Journal (Eugène Delacroix)/20 avril 1850

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 430-431).

Samedi 20 avril. — Concert de Delsarte[1] et Darcier[2] : Anciens Noëls ou Cantiques chantés en chœur pour se conformer à cette passion du gothique, sans la satisfaction de laquelle les Parisiens ne peuvent trouver aujourd’hui de plaisir à rien.

Ce Darcier ne manque pas d’une certaine verve, et est doué d’une belle voix ; mais les refrains vulgaires et cette musique de mauvais goût faisaient un effet désolant auprès des morceaux de Delsarte.

Un malheureux enfant de chœur a psalmodié, sans une étincelle de sentiment, quelques complaintes gothiques, accompagné par une espèce d’orgue qui ne marquait aucune nuance et l’écrasait complètement.

Mme Kalerji était devant moi et auprès de M. J… et M. Piscatory[3].

Il a fallu livrer bataille, en sortant, pour avoir ma redingote, et j’y ai sans doute repris une seconde édition de mon rhume.

  1. Delsarte, artiste lyrique et musicien de haute valeur, se consacra surtout à l’enseignement de son art, et contribua par ses efforts à répandue dans le public le goût de la musique ancienne.
  2. Joseph Darcier, acteur, chanteur et compositeur, né en 1820.
  3. Piscatory, homme politique et diplomate, né en 1799, mort en 1870. Il joua un rôle assez important sous la Restauration et sous la monarchie de Juillet. Il fut envoyé comme ministre plénipotentiaire en Grèce en 1844 et comme ambassadeur quelques années après en Espagne. Sous le second Empire, il rentra définitivement dans la vie privée.