Journal (Eugène Delacroix)/12 février 1832

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 153-154).

Dimanche 12 février. — Dessiné la Juive Dititia avec le costume d’Algérienne[1].

Été ensuite au jardin de Danemark. Le chemin charmant. Les tombeaux au milieu des aloès et des iris (Ægyptiaca). La pureté de l’air. Mornay aussi frappé que moi de la beauté de cette nature.

Les tentes blanches sur tous les objets sombres. Les amandiers en fleur. Le lilas de Perse. Grand arbre. Le beau cheval blanc sous les orangers. Intérieur de la cour de la petite maison.

En sortant, les orangers noirs et jaunes à travers la porte de la petite cour. En nous en allant, la petite maison blanche dans l’ombre au milieu des orangers sombres. Le cheval à travers les arbres.

Dîner à la maison avec les consuls. Le soir, M. Rico a chanté des airs espagnols. Le Midi seul produit de pareilles émotions.

Indisposé et resté seul le soir. Rêverie délicieuse au clair de lune dans le jardin.

  1. Delacroix se plaint dans la Correspondance de la difficulté qu’il éprouve à dessiner d’après nature : « Je m’insinue petit à petit dans les façons du pays, de manière à arriver à dessiner à mon aise bien de ces figures de Mores. Leurs préjugés sont très grands contre le bel art de la peinture, mais quelques pièces d’argent, par-ci par-là, arrangent leurs scrupules. » Il écrit encore de Mequinez, le 2 avril : « Je vous ai mandé dans ma première lettre que nous avions eu l’audience de l’empereur. À partir de ce moment nous étions censés avoir la permission de nous promener par la ville ; mais c’est une permission dont moi seul j’ai profité entre mes compagnons de voyage, attendu que l’habit et la figure de chrétien sont en antipathie à ces gens-ci, au point qu’il faut toujours être escorté de soldats, ce qui n’a pas empêché deux ou trois querelles qui pouvaient être fort désagréables à cause de notre position d’envoyés. » (Corresp., t. I, p. 175 et 184.)