Législation résultant de la prorogation du privilège de la Banque de France/Loi du 17 novembre 1897

Législation résultant de la prorogation du privilège de la Banque de France
(p. 3-8).
LOI DU 17 NOVEMBRE 1897
PORTANT
PROROGATION DU PRIVILÈGE
DE LA
BANQUE DE FRANCE





Article premier.

Le privilège concédé à la Banque de France par les lois des 24 Germinal an XI, 22 Avril 1806, 30 Juin 1840 et 9 Juin 1857, dont la durée expirait le 31 Décembre 1897, est prorogé de vingt-trois ans et ne prendra fin que le 31 Décembre 1920.

Néanmoins une loi votée par les deux Chambres dans le cours de l’année 1911 pourra faire cesser le privilège à la date du 31 Décembre 1912.

Art. 2.

Le 1o de l’article 9 des statuts fondamentaux de la Banque, établis par le Décret du 16 Janvier 1808, est modifié ainsi qu’il suit :

Les opérations de la Banque consistent :

1o À escompter à toutes personnes des lettres de change et autres effets de commerce à ordre, à des échéances déterminées qui ne pourront excéder trois mois, et souscrits par des commerçants, par des syndicats agricoles ou autres et par toutes autres personnes notoirement solvables.

Art. 3.

Les fonctions de Gouverneur et de Sous-Gouverneur de la Banque de France sont incompatibles avec le mandat législatif.

Art. 4.

L’article 19 de la loi du 22 Avril 1806 est complété par l’adjonction, après le deuxième paragraphe, d’un paragraphe ainsi conçu :

« Ces agents devront être Français. »

Art. 5.

À partir du 1er Janvier 1897, et jusques et y compris l’année 1920, la Banque versera à l’État, chaque année et par semestre, une redevance égale au produit du huitième du taux de l’escompte par le chiffre de la circulation productive, sans qu’elle puisse jamais être inférieure à 2 millions (2.000.000).

Pour la fixation de cette redevance, la moyenne annuelle de la circulation productive sera calculée telle qu’elle est déterminée pour l’application de la loi du 13 Juin 1878.

Le premier payement semestriel sera exigible quinze jours après l’expiration du semestre dans lequel la loi aura été promulguée. Les autres payements s’effectueront le 15 Janvier et le 15 Juillet de chaque année, le dernier devant avoir lieu le 15 Janvier 1921.

Art. 6.

L’avance de 60 millions consentie par la Banque à l’État en vertu du traité du 10 Juin 1857 moyennant un intérêt de 3 % et l’avance de 80 millions consentie par la Banque à l’État en vertu du traité du 29 Mars 1878, approuvé par la loi du 13 Juin 1878, moyennant un intérêt de 1 %, cesseront de porter intérêt à partir du 1er Janvier 1896.

La Banque ne pourra réclamer le remboursement de tout ou partie de ces avances pendant toute la durée de son privilège.

Art. 7.

Est approuvée la convention du 31 Octobre 1896, en vertu de laquelle, indépendamment des 140 millions spécifiés à l’article 6, la Banque s’engage à mettre à la disposition de l’État, sans intérêt et pour toute la durée de son privilège, une nouvelle avance de quarante millions (40.000.000) de francs.

Cette convention est dispensée des droits de timbre et d’enregistrement.

Art. 8.

La Banque payera gratuitement, concurremment avec les Caisses publiques, pour le compte du Trésor, les coupons au porteur des rentes françaises et des valeurs du Trésor français qui seront présentés à ses guichets, tant à Paris que dans ses Succursales et Bureaux auxiliaires.

Art. 9.

La Banque devra, sur la demande du Ministre des Finances, ouvrir gratuitement ses guichets à l’émission des rentes françaises et valeurs du Trésor français.

Art. 10.

Les comptables du Trésor pourront opérer, dans les Bureaux auxiliaires comme dans les Succursales, des versements ou des prélèvements au compte-courant du Trésor.

Dans les villes rattachées, la Banque devra faire opérer gratuitement, à toutes les échéances, le recouvrement des traites tirées sur les comptables du Trésor par d’autres comptables du Trésor, ainsi que celui des traites des redevables de revenus publics à l’ordre des comptables du Trésor.

Art. 11.

Dans un délai de deux ans à partir de la promulgation de la présente loi, le nombre des Succursales sera porté de quatre-vingt-quatorze à cent douze par la transformation de dix-huit Bureaux auxiliaires en Succursales.

En outre, il sera créé une Succursale dans chacun des chefs-lieux de département qui n’en possèdent pas.

Les Bureaux auxiliaires non transformés en Succursales seront maintenus.

En outre, il sera créé trente nouveaux Bureaux auxiliaires.

Les établissements et les services institués par le présent article fonctionneront dans le délai maximum de deux ans à dater de la promulgation de la présente loi.

Indépendamment des créations stipulées ci-dessus, la Banque créera, à partir de 1900, au moins un Bureau auxiliaire nouveau chaque année, jusqu’à concurrence de quinze. Les localités dans lesquelles ces bureaux devront être établis seront déterminées, d’un commun accord, par le Ministre des Finances et la Banque de France.

Art. 12.

Lorsque les circonstances exigeront l’élévation du taux de l’escompte ou de l’intérêt des avances au-dessus de 5 %, les produits qui en résulteront pour la Banque seront déduits des sommes annuellement partageables entre les actionnaires ; un quart sera ajouté au fonds social, et le surplus reviendra à l’État.

Art. 13.

Le chiffre des émissions des billets de la Banque de France et de ses Succursales, fixé au maximum de 4 milliards, est élevé à 5 milliards.

Art. 14.

Le cours légal d’un type déterminé de billets pourra, sur la demande de la Banque, être supprimé par décret, la Banque restant d’ailleurs toujours tenue d’en opérer le remboursement à vue et en espèces, tant à son Siège central à Paris que dans ses Succursales et Bureaux auxiliaires.

En dehors des conditions prévues par le paragraphe premier du présent article, le cours légal des billets ne peut être supprimé que par une loi.

Art. 15.

La Banque de France versera au Trésor public, dans le mois qui suivra la promulgation de la présente loi, une somme représentant la valeur des billets de banque de tous les anciens types à impression noire qui n’auront pas été présentés au remboursement.

Ces billets seront, en conséquence, retranchés du montant de la circulation, le Trésor prenant à sa charge le remboursement desdits billets qui pourraient être ultérieurement présentés aux guichets de la Banque.

Jusqu’à l’expiration de son privilège, ou tout au moins jusqu’à une prorogation nouvelle, si elle intervient avant 1920, la Banque restera en possession du montant des billets autres que ceux qui sont mentionnés au paragraphe précédent et dont le remboursement ne lui aura pas été demandé.

Art. 16.

La Banque sera tenue de trébucher, dans les encaisses de ses Succursales et Bureaux auxiliaires, et de transporter à ses frais, à l’Hôtel des Monnaies, les pièces d’or légères dont le Ministre aura prescrit la réfection. Les pièces neuves seront remises à la Banque, à son Siège social.

Art. 17.

Est approuvée la convention du 31 Octobre 1896 réglant les rapports de l’État et de la Banque de France en ce qui concerne l’exécution de la convention monétaire conclue les 6 Novembre et 12 Décembre 1885 entre la France, la Belgique, la Grèce, l’Italie et la Suisse. Cette convention est dispensée des droits de timbre et d’enregistrement.

Art. 18.

Les sommes versées par la Banque par application des articles 5 et 7 seront réservées et portées à un compte spécial du Trésor, jusqu’à ce qu’une loi ait établi les conditions de création et de fonctionnement d’un ou de plusieurs établissements de crédit agricole.


La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des Députés, sera exécutée comme loi de l’État.


Fait à Paris, le 17 Novembre 1897.
Félix FAURE.
Par le Président de la République :
Le Ministre des Finances,
Georges COCHERY.