L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne/3.5

LE DORTOIR

La règle de saint Bernard (ch. xxii) ordonnait aux religieux de coucher dans un dortoir commun, sans feu, sur des paillasses déposées sur le sol, et non dans des cellules, comme d’autres ordres le permettaient. Seules, de simples cloisons basses, alignées sur deux rangs, avec un couloir central facilitant la surveillance, les séparaient les uns des autres. Les moines dormaient tout habillés, prêts à se rendre à l’église, au premier signal, pour l’office de nuit, par l’escalier qui existe encore et descend dans le bras de croix méridional. Le dortoir des religieux de Fontenay occupait, au-dessus de la salle capitulaire et de la grande salle, toute la longueur du bâtiment oriental, sans murs de refend. Il était éclairé au couchant par quatorze baies étroites et cintrées qui viennent d’être retrouvées sous l’enduit et remises à jour. Trois grands arcs, récemment découverts sous le crépissage du mur oriental, montrent que le dortoir se prolongeait au-dessus de la travée de, la salle capitulaire, aujourd’hui démolie, formant une sorte d’annexe, peut-être réservée au prieur ou à d’autres dignitaires.

Actuellement, le dortoir, divisé par un plancher dans le milieu de sa hauteur, est recouvert d’une magnifique charpente de bois de châtaignier d’une parfaite conservation (fig. 39) ; elle ne date que de la seconde moitié du xve siècle, époque où elle dut remplacer l’ancienne voûte, détruite par un incendie, au temps du vingt-neuvième abbé de Fontenay, Jean Frouard de Courcelles (1459-1492).

À l’extrémité méridionale du dortoir se trouvait la cellule de l’abbé qui, seul, avait le privilège d’habiter isolément. Des latrines étaient contiguës au dortoir : on en a retrouvé les conduites qui aboutissaient au canal de dérivation de la rivière qui passe sous la grande salle. La même disposition se retrouve exactement à l’abbaye anglaise de Fountains et dans beaucoup d’autres.