Texte établi par Alphonse Constantau bureau de la direction de La Vérité (p. 103-105).

XXI

Réalités épouvantables.


C’est horrible à dire, mais, dans notre société, souvent ce qu’on appelle vertu conduit directement au crime, et ce qu’on appelle crime conduit aux positions honorables.

Voyez les prostituées des rues, ce lamentable troupeau que l’ignominie a marqué ; si elles avaient su se vendre de bonne heure, elles ne seraient pas tombées à si bas prix, et ce seraient des femmes honorables !

Les malheureuses pour la plupart ont aimé et se sont laissé séduire ; elles n’ont pas eu le courage de l’hypocrisie parce qu’elles avaient un cœur.

Voilà ce que le monde en a fait. Voyez ce prêtre apostat qui meurt de misère ; s’il avait su mentir comme les autres et cacher ses vices sous une austérité haineuse, il serait peut-être évêque aujourd’hui !

Voyez ces forçats qui partent pour Brest ou pour Toulon, enchaînés deux à deux : ils ont volé avec trop de franchise. Oh ! s’ils avaient su faire leurs affaires !

Voyez cette pauvre femme du peuple qu’on vient d’arrêter pour avoir volé un pain : elle a été jeune et belle, mais elle a voulu être honnête. Un ouvrier brutal et fainéant l’a épousée et l’a rendue mère, puis il l’a délaissée avec ses enfants !

Ô moralistes ! que vous êtes beaux dans vos théories et puissants dans vos arguments !

Vous vous donnez bien de la peine pour former des gens vertueux, et puis voilà que la société les prend en ricanant et les jette au dépôt de mendicité ou à la charrette du bourreau !