ; si vous pouviez nous accorder un jour ou deux, il serait possible de trouver cela ; n’est-ce pas Margarette, en cherchant avec soin dans les work-houses et les écoles.

— Certainement, dit la chaleureuse petite femme.

— Nous avons bien des orphelins, poursuivit le mari avec autant d’anxiété que si la concurrence avait été vive, et qu’il eût craint de perdre une commande importante, mais ces orphelins travaillent dans les briqueteries, chez des parents, ou des connaissances de leurs familles, et je craindrais que ce ne fût la source d’une spéculation fâcheuse ; les livres, les couvertures, ou le chauffage que l’on donnerait pour conserver l’enfant, seraient convertis en liqueurs ; on ne pourrait pas l’empêcher. »

Il fut donc arrêté que mister et mistress Milvey chercheraient un orphelin réunissant les qualités voulues ; autant que possible à l’abri de réclamations futures ; et qu’aussitôt qu’il serait trouvé on le ferait savoir au Bower.

Mister Boffin prit alors la liberté de dire à mister Milvey que s’il pouvait lui rendre le service d’être son banquier perpétuel pour un billet d’une vingtaine de livres, et même plus, à dépenser comme mister Milvey l’entendrait, il lui en serait extrêmement obligé. Proposition qui fit autant de plaisir au jeune couple que s’il n’avait eu aucun besoin personnel, et n’avait connu la pauvreté qu’en la voyant dans la paroisse. Sur quoi l’entrevue se termina, laissant à chacun une bonne opinion des autres ; et à tous une entière satisfaction.

« Maintenant, ma vieille, dit mister Boffin, en s’assoyant derrière le cheval et le cocher à tête en marteau, maintenant que cette agréable visite est faite, nous allons entrer chez les Wilfer. »

La chose était simple à dire ; mais pas à exécuter. Rien de plus difficile que de pénétrer dans cette demeure. Trois coups de sonnette vigoureux n’ayant produit extérieurement aucun résultat, bien qu’à chaque fois des pas rapides eussent retenti dans la maison, la tête de zygène, qui commençait à s’échauffer, en administra un quatrième où perçait sa colère. À ce violent appel, miss Lavinia se montra comme par hasard, un chapeau sur la tête, une ombrelle à la main, avec l’intention apparente de faire un tour de promenade. Fort étonnée de voir quelqu’un à la porte, elle exprima sa surprise en termes convaincus.

« C’est mister et missis Boffin ! grogna le cocher en secouant la grille comme s’il eût été membre de quelque ménagerie. Voilà une demi-heure qu’ils attendent ! cria-t-il.

— Que dites-vous ? demanda miss Lavinia

— Je dis que c’est mister et missis Boffin ! » rugit la tête de marteau.

Miss Lavinia gravit d’un pas léger les marches du perron, les redescendit avec une clef à la main, traversa la petite cour et ouvrit la porte en disant avec hauteur :

« Donnez-vous la peine d’entrer, la bonne est sortie. »

Les Boffin précédèrent la jeune fille ; ils s’arrêtèrent dans le petit vestibule, en attendant que miss Lavinia leur eût montré le chemin, et entrevirent sur l’escalier trois paires de jambes aux écoutes : celles de mistress Wilfer, de miss Bella et de George Sampson.

« N’êtes-vous pas mister et missis Boffin ? » demanda Lavinia en élevant la voix pour avertir les autres.

Vive attention de la part des jambes ; réponse affirmative des visiteurs.

« Par ici, veuillez descendre ; je vais avertir Ma. »

Fuite précipitée des trois paires de jambes.

Après un quart d’heure de solitude dans la pièce mi-cuisine, mi-parloir, où nous avons déjà rencontré la famille, et d’où les vestiges du dernier repas avaient été enlevés si prestement qu’on se demandait si la chambre avait été rangée en vue d’une visite ou d’une partie de colin-maillard, les visiteurs s’aperçurent de l’arrivée de quelqu’un.

C’était mistress Wilfer, majestueusement défaillante, et affligée d’un point de côté complaisant (défaillance et point de côté formaient sa tenue de cérémonie). Après avoir ajusté sa fanchon et fait les saluts d’usage :

« Pardonnez-moi, dit-elle en balançant ses gants ; mais à quel motif dois-je l’honneur de vous voir ?

— Cela peut se dire en quatre mots, répondit le brave homme. Vous connaissez peut-être de nom mister et missis Boffin, comme étant des gens qui aujourd’hui ont une certaine fortune ?

— J’ai entendu parler de cela, répliqua mistress Wilfer en s’inclinant avec une extrême dignité.

— Et j’ose dire, poursuivit Boffin, tandis que sa femme prodiguait les sourires et les hochements de tête approbatifs, j’ose dire, madame, que vous n’êtes pas disposée à nous voir d’un bon œil.

— Pardonnez-moi, répondit mistress Wilfer. Il serait injuste de faire retomber sur vous une calamité, qui, je n’en doute pas, nous fut envoyée du ciel. »

Une expression douloureuse, d’une sérénité héroïque, rendit ces paroles d’autant plus émouvantes.

« Très bien pensé, à coup sûr, dit l’honnête homme. Quant à nous, madame, missis Boffin et moi, nous sommes des gens tout unis, sans aucune feinte. Nous n’y allons pas par quatre chemins, en tournant autour du pot, parce qu’il y en a toujours un qui va tout droit où il faut qu’on arrive. Nous sommes donc venus vous voir pour vous dire que nous serions contents de faire la connaissance de votre fille, et que nous serions heureux si elle voulait bien regarder notre maison comme la sienne, à l’égal de la vôtre. Bref, nous voudrions consoler cette jeunesse, lui faire avoir part des petits plaisirs que nous pensons nous donner ; enfin, la distraire et l’égayer un peu.

— Oui, dit mistress Boffin de tout son cœur, laissez-nous nous contenter. »

Mistress Wilfer adressa à la brave femme un signe de tête pour la tenir à distance, et répondit de sa voix grave et monotone :

« Pardonnez-moi, monsieur, j’ai plusieurs filles ; laquelle doit être favorisée des bonnes grâces de mister et de mistress Boffin ?

— Tiens ! s’écria celle-ci toujours souriante, c’est miss Bella naturellement.

— Oh ! dit mistress Wilfer d’un ton glacial ; miss Bella est visible, elle peut vous répondre, et le fera elle-même. »

Puis, entr’ouvrant la porte dont le grincement coïncida avec un bruit de pas précipités, qui avaient lieu au dehors, la majestueuse dame fit cette proclamation :

« Envoyez-moi miss Bella. »

Bien que prononcé d’un ton solennel, cet ordre n’en fut pas moins accompagné d’un coup d’œil plein de reproches lancé à miss Bella en personne ; d’autant plus qu’appréhendant la sortie des visiteurs, cette jeune lady faisait de grands efforts pour se fourrer dans le petit cabinet, situé sous l’escalier.

« Les fonctions de mister Wilfer, expliqua la noble dame en venant se rasseoir, le retiennent dans la Cité une grande partie du jour. Il y est actuellement ; sans cela, mon mari aurait l’honneur de participer à la réception qui vous est faite sous son humble toit.

— Une maison très-agréable, dit Boffin d’un air enjoué.

— Pardonnez-moi, répondit mistress Wilfer en corrigeant cette méprise. C’est la demeure d’une pauvreté vivement sentie, bien qu’entièrement indépendante. »

Assez embarrassés du tour que prenait la conversation, mister et mistress Boffin restèrent la bouche ouverte, les yeux fixés dans le vide ; tandis que mistress Wilfer était plongée dans un silence qui donnait à entendre qu’à chaque fois qu’elle respirait, ce phénomène exigeait de sa part une dose d’abnégation dont l’histoire offre rarement l’exemple. Ce silence pathétique fut enfin rompu par l’arrivée de Bella. Après avoir été présentée, la jeune miss apprit de la bouche de sa mère les intentions dont elle était l’objet.

« Je vous suis très-obligée, dit-elle en secouant froidement ses papillotes ; mais je doute que cela me convienne.

— Bella ! remontra sa mère d’un ton de reproche, il faut triompher de cette répugnance.

— Oui, chère belle, reprit mistress Boffin, triomphez de ça, comme dit maman : nous serons si heureux de vous avoir ! et puis, vous êtes trop jolie pour rester enfermée. »

L’aimable femme embrassa la jeune fille, dont elle frappa de sa main caressante les épaules à fossettes. Mistress Wilfer, droite et roide sur son siège, présidait à ces marques de tendresse comme un fonctionnaire à l’entrevue qui précède une exécution.

« Nous allons quitter le Bower et prendre une belle maison, poursuivit mistress Boffin, qui était femme à profiter du moment où il ne pouvait pas la contredire pour compromettre son mari et l’engager sur ce point. Alors, nous aurons un beau carrosse, et nous irons partout. » Puis, caressant la main de Bella : « Il ne faut pas nous en vouloir, poursuivit-elle ; ce n’est pas notre faute, vous le savez bien. »

La franchise et la bonté impressionnent aisément la jeunesse, et Bella fut si touchée des paroles précédentes, qu’elle rendit sincèrement à l’excellente femme le baiser qu’elle venait d’en recevoir. Ce fut toutefois au grand déplaisir de mistress Wilfer, dont l’esprit calculateur cherchait à prouver aux Boffin, qu’en leur accordant ce qu’ils demandaient, c’était Bella qui leur rendrait service.

« La plus jeune de mes filles, dit-elle en profitant de l’entrée de Lavinia pour faire diversion à cet épanchement impolitique. Mister George Sampson, un ami de la famille. »

Cet ami était précisément dans la période amoureuse qui vous fait considérer tout autre que vous-même comme un ennemi de ladite famille. Il prit donc un siège, et mit la pomme de sa canne entre ses lèvres, sans doute pour arrêter les sentiments hostiles qui l’emplissaient jusqu’à la gorge, et il jeta sur les étrangers des regards inexorables.

« Vous viendrez, n’est-ce pas ? continua mistress Boffin ; si vous voulez prendre votre sœur avec vous, cela nous fera grand plaisir. Plus vous serez contente, miss Bella, plus nous serons contents nous-mêmes.

— Il paraît que mon consentement est inutile ! s’écria la jeune sœur.

— Lavvy, lui dit l’autre à voix basse, ayez la bonté de vous taire.

— Non, je ne me tairai pas, répondit tout haut la piquante Lavvy ; je ne suis pas une enfant pour qu’on dispose de moi sans ma permission.

— Tu es une enfant, au contraire.

— Ce n’est pas vrai ; et je ne veux pas qu’on me traite comme ça : vous prendrez votre sœur… Ah ! vraiment !

— Lavinia, dit la mère, taisez-vous ; je ne permets pas qu’en ma présence vous émettiez cet absurde soupçon que des étrangers, quels qu’ils soient, puissent patronner un de mes enfants. Osez-vous supposer, petite sotte, que mister et mistress Boffin sont venus chez votre père avec des idées de patronage ? Croyez-vous que s’ils avaient eu de ces idées outrageantes ils seraient restés dans cette maison, alors que votre mère eût conservé dans la poitrine assez de force vitale pour exiger leur départ ? Vous me connaissez bien peu, Lavinia, si vous avez supposé qu’il pût en être ainsi.

— Tout cela est très-joli, grogna l’impatiente fille ; mais…

— Taisez-vous ! je ne le souffrirai pas. Ignorez-vous le respect qui est dû à vos hôtes ? Ne comprenez-vous pas qu’en osant insinuer que cette lady et ce gentleman ont pu concevoir la pensée de protéger un membre de votre famille, peu importe lequel, vous les accusez d’une impertinence voisine de la folie ?

— Ne vous fâchez pas à cause de nous, ma’ame, dit Boffin en souriant ; ne faites pas attention, tout ça nous est égal.

— Mais pas à moi, répondit mistress Wilfer.

— Je le crois bien, murmura Lavinia en laissant échapper un rire bref et malicieux.

— Et j’exige de cette audacieuse petite, continua la mère en lançant à Lavvy un regard foudroyant qui resta sans effet, j’exige qu’elle soit juste à l’égard de sa sœur ; qu’elle n’oublie pas que sa sœur Bella est excessivement recherchée, et que toutes les fois que miss Bella accepte une attention, elle envisage cette condescendance comme un honneur au moins égal (tressaillement d’indignation) à celui qu’elle reçoit. »

Ici miss Bella répudia l’intervention maternelle.

«  Je peux me défendre, Ma, dit-elle avec calme, vous le savez bien ; ne parlez pas pour moi, je vous prie.

— À merveille ! dit l’incorrigible cadette, bombardez-vous à travers mon corps. Je voudrais savoir ce qu’en pense George Sampson.

— Mister George, s’empressa de répondre mistress Wilfer en voyant ce gentleman ôter le bouchon de ses lèvres, et en le regardant d’un œil tellement sombre qu’il se reboucha aussitôt, mister George, en sa qualité d’ami de la famille et d’habitué de la maison, est trop bien élevé, j’en suis sûre, pour s’interposer dans ce débat sur une pareille invitation. »

Cet éloge poussa l’honnête mistress Boffin à se repentir du jugement un peu sévère qu’elle avait porté sur ce jeune homme, et à réparer sa faute en disant qu’elle serait enchantée, ainsi que mister Boffin, de recevoir mister George Sampson toutes les fois qu’il lui serait agréable de venir chez eux. Procédé auquel ce gentleman répondit élégamment, sans ôter son bouchon :

« Très-obligé, mais impossible ; tous mes jours sont pris, ainsi que toutes mes soirées. »

La charmante Bella néanmoins compensa tous ces déboires par la manière dont elle accueillit les avances des Boffin. Conséquemment, les deux époux, très-satisfaits de leur démarche, annoncèrent à ladite Bella qu’ils reviendraient aussitôt qu’ils seraient en mesure de la recevoir selon leur désir, et qu’ils la préviendraient de leur visite. Cet arrangement fut sanctionné par un signe de tête de mistress Wilfer, qui agita ses mains gantées comme pour dire : On passera par-dessus vos défauts, pauvres gens, et vous serez gratifiés de notre indulgence.

« À propos, ma’ame, dit Boffin en se retournant, il paraît que vous avez un locataire ?

— Un gentleman, reprit mistress Wilfer, choquée de la vulgarité de l’expression ; oui, monsieur, un gentleman occupe notre premier étage.

— Je peux dire que c’est un ami commun, poursuivit mister Boffin. Quel homme est-ce que notre ami ? En êtes-vous contente ?

— Mister Rokesmith est fort tranquille, très-ponctuel ; toutes les qualités qu’on peut désirer chez un hôte.

— C’est que, voyez-vous, expliqua Boffin, je n’ai vu notre ami qu’une fois, et je ne le connais pas particulièrement. Ainsi vous en rendez bon témoignage ? Est-il chez lui ?

— Oui, monsieur, répondit mistress Wilfer. Tenez, je le vois là-bas, à la porte du jardin ; il paraît même vous attendre.

— C’est possible, répondit le brave homme ; il m’aura vu entrer. »

Ce court dialogue avait été suivi attentivement par Bella, qui, tout en reconduisant mistress Boffin, écouta le reste avec non moins d’attention.

« Comment vous portez-vous depuis tantôt ? dit le bonhomme ; voilà missis Boffin. Ma chère, c’est mister Rokesmith, le gentleman dont je t’ai parlé. »

Mistress Boffin souhaita le bonjour au gentleman, qui s’avança, lui donna la main pour la faire monter en voiture, et l’aida à s’asseoir avec autant d’adresse que d’aisance.

« Adieu pour le moment, chère belle, dit l’excellente femme, qui parlait de tout son cœur. Nous nous reverrons bientôt. J’espère qu’alors j’aurai mon petit John Harmon, et que je pourrai vous le montrer. »

Mister Rokesmith, qui était près de la voiture, où il arrangeait la robe de mistress Boffin, jeta subitement les yeux autour de lui et devint si pâle que l’excellente femme s’écria :

« Qu’avez-vous donc, monsieur ?

— Lui montrer un mort ! Comment le pourrez-vous ? dit-il.

— Ce n’est qu’un enfant, répondit la digne femme, un enfant adoptif que j’appellerai comme lui.

— Je ne m’y attendais pas, reprit le gentleman, et j’ai été frappé comme d’un mauvais présage en vous entendant parler de faire voir un mort à tant de jeunesse et de fraîcheur. »

Miss Wilfer, à cette époque, soupçonnait Rokesmith d’avoir de l’admiration pour elle. Cette connaissance, car le soupçon allait jusque-là, avait-elle rapproché la jeune fille du gentleman ou augmenté son éloignement pour lui ? Était-ce pour légitimer la méfiance qu’il lui inspirait toujours, ou pour s’en affranchir, qu’elle recherchait avidement tout ce qui pouvait l’éclairer sur le compte de ce jeune homme ? Elle-même ne le savait pas encore ; mais, chose certaine, il occupait une grande place dans son esprit, et elle avait prêté une extrême attention à ce dernier incident. Elle savait fort bien qu’il s’en était aperçu ; lui, de son côté, n’ignorait pas qu’elle le savait. Ils en étaient là quand ils se virent seuls tous les deux, près de la grille où ils étaient restés.

« De bien excellentes gens ! miss Wilfer, dit Rokesmith.

— Vous êtes lié avec eux ? » demanda Bella.

Il sourit d’un air de reproche. Elle devint très-rouge, sachant bien qu’elle avait eu l’intention de lui faire dire une chose fausse, et qu’il s’en était aperçu.

« Je les connais, répondit le jeune homme.

— Effectivement ; il nous a dit vous avoir vu une fois.

— Effectivement, reprit Rokesmith, j’étais sûr qu’il vous le dirait. »

Bella était agacée ; elle aurait voulu pouvoir retirer sa question.

« Vous trouvez bizarre, miss, que, m’intéressant à vous comme je le fais, j’aie tressailli en vous entendant menacer du contact de ce mort, enterré depuis longtemps ? J’ai compris aussitôt que j’attribuais à ces paroles un sens qu’elles n’avaient pas ; mais la cause de l’impression que j’en ai ressentie existe toujours. »

Elle revint, toute pensive, dans la chambre où se tenait la famille, et où son incorrigible sœur l’accueillit par ces mots :

« Eh bien ! Bella, tu es contente, j’espère. Voilà tes vœux réalisés. Tu seras riche, avec tes Boffin ! Tu feras la belle à ton aise, chez tes Boffin ! Tu ne m’y prendras pas, c’est moi qui te le dis, et je le dirai à tes Boffin.

— Si le Boffin de miss Bella, dit George en retirant sa canne de sa bouche, vient encore à me parler de ses sots projets sur moi, je lui ferai comprendre, ainsi qu’il convient d’homme à homme, que c’est à ses ri… »

Il allait dire risques et périls, quand miss Lavvy, peu confiante dans les ressources intellectuelles du jeune homme, et ne voyant pas à quoi rimait son discours, lui rejeta sa canne entre les lèvres, et le reboucha avec tant de violence que les larmes lui en vinrent aux yeux.

S’étant servie de Lavinia comme d’une cible pour édifier les Boffin sur la portée de ses coups, mistress Wilfer redevint tout miel pour la chère enfant, et se mit en devoir d’offrir un dernier exemple de sa puissance morale. Cet exemple, qu’elle avait toujours en réserve, consistait à éclairer sa famille par une pénétration de physionomiste vraiment extraordinaire, pénétration dont le Chérubin s’effrayait d’autant plus qu’elle découvrait toujours une foule de menées ténébreuses dont aucune prescience inférieure n’avait le moindre soupçon. Mistress Wilfer ne pouvait manquer d’exhiber cette faculté exceptionnelle aux dépens des riches individus qu’elle venait de recevoir. Notez bien qu’à l’instant où elle exprimait cette opinion, elle s’inquiétait déjà de la manière dont elle ferait mousser lesdits personnages, leur fortune, leur état de maison, et dont elle en accablerait ses amis, qui tous étaient dépourvus de Boffins.

« Je ne dis rien de leurs manières, poursuivit-elle ; je ne dis rien de leur physique, rien de leur désintéressement à l’égard de ma fille ; mais la ruse, l’hypocrisie, le besoin d’intriguer dans l’ombre, qui sont écrits sur le visage de mistress Boffin, me donnent le frisson. »

Et pour prouver d’une manière incontestable qu’elle avait bien vu ces attributs funestes sur ce visage candide, mistress Wilfer frissonna sur-le-champ.