Alfred Mame et fils (p. 10-12).


§4

Pourquoi les familles vivent en paix, quand elles sont soumises
aux commandements du Décalogue.


Selon les indications de la raison et de l’expérience, le père et la mère constituent, par leur entente mutuelle, le pouvoir le plus apte à établir le règne de la paix dans les générations successives de la famille. L’autorité paternelle l’emporte, en effet, par trois motifs principaux sur les autres pouvoirs qui interviennent dans le gouvernement des sociétés : elle se constitue naturellement, grâce à l’état de dépendance, qui est la condition obligée des enfants pendant le premier âge ; elle est portée, par ses tendances innées, à conquérir l’obéissance de ses sujets, non par le recours à la force, mais par les témoignages d’amour ; à défaut de la force qui lui manque pour réprimer la révolte, elle comprend la nécessité de faire appel à l’action pacifique que la religion exerce sur les âmes. Lors donc qu’elle se trouve dans un état d’isolement, quand elle n’est pas secondée par les corps publics, qui, dans toute société agglomérée et prospère, pourvoient à ce besoin essentiel, elle institue spontanément le culte de Dieu au foyer domestique. Dans toute société où la paix règne, l’autorité paternelle, soit isolée, soit agglomérée, donne ainsi à ses subordonnés l’exemple du respect dû à une autorité plus haute que la sienne (C. e., préface, XI.) D’un autre côté, les jeunes générations ne sont point portées à l’obéissance envers les parents, comme ceux-ci à l’amour de leurs enfants. On s’explique donc que la soumission de la famille aux quatre premiers commandements soit pour elle une des conditions nécessaires du bien-être fondé sur la paix.

L’obéissance aux six derniers commandements du Décalogue n’est pas moins indispensable au bonheur d’une association de familles. Dans chacune d’elles, les jeunes générations dont les tendances innées vers le mal n’ont point été domptées par l’éducation ne sont nullement portées à la paix. Loin de là, elles déchaînent la discorde et la guerre par des attentats qui mettent en péril la vie, la dignité, la subsistance et la sécurité des familles voisines. Toutes les sociétés s’accordent à nommer « loi morale » les prescriptions qui résultent des dix commandements du Décalogue.

Le commandement V interdit toutes les formes de la violence, et spécialement celle qui est poussée jusqu’à l’effusion du sang humain. Les commandements VI et IX condamnent le développement exagéré des appétits sensuels ; ils concernent surtout celui qui, violant le respect dû au caractère de la femme, la rend indigne d’être associée en qualité de mère, par le mariage, à l’autorité que lui confère le quatrième commandement. Les commandements VII et X réprouvent les actes et même les pensées qui tendent à l’acquisition injuste de la propriété des voisins. Enfin, le commandement VIII flétrit toutes les formes du mensonge, et notamment les faux témoignages qui compromettent la juste punition de ces divers attentats.

Les familles qui s’associent pour se procurer dans ces conditions le bonheur fondé sur la paix, pratiquent en fait un ensemble de coutumes. Celles-ci varient selon les lieux ; mais elles se rattachent toutes au Décalogue et à six autres principes, qui forment avec lui « la Constitution essentielle de l’humanité ». L’une des coutumes les plus apparentes de ce régime est l’établissement d’un pouvoir, obéi de tous, qui assure la pratique de cette Constitution.