Journal (Eugène Delacroix)/6 mars 1832

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 159-160).

6 mars. — A Garbia.

Parti vers 7 ou 8 heures, monté une colline, le soleil à gauche ; montagnes très découpées les unes derrière les autres sur un ciel pur.

Trouvé diverses tribus. Coups de fusil en sautant en l’air, traversé une montagne (Lac-lao) très pittoresque. Pierres. Je me suis arrêté un moment.

— Hommes sous des arbres près d’une fontaine ; hommes à travers les broussailles.

Très belle vue au haut de la montagne, demi-heure avant le campement ; la mer à droite et le cap Spartel.

Courses de poudre dans la plaine avant la rivière. Les deux hommes qui se sont choqués : celui dont le cheval a touché du cul par terre. Un surtout à cafetan bleu noir et fourreau de fusil en sautoir ; plus tard un homme à cafetan bleu de ciel.

La tribu nous suivant ; désordre, poussière ; précédé de la cavalerie. Courses de poudre : les chevaux dans la poussière, le soleil derrière. Les bras retroussés dans l’élan[1].

A notre descente de Lac-lao, à gauche, prés très verts ; montagne verte ; dans le fond, montagne bleu cru.

Au camp. Les soldats courant en confusion, le fusil sur l’épaule, devant la tente du pacha et se rangeant en ligne. Le pacha.

Les soldats venant, par quatre ou cinq, devant la tente du général de la cavalerie et s’inclinant. Ensuite tous en rang recevant par petits pelotons les ordres ; les autres se mettant accroupis en attendant leur tour.

Les tribus allant rendre hommage au pacha et menant des provisions.

  1. Il s’agit ici de ces fantasias qui ont tenté le pinceau de tous les peintres qui visitèrent l’Orient. Cette première scène lui inspira une aquarelle qui devait figurer à la vente Mornay. Le catalogue Robaut la décrit ainsi : « Au premier plan, un peloton de cavaliers lancés au galop, à demi enveloppés de fumée ; celui du milieu sur un cheval gris brandit son fusil ; au second plan à droite, la porte de la ville avec d’autres cavaliers ; au fond, des montagnes d’un bleu léger. »