Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Malachie


Œuvres complètes
Traduction par Abbé Bareille.
Louis Vivès (Tome neuvièmep. 451-492).

COMMENTAIRES SUR LE PROPHÈTE MALACHIE

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À MINERVIUS ET À ALEXANDRE.

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LIVRE UNIQUE.

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PROLOGUE.

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Nous avons le dessein d’interpréter le dernier des douze prophètes, Malachie, dont les Septante ont traduit le nom par « son ange » disent-ils, « de la parole du Seigneur sur Israël, par la main de son Ange ; » c’est pour cela que l’hébreu porte : Malachi, qui se rend mieux et plus exactement par « mon ange » ou « mon messager. » Il n’est pas à croire que, selon l’opinion de certains origénistes, un ange soit venu du ciel et ait pris un corps humain pour porter à Israël ce qui était les ordres de Dieu. S’il fallait, en effet, interpréter les noms et par les noms arrêter, non le sens spirituel, mais la trame et l’ordre de l’histoire, il s’ensuivrait qu’Osée, qui veut dire « Sauveur. » et Joël, qui signifie « Seigneur Dieu », ou « commençant », et les autres prophètes ne seront point des hommes, mais seraient ou des anges, ou le Sauveur et le Seigneur lui-même, parce que leurs noms répondent à cela. À l’exception des Septante, les autres interprètes ont traduit le nom de Malachi comme on le lit dans l’hébreu. Les Hébreux estiment que Malachie est le prêtre Esdras, parce que tout ce que renferment ses livres est rappelé par ce prophète : « Les lèvres du prêtre », dit-il, « garderont la science et on apprendra la loi de sa bouche, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées. » Mal. 2, 7. Il y a aussi accord de temps et de titre, et pareillement nous avons dit à l’égard des psaumes que ceux qui n’ont point de titre doivent être attribués aux auteurs dont les psaumes qui précèdent portent le nom. Il est donc à croire que Malachie, c’est-à-dire Esdras, est venu après Aggée et Zacharie qui ont prophétisé sous Darius, et qu’il n’a point de titre, parce qu’il a, pour en tenir lieu, son livre, où nous voyons que sous le règne d’Artaxercès, roi des Perses, Esdras, fils de Saraia et des autres, jusqu’à ce passage où il est dit : « Fils de Phinées, fils d’Eléazar, fils du prêtre Aaron », est venu de Babylone dès le commencement et que le roi lui a accordé complètement l’objet de sa demande, selon la volonté du Seigneur son Dieu, et qu’il est monté avec lui des fils d’Israël, des fils des prêtres, et des lévites, et des chantres et des portiers et des Nathinéens, à Jérusalem, dans la septième année du roi Artaxercès et qu’ils étaient venus à Jérusalem le cinquième mois. C’est cette même septième année du roi ; car le premier jour du premier mois, il commença à monter de Babylone, et le premier jour du cinquième mois, il vint à Jérusalem. Voilà, chers Minervius et Alexandre, vous qu’unit moins le sang que la religion même, ce que pour ne point abandonner une œuvre commencée sur les prophètes, et ne point me donner à votre occasion un travail excessif, j’ai résumé brièvement dans ce préambule, afin que me préposant d’exposer les paroles de Malachie, d’abord d’après le texte hébreu et ensuite selon les Septante, je sois fort du secours de vos prières pour développer tout ce qui suit. Origène à écrit trois volumes sur ce livre, mais sans toucher à l’histoire et se renfermant, selon sa coutume, dans l’interprétation allégorique. Il ne fait aucune mention d’Esdras et il pense que celui qui écrit est un ange, conformément à ce que nous lisons au sujet de Jean : « Voilà que j’envoie mon ange au-devant de mes pas. » Mat. 11, 10. C’est ce que nous n’acceptons pas absolument, ne pouvant admettre parmi nous des âmes tombées du ciel. Je ne sache point avoir lu d’autres commentaires sur ce prophète, à l’exception du court manuscrit d’Appolinaire, qui doit être appelé moins une interprétation que des notes.

LE LIVRE COMMENCE.

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« Menace de la parole du Seigneur à Israël, par le ministère de Malachie. » Mal. 1, 1. Les Septante : « Commencement de la parole du Seigneur au sujet d’Israël, par le ministère de son ange. » Ce que signifie « omis », c’est-à-dire, « charge pesante », que l’hébreu exprime par massa, et Aquila par ἄρμα « fardeau », ou ce que veut dire λῆμμα ou « action de prendre », comme ont traduit les Septante et autres interprètes, nous l’avons dit à l’occasion d’autres prophètes. Car Nahum écrit : « Onus Ninive », « fardeau pour Ninive ; livre de la vision de Nahum d’Elcesaï. » Nah. 1, 1 seqq. Habacuc dit : « Fardeau que vit Habacuc, prophète. » Hab. 1, 2. Zacharie : « Poids de ces paroles du Seigneur pour la terre d’Adrach et de Damas, son repos. » Zac. 9, 1 et 12, 1. Et encore à la suite : « Poids de la parole du Seigneur sur Israël. » Contentons-nous de cette explication, et maintenant disons seulement que cette expression « pondus », poids de la parole du Seigneur à Israël ou, comme traduisent les Septante, « sur Israël », est menaçante sans doute, puisqu’elle est dite « poids », mais n’est pas exempte de consolation, parce qu’elle est acceptée non contre Israël, mais pour Israël. Autre chose est en effet quand, par exemple, nous écrivons à tel ou à tel, et autre chose quand c’est contre un tel et un tel ; dans le premier cas, il y à mélange d’amitié ; dans le second, une très claire déclaration d’inimitié. Il faut savoir aussi que lorsque Israël, c’est-à-dire les dix tribus, sont emmenées en captivité, les deux tribus do Juda et Benjamin sont indifféremment désignées par l’ancien nom d’Israël. Quant à l’expression : « Parla main de son ange ou de Malachie », entendez : œuvres, ministère. Aussi c’est par la main d’Aggée, parla main de Jérémie et par la main de Moïse qu’est venue la parole de Dieu. Ce n’est pas à ceux dans les mains de qui se trouve, l’iniquité, ni ceux dont la droite est chargée de présents et dont les mains sont pleines de sang que la parole de Dieu se communique, mais à ceux qui lavent leurs mains parmi les justes. C’est de ces eaux que Pilate même s’efforça de laver ses mains, pour no point consentir aux blasphèmes des Juifs ; de ces eaux que le prophète dit avec transport : « Il m’a conduit auprès des eaux réparatrices ; » et cette eau que le Seigneur nous promet par le prophète : « Je vous aspergerai d’eau très pure. » Eze. 36, 25. Mais celui qui est pécheur s’enivre du calice de. Babylone et il est dit de lui : « Les épines naissent dans la main de celui qui s’enivre. » Pro. 26, 9.

Les Septante : « Placez-le sur votre cœur. » Cela ne se trouve point dans l’hébreu, et je le soupçonne ajouté d’Aggée, chez qui nous lisons : « Et maintenant placez-le sur votre cœur, à partir de ce jour et au-delà. » Agg. 2, 16. Après le titre donc du prophète ou le préambule, on peut entendre de deux manières : « Placez-le sur votre cœur », c’est-à-dire, remarquez bien et considérez ce qui a été dit plus haut : « Prise de la parole du Seigneur sur Israël par la main de son ange. » Remarquez soigneusement ce qui va être dit après cela, de façon à l’entendre non des oreilles du corps, mais de la pénétration de l’esprit et du cœur, et que vous en fassiez comme des réservoirs où vous puissiez recevoir les richesses des paroles divines ; et que la sagesse agisse sans crainte, lorsque vous vous serez dilatés, et que, le cœur plein des discours du Seigneur, vous aurez chassé les pensées perverses qui sortent du cœur, les homicides, les adultères, les fornications, les larcins, Mat. 15, 1 seqq. et autres, et que vous accomplirez ce qui a été dit par le Sauveur ; « Qui à des oreilles pour entendre, entende. » Luc. 8, 8.

« Je vous ai aimés, dit le Seigneur, et vous avez dit : En quoi nous avez-vous aimés ? Esaü n’était-il pas le père de Jacob ? dit le Seigneur, et cependant j’ai aimé Jacob et j’ai eu Esaü en aversion ; et j’ai fait de ses montagnes une solitude, et j’ai donné son héritage aux dragons du désert. Que si l’Idumée dit : Nous avons été détruits, mais nous reviendrons et nous rebâtirons ce qui a été détruit, voici que le Seigneur des armées dit : Ils rebâtiront et je détruirai, et ces terres seront appelées terres de l’impiété, et ils seront un peuple contre qui le Seigneur sera irrité éternellement. Et vos yeux verront cela, et vous direz : Que le Seigneur soit glorifié sur la terre d’Israël. » Mal. 1, 2-3. Les Septante : « Je vous ai aimés, dit le Seigneur, et vous avez dit : En quoi nous avez-vous aimés ? Est-ce qu’Esaü n’était pas père de Jacob ? dit le Seigneur, et j’ai aimé Jacob et j’ai eu Esaü en aversion, et j’ai fait de ses terres une solitude et de son héritage des plaines du désert. Parce que l’Idumée dira : Elle a été détruite, nous reviendrons et nous rebâtirons ce qui a été abandonné, voici que le Seigneur tout-puissant dit : Ils bâtiront et je détruirai, et leurs terres seront appelées terres de l’iniquité, et le peuple contre lequel le Seigneur est préparé jusque dans l’éternité, vos yeux le verront et vous direz : Le Seigneur est glorifié sur les terres d’Israël. » Israël ou Juda, auquel s’adressaient d’ordinaire la parole de Dieu et la vision du Seigneur, est contraint de subir le fardeau et le poids douloureux des supplices, afin qu’il revienne de ses graves désordres et qu’il comprenne par les tourments ce qu’il n’a pas su apprécier par les bienfaits. Et pour que le châtiment des siens ne leur paraisse pas injuste, le Seigneur ajoute : « Je vous ai aimés : le Seigneur corrige, en effet, celui qu’il aime, et il châtie tout enfant qu’il accepte ; » Heb. 19, 6 ; et en disant ; « J’ai aimé », il insinue le contraire pour le moment, puisqu’il parle pour le passé. Eux de répondre avec une témérité coupable, oublieux qu’ils sont de ses bienfaits : « En quoi nous avez-vous aimés ? à quoi le Seigneur réplique : « Pour passer tout le reste sous silence, même votre récent retour de la captivité de Babylone, je remonterai jusqu’à votre berceau : avant que vous veniez au monde, bien plus, avant même que Rebecca vit Esaü et Jacob sortir de son sein, je vous ai aimés en Jacob, et en Esaü j’ai haï les Iduméens. Ce passage, Paul l’évoque aussi dans une mystique argumentation, dans sa lettre aux Romains, où il unit ensemble les deux témoignages de la Genèse et de Malachie : « Et Rebecca aussi, qui eut à la fois deux fils d’Isaac notre père, car quoiqu’ils ne fussent point nés encore ou qu’ils n’eussent rien fait de bien ni de mal, afin que le décret de Dieu demeurât ferme selon son élection, non à cause de leurs œuvres, mais à cause de la volonté de celui qui appelle, il leur fut dit que l’aîné servira le jeune, selon ce qui a été écrit : « J’ai aimé Jacob et j’ai eu Esaü en haine. » Rom. 9, 10 et seqq. Quand il dit, selon ce qui a été écrit, il fait allusion au livre de la Genèse et au prophète Malachie. Non seulement, dit-il, j’ai aimé Esaü avant qu’il naquît et j’ai haï Esaü avant qu’il sortît du sein de sa mère, mais j’ai reporté sur leur postérité l’amour et la haine que j’avais pour eux : la haine sur Esaü, dont j’ai réduit en solitude les montagnes appelées Seir, rendu les villes désertes, et j’en ai fait la possession des serpents et des bêtes. Et si Edom ou Ésaü dit : En vérité, nous avons été détruits au bon plaisir de la colère divine, nous rebâtirons de nouveau nos villes, sachez, car le Seigneur le dit d’avance, que s’ils bâtissent, je détruirai et que leur perpétuelle ruine affirmera ma constante colère. J’ai démontré par des faits ma haine contre Esaü, je prouverai mon amour pour vous, c’est-à-dire pour Jacob, par ce qui va suivre. Vos yeux le verront détruit et réduit en désert et vous direz : « Que le Seigneur soit glorifié sur la terre d’Israël ; » et la comparaison des maux que votre frère endure vous fera apprécier les bienfaits de Dieu sur vous. Les Juifs se flattent à tort que les Romains sont Edom, qu’ils sont eux l’Israël annoncé de la fin des temps, et qu’à la chute de l’empire romain, c’est-à-dire iduméen, le sceptre de l’univers passera dans leurs mains. Nous avons, cela disant et comme nous avons pu, jeté les fondements de l’histoire : venons-en main tenant au sens spirituel. Israël « homme » ou « sentiment voyant Dieu », ou bien encore et mieux, croirais-je, « l’homme droit de Dieu », est aimé du Seigneur et veut connaître la raison de l’amour dont il est l’objet. Le Seigneur répond : Esaü et Jacob descendent de la môme race, voulant dire que les vices et les vertus ont une môme source, le cœur, attendu que nous inclinons par suite du libre arbitre et selon notre volonté, d’un côté ou de l’autre. Mais les défauts naissent d’abord dans l’enfance, l’adolescence, la jeunesse, et plus tard l’âge mûr les corrige et les extirpe. Le frère aîné est grossier et amateur de sang ; la chasse, les forêts et les bêtes font ses délices. Le jeune est doux, simple et reste tranquillement au logis. Dieu fait des terres de l’Idumée une solitude et il ne permet pas que quelque chose de la terre se développe et demeure à jamais. Si une méchante audace s’efforce de relever ce qui a été détruit par la parole de Dieu, le Seigneur se déclare l’adversaire de tout ce qui est l’ouvrage des vices, et, après que tout sur les terres ennemies se trouve renversé, alors nous pouvons voir les yeux d’Israël et les saints dire : « Que le Seigneur soit glorifié dans les terres de ceux dont l’âme voit Dieu. » L’amour ou la haine de Dieu est le résultat sans doute de la prescience de l’avenir ou de nos œuvres d’autre part nous savons que Dieu aime tout, et ne déteste rien de ce qu’il a créé, Sag. 11, 1 ss ; mais sa charité revendique spécialement ceux qui sont les ennemis et les contradicteurs des vices. Par contre, il déteste ceux qui aspirent à faire revivre ce que Dieu à détruit. Quand nous disons que Dieu hait, c’est humainement que nous parlons, comme qu’il pleure, qu’il se plaint, qu’il s’irrite. Quand donc nous voyons qu’il hait les méchants, évitons ce que nous comprenons devoir exciter sa haine.

« Le fils honore son père et le serviteur son maître ; si donc je suis votre père, où est l’honneur qui m’est dû ? et si je suis votre maître, où est le respect que vous me devez ? dit le Seigneur des armées. » Mal. 1, 6. Les Septante : « Le fils glorifie son père et le serviteur craindra son maître. Et si je suis votre père, où est la gloire pour moi ? Et si je suis votre maître, où est le respect pour moi ? dit le Seigneur tout-puissant. » Bien qu’avant votre naissance, j’aie commencé de vous aimer en Jacob comme des fils, néanmoins voyez quel nom vous choisissez pour me donner, celui de père ou de maître. Si vous m’acceptez pour père, rendez-moi l’honneur dû au père, et la piété filiale qu’il mérite ; si vous me prenez pour maître, pourquoi me méprisez-vous ? pourquoi ne craignez-vous pas votre maître ? Il parle à ceux qui sous la conduite de Zorobabel, de Jésus fils de Josédec, et du prêtre Esdras, et de Néhémie, sont revenus de la captivité de Babylone, Esd. 3, 1 seqq. et qui, ayant établi l’autel, n’avaient encore ni relevé le temple, ni bâti les mûrs de la ville, et ne persévéraient pas moins dans leurs anciens égarements, n’ayant pour Dieu ni amour ni crainte. Ce que nous appelons « gloire » ou « honneur » est le même terme que δὀξα les Grecs et chabod chez les Hébreux ; mais, en raison de l’usage de la langue latine, nous avons dit « honneur ». Dans l’Évangile, en effet, où le Seigneur en même temps Sauveur dit : « Père, l’heure vient, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie », Joan. 17, 1, on lit chez les Grecs δὀξασον, c’est-à-dire « glorifica. » La plupart des latins rendent ce passage par « honorez. » Il faut considérer aussi que, dans les saintes Écritures, c’est par la volonté et non autrement que l’on devient fils ou esclave. Celui-là, en effet, qui à reçu l’esprit d’adoption est transformé en fils de Dieu, et celui qui à reçu l’esprit de servitude qui inspire la crainte, celui-là s’en fait l’esclave. Rom. 8, 1 seqq. C’est pourquoi Dieu veut d’abord que nous soyons ses fils et que nous fassions volontairement le bien ; si nous voulons obtenir qu’au moins il nous traite en esclaves, éloignons-nous du mal par la crainte des châtiments. Nous avons vu fils pris en mauvaise part : « Nous étions des fils de colère et des fils de la géhenne ; » Ephes. 2, 3 ; ces fils que, après avoir parcouru la terre et la mer, les pharisiens ont rendus dignes de tous les tourments. Mat. 23, 1 seqq. Judas aussi, le traître, est appelé « fils de perdition ; » Joan, xvn ; et dans le psaume quatre-vingt-huit, il est écrit du Seigneur : « Le fils de l’iniquité ne pourra pas lui nuire. » Psa. 88, 23. Dans Osée aussi sont appelés fils de fornication ceux qui sont nés de cette mère prostituée dont il est écrit : « Votre mère s’est déshonorée. » Osée 2, 5. Et dans l’Évangile, les Juifs sont qualifiés de fils du diable : « Vous êtes nés du diable, votre père et vous voulez accomplir les désirs de votre père. » Jn. 8, 44. Nous voyons fils pris en bonne part ; ainsi, les fils de Dieu : « À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ; » ainsi les fils de la sagesse, dont l’Évangile dit : cr La sagesse a été justifiée par ses enfants ; » Mat. 11, 1 ; » ainsi les fils d’Abraham : « En vérité, en vérité, je vous le dis, Dieu peut de ces pierres susciter des enfants à Abraham ; » Mat. 3, 9 ; et les fils de l’Apôtre : « Mes petits enfants que j’enfante de nouveau jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous », Gal. 4, 19, et tant d’autres exemples du même genre. Le fils donc honore ou glorifie son père, selon ce qui est écrit : « Que votre lumière brille devant les hommes pour qu’ils voient vos œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » Mat. 1, 15. L’esclave aussi honore son maître, non pas avec le même sentiment que le fils, sous-entendu, honore le père, et le serviteur son maître ; aussi le Dieu tout-puissant, faisant la différence du fils et du serviteur, réclame du fils la gloire et du serviteur la crainte : « La crainte du Seigneur est le commencement delà sagesse », Ecc. 1, 16, afin que nous passions de la crainte des esclaves à la gloire des enfants.

« À vous, ô prêtres, qui méprisez mon nom et qui avez dit : En quoi avons-nous méprisé votre nom ? Vous offrez sur mon autel un patin souillé et vous dîtes : En quoi vous avons-nous déshonoré ? En ce que vous dites, la table du Seigneur est dans le mépris. » Mal. 1, 7. Les Septante : « Vous prêtres, qui méprisez mon nom et avez dit : En quoi avons-nous méprisé votre nom ? Offrant à mon autel des pains souillés, vous avez dit : En quoi les avons-nous déshonorés ? En cela même que vous dites : La table du Seigneur est dans le mépris ÷ et ce qui a été déposé, vous l’avez dédaigné ÷ » Nous avons marqué d’un trait : « Et ce qui a été déposé, vous l’avez dédaigné, parce que ce n’est pas dans l’hébreu et que c’est ajouté de ce qui suit. C’est donc à vous, ô prêtres, qui méprisez mon nom, que ce discours s’adresse, vous qui, rentrés de Babylone, devriez, au souvenir de l’esclavage passé, être de toute votre âme convertis au Seigneur ; et non seulement ce n’est point ce que vous faites, mais à l’imitation de Caïn, n’ayant à l’égard de Dieu que d’orgueilleuses réponses, vous l’interrogez, lui à qui rien de caché n’échappe, et vous dites : « En quoi avons-nous méprisé votre nom ? » pour couvrir la blessure delà conscience par l’impudence de la dissimulation. Vous voulez donc savoir en quoi vous avez méprisé mon nom ? Vous offrez sur mon autel un pain impur ; ces pains de proposition que, d’après les traditions hébraïques, vous deviez semer vous-mêmes, couper vous-mêmes ; moudre vous-mêmes et faire cuire vous-mêmes, et à présent vous prenez les premiers venus, et répondant d’une voix téméraire, vous dites : « En quoi avons-nous déshonoré ces pains » ou « vous-même ? » Profaner les choses sacrées, c’est profaner celui à qui elles appartiennent à l’égard de ce qui suit : « En ce que vous dites, la table du Seigneur est dans le mépris », nous pouvons l’interpréter dans ce sens : que de retour de Babylone, le temple n’étant point encore rebâti, et habitant dans des cabanes et parmi les ruines de l’ancienne ville, ils avaient relevé seulement l’autel, mais sans lui donner l’éclat dont le premier avait brillé, et qu’ils estimaient la religion moins sainte, parce qu’ils n’avaient point eu le zèle de tout rebâtir.

Ce sont quelques traits jetés, sur lesquels nous allons baser une exposition spirituelle. Le discours divin gourmande les évêques, les prêtres et les diacres négligents, ou, parce que nous sommes une race sacerdotale et royale, tous ceux qui baptisés dans le Christ sont appelés du nom du Christ, parce qu’ils méprisent le nom de Dieu, et à ceux qui demandent en quoi ils auraient méprisé son nom, il découvre les causes de l’offense : Vous offrez, dit-il, sur mon autel un pain impur. Nous souillons le pain, c’est-à-dire le corps du Christ, quand nous nous approchons indignement de l’autel et que nous buvons avec des lèvres impures son sang très pur, et nous disons : La table du Seigneur est dans le mépris, non que quelqu’un ose le dire, et que ses sentiments impies il les formule d’une voix sacrilège, mais parce que les œuvres des pécheurs déshonorent la table de Dieu. Nous pouvons encore dire, d’une autre manière ; Un docteur de l’Église qui prépare le pain spirituel et le distribue aux peuples, si, en vue de la gloire humaine, ou des biens du siècle qui accompagnent la gloire, parlant aux peuples, il flatte les riches, honore les pécheurs et, selon saint Jacques, reçoit ceux qui viennent à lui avec des anneaux d’or, et repousse les saints pauvres, celui-là méprise le nom de Dieu, souille le pain de la doctrine et fait injure à D\eu lui-même, en pensant que la table de ses Écritures ne se distingue point des tables des idoles et de la doctrine du siècle.

« Si vous offrez en sacrifice une victime aveugle, n’est-ce pas un mal ? Et si elle est boiteuse et languissante, n’est-ce pas un mal ? Offrez-les à votre chef ; lui seront-elles agréables, et vous fera-t-il bon accueil ? dit le Seigneur des armées. » Mal. 1, 8. Les Septante : « Parce que si vous offrez une victime aveugle en sacrifice, n’est-ce pas un mal ? Et si elle est boiteuse ou languissante, n’est-ce pas un mal ? Présentez-les à votre chef, est-ce qu’il vous recevra, est-ce qu’il vous fera bon accueil ? dit le Seigneur tout-puissant. » Il est traité bien complètement, dans le Lévitique, des diverses victimes qu’on doit offrir ou ne point offrir. Lev. 21 et xxii. De retour donc de Babylone, les prêtres et les lévites, les portiers et chantres, les nathinéens et les serviteurs de Salomon, dont Esdras donne le catalogue, offraient à Dieu, quoique prohibées, des victimes aveugles, boiteuses et atteintes de maladies diverses ; Esd. 2, 1 ss ; c’est ce qu’on veut exprimer dans le seul mot : languissantes. Si vous offrez à votre chef, dit-il, des présents de cette espèce, ne les repousserait-il pas ? ne les prendrait-il pas pour une injure ? et vous osez offrir à Dieu ce que vous n’osez pas offrir aux hommes ? Il serait long maintenant de découvrir le symbolisme mystérieux de toutes les victimes : je parlerais seulement de celles dont est question dans le présent chapitre. Aveugle est la victime de l’âme qui n’est point éclairée de la lumière du Christ, et dont l’œil ne regarde point selon l’Évangile. Matth. 6. Boiteuse est la prière de celui qui porte à la prière une double pensée et s’entend dire avec le peuple Juif : Jusques à quand serez-vous boiteux des deux pieds ? » 2Sa. 18, 21. Et celle-là est languissante et accablée de toutes les infirmités, qui n’a pas la force du Christ Dieu, et la sagesse de Dieu. Ces sortes de prières qui sont dépourvues de la lumière de la vérité, qui n’ont pas la tenue empreinte de la sagesse, et sont entachées de multiples défauts, si elles sont présentées au chef des Églises ou à quelque savant et sage docteur, ne seront-elles pas repoussées et ne resteront-elles pas comme un affront à celui qui a osé faire de tels présents ?

« Et maintenant, soyez en supplication devant Dieu, pour qu’il aie pitié de vous, car vous vous êtes rendus coupables de tout cela, et qu’il daigne vous recevoir d’une manière favorable, dit le Seigneur des armées. Y en a-t-il un parmi vous qui ferme les portes ou qui allume mon autel gratuitement ? » Mal. 1, 9. Les Septante : « Et maintenant, soyez en supplication devant Dieu et priez-le, car vous êtes coupables de ces choses, pour que je vous regarde plus favorablement, dit le Seigneur tout-puissant ; parce que parmi vous les portes ne sont pas fermées ni mon autel n’est point allumé gratuitement. » En cet endroit, les Septante diffèrent beaucoup du texte hébreu, et il faut bien qu’il y ait diversité de sens là où il y à diversité d’interprétation, Parce que vous avez offert des hosties boiteuses et aveugles et malades, car vous avez fait tout ce que j’ai dit, faites pénitence, pour qu’en quelque façon Dieu aie pitié de vous. Il n’en est pas un parmi vous, jusque dans les dernières fonctions, je ne dis ni pontife, ni prêtre, ni lévite, ni chantre, mais ni même portier, pas même celui qui met le feu sous l’autel pour consumer les holocaustes, qui ne reçoive de moi la récompense de son travail. Par ces paroles, il fait allusion aux dîmes de tous les fruits offerts par les peuples. Il est montré par là que Dieu agrée plus volontiers des services qui ne cherchent pas dans le moment de rémunération. Voilà pourquoi l’Apôtre prêche l’Évangile gratuitement ; 1Th. 2, 1 ss ; il travaille, la nuit et le jour, de ses propres mains, pour n’être à charge à personne et il affirme qu’il ne faut point bannir la gloire qui a été la sienne, la prédication gratuite parmi les peuples, 2Th. 3, 1 seqq. Les Septante suggèrent fortement un autre sens : O prêtres, qui immolez des hosties malades, convertissez-vous à la pénitence et suppliez humblement le Seigneur et demandez pardon pour les œuvres de vos mains. Ce qu’ils disent : « Est-ce que je vous accueillerai favorablement ? » je ne sais si cela convient à une exhortation à la pénitence. Personne ne dit, en effet : Prie-moi, et je ne te pardonnerai pas. Vient ensuite : « Les portes seront fermées pour vous ; » sans doute celles du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Aussi le Sauveur dit-il ; « Je suis la porte ; » Jn. 10, 9 ; soit autrement encore : Les portes des Écritures ne seront point ouvertes pour vous, et vous ne pourrez voir le Saint des saints, ni connaître les mystères sacrés du Seigneur, ni brûler l’encens à son autel, parce que vos prières n’arriveront pas jusqu’à lui. Et δορεάν, que nous avons interprété par « gratuitement », ceux qui suivent le sentiment que nous exposons dans ce moment le tournent par « grâce », comme pour dire qu’ils n’auront pas la grâce de servir à l’autel du Seigneur.

« Ma volonté n’est point en vous, dit le Seigneur des armées, et je ne recevrai point de présents de votre main, dit le Seigneur, car depuis le lever du soleil jusqu’au couchant, mon nom est grand parmi les nations, et l’on me sacrifie, et l’on offre en tout lieu à mon nom une oblation pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. Et vous avez déshonoré ce nom en ce que vous dites : La table du Seigneur est devenue impure, et ce qui est placé dessus est méprisable, aussi bien que le feu qui le dévore. Et vous avez dit : Voilà le fruit de notre travail et vous le rendez digne de mépris, dit le Seigneur des armées, et vous avez apporté un fruit boiteux et malade de vos rapines, et vous l’avez apporté en présent. Est-ce que je recevrai cela de votre main, dit le Seigneur ? » Mal. 1, 10 et seqq. Les Septante : « Ma volonté n’est point en vous, dit le Seigneur tout-puissant, et je n’accepterai pas de sacrifice de vos mains, parce que, du lever du soleil jusqu’au coucher, mon nom est glorieux parmi les nations, et en tout lieu l’encens est offert à mon nom, ainsi qu’un sacrifice pur, parce que mou nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant. Cependant vous l’avez souillé ce nom en ce que vous dites : La table du Seigneur est impure et les viandes qui sont placées dessus sont méprisées, et vous avez dit : ce sont celles de l’affliction, et vous le rendez digne de mépris, dit le Seigneur tout-puissant. Et vous apportiez des rapines, des hosties boiteuses et malades, et vous les offriez en sacrifice ; est-ce que je les accepterai de vos mains ? dit le Seigneur tout-puissant. »

Voici la règle à l’égard des Écritures : Là où se déroule très clairement la prophétie de l’avenir, ne l’affaiblissez point par l’interprétation allégorique toujours incertaine. Or, ici, le discours du Seigneur est spécialement à l’adresse des prêtres juifs qui offrent eu sacrifice des victimes aveugles, boiteuses et malades, afin qu’ils sachent qu’à leurs hosties de chair doivent succéder des victimes spirituelles ; ce ne sera point le sang des taureaux et des boucs qui lui sera offert, mais des parfums, c’est-à-dire les prières des saints, et non pas dans une seule province de l’univers, la Judée, mais qu’en tout lieu il lui sera présenté une oblation, non plus souillée comme par le peuple d’Israël, mais toute pure comme dans les cérémonies des chrétiens. Depuis le lever du soleil, en effet, jusqu’au coucher, le nom du Seigneur est grand parmi les nations, car le Sauveur dit : « Mon Père, j’ai fait connaître aux hommes votre nom. » Jn. 17, 6. Tandis que mon nom, dit-il, doit être grand parmi les peuples, vous, ô princes des Juifs, vous l’avez déshonoré et le déshonorez encore. C’est ainsi qu’il prédit l’avenir sans perdre de vue le présent. Aussi, ô prêtres et princes des Juifs, en tout lieu il m’est offert une oblation pure et mon nom est grand chez tous les peuples, parce que vous dites : La table du Seigneur est méprisée et ce qu’on y place est méprisable, aussi bien que le feu qui le dévore. Au retour de Babylone, les Juifs avaient construit un autel, au rapport d’Esdras, avec des pierres brutes et prises au hasard, sans temple, sans relever les édifices de la ville ni reconstruire ses murs, en sorte qu’ils tenaient en moindre estime une religion qui n’avait ni temple ni éclat. C’est aussi, pour cela que le Seigneur leur dit : Vous regardez comme déshonorés et l’autel, et les holocaustes, et les victimes qui.y sont offertes ; le feu qui les dévore vous paraît déshonoré aussi ; ne comprenez-vous pas que le Dieu tout-puissant ne recherche ni l’or, ni les pierreries, ni le nombre des victimes, mais seulement les sentiments de ceux qui les offrent ? Comment ceux qui pensent qu’il s’agit ici, non de l’autel, mais de la table sur laquelle on plaçait les pains, pourront-ils expliquer ce qui suit : « Avec le feu qui le dévore » ? Je ne sais pas le voir ; le feu, en effet, ne consumait nullement les pains de proposition, qui étaient tour-à-tour renouvelés et emportés pour l’usage des prêtres. Lev. 24, 1 seqq. Entendons-le encore dans ce sens : Vous avez déshonoré mon nom en ce que vous dites : Dans quel but des oblations de choix ? Quelles que soient nos offrandes, le feu les doit dévorer. Le fruit de l’autel, c’est le feu, et les hosties et les holocaustes sont l’aliment du feu. Ce n’est pas assez de l’impiété de la première parole, vous avez aussi ajouté : « Voici de notre travail, et vous avez soufflé, dit le Seigneur des années. » Tel est le sens de ce discours : Vous avez dit ; Nous sommes rentrés de la captivité, nous avons été la proie de l’ennemi, nous avons beaucoup enduré dans une longue route, nous sommes pauvres, tout ce qui était en notre pouvoir nous l’avons consumé dans les fatigues du chemin : nous offrons ce que nous avons ; et, en parlant ainsi, vous avez soufflé sur vos sacrifices, vous les avez rendus digues que je souffle dessus ; ou, comme on peut lire dans l’hébreu, et cela disant, vous m’avez soufflé ; vous faites injure non au sacrifice mais à moi, à qui vous l’offriez. C’est pourquoi je ne l’accepterai nullement de votre main, dit le Seigneur tout-puissant. D’aucuns pensent que ce qui est dit spécialement aux Juifs, parce que leurs victimes sont souillées et impures et que le sacrifice doit passer aux nations, doit s’entendre des prêtres de l’Église qui offrent avec négligence leurs victimes au Seigneur. Si nous l’entendons ainsi, il faudra donc aussi que les victimes soient transportées de l’Église à une autre religion, et de môme que l’Évangile a succédé à la loi, ainsi succédera à l’Évangile un ordre de choses que l’avenir ne contient pas. C’est aussi changer les saintes Écritures en une table du Seigneur déshonorée, que de les entendre autrement qu’elles ne sont écrites.

« Maudit le trompeur qui a dans son troupeau une bête saine et qui, l’ayant vouée au Seigneur, en immole une malade au Seigneur ; car je suis le grand roi, dit le Seigneur des armées, et mon nom est redouté parmi les nations. Et voici maintenant ce que j’ai ordre de vous dire, ô prêtres : Si vous ne voulez pas l’entendre, et si vous ne voulez pas le mettre sur votre cœur pour rendre gloire à mon nom, dit le Seigneur des armées, j’enverrai sur vous la disette ; et je maudirai vos bénédictions et je les maudirai, parce que vous n’avez point placé mes paroles sur votre cœur. » Mal. 2, 1-2. Les Septante : « Et maudit celui qui était puissant et avait dans son troupeau une bête saine et, l’ayant vouée au Seigneur, lui en immole une malade, parce que je suis le grand roi, dit le Seigneur tout-puissant, et mon nom est illustre parmi les nations. Et maintenant voici ce que j’ai ordre de vous dire : ô prêtres, si vous n’écoutez pas et si vous ne disposez pas vos cœurs pour rendre gloire h mon nom, dit le Seigneur tout-puissant, j’enverrai la malédiction sur vous, et je maudirai votre bénédiction et la maudirai, et je détruirai votre bénédiction ÷ et il n’y en aura pas pour vous, parce que vous n’avez pas placé mes paroles dans votre cœur. » Ceci : « Et je détruirai votre bénédiction », a été ajouté par les Septante et ne se trouve point dans l’hébreu. Tout ce que l’esprit humain peut trouver pour excuser son péché et s’en faire une défense pour sa vaine satisfaction, la parole divine le prévoit, le détruit et le condamne. Voici le sens : Quoique vous offriez ce qui est aveugle, boiteux et malade, et que ce ne soit même pas de vos biens, mais le fruit de vos rapines, et un butin fait sur l’épargne et les pleurs des malheureux, vous dites : Nous offrons de notre travail et de notre pauvreté ce que nous avons ; c’est pourquoi je parle en général, pour vous livrer aux reproches de votre propre conscience. Vous prétextez la pauvreté, le dommage de la captivité, l’insuffisance de votre avoir ; écoutez ce que j’ajoute : Maudit le trompeur qui a dans son troupeau un mâle, et qui, faisant un vœu, en immole un malade au Seigneur ! Si tu n’as point de mâle, la malédiction ne t’atteint pas. En tenant ce langage, il montre qu’ils ont des présents de choix et qu’ils offrent ce qui est sans valeur à vous donc, ô prêtres, est adressé cet ordre : ce qu’il est impie de faire, vous l’avez fait par mépris pour moi. Mais parce que j’aime mieux la pénitence du pécheur que sa mort, voici ce que j’ajoute : Si vous ne voulez point m’écouter ni comprendre, afin de rendre gloire à mon nom, qui est redouté parmi les nations, j’enverrai sur vous une réelle indigence, de telle façon que sans mensonge, mais pressés parle manque absolu de tout, vous arriviez à dire que vous n’avez rien de bon que vous puissiez offrir. Et je maudirai, dit-il, vos bénédictions, c’est-à-dire ce que vous possédez maintenant par mes bénédictions, ou encore tout ce qui sera béni par vous sera maudit de moi. « Et je les maudirai ; » il sous-entend « vos bénédictions », parce que vous n’avez pas voulu comprendre ce qui vous est dit ; c’est ce que veut dire : « Vous ne l’avez pas placé sur votre cœur. » Nous pouvons voir ce maudit et ce trompeur dans le peuple juif, qui ayant dans son troupeau ce mâle, le Seigneur Sauveur, et l’agneau sans tache qui ôte les péchés du monde, et qui, sollicité par la prédiction de tous les prophètes, pour immoler et prendre le bélier qui était embarrassé par ses cornes au buisson de Sabec, ne voulut point le faire ; mais il immole au Seigneur un malade, en crucifiant le Sauveur et en choisissant Barabbas coupable de brigandage et de sédition, Jn. 18, 1 seqq. qui, selon l’interprétation mystique, représente le diable ; et tandis qu’eux le dédaignent et préfèrent le diable au Sauveur, le nom du Christ est redouté parmi les nations qui ont embrassé la passion du Seigneur et qui l’entourent d’honneur et de crainte religieuse. Cela peut aussi être dit de nous-mêmes, si, quand Dieu nous à donné le discernement et fait une nature capable des saintes pratiques, nous méconnaissons notre caractère et nous nous adonnons aux vices et à la chair, et quand nous avons un mâle, nous n’immolons qu’un malade. Débile, en effet, et bien souillée est notre prière, quand elle est entachée de colère, d’envie, d’inimitié, et qu’elle porte le reflet de ce qui trouble l’âme ; si en portant notre offrande à l’autel, et nous étant souvenus que notre frère à quelque chose contre nous, nous ne sommes pas allés à lui tout d’abord et ne lui avons pas donné satisfaction. Voilà pourquoi l’Apôtre prescrit : « Je veux donc que les hommes prient en tout lieu, élevant des mains pures, sans colère et sans contention. » 1Ti. 2, 8. C’est notre raison qui est le pasteur de nos pensées et de nos vertus, et il en est question dans le psaume cent deux : « Mon âme, bénis le Seigneur, et que tout ce qui est au dedans de moi bénisse son saint nom. » Si elle conduit bien son troupeau, elle voit se réaliser en lui cette bénédiction : « Bénis seront les troupeaux de tes bœufs et de tes brebis. » Deu. 28, 4. Mais, au contraire, quand elle à naturellement un mâle fort, solide et robuste, si elle immole quelque chose de léger, de trop efféminé et de sensuel, ou quelque chose que les multiples passions de l’âme ont affaibli ou gâté, elle sentira s’accomplir en elle cette parole : « Les puissants seront puissamment tourmentés », Sap. 6, 7 ; et : « Il sera plus exigé de celui à qui il aura été donné davantage. » Luc. 12, 47. Aussi est-il dit spécialement aux prêtres que, s’ils ne veulent pas écouter ni mettre dans leur cœur qu’ils ont à rendre gloire à Dieu par leur sage conduite, et qu’au contraire, à cause d’eux, son nom soit maudit parmi les peuples, Rom.u, il enverra sur eux la disette de tous les biens et changera leurs bénédictions en malédictions. Ceux qui abusent de la santé pour les plaisirs, qui convertissent leurs richesses en faste, et compromettent leur renommée par une conduite honteuse, ceux-là changent les bénédictions divines en malédictions. Ou bien encore, car ils en ont l’ordre formel, ils changent leurs bénédictions en malédictions, quand ils ne bénissent point les fidèles en toute affection de cœur comme Isaac bénit Jacob, Jacob les patriarches, et Moïse les douze tribus, Gen. 26, 1 ss ; Deut. 33, 1]] ss ; mais quand, par leurs paroles flatteuses et leurs bénédictions, ils trompent les cœurs simples, Rom. 16, 1 seqq. et quand les impies sont bénis par eux, qu’ils caressent les pécheurs pourvu qu’ils soient riches, et qu’ils applaudissent à leurs vices, c’est d’eux qu’il est dit : « Mon peuple, ceux qui vous disent heureux vous séduisent, et ils rompent le chemin par où vous marchez. » Isa. 3, 12.

« Et voilà que je vous rejetterai le bras de votre victime, et sur votre visage l’ordure de vos solennités, et elle s’attachera à vous. Et vous saurez que je vous ai fait donner cet ordre, afin que le pacte avec Lévi fût maintenu, dit le Seigneur des armées. » Mal. 2, 3-4. Les Septante : « Voilà que je réserverai pour vous l’épaule et je jetterai le ventre sur votre visage, le ventre de vos solennités, et je vous recevrai ensemble, et vous connaîtrez que c’est moi qui vous ai envoyé cet ordre, afin de maintenir mon alliance avec les lévites, dit le Seigneur tout – puissant. » C’est parce qu’il parle aux prêtres qu’il dit : Je vous rejetterai au visage ce que vous estimez de plus saint de la loi, et ce que Dieu vous à adjugé des victimes en récompense de vos vertus : « le bras », que les Septante ont rendu par « épaule », c’est-à-dire « le flanc droit » de l’animal. Et je disperserai, dit-il, le ventre, on, scion l’hébreu, « l’ordure », indiquant ici par métonymie le contenu pour le contenant, l’épaule, l’estomac, la langue et les entrailles, et ce qui est énuméré dans le Lévitique comme accordé aux prêtres dans les sacrifices. Lev. 7 et 9. Tout cela, il affirme qu’il le repoussera à cause de leurs péchés, et qu’il le jettera au visage des prêtres, Nom. 18, 1 seqq. afin que ceux qui offrent ressemblent à ce qui est offert. Deu. 18, 1 seqq. « Et s’attachera à vous », dit-il, c’est-à-dire l’ordure de vos solennités, afin que vos visages repoussants soient recouverts de cette souillure infecte, et que par le rejet que je fais de vous, vous compreniez que je suis celui-là même qui, jadis, ai choisi Lévi votre père, et par Lévi Aaron, et que je vous ai octroyé la gloire du sacerdoce, afin d’établir mon alliance ou mon testament avec Lévi, et qu’il m’a servi dans un perpétuel sacerdoce. Remarquons que le terme hébreu brith, Aquila le rend par « pacte » et les Septante toujours par « testament », et que le plus souvent, dans les Écritures, ce mot testament n’est point pris comme expression des volontés des morts, mais comme alliance des vivants. Dieu a certainement voulu que les hommes en général, mais principalement les prêtres, vivent sans péché et qu’ils chargent, soit leur bras, soit leur épaule de bonnes œuvres. Dans le mot poitrine, voyons le symbole de la bonne conscience ; dans la langue, celui d’une sainte confession, pour que ce que nous croyons de cœur pour la justice, notre bouche le confesse pour notre salut. Rom. 9, 1 seqq. N’ayons dans l’estomac rien de nuisible, mais seulement ce qui alimente et entretient la vie ; car, si les aliments ne se dissolvent pas dans l’estomac et si leur suc ne se répand point dans le corps, il s’appauvrit, devient sans force, et marche vers la mort. Nous néanmoins, agissant contrairement, nous faisons que le Seigneur nous rejette le bras, qu’il distingue nos œuvres des œuvres des saints ; nous, à qui il est enjoint d’oindre notre tête, de laver notre visage en nous abstenant des taches des péchés, et de contempler la gloire du Seigneur la face découverte, nous disons : « La confusion du visage me couvre », Psa. 13, 16, et, comme Caïn, notre visage est tout défait. Gen. 4, 1 seqq. et il nous est impossible de suivre ce précepte : « Levez vos yeux et regardez ; » Jer. 13, 20 ; mais la boue des vices couvre et souille notre face, et nous disons : « La pourriture et la corruption ont envahi mes plaies, à cause de ma folie. » Psa. 37, 6. Aussi tout cela a été changé en fumier, selon la parole de l’Écriture : « Et l’ordure vous prendra avec elle ; » et nous en aurons le visage recouvert, nous qui aurions dû paraître purs et dans tout notre éclat aux solennités divines, manger l’agneau les souliers aux pieds, Exo. 22, 1 seqq. à l’expiration des sept semaines, apporter à Dieu le fruit de nos œuvres, Lev. 23, 1 seqq. ne vivre dans les tentes de ce monde que comme des passants, et dire : « Je suis étranger et voyageur comme tous mes pères. » Psa. 38, 13. Et puisque ce que nous avons traduit par : « Et l’ordure s’attachera à vous », a été interprété par le Septante : « Et je vous accueillerai en même temps », voyons-y le sens qu’après que les prêtres auront été couverts de honte et de confusion, qu’ils auront ensuite reconnu leur péché et fait pénitence, alors ils seront accueillis par le Seigneur. Les paroles qui suivent concordent avec ce sens : « Et vous connaîtrez que c’est moi qui vous avais transmis cet ordre. » Mais l’interprétation précédente me semble préférable, en ce que des paroles caressantes ne se mêlent pas aux menaces, surtout quand ce qui vient après traduit, de la part de Dieu, une vive indignation.

« Mon alliance avec lui fut une alliance de vie et de paix, et je lui donnai ma crainte et il me respecta, et il trembla à cause de mon nom. La loi de la vérité fut dans sa bouche, et l’iniquité ne fut jamais trouvée sur ses lèvres ; il marcha avec moi dans la paix et l’équité, et en détourna plusieurs de l’iniquité. Car les lèvres du prêtre auront la garde de la science et on attendra de sa bouche la connaissance de la loi, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées. » Mal. 2, 5, et seqq. Les Septante : « Mon alliance avec lui fut une alliance de vie et de paix, et je lui donnai la crainte pour qu’il me craignît et tremblât à cause de mon nom. La loi de la vérité fut dans sa bouche et l’iniquité ne fut pas trouvée sur ses lèvres. Î1 se conduisit et marcha en paix avec moi et il en ramena plusieurs de l’iniquité ; parce que les lèvres du prêtre garderont la science, et on attendra de sa bouche la connaissance de la loi, parce qu’i est l’ange du Seigneur tout-puissant. » Voilà, de la part de Dieu, tracé l’office du prêtre parfait, du prêtre tel qu’il doit être et tel que le veut celui qui l’a établi. Il avait dit plus haut : « Afin que fût maintenue mon alliance avec Lévi, dit le Seigneur des armées ; » et par Levi, il passa à ses descendants, Aaron, Eléazar, Phinées et à tous les autres nés de sa race ; à présent, il ajoute à la fin : « Vous avez rendu vain le pacte de Lévi, dit le Seigneur des armées. » Il en résulte clairement que tout ce qu’il dit à l’occasion de Lévi, s’adresse aux prêtres et particulièrement aux pontifes. Nous lisons dans les Nombres, au sujet de Phinées, qui frappa d’un poignard Zamri, avec la courtisane Madianite : « Phinées, fils d’Eléazar, fils du prêtre Aaron, à fait que ma fureur contre les fils d’Israël s’est apaisée, parce qu’il s’est armé d’un saint zèle contre eux, et je n’ai point perdu les enfants d’Israël dans mon indignation ; aussi ai-je dit que « je lui donnerai une alliance de paix, et ce sera pour lui, et sa famille après lui, le testaient d’un sacerdoce perpétuel ; et cela parce qu’il a été zélé pour son Dieu et qu’il a obtenu grâce pour les enfants d’Israël. » Nom. 25, 1 seqq. et 11 et seqq. N’estimons point ce testament ou ce pacte au point de vue de cette vie, qui nous est commune avec les bêtes et les autres animaux, mais de celle qui dit : à Je suis la vie ; » Jn. 14, 6 ; « car notre vie est cachée en Dieu avec le Christ », Coloss. m, 3, duquel nous pouvons dire qu’il est lui-même notre paix », et l’Apôtre le confirme : « Il est lui-même notre paix. » Eph. 2, 14. Le Seigneur a donc imposé à Lévi, et par lui à tous ses descendants, le devoir de le craindre : « Le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur. » Psa. 110, 10. Qu’ils tremblent en sa présence, comme s’effaçant et se rapetissant, témoignant par ce tremblement du corps le saisissement de l’âme, selon ce qui est écrit : « Sur qui me reposerai-je, si ce n’est sur celui qui est humble et paisible, et plein de crainte pour mes paroles ? » Isa. 66, 2. La loi de la vérité fut dans sa bouche, c’est-à-dire l’enseignement des peuples, qui jamais, dans le prêtre, ne doit être entaché de mensonge, mais sortir de la source de la vérité la plus pure. Et l’iniquité ne fut point trouvée sur ses lèvres, afin qu’il imite son Seigneur, de qui il est dit : « Qui n’a point fait de péché et en qui ne se trouva jamais la ruse. » 1Pi. 2, 22. Il marcha avec moi dans l’équité et dans la paix, afin qu’il aie la paix en lui-même et qu’il pacifie les autres, qu’il évite avec tous tout démêlé judiciaire, et qu’ainsi il marche avec Dieu comme marcha Enoch, qui fut enlevé à Dieu et ne put être retrouvé. Gen. 5, 1 seqq. « Et il en a détourné plusieurs de l’iniquité. » Quiconque est prêtre et ne corrige pas les délinquants manque à sa mission de prêtre : « Les lèvres du prêtre garderont la science ; » il ne dit point : « présenteront », mais « garderont ;» qu’ils parlent à temps et donnent à son heure la nourriture à ceux qui leur sont commis. « Et on réclamera la loi de sa bouche. » ïl est pareillement écrit dans Aggée : « Demandez aux prêtres la loi du Seigneur. » Agg. 2, 12. Il incombe au prêtre qu’on interroge de répondre sur nos devoirs les prescriptions de la loi. Si, désireux de connaissances, et peu jaloux de celle des Écritures, il prétextait ignorance, il se targuerait bien à tort d’une dignité dont il néglige les charges. Aussi l’apôtre Paul écrit-il à Tite : « Qu’il soit en état de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et de confondre les contradicteurs ; » Tit. 1, 9 ; et à Timothée : « Puisque tu as étudié, depuis ton enfance, les lettres sacrées qui peuvent t’instruire pour le salut, afin que tu puisses reprendre les pécheurs en présence de tous. » 2Ti. 3, 15. « Parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées. » Esdras, prêtre du Seigneur, indique son nom, c’est-à-dire « Malachie », qui s’interprète : « Ange du Seigneur ; » c’est bien en toute vérité que le prêtre du Seigneur est dit ange ou ambassadeur, puisqu’il est médiateur de Dieu et des hommes et qu’il annonce aux peuples sa volonté ; voilà pourquoi il porte le rational sur sa poitrine ; le rational consiste dans la doctrine et la vérité, afin que nous sachions que le prêtre doit être le docteur et le héraut de la vérité divine. Quelques-uns pensent, à tort, que ce qui est dit à Lévi, et par Lévi aux prêtres, doit s’entendre du Christ ; ils ne prennent pas garde que ce qui suit ne convient nullement à la personne du Christ.

« Mais vous vous êtes écartés de la voie et vous avez scandalisé et détourné plusieurs de la loi ; vous avez rendu inutile le pacte fait avec Lévi, dit le Seigneur des armées. C’est pourquoi je vous ai rendus méprisables et vils aux yeux des peuples, puisque vous n’avez pas suivi mes voies, et avez eu égard aux personnes à l’occasion de la loi. » Mal. 2, 8-9. Les Septante : « Mais vous, vous avez dévié de ma voie, et avez fait que plusieurs ont faibli dans l’observation de la loi ; vous avez altéré le testament de Lévi, dit le Seigneur tout-puissant. Et je vous ai rendus méprisables et sans considération chez toutes les nations, parce que vous n’avez point gardé mes voies et que vous aviez égard aux personnes à l’occasion de la loi. » Quoique je n’en fasse point la remarque, le lecteur comprend dans sa sagesse que rien de tout ceci n’a trait à la personne du Christ, ni à aucun de ceux qui sont voués à son culte. Voici le sens : J’ai voulu que vous observiez les prescriptions marquées au précédent chapitre, et dont j’ai dit dans le Deutéronome, par la voix de Moïse : « Donnez à Lévi sa doctrine et la vérité à l’homme juste », Deu. 33, 8, seqq. 70, 1 seqq. et le reste pet vous vous êtes retirés de la voie droite, où vous avez dévié, quoique je dise : « N’inclinez ni à droite ni à gauche ; » Deu. 5, 32 ; et vous en avez rendu plusieurs faibles pour la loi ; ou, comme ont traduit Aquila et Symmaque, vous en avez scandalisé plusieurs. Incliner à droite, c’est s’abstenir d’aliments que Dieu a créés pour être en usage ; condamner le mariage et tomber dans ce dont il est écrit en un autre endroit : « Ne sois pas juste à l’excès. » Eccl 7, 17. Aller à gauche, c’est se livrer aux plaisirs de la chair et des sens, et ainsi, à l’égard de la Loi, en scandaliser grand nombre : 11 vaudrait mieux à celui qui agit ainsi, qu’il lui fût attaché au cou une meule de moulin et qu’il fut précipité dans la mer, que dé scandaliser un seul des plus petits. Ceux-là – en affaiblissent beaucoup, par la négligence de leur conduite, ils ébranlent ces chrétiens qui avaient reçu en Jésus-Christ l’énergie de la foi, et il leur est dit à bon droit : « Vous avez rendu vaine l’alliance de Lévi, alliance de vie et de paix, et le reste que nous avons dit être le ministère du prêtre à cause de cela même, dit-il, je vous ai rendus méprisables et vils auprès de tous les peuples, afin qu’ils vous aient en mépris, et qu’au lieu de vous rendre honneur et gloire, ils vous foulent aux pieds comme des objets de rebut et de dégoût : « Comme vous n’avez point gardé mes voies et que vous avez fait, dans la loi, acception de personnes. » Entre tous les péchés de Lévi ou de ceux qui en tiennent le sacerdoce, le plus grand et le dernier péché, c’est d’être partial dans l’application de la loi, de considérer non la justice de la cause, mais les personnes, sans égard pour le pauvre, quoique juste, et traitant le riche inique avec honneur et bienveillance. C’est à ceux-là qu’il est dit dans le psaume quatre-vingt-unième : « Jusques à quand jugez-vous l’iniquité et avez-vous égard à la personne des pécheurs ? » Psa. 71, 2 ; et Paul ne dit-il pas aux Galates : « Dieu ne fait pas acception de la personne de l’homme. » Gal 2, 6. C’est pleinement aussi que l’apôtre Jacques blâme et condamne ce péché. Jac. 2, 1 seqq. Tout ce qui est dit à l’ancien peuple, regardons-le comme dit aussi à nous-mêmes, afin qu’avec plus de soin encore nous nous éloignions des vices et n’ayons dans la loi égard à personne, et que, en vrais adorateurs de Dieu que nous sommes, nous ne préférions jamais le mensonge à la vérité.

« Est-ce que nous n’avons pas tous le même Père ? Est-ce que le même Dieu ne nous a pas tous créés ? Pourquoi donc chacun de nous méprise-t-il son frère, en violant le pacte de nos pères ? Juda l’a violé et l’abomination est entrée dans Israël et dans Jérusalem, parce que Juda a souillé ce que Dieu avait sanctifié et qu’il avait en affection, pour s’allier à la femme d’un culte étranger. Le Seigneur perdra celui qui à commis ce crime, le chassera, maître ou disciple, des tentes de Jacob, quelque présent qu’il offre au Seigneur des armées. » Mal. 2, 10 et seqq. Les Septante : « Est-ce que vous n’avez pas tous le même Père ? Le même Dieu ne vous a-t-il pas créés ? Pourquoi chacun a-t-il délaissé son Père pour rendre abominable le testament de vos pères ? Judas a été abandonné et l’abomination est entrée dans Israël et dans Jérusalem, parce que Judas a souillé ce qui ôtait saint, ce en quoi le Seigneur se complaisait ; il est allé trouver des dieux étrangers. Que le Seigneur perde l’homme qui à fait ces choses, et qu’il soit expulsé des tentes de Jacob et du nombre de ceux qui sacrifient au Seigneur tout-puissant. »

Avant de traiter de ce chapitre, exposons la tradition des Hébreux et mettons en lumière la teneur des Écritures. Nous lisons dans le volume qui porte le titre d’Esdras, ces paroles d’Esdras pariant de lui-même : « Les princes vinrent me trouver en disant : Le peuple d’Israël, ni les prêtres, ni les lévites ne sont point séparés des abominations et des peuples de la terre, les Chananéens, les Ethéens, Phéréséens, Jébuséens, Ammonites, Moabites, Égyptiens et Amorrhéens. Ils ont pris, en effet, de leurs filles pour eux et leurs enfants, et ils ont mêlé la race sainte avec les peuples de ces pays. Et les princes et les magistrats ont été des premiers à commettre cette transgression. Lorsque j’eus entendu ce langage, je déchirai mon manteau et ma tunique, j’arrachai les cheveux de ma tête et ma barbe, et je m’assis accablé de chagrin. » Esd. 4, 1 et seqq. Et encore il suit : « Et il s’est trouvé des fils de prêtres qui ses frères, Maasia, Eléazar, Jarib et Godolia. Ils ont consenti à chasser leurs femmes et à offrir pour leur faute un bélier de leur troupeau. » Esd. 10, 18-19. à la fin du chapitre, après énumération faite de ceux qui avaient épousé des étrangères, l’Écriture ajoute : « Tous ceux-là avaient pris des épouses étrangères, et il y en eut parmi elles qui leur avaient donné des enfants.

Au retour donc de la captivité de Babylone, autant les prêtres que les lévites et le reste du peuple répudièrent leurs femmes de race israélite qui, trop faibles, en raison même de leur sexe, pour soutenir les privations, les rigueurs et la fatigue d’une trop longue route, se trouvaient brisées et atteintes d’infirmités corporelles ; ils avaient contracté mariage avec des étrangères, ou à la fleur de l’âge ou particulièrement belles, ou enfants de familles puissantes et riches. Esdras donc les reprend et invite ces coupables à répudier ces nouvelles épouses pour reprendre celles qu’ils avaient renvoyées : « Est-ce que, dit-il, Abraham n’est pas notre père à tous ? » « Jetez les yeux », dit Isaïe, « sur Abraham votre père, et sur Sara qui vous a engendrés ; il était seul et je l’ai appelé. » Isa. 2, 2. N’est-ce pas le même Dieu qui nous à créés, qui à choisi notre race issue d’Abraham ? Pourquoi donc dédaignons-nous nos premières épouses et repoussons-nous les hiles de nos frères, et délaissons-nous l’alliance de nos pères en ne prenant point nos femmes conformément à la loi. Judas a prévariqué, car c’est cette tribu qui était retournée de Babylone avec les prêtres et les lévites, et l’abomination a été dans Israël et dans Jérusalem. Gela n’avait point eu lieu dans les dix tribus qui étaient captives des Assyriens, mais seulement dans les rangs de ceux qui, sur l’ordre du roi Cyrus, étaient rentrés de Babylone sous Zorobabel, Esdras et Néhémie. « Parce que Juda a souillé la sanctification du Seigneur, qu’il aima, et qu’il a pris la fille d’un culte étranger », en mêlant, dans une alliance étrangère, le sang d’Israël et des gentils, c’est-à-dire en prenant pour épouses des hiles de païens, des adoratrices d’idoles. C’est parce qu’ils se sont conduits ainsi que le discours du prophète leur est adressé, et que, par les malédictions menaçantes, ils sont retirés de leur péché. « Que le Seigneur perde l’homme qui à fait cela. » Avec quel art admirable il laisse voirie pardon à la faute, il ne dit point : Que le Seigneur maudisse celui qui à fait cela, mais celui qui l’aurait fait, remettant la malédiction dans l’avenir pour provoquer les pécheurs à la pénitence. Qu’il soit docteur, est-il dit, ou disciple dans les tabernacles de Jacob, prêtre ou laïque, il sera frappé de la même malédiction, et il n’y aura pas de différence dans la peine, quand il y a parité dans les péchés. « Même celui qui offre un présent au Seigneur des armées ; » on sous-entend ; Que le Seigneur perde même celui qui voudrait apporter à l’autel un présent pour cette catégorie d’hommes dont le seul remède est de ne plus faire ce qu’ils ont fait. Il y en a qui, ne comprenant pas ce passage et dans l’ignorance des faits historiques, veulent que ces paroles : « Est-ce que nous n’avons pas tous le même père », s’entendent d’Abraham, de façon à dire qu’Abraham est le père môme des païens, conformément à ce qui est écrit : « Dieu peut, de ces pierres mêmes, susciter des fils à Abraham. » Mat. 3, 9. Ou bien encore, ils affirment que Dieu est seul Père, selon ce que nous lisons dans le Deutéronome : « Est-ce que celui-là n’est pas Père, qui te possède, qui t’a fait et qui t’a créé ? » Deu. 32, 6 ; et encore : « Tu as abandonné Dieu qui t’a créé ; » Ibid. 18 ; et ailleurs : « J’ai engendré et élevé des enfants, et ils m’ont délaissé ; » Isa. 1, 2 ; et dans le livre des Psaumes : « Ces enfants étrangers m’ont trompé ; ces fils étrangers se sont endurcis et ont bronché dans leurs sentiers. » Psa. 17, 46. Et en s’éloignant de leur unique père, ceux qui/out péché se sont donné, par leurs vices, bien des pères ; « car celui qui commet le péché est né du diable. » Jn. 3, 8. Ce qui suit : « Pourquoi chacun de nous méprise-t-il son père, en violant l’alliance de nos pères ? » Ils l’interprètent en disant que nous tous, issus d’un même père, nous ne devons faire qu’un et n’avoir que la même profession de foi, mais que par notre orgueil, et en élevant notre tour contre Dieu, la division est survenue dans nos langues et dans nos sentiments. Gen. 11, 1 seqq. Ils le rapportent aussi à l’aumône et disent que nous méprisons nos pères quand nous ne partageons pas avec eux ce que nous avons reçu de Dieu pour entretenir notre vie ; ils en viennent encore à assurer que notre frère, d’après l’Écriture, est le Seigneur, qui commanda à Marie-Madeleine d’annoncer à ses frères que le Seigneur était ressuscité, Jn. 20, 1 seqq. et qui dit dans le psaume : « J’apprendrai ton nom âmes frères, je chanterai tes louanges au sein de l’Église. » Psa. 21, 23. Les Juifs ont donc abandonné leur père et ont profané le pacte de nos pères, que Dieu avait conclu avec Abraham, Isaac et Jacob, pour qu’en leur « descendance », qui est le Christ, toutes les nations fussent bénies. Ainsi ils vont à tâtons, parce qu’ils ne trouvent point la voie véritable. Enfin, vient à la suite, selon les Septante : « Judas a été abandonné et l’abomination s’est faite dans Israël et dans Jérusalem ; » et c’est ainsi qu’ils le commentent : Les Juifs qui ont blasphémé le Seigneur Sauveur ont été abandonnés et ils ont enduré ce qui est écrit : « Chassez-les, selon la multitude de leurs impiétés, parce qu’ils se sont révoltés contre vous, Seigneur », Psa. 5, 11, afin qu’ils soient dispersés, errants et vagabonds dans toutes les provinces. Ils ont profané, en effet, la sainteté du Seigneur en aimant et recherchant, à la place du Fils de Dieu, des dieux étrangers ; « car celui qui ne reçoit point le Fils ne reçoit pas le Père qui l’a envoyé. » Jn. 5, 25. Et puisqu’ils ont fait ainsi, poursuivez-les jusqu’à ce qu’ils s’humilient, ou par le poids de la captivité ou par la conscience de leurs crimes ; et qu’ils soient expulsés des tabernacles de Jacob, de telle sorte que privés de temple et d’autel, il ne soit d’aucune sorte offert chez eux de victimes. Peu contents de cette explication, parce que Judas est interprété « confession du Seigneur », ils passent à Pâme pénitente qui, lorsque déjà elle a confessé le Seigneur, s’il lui arrive de pécher, apporte l’abomination dans Israël et dans Jérusalem, c’est-à-dire dans le sentiment qui voit Dieu et dans la vision de paix ; car elle souille les mystères du Christ en recevant son corps et son sang, parce qu’elle à aimé les vices et qu’elle s’est cherché des dieux étrangers, ayant autant de dieux que dépêchés mêmes. Selon l’apôtre Paul : « Le ventre est le dieu des gourmands ; » Phi. 3, 1 ss ; et selon Pierre : « Chacun est asservi à celui par qui il est vaincu. » 2Pi. 2, 19. Celui qui aura fait cela sera retranché de l’Église, et des tabernacles de Jacob qui extirpe les vices et les péchés, jusqu’à ce qu’il soit humilié pour son bien et qu’il soit offert pour lui une victime au Seigneur tout-puissant.

« Et voici encore ce que vous avez fait : vous couvriez l’autel du Seigneur de larmes, de pleurs et de gémissements, et cependant je ne prendrai plus garde à votre sacrifice, et je ne recevrai plus comme agréable quoi que ce soit de votre main. Et si vous dites : Quel en est le motif ? Parce que le Seigneur a été témoin entre vous et l’épouse de votre jeunesse, que vous avez méprisée, quoiqu’elle fût votre compagne et l’épouse de votre alliance. N’est-elle pas l’ouvrage du même auteur et le souffle de son esprit ? Et qu’est-ce qu’il demande, si ce n’est une postérité lui appartenant ? Gardez donc votre esprit, et ne dédaignez pas l’épouse de votre première jeunesse. Lorsque vous l’aurez en haine, renvoyez-la, dit le Seigneur des armées ; oui, mais l’iniquité couvrira son vêtement, dit le Seigneur des années ; gardez votre esprit et ne le méprisez pas. » Mal. 2, 13 et seqq. Les Septante : « Et vous avez fait encore ces choses que je détestais : vous couvriez l’autel du Seigneur de larmes, de plaintes et de gémissements sur leurs malheurs, pour que je regarde comme digne votre sacrifice, et que je l’accepte comme agréable de vos mains. Et vous avez dit : Pourquoi donc ? Parce que le Seigneur a été témoin entre vous et l’épouse de votre première jeunesse que vous avez quittée, et celle-là est votre compagne et l’épouse de votre alliance ; et elle est l’ouvrage du même auteur, et le reste de ton esprit. Et vous avez dit : Que cherche Dieu, si ce n’est la postérité ? Gardez bien votre esprit, et n’abandonnez pas l’épouse de votre jeunesse ; mais si, l’ayant en aversion, vous la renvoyez, dit le Seigneur Dieu d’Israël, l’impiété couvrira toutes vos pensées, dit le Seigneur tout-puissant ; aussi, veillez sur votre esprit et gardez-vous de la délaisser. » Donnons l’interprétation historique, et, en accompagnant chaque verset de quelques courtes réflexions, exposons ce que nous a appris la tradition des Hébreux. Les femmes israélites délaissées, voyant à leur place, dans le lit conjugal, des femmes étrangères, recouraient à la protection de Dieu seul, et prosternées, nuit et jour, devant l’autel du Seigneur, par leurs larmes, leurs gémissements et leurs sanglots, reprochaient à sa providence de ne point s’occuper des choses de la terre et de ne point soulager ses misères. C’est pour cela que Dieu dit que les sacrifices et les hosties des prêtres qui se sont ainsi conduits, il ne peut les accepter, empêché qu’il est par les pleurs et les plaintes de leurs épouses ; de plus, comme ils se demandent pourquoi il ne reçoit pas les sacrifices de leurs mains, il ajoute aussitôt : Parce que le Seigneur a été témoin entre vous et l’épouse de votre jeune âge, que vous avez méprisée, en disant : « C’est pour cela que l’homme laissera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront deux en une même chair ; » Gen. 2, 24 ; et aussi elle est appelée participante, et l’épouse de l’union et de l’alliance celle quia été formée par Dieu même de la côte de l’homme. Et le reste de son esprit, soit de Dieu, comme quelques-uns le pensent, soit du mari, comme d’autres le soupçonnent, en ce qu’en raison de l’affection, ils semblent n’être plus qu’une seule âme en deux âmes, unies d’esprit et associées de pensée. Comme ils ont été faits tous deux, homme et femme, par le même auteur, c’est en vue de la naissance des enfants que Dieu a fait l’union de l’un et de l’autre. Car, que cherche ce même Dieu si ce n’est sa race à lui, c’est-à-dire des fils issus de la souche israélite ? Puisque vous avez des compagnes dont le sein est fécond et que vous êtes heureux en enfants, pourquoi donc recherchez-vous dans vos épouses une beauté qui ne convient qu’aux courtisanes et non aux épouses ? Aussi Dieu leur commande par le prophète et leur dit : « Gardez votre esprit », pour n’être point entraînés par la passion et n’être pas séduits par l’amour des étrangères. « Et ne dédaignez pas l’épouse de votre jeune âge », pour que celle qui s’est liée à toi dans une virginale union persévère ainsi jusqu’à la vieillesse. Mais il pouvait se faire que princes, prêtres, lévites et peuple répondissent : Dieu nous à recommandé par Moïse de renvoyer nos femmes lorsqu’elles nous seraient en aversion. Et il faut lire : Vous me dites qu’il est écrit dans les Écritures : « Lorsque tu auras pris ton épouse en aversion, renvoie-la, dit le Seigneur Dieu d’Israël. » Deu. 24, 1. Et il répond aussitôt : Cela est, il est vrai, recommandé dans la loi, mais c’est à cause de la dureté de votre cœur, et cette question le Seigneur la traite entièrement dans l’Évangile : Quiconque donc, excepté pour cause de fornication, renvoie injustement son épouse, aura son vêtement recouvert d’iniquité, c’est-à-dire son corps qui est comme le vêtement de son âme, dit le Seigneur des armées, afin qu’il soit puni dans ce en quoi il à péché. Ainsi cette question tranchée, il insinue et répète ce qu’il avait dit plus haut : « Gardez votre esprit, et ne dédaignez pas », soit la garde de votre esprit, soit certainement votre épouse, quoique pauvre ou sans beauté. Ce que nous avons spécialement interprété d’après le livre d’Esdras, à l’occasion des épouses abandonnées, d’autres l’estiment dit de ceux qui, pillant les biens d’autrui et ramassant injustement des richesses, osent offrir à Dieu des présents qu’il dit ne pouvoir nullement agréer, empêché qu’il en est par les larmes, les pleurs et les gémissements de ceux qui ont été volés, et rapprochent de ce passage ce témoignage : « Honorez Dieu des fruits de votre justice. » Pro. 3, 9. Ils y voient encore ce sens que ceux que des pertes de famille, la mort d’enfants, des, naufrages et autres dommages ayant trait aux choses du siècle, font fondre en larmes, et se livrent tout entiers aux plaintes et gémissements, ne sachant pas trouver ni dans l’énergie de l’âme, ni dans l’espoir en Dieu, ni dans la perspective des biens futurs le mépris de toutes choses, ceux-là, quoiqu’ils dirigent vers Dieu leur prière, n’en sont point agréés, parce qu’ils sont déconsidérés par des plaintes sans dignité et inconvenantes pour l’homme. Ce qui suit ; « Parce que le Seigneur a été témoin entre toi et l’épouse de votre puberté », ou de votre adolescence, que tu as méprisée ; et celle-là est ta compagne et l’épouse de ton pacte, ou « de ton alliance, et ce n’est point un autre qui l’a formée, et elle est le reste de ton esprit », ils l’interprètent de façon à dire, que l’épouse naturelle de notre jeunesse est l’intelligence et cette loi inscrite dans le cœur, innée chez tous les hommes. De là les nations mômes qui n’ont pas la loi de Dieu font les œuvres de la loi, et c’est de cette épouse qu’il est parlé dans les Proverbes : « C’est par Dieu qu’est unie l’épouse à l’homme ; » Pro. 19, 14 ; et il nous est prescrit de boire de nos sources et de nos fontaines, que personne ne partage notre boisson, et que nos joies soient dans l’épouse de notre adolescence. Cette épouse force même les incrédules à dire : « Que Dieu juge et voie », Jug. 11, 27, et je lui laisse à prononcer sur tout ce qui est à juger entre moi et toi, au sujet de qui dit encore l’Ecclésiaste : « Et passe ta vie avec la femme que tu as aimée pendant tous les jours de la vanité qui t’ont été faits sous le soleil. » Ecc. 9, 9. Voilà l’épouse qui est le résidu de notre esprit, parce qu’elle est toujours unie à notre sens, en sorte que si elle s’éloigne de nous, aussitôt nous offensons Dieu, et notre impiété nous couvre. Aussi de nouveau reprend-il : « Gardez votre esprit », non la chair, ceux qui vivent en elle ne peuvent plaire à Dieu ; non l’âme sensuelle, « l’homme animal ne perçoit point ce qui est de l’esprit », 1Co. 2, 1 seqq. mais l’esprit ; « parce que l’esprit interpelle pour nous par des gémissements ineffables. » Rom. 8, 26.

« Vous avez fait souffrir le Seigneur par vos discours, et vous avez dit : En quoi l’avons-nous fait souffrir ? En ce que vous dites : Quiconque fait mal est trouvé bon en présence du Seigneur, et ceux-là lui plaisent. Ou bien : Où se trouve le Dieu du jugement ? » Mal. 2, 17. Les Septante : « Vous avez provoqué le Seigneur dans vos discours, et vous avez dit : En quoi nous avons-nous provoqué ? En ce que vous dites : Quiconque fait mal est bon en présence du Seigneur, et c’est en eux qu’il se complaît ; et où est le Dieu de justice ? » Ce passage est pleinement traité dans le psaume soixante-deux, dont voici le commencement : « Que le Seigneur d’Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit ! Pour moi, mes pieds ont été presque ébranlés et mes pas presque troublés, parce que je me suis pris de jalousie pour les méchants en voyant la paix des pécheurs. Ils n’ont point à craindre pour leur mort, et ils sont comme affermis contre les maladies ; ils ne partagent pas les souffrances des hommes, et ils ne sont point frappés avec eux. » Psa. 72, 1 et seqq. Et ensuite : « Et j’ai dit : c’est donc sans fondement que j’ai purifié mon cœur et que j’ai gardé mes mains innocentes. » Le peuple, de retour de Babylone, voyant tous les peuples d’alentour, ceux-là mêmes qui adoraient les idoles de Babylone, dans l’abondance des richesses et en possession de la santé et de tout ce qui est estimé bien dans le siècle, tandis qu’il se voit, lui, qui à la connaissance de Dieu, accablé par la détresse, la souffrance et la servitude, est scandalisé et dit : Non, il n’y a pas de providence pour les choses humaines, tout arrive fortuitement et au hasard, et Dieu n’est en rien dans le gouvernement des choses ; bien plus, le mal lui plaît et le bien lui déplaît ; tout au moins, s’il discerne toute chose où est l’équité et la justice de son jugement ? C’est la question que l’esprit qui ne croit point aux biens futurs pose tous les jours à Dieu, en voyant les méchants dans la puissance et les saints dans l’abaissement, ceux-là regorger de toutes choses et ceux-ci n’ayant même pas les choses nécessaires à la vie, et quelquefois se trouvant frappés de cécité, de surdité, accablés, dans tous leurs membres, de plaies et d’infirmités, tels que l’Évangile nous représente Lazare, Luc. 16, 1 seqq. qui, à la porte du riche couvert de pourpre, désirait, pour soutenir sa propre vie, les miettes qu’on balaye des restes de la table, et que, d’autre part, le riche est assez dur et impitoyable pour n’avoir point pitié, lui homme, de cet homme dont la langue des chiens à compassion, esprits qui ne comprenant point le temps du jugement, ni que seuls sont vrais ces biens qui sont perpétuels, disent : les méchants lui plaisent, « et où est le Dieu du jugement ? »

« Voilà que j’envoie mon ange et il préparera la voie devant ma face, et aussitôt viendra à son temple le dominateur que vous demandez et l’ange de l’alliance si désiré de vous. » Mal. 3, 1 seqq. i. Les Septante : « Voilà que je vous enverrai mon ange qui préparera la voie devant ma face ; et aussitôt viendra dans son temple le Seigneur que vous cherchez et l’Ange de justice si désiré de vous. » Le Seigneur à fait, dans l’Évangile, l’application de ce passage à Jean-Baptiste, lorsqu’il dit : « Voilà que j’envoie devant vous mon ange, qui vous préparera la voie où vous devez marcher devant moi », Mat. 11, 10, et il ne s’est pas servi des mêmes mots que les Septante interprètes. De son côté, l’évangéliste Marc réunissant les deux témoignages de Malachie et d’Isaïe, qu’il attribue à un seul prophète, débute ainsi : « Commencement, de l’évangile de Jésus-Christ, comme il est écrit dans le prophète Isaïe : Voilà que j’envoie mon ange devant votre face, pour préparer votre voie », Mrc. 1, 2, quoique nous lisions cela exprimé en d’autres termes dans Malachie. Et ce qui suit : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers », Ibid. 3, est dit également par le prophète Isaïe, Isa. 40, 3, et exposant aussitôt à qui se rapportent l’un et l’autre témoignage, il ajoute : « Jean était dans le désert, baptisant et prêchant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés. » Mrc. 1, 4. Mais si les évangélistes, interprétant la prédiction des prophètes au sujet de Jean, s’accordent pour le sens, ils diffèrent dans les mots ; car, au lieu de : « Rendez droits les sentiers de notre Dieu », comme porte la version des Septante, Marc et Luc ont dit : « Rendez droits ses sentiers », et Jean : « Rendez droite la voie du Seigneur. » Cela fait voir clairement que les apôtres et les évangélistes et le Seigneur lui-même n’ont pas suivi l’autorité des Septante interprètes ; ils n’en avaient pas besoin, attendu qu’ils connaissaient la langue hébraïque ; mais ils traduisirent ce qu’ils avaient lu dans l’hébreu, ne se mettant pas en peine des syllabes, ni des points et des virgules, pourvu qu’ils en traduisissent fidèlement le sens. Nous avons démontré qu’ils avaient fait ainsi pour plusieurs passages, et nous l’avons prouvé en même temps par un grand nombre de témoignages, et principalement dans l’ouvrage que nous avons intitulé : « De la meilleure manière d’interpréter. » C’est donc proprement en la personne du Christ qu’il est dit : « Voilà que j’envoie mon ange, et il préparera la voie devant ma face », puisqu’il envoya Jean dans le désert prêcher le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés. Mais pour ce qui suit : « Et aussitôt viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’alliance, si désiré de vous », il le dit de lui-même, comme s’il parlait d’un autre, suivant en cela la coutume des Écritures. Et nul ne met en doute que ce Dominateur ne soit le Sauveur, qui à tout créé et est appelé l’ange de l’alliance et du grand conseil. Mais d’autres pensent que c’est dans la personne du Père qu’il est dit : « Voilà que j’envoie mon ange et il préparera la voie devant ma face », et ils entendent ce qui suit : « Aussitôt viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’alliance si désiré de vous », comme ayant été dit par lui touchant le Seigneur Sauveur. Mais Jean prépare la voie, et rend droits les sentiers de notre Dieu dans les cœurs des croyants, dans lesquels le Seigneur ne pouvait pas auparavant marcher à cause de leur dépravation et de leur incrédulité. Par temple, on interprète ou l’Église ou chacun des croyants dans l’Église (selon qu’il est écrit) : « Entrez dans la structure de l’édifice, pour composer une maison spirituelle et un ordre de saints prêtres, afin d’offrir à Dieu des victimes spirituelles, qui lui soient agréables par Jésus-Christ. » 1Pi. 2, 5. Relativement à ceux qui auront cru, l’apôtre saint Paul dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que son Esprit habite en vous ? » 1Co. 3, 16. Les Juifs appliquent au prophète Élie ces paroles : « Voilà que j’envoie mon ange », et ce qui suit : « Aussitôt viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez et l’ange de l’alliance si désiré de vous », ils le rapportent à leur Messie, c’est-à-dire leur Christ, qu’ils disent devoir venir à la fin des temps. Mais je suis étonné, que les événements accomplis ne les aient pas instruits de la vérité. Car comment ce dominateur pourrait-il trouver son temple, qui a été détruit jusqu’aux fondements ; ou, si un autre l’aura relevé de ses ruines avant la venue du Christ, que restera-t-il à faire à celui-ci, puisque tout a été rétabli par un autre ? Notre-Seigneur, interprétant dans l’Évangile le prophète Élie par Jean-Baptiste, dit : « Si vous voulez comprendre ce que je dis, c’est lui-même qui est cet Élie qui doit venir. » Mat. 11, 14. Le même prophète, dont nous traitons présentement, dit aussi de lui à la fin de sa prophétie : Voilà que je vous envoie le prophète Élie avant que vienne le grand et épouvantable jour du Seigneur. » Infra 4, 5. Et il nous a donné le moyen de comprendre comment Jean est Élie, en rapportant qu’il est venu dans la vertu et l’esprit d’Élie.

« Le voici qui vient, dit le Seigneur des armées. Et qui pourra penser au jour de son avènement ? Et qui pourra en soutenir la vue ? Car il sera comme le feu qui fond les métaux, et comme l’herbe dont se servent les foulons. Et il s’assiéra comme un homme qui fait fondre les métaux et épure l’argent ; et il purifiera les enfants de Lévi, et il les rendra purs comme l’or et l’argent ; et ils offriront des sacrifices au Seigneur dans la justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme l’ont été ceux des siècles passés et ceux des temps anciens. Alors je me hâterai de venir à vous pour être juge et témoin contre les malfaiteurs, contre les adultères et les parjures, contre ceux qui retiennent par violence la récompense du mercenaire, et qui oppriment les veuves, les orphelins et l’étranger, et qui n’ont pas eu ma crainte, dit le Seigneur des armées. Car je suis le Seigneur, et je ne change point. » Ibid. 2 et seqq. Les Septante : « Le voici qui vient, dit le Seigneur tout-puissant, et qui pourra soutenir le jour de son entrée ? ou qui pourra soutenir sa vue ? Car il entre semblable au feu de celui qui fond les métaux, et comme l’herbe de ceux qui lavent (la laine). Et il s’assiéra comme un homme qui fait fondre les métaux et épure l’argent et l’or ; et il purifiera les enfants de Lévi, et il les fondra comme l’or et l’argent ; et ils offriront au Seigneur des hosties dans la justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme l’ont été ceux des jours anciens et des premiers temps. Et je me hâterai de venir fi vous, pour être juge et témoin contre les malfaiteurs, contre les adultères et ceux qui se parjurent en mon nom, contre ceux qui retiennent aux mercenaires la récompense de leur travail, et qui abusent de leur puissance pour opprimer les veuves, qui maltraitent de coups les pupilles, qui rendent un jugement injuste à l’égard de l’étranger, et qui n’ont pas ma crainte, dit le Seigneur tout-puissant. Car je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne change pas. » Nous avons lu plus haut qu’une question avait été soulevée au Seigneur par ceux, qui disent : Quiconque fait le mal est un homme de bien aux yeux du Seigneur, et de telles gens lui sont agréables, ou du moins, s’ils lui déplaisent, où est le Dieu du jugement ? c’est-à-dire, où est la vérité de la justice ? C’est pour résoudre cette question que le Seigneur répondit : J’enverrai mon ange qui préparera ma voie, et viendra dans son temple le Dominateur que vous cherchez, lui qui est le juge de la vérité, et de qui il est dit dans un psaume : « O Dieu, donnez au Roi la droiture de vos jugements, et au fils du Roi la lumière de votre justice. » Psa. 71, 1. « Car le Père ne juge personne, mais il à donné au Fils tout pouvoir de juger. » Jn. 5, 22. Et il est l’ange de l’alliance, si désiré de vous ; le mal ne lui plaît pas, et il ne fait acception de personne dans le jugement. Col. 3, 25. Ni la miséricorde, ni la sévérité, ne le font changer de nature : « Car le Seigneur tient en sa main une coupe de vin pur pleine d’amertume,'et il en verse tantôt à l’un tantôt à l’autre », Psa. 74, 9, c’est-à-dire qu’il tempère la justice par la miséricorde, et la miséricorde par la justice. Et il viendra aussitôt et promptement dans son temple, c’est-à-dire dans son Église. « Et qui pourra seulement penser au jour de son avènement ? » Et si la puissance de la majesté du Seigneur met qui que ce soit dans l’impossibilité de penser à ce jour, qui est celui qui ne succombera pas sous son poids ? Et qui pourra soutenir la vue du Seigneur, c’est-à-dire qui pourra, avec des yeux chassieux et qui ne voient presque rien, regarder dans son éclat celui qui est le soleil de justice et qui porte le salut dans ses ailes ? Il viendra, semblable au feu qui fond les métaux, et à l’herbe dont se servent les foulons. Infra ii. « Car le feu s’enflammera en sa présence, et il sera environné d’une violente tempête. » Psa. 49, 4. Alors il appellera d’en haut le ciel et d’en bas la terre, pour juger son peuple. Des fleuves de feu, enveloppant tous les pécheurs, les traîneront devant lui. Or, le Seigneur est appelé un feu, et un feu dévorant, Deu. 4, 1 seqq. pour brûler notre bois, le foin et la paille. Et non seulement il est dit un feu, mais encore il est assimilé à l’herbe dont se servent les foulons, laquelle est appelée en hébreu borith, mot que les Septante traduisent par πὀαν, c’est-à-dire herbe dont se servent les foulons. Il est, pour ceux qui pèchent grièvement, un feu dévorant et semblable à celui qui fond les métaux ; mais pour ceux qui ne commettent que des péchés légers, il est comme l’herbe dont se servent les foulons, afin de rendre la pureté à ceux qui ont été lavés, selon qu’il est écrit dans Isaïe : « Le Seigneur lavera les souillures des fils et des filles de Sion, et il les purifiera du sang qui est au milieu d’eux par un esprit de justice et par un esprit d’ardeur. » Isa. 4, 4. Ceux qui sont souillés ont besoin de l’esprit de justice pour être lavés ; ceux qui sont remplis de sang ont besoin de l’esprit de combustion, afin que soient enlevées les taches de sang qu’ils portent extérieurement. Et il s’assiéra comme un homme qui fait fondre les métaux et qui épure l’argent, afin que, selon Ézéchiel, cap.xxn, tout l’airain, l’étain, le fer et le plomb qui se trouvent mêlés à notre or et à notre argent, c’est-à-dire à nos pensées et à nos paroles, sont consumés dans le fourneau du Seigneur, et qu’il ne reste que l’or pur et l’argent. C’est pour cela que le Seigneur dit dans l’Évangile : « Je suis venu jeter le feu sur la terre, et qu’est-ce que je veux, si ce n’est qu’il soit allumé ? » Luc. 12, 49. Et il purifiera les enfants de Lévi. « Car il est temps que Dieu commence son jugement par sa propre maison. » 1Pi. 4, 17. Et ailleurs il est écrit : « Commencez par mon sanctuaire. » Eze. 9, 6. Or, par les enfants de Lévi, entendez toute la dignité sacerdotale. Si donc les prêtres doivent être purifiés et passés par l’étamine, afin qu’il ne reste que l’or pur et l’argent, que faudra-t-il dire des autres ? Quand ils auront été nettoyés et épurés, alors ils offriront au Seigneur des sacrifices de justice ; et le Seigneur agréera leur sacrifice, qu’ils offriront pour Juda et pour Jérusalem, c’est-à-dire pour ceux qui reconnaissent et louent le Seigneur et qui considèrent dans leur âme sa paix ; ce sacrifice sera agréable à Dieu, comme l’ont été ceux des siècles passés et ceux des premiers temps ; en sorte que de même que ces prêtres lui furent agréables au commencement, ainsi ils commencent à lui plaire après leur péché, lorsqu’ils en auront fait pénitence et qu’ils auront été purifiés de toute souillure. « Et je me hâterai, dit-il, de venir pour être moi-même juge et témoin. » Combien redoutable ne sera pas son jugement, où il est lui-même témoin et juge. 11 est témoin contre les malfaiteurs et les adultères ; car ces crimes se commettent en secret, et ils sont mis en vue, pour qu’ils ne soient pas longtemps cachés. Après les malfaiteurs viennent les adultères, qui sont suivis des parjures, et ceux-ci de ceux qui, par fraude, privent le mercenaire de sa récompense et ne veulent pas payer ce qu’ils doivent pour le travail qu’on leur fait ; de plus, qui calomnient les veuves et les orphelins, oppriment le pèlerin et l’étranger, ou certainement le catéchumène qui n’a pas encore été fait citoyen dans la cité du Christ. Et lors même qu’ils n’auraient pas commis tous ces crimes, il leur suffirait pour être coupables et mériter châtiment, de n’avoir pas eu la crainte du Seigneur. Gardons-nous donc de considérer comme légers les péchés que nous commettons en nous parjurant, en ne payant pas au mercenaire le prix de son travail, en calomniant la veuve et l’orphelin, en opprimant l’étranger et le pèlerin ; car tout cela est comparé aux maléfices, aux empoisonnements et à l’adultère. Nous entendons ces choses et dans le sens historique et dans le sens allégorique, en sorte que ce qui était dit à cette époque aux princes des Juifs, s’adresse présentement aux princes des Églises ; et ce qui suit : « Je suis le Seigneur et je ne change point », il le met, parce qu’il avait dit plus haut : « Il sera comme le feu qui fond les métaux et comme l’herbe dont se servent les foulons », de peur que nous ne pensions qu’il change la nature de la divinité, lorsqu’il est appelé pour nous ou ange, ou feu, ou borith.

« Et vous, enfants de Jacob, vous n’avez pas été consumés, quoique dès le temps de vos pères vous vous soyez écartés de mes ordonnances et de mes lois et que vous ne les ayez pas observées. » Ibid. 6. Les Septante : « Et vous, enfants de Jacob, vous ne vous êtes pas éloignés des péchés de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances et de mes lois, et vous ne les avez pas observées. » Il avait dit plus haut : Je me hâterai de venir pour être témoin contre les malfaiteurs, et les adultères, et les parjures, et ceux qui privent par fraude le mercenaire de sa récompense et qui calomnient les veuves et les orphelins, oppriment le pèlerin, et n’ont pas eu ma crainte, dit le Seigneur des armées. En affirmant qu’il est un juge équitable, parce qu’il ne fait acception de personne dans le jugement, il à ajouté : « Je suis le Seigneur et je ne change point. » Et voici le sens : Vous, vous changez chaque jour par les maléfices, par les adultères, par les parjures, par les calomnies et par la violence, mais pour moi aucune différence de personnes ne méfait changer dans le jugement. Et quoique j’avoue que je suis un juge sévère et juste, néanmoins, ô enfants de Jacob, vous n’avez pas été consumés par la diversité des tourments, selon qu’il est écrit dans Jérémie : « C’est en vain que j’ai frappé vos enfants, vous n’avez point reçu le châtiment ; » Jer. 2, 30 ; et ce n’est pas depuis peu, ni une seule fois, que vous faites cela, car s’il en était ainsi, vous mériteriez qu’on vous pardonnât votre erreur, mais c’est chez vous l’effet d’une impiété héréditaire, puisque, dès le temps de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances et de mes lois, et vous n’avez pas observé mes commandements. Par enfants de Jacob, qualifié mystiquement de supplantateur et de ravisseur du droit d’aînesse de son frère Esaü ; par enfants de ce patriarche, dis-je, lesquels ne s’éloignent pas des péchés de leurs pères et s’écartent des ordonnances et des lois du Seigneur, et n’observent pas ses préceptes, entendons ceux qui, étant constitués dans l’Église, ne s’éloignent pas des vices et qui prennent faussement le nom de chrétiens.

« Revenez à moi, et je retournerai vers vous, dis le Seigneur des armées. Et vous avez dit : Comment retournerons-nous à vous ? Un homme doit-il outrager son Dieu, comme vous m’avez outragé ? Et vous avez dit : En quoi vous avons-nous outragé ? En ne me payant pas les dîmes et les prémices. Vous êtes maudits et dans l’indigence, parce que vous m’outragez tous. Apportez toutes mes dîmes dans mon grenier, et qu’il y ait de la nourriture dans ma maison ; et après cela mettez-moi à l’épreuve, dit le Seigneur, et vous verrez si je ne vous ouvrirai pas les cataractes du ciel, et si je ne répandrai pas ma bénédiction sur vous pour vous combler d’une abondance de biens. Je réprimerai en votre faveur les insectes qui dévorent les fruits, et ils ne ravageront point ceux de vos terres ; il n’y aura point de vigne stérile dans vos campagnes, dit le Seigneur des armées. Et toutes les nations vous appelleront un peuple heureux ; car vous serez une terre qu’on désirera habiter, dit le Seigneur des armées. » Ibid. 7, et seq. Les Septante : « Revenez à moi, et je reviendrai à vous, dit le Seigneur tout-puissant. » Et vous avez dit : Comment retournerons-nous à vous ? Un homme doit-il trahir son Dieu, comme vous m’avez trahi ? Et vous avez dit : En quoi vous avons-nous trahi ? Parce que vous retenez les dîmes et les prémices qui me sont dues. Et vous me trahissez avec beaucoup de préméditation : l’année s’est écoulée entièrement, et vous avez porté les fruits dans les trésors, et vos maisons seront livrées au pillage. Amendez-vous sur ce point, dit le Seigneur tout-puissant, et je vous ouvrirai les cataractes du ciel, et je répandrai sur vous ma bénédiction, autant qu’il sera nécessaire, et je vous distribuerai la nourriture, et je ne laisserai pas ravager le fruit de votre terre ; il n’y aura point de vigne stérile dans vos campagnes, dit le Seigneur tout-puissant. Toutes les nations vous appelleront un peuple heureux, parce que vous serez une terre où l’on voudra habiter, dit le Seigneur tout-puissant. » Nous avons dit aussi en commençant qu’on doit entendre par le prophète Malachie le prêtre Ezras ; et que tout ce qui est écrit dans son histoire est contenu aussi dans ce volume ; et maintenant nous disons que du temps de Malachie et de Néémias, qui évidemment vivaient à la même époque, il y eut une très grande famine, qui fut cause d’une sédition. Les Juifs, manquant de tout, furent forcés de vendre leurs fils, leurs filles, tous leurs biens et tout ce qu’ils possédaient ils en vinrent enfin à dire : « Nous avons trop de fils et de filles, vendons-les, et achetons en du blé pour nous nourrir et avoir de quoi vivre, il y en avait qui disaient : Engageons nos champs, nos vignes et nos maisons, afin d’avoir par ce moyen du blé pendant la famine. J’entrai dans une grande colère, dit Ezras, lorsque je les eus entendus se plaindre de la sorte. Après avoir pensé en moi-mème au fond de mon cœur, je fis une réprimande aux principaux du peuple et aux magistrats », Esd. 5, 2 et seqq, et le reste à l’époque donc de cette famine, les vivres étaient si chers que les Juifs étaient forcés de vendre leurs fils ; et ceux qui possédaient peu, aussi bien que ceux qui avaient entassé beaucoup de fruits clans leurs greniers, ne voulurent pas, à cause de la nécessité ou de la grandeur du prix, payer les dîmes aux lévites, qui n’avaient pas de part dans l’héritage de la Judée, et dont les prémices et les dîmes constituaient l’héritage. Pour qu’on ne croie pas que nous disons cela de notre chef, rapportons le témoignage d’Ezras : « Et je reconnus, dit-il, que la part des Lévites ne leur avait pas été donnée, et que chacun d’eux, et des chantres et de ceux qui servaient au temple, s’était enfui et retiré en son pays. Alors je parlai avec force aux magistrats, et je leur dis : Pourquoi avons-nous abandonné la maison de Dieu ? Après cela, je rassemblai les lévites, et je les fis demeurer dans les fonctions de leur ministère. Tout Juda apportait dans les greniers les dîmes du blé, du vin et de l’huile, et nous établîmes pour avoir soin des greniers Sélémias, prêtre, et Sadoch, docteur de la loi, et le reste. » Esd. 13, 10 et seq. Nous avons entendu l’histoire d’Ezras, répétons maintenant les paroles du prophète, en considérant avec plus de soin si l’histoire et la prophétie s’accordent ensemble. Lorsqu’il est dit : Revenez à moi, et moi je reviendrai à vous, dit le Seigneur tout-puissant, il est évident que ceux que le prophète exhorte à retourner au Seigneur se sont éloignés de lui. Et voyez la clémence du Seigneur : il promet de son côté de rendre la pareille, et de se servir à leur égard de la mesure dont ils se seront servis eux-mêmes. Et de même qu’il est écrit dans le Lévitique : « Si vous marchez contre moi avec un cœur pervers, moi, de mon côté, je marcherai contre vous avec une fureur semblable à la vôtre », Lev. 26, 27-28, de même aussi il exhorte maintenant son peuple à retourner à Lui, afin que lui-même à son tour revienne à eux. Mais ceux-ci ne comprenant pas qu’ils se sont éloignés du Seigneur, interrogent impudemment : « En quoi retournerons-nous à vous ? » Et ils disent : Quand nous sommes-nous éloignés, pour que nous soyons justement forcés de revenir ? Le Seigneur répond ; « Un homme doit-il outrager Dieu, comme vous m’avez outragé ? ». Le mot hébreu hajecba a été interprété par les Septante par : « s’il trahit », à la place de quoi Aquila, Symmaque et Théodotion, ont mis « s’il trompe », en sorte que le sens est celui-ci ; L’homme doit-il tromper Dieu, comme vous m’avez trompé ? En effet, si l’on s’en rapporte à l’ordre de l’histoire, comme le peuple retenait aux lévites les dîmes et les prémices qu’il leur devait, le Seigneur dit que c’est lui-même qui souffre la fraude, puisque ses ministres ont déserté le temple, forcés qu’ils étaient de le faire par la faim et le besoin. Car si, dans la personne des autres, il est visité dans la prison, s’il est soigné lorsqu’il est malade, si on lui donne de la nourriture et de la boisson lorsqu’il a faim et qu’il a soif, comment ne recevrait-il pas lui-même les dîmes dans la personne de ses ministres, et, si on ne les donne pas, comment ne serait-il pas lui-même privé de la part qui lui revient ? Le mot hajecba, dont nous avons parlé, est interprété, dans la langue des Syriens et des Chaldéens, par « s’il attachera » : c’est pour cela que nous aussi nous avons, il y à plusieurs années, traduit de cette manière, en rapportant ce qui a été écrit plutôt au mystère de la passion du Seigneur, dans laquelle les hommes crucifièrent Dieu, qu’aux dîmes et aux prémices. Que le lecteur cherche dans sa prudence de quelle manière notre interprétation s’accorde avec les mots suivants : « dans les dîmes et dans les prémices », et qu’il voie si nous pouvons dire : « Pour que vous m’attachiez à la croix » ; pour en venir jusqu’à porter sur votre Dieu des mains criminelles, vous avez préludé auparavant par beaucoup d’autres crimes, et surtout en soustrayant, je ne dis pas à mes prêtres et aux lévites, mais à moi-même, les dîmes et les prémices que par Moïse j’ai ordonné qu’on me donnât. Exod. 23, 1 seqq. Nous n’en dirons pas davantage sur ce passage, laissant le lecteur libre de juger si nous avons bien compris. Suivons maintenant l’ordre de la prophétie. Parce que vous ne m’avez pas payé les dîmes et les prémices, que vous m’avez trahi, trompé et fraudé, toute votre maison a été maudite, et vous avez tous souffert la faim et le besoin à la place du mot « nation », qui en hébreu est écrit aggoi, les Septante ont mis « année », traduisant le mot grec ἔτος. Et voici le sens : L’année est déjà entièrement écoulée, et vous n’avez rien porté dans mes trésors, mais vous avez serré dans vos greniers les dîmes et les prémices qui m’étaient dues ; et c’est pour ne me les avoir pa3 payées, quoique vous n’eussiez pas fait un grand sacrifice, que vos terres ont été stériles et que vous n’avez eu aucune abondance de fruits. Mais pour que vous sachiez que cela est arrivé, parce que j’étais en colère de ce que vous m’avez volé la part qui m’appartient, je vous avertis et je vous exhorte à porter les dîmes dans les greniers, c’est-à-dire dans les trésors du temple, afin que les prêtres et les lévites qui me servent aient de quoi vivre. Si vous faites cela, je vous donnerai des pluies si abondantes qu’on croira que les cataractes du ciel ont été ouvertes. « Et je répandrai ma bénédiction sur vous pour vous combler d’une abondance de biens. » Le mot effusion exprime ici l’idée de largesse. Mais il peut se faire, à la vérité, que quoique les champs arrosés par les pluies soient fertiles, ils soient ravagés par les sauterelles, les chenilles et toutes sortes de vers rongeurs, et qu’ainsi soient perdus les travaux des hommes. C’est pour cela qu’on joint ensemble ce qui précède avec ces paroles : « Et je réprimerai en votre faveur les animaux qui dévorent les fruits », c’est-à-dire les sauterelles et les autres insectes destructeurs dont nous avons parlé ; et ils ne ravageront point les fruits de vos champs. Vos pressoirs aussi regorgeront de vin, et toutes les nations qui vous environnent seront étonnées de la fertilité de votre terre, au point que toutes désireront y habiter, et que, par l’abondance de tous vos biens, vous servirez d’exemple à tous les peuples. Ce que nous avons dit des dîmes et des prémices que le peuple donnait autrefois aux prêtres et aux lévites, entendez-le aussi pour les peuples de l’Église, auxquels il est ordonné, non seulement de donner les dîmes et les prémices, mais encore de vendre tout ce qu’ils possèdent et de le donner aux pauvres, et de suivre le Seigneur Sauveur. Matth. 19 et Mrc. 10, 1 seqq. Si nous ne voulons pas le faire, imitons au moins les commencements des Juifs, et donnons aux pauvres une partie du tout, et rendons aux prêtres et aux lévites l’honneur qui leur est dû. C’est pourquoi aussi l’apôtre dit : « Honorez les veuves qui sont vraiment veuves ; » 1Ti. 5, 3 ; et : Que le prêtre soit doublement honoré, principalement celui qui travaille à la prédication de la parole et de la doctrine de Dieu. Celui qui ne le fait pas est convaincu de fraude et de tromperie envers Dieu, et il est maudit et dans une indigence absolue, car celui qui aura semé peu moissonnera également peu, et celui qui aura semé avec abondance moissonnera aussi avec abondance. 2Co. 9, 6. Si quelquefois vous souffrez la faim, le besoin et le manque de toutes choses, sachez que c’est l’effet de la colère de Dieu, qui, dans la personne des pauvres, lorsqu’on ne leur fait pas l’aumône, se dit être volé et privé de la part qui lui appartient. Nous pouvons encore interpréter ainsi les dîmes et les prémices : Si quelqu’un est assez savant et assez instruit dans la loi de Dieu pour enseigner les autres, il ne doit pas attribuer à sa prudence et à son génie l’instruction qu’il possède ; mais qu’il rende grâces premièrement à Dieu de la largesse de qui proviennent tous les biens, ensuite aux prêtres et aux maîtres qui l’ont enseigné ; car s’il ne rend pas grâces et s’il s’arroge la science, il sera maudit et tombera dans l’indigence ; mais si comprenant que c’est Dieu qui donne les biens, de quelque nature qu’ils soient, et si, rendant grâces à ceux dont Dieu s’est servi pour l’instruire, il s’humilie, et s’il porte des vivres dans le grenier de Dieu, c’est-à-dire si, dans l’Église, il sert aux peuples les aliments de la sainte Écriture, aussitôt les cataractes du ciel seront ouvertes pour lui, et il sera arrosé de la pluie spirituelle que Dieu aura commandé à ses nuées de faire tomber sur lui, et il jouira de l’abondance de tous les biens ; seront même réprimés en sa faveur les insectes qui dévorent les fruits, c’est-à-dire les puissances infernales qui lui font la guerre ; et son travail apportera du fruit, et on lui appliquera ces paroles de la sainte Écriture : « Heureux celui qui parle à des oreilles qui l’écoutent. » Sir. 25, 12. Il lèvera aussi ses yeux et il considérera les campagnes, et verra qu’elles sont déjà blanches et prêtes à moissonner ; Jn. 4; 1 ss ; et il amassera des fruits pour la vie éternelle. Et il n’y aura pas de vigne stérile dans ses terres, car le Seigneur dit : « Je suis la vigne. » Jn. 15, 1 seqq. Et par un prophète : à Je vous ai plantée comme une vigne féconde, et je n’y ai mis que du bon plant ; » Jer. 2, 21 ; et par l’aveu de sa bassesse et sa reconnaissance envers Dieu et envers les maîtres de son Église, il obtiendra une si grande béatitude que toutes les nations l’appelleront bienheureux, et que ceux qui l’auront entendu discourir dans l’Église désireront habiter dans sa terre et nourrir leur âme de sa doctrine.

« Les paroles injurieuses que vous dites contre moi se multiplient de jour en jour, dit le Seigneur. Et cependant vous avez répondu : Qu’avons-nous dit contre vous ? Vous avez dit : C’est en vain que l’on sert Dieu ; qu’avons-nous gagné pour avoir gardé ses commandements, et pour avoir marché avec un visage abattu devant le Seigneur des armées ? C’est pourquoi maintenant nous n’appellerons heureux que les hommes arrogants, puisqu’ils se sont établis en vivant dans l’impiété, et qu’après avoir tenté Dieu, ils se sauvent de tous les périls. » Ibid. 13. Les Septante : « Vos paroles sont devenues de plus en plus injurieuses à, mon égard, dit le Seigneur. Et vous avez répondu : Qu’avons-nous dit contre vous ? Vous avez dit : C’est en vain que l’on sert Dieu ; et qu’avons-nous eu de plus d’avoir gardé ses commandements, et d’avoir marché avec un visage abattu devant le Seigneur tout-puissant ? Et maintenant nous n’appellerons heureux que les hommes qui sont ennemis de Dieu, puisque tous ceux qui commettent l’iniquité et qui ont résisté à Dieu se sont sauvés de tous les périls. » Il avait dit auparavant : Vous avez fait de la peine au Seigneur par vos discours ; et vous avez répondu : En quoi lui avons-non s fait de la peine ? En ce que vous disiez : Quiconque fait le mal est bon en la présence du Seigneur, et il aime de telles gens : en vérité, où est le Dieu de la justice ? Maintenant il répète la même chose avec plus de développements. En effet, le peuple qui, de retour de Babylone, paraissait avoir la connaissance de Dieu, et observer la loi, et comprendre son péché, et offrir des victimes pour le péché, payer les dîmes, observer le sabbat et les autres choses qui ont été ordonnées par la loi de Dieu, ce peuple, dis-je, voyant que toutes les nations qui l’environnaient étaient dans l’abondance de toutes choses, tandis que lui était dans le besoin et dans la misère et souffrait la faim, se scandalisait de chaque chose en particulier, et disait : Quel profit me revient-il d’adorer un seul et vrai Dieu, d’avoir les idoles en abomination, et de marcher avec un visage abattu devant Dieu, en ressentant une vive douleur des péchés ? Ce passage, comme nous l’avons dit plus haut, est exposé avec plus de détails dans le psaume soixante-douzième. C’est pourquoi le prophète, qui est un médecin spirituel, panse toutes les blessures, et atteste qu’il coupe comme avec un instrument tranchant les paroles de blasphème, et il dit, comme s’il parlait de la personne de Dieu : Les paroles injurieuses que vous dites contre moi se multiplient de jour en jour, ou s’aggravent : car, selon Zacharie, l’iniquité est assise sur un talent de plomb, Zac. 5, 1 seqq. et ce qui est dit contre Dieu est rabaissé parla masse pesante des blasphèmes. Ceux qui ne comprennent pas ce qu’il y a de très injurieux et de blasphématoire dans leurs paroles interrogent : Qu’avons-nous dit contre vous ? Le Seigneur leur répond : Vous avez dit : C’est en vain que l’on sert Dieu ; qu’avons-nous gagné pour avoir gardé ses commandements ? Ils réclament dans le siècle présent la récompense pour le service de Dieu, et c’est pour cela qu’ils ne la reçoivent pas. Que nous a-t-il servi d’avoir marché avec un visage abattu devant le Seigneur, selon ce qui est écrit dans les psaumes : « Je marchais accablé de tristesse durant tout le jour ; » Psa. 37, 7 ; nous appelons donc heureux les arrogants, qui s’élèvent insolemment contre Dieu, et lancent contre Lui des paroles d’impiété et de blasphème ; puisqu’ils se sont établis, et qu’après leurs crimes et leurs blasphèmes, ils prospèrent en tout. Ils ont tenté Dieu, ou bien ils lui ont résisté et ils se sont sauvés de tous les périls. Dans leur opinion, le salut, c’est la félicité du siècle présent, aussi sont-ils trompés par leurs erreurs. Nous pouvons aussi entendre cela des hérétiques Marcion et Valentin, qui, n’acceptant pas le nouveau Testament et parlant injurieusement du Créateur du monde, tirent du profit de leur impiété et ont un grand nombre de complices de leur crime ; c’est ce qui scandalise ceux qui dans l’Église persévèrent, et qui, ignorant les causes du jugement de Dieu, font entendre par le prophète des paroles de plainte.

« Mais ceux qui craignent le Seigneur ont tenu un autre langage dans leurs entretiens avec leur prochain. » Ibid. 16. Les Septante : « Mais tel n’est pas le langage qu’ont tenu avec leur prochain ceux qui craignent le Seigneur. « Selon les Hébreux, il faut entendre ainsi : Tandis que ceux-là blasphèment touchant le jugement de Dieu, ceux qui craignent le Seigneur se sont dit dans leurs entretiens, que ce n’est pas dans le siècle présent, qui est de courte durée, mais dans le futur, qui ne finira pas, qu’aura lieu la rétribution des bons et des méchants ; que d’ailleurs il n’est pas au pouvoir de l’homme de connaître le jugement de Dieu, de raisonner sur son équité et sa justice ; et ils ont ajouté les autres réflexions que les justes doivent faire entre eux. Quoique le prophète ne nous ait pas fait connaître ce qu’ils ont dit, comme il à inféré : « Mais ceux qui craignent Dieu ont tenu un autre langage dans leurs entretiens avec leur prochain », nous devons comprendre par là que ceux qui craignent le Seigneur n’ont dit que ce qui est exprimé, par les paroles de toutes les Écritures. Mais, d’après les Septante, il faut lire ἔξαιρετον, et d’une voix inarticulée, pour dire : Voilà ce qu’ont dit dans leurs entretiens avec leur prochain ceux qui craignent le Seigneur, c’est-à-dire ceux qui disent avec une vaine jactance : Qu’avons-nous gagné d’avoir observé ses commandements, et d’avoir marché avec un visage abattu devant le Seigneur ? Car, s’ils craignaient le Seigneur, ils ne tiendraient par un semblable langage.

« Aussi le Seigneur a été attentif à leurs paroles, et il les a écoutés ; et il a fait écrire un livre qui doit lui servir de monument en faveur de ceux qui craignent le Seigneur, et qui pensent à la grandeur de son nom. Et dans le jour où je dois agir, dit le Seigneur des armées, ils seront le peuple que je me réserve, et je les traiterai avec indulgence, comme un homme traite son fils qui le sert. Changez de sentiments, et vous verrez quelle différence il y a entre le juste et l’impie, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert point. » Ibid. 17, 18. Les Septante : « Aussi le Seigneur a été attentif à leurs paroles et il les a écoutés, et il à fait écrire un livre qui doit lui servir de monument en faveur de ceux qui craignent le Seigneur, et qui ont de la vénération pour son nom. Et dans le jour où je dois agir, dit le Seigneur tout-puissant, ils seront le peuple que je me suis acquis, et je les choisirai comme un homme choisit son fils qui le sert. Changez de sentiments, et vous verrez quelle différence il y a entre le juste et l’injuste, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert point. » Le Seigneur a été attentif aux entretiens que les justes et ceux qui craignent Dieu ont eus chacun avec leur prochain, et comme ils n’ont voulu ni écouter, ni proférer des paroles de blasphème, leurs prières ont été exaucées par le Seigneur, qui à fait écrire un livre qui doit lui servir de monument en faveur de ceux qui le craignent et qui pensent à la grandeur de son nom, afin que, lorsque le jour du jugement sera venu, il punisse les blasphémateurs et récompense ceux qui le craignent. Or, ce livre est celui dont nous lisons dans Daniel : « Des trônes furent placés et les livres furent ouverts. » Dan. 7, 9. Ceux qui craignent le Seigneur des armées seront pour lui comme un argent mis en réserve, lorsque le jour du jugement sera arrivé. Au lieu du mot « pécule », on lit dans l’hébreu sgolla, qu’Aquila interprète par « abondance » et les autres par « ressource. » Ceux donc qui craignent le Seigneur et qui, dans leurs entretiens avec leur prochain, ont eu des réparties contre les paroles de blasphème, seront pour le Seigneur, au jour du jugement, comme un argent mis en réserve, et ils seront traités avec indulgence, parce que tout homme est sujet au péché ; ou bien il les choisira comme un homme à coutume de choisir son fils qui le sert ; en quoi on voit une double affection, et l’affection d’un père à. l’égard de son fils, et celle d’un maître pour son serviteur. Et vous qui maintenant blasphémez et dites : « Qu’avons-nous gagné pour avoir gardé ses commandements, et pour avoir marché devant le Seigneur avec un visage abattu ? » vous connaîtrez alors d’un côté leur élection et leur béatitude et de l’autre votre misère ; et vous verrez avec de grands regrets quelle différence il y a entre le juste et l’impie, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas.

« Car voilà que viendra un jour de feu semblable à une fournaise ardente ; tous les superbes et tous ceux qui commettent l’impiété seront comme delà paille ; et ce jour, lorsqu’il sera venu, les embrasera, dit le Seigneur des armées, sans leur laisser ni germe, ni racine. Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le Soleil de justice, et vous trouverez votre salut sous ses ailes ; vous sortirez alors, et vous bondirez comme les veaux d’un troupeau. Vous foulerez aux pieds les impies, lorsqu’ils seront devenus comme de la cendre sous la plante de vos pieds, en ce jour où j’agirai moi-même, dit le Seigneur des armées. » Id. 19-21 seqq. v. 1 et seqq. Les Septante : « Car voilà que vient un jour ardent comme une fournaise ; et il les brûlera ; et tous ceux qui ont des sentiments. Contraires à ceux de Dieu, et tous ceux qui commettent l’iniquité seront alors comme de la paille ; et ce jour, lorsqu’il sera venu, les embrasera sans leur laisser ni racine ni rameau. Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le Soleil de justice, et vous trouverez votre salut sous ses ailes ; vous sortirez alors, et vous bondirez comme des veaux qu’on a débarrassés de leurs liens ; et vous foulerez aux pieds les hommes d’iniquité, et ils seront comme de la cendre sous vos pieds, en ce jour où j’agirai moi-même, dit le Seigneur tout-puissant. » Parce que les impies m’ont fait souffrir par leurs discours, et qu’ils ont dit : Tous ceux qui font le mal sont bons en présence du Seigneur, et ils lui sont agréables ; et : c’est en vain que l’on sert Dieu ; et : Qu’avons-nous gagné pour avoir gardé ses commandements, et pour avoir marché devant le Seigneur des armées avec un visage abattu ? Supra, 5, 13. Et parce que ceux qui ont la crainte de Dieu ont combattu leurs paroles téméraires, et qu’ils ont conféré chacun avec son prochain sur les choses qui se rapportent à la crainte de Dieu, le Seigneur s’est rendu attentif à leurs paroles ; il les à écoutés, et il a fait écrire un livre qui doit lui servir de monument en faveur de ceux qui craignent Dieu et qui pensent à la grandeur de son nom ; et lorsque sera venu le jour, il promet de les considérer comme le peuple qu’il s’est mis en réserve, et de les traiter avec indulgence, comme fait un homme à l’égard de son fils qui le sert ; et pour inculquer cela plus fortement, il dit : « Voilà que viendra le jour », c’est-à-dire le jour du jugement, qui sera la lumière pour les Saints, et les ténèbres pour les pécheurs ; il sera semblable à une fournaise ardente, ou à un four, afin que tous les impies étant devenus comme de la paille, soient brûlés par les ardeurs de cette fournaise. Et après les avoir embrasés et consumés, ce jour ne laissera en eux aucune racine ni aucun germe de malice. Voilà ce que doivent souffrir les impies au jour du jugement. Voici au contraire ce qui arrivera à ceux qui craignent le nom de Dieu : « Pour vous qui craignez mon nom se lèvera le Soleil de justice », qui jugera tout selon la vérité, et qui mettra au grand jour les bonnes et les mauvaises œuvres, les vertus et les vices. Le salut sera sous ses ailes, et il portera sur ses épaules ceux qui auront été guéris par la pénitence, selon qu’il est écrit dans le Deutéronome : « Étendant ses ailes, il les à pris sur lui et les à portés sur ses épaules. » Deu. 32, 11. Alors sortiront ceux qui sont retenus dans ce siècle comme dans uue prison, et ils bondiront comme des veaux d’un troupeau, ou comme de jeunes bœufs délivrés de leurs liens. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre : « Je désire être dégagé des liens du corps et être avec Jésus-Christ ; » Phi. 1, 23 ; il désire qu’il en soit ainsi, afin de sortir et de bondir comme un veau débarrassé de ses liens, et comme une victime du Seigneur. Sa joie ne s’arrêtera pas là : mais il aura encore la satisfaction de fouler aux pieds les impies, lorsqu’ils seront devenus comme de la cendre. C’est pour cela encore que le même Apôtre fait en faveur des justes ce souhait : « Que Dieu brise bientôt Satan sous vos pieds. » Rom. 16, 20. Abraham sentant qu’il n’était que cendre en comparaison de la majesté divine, dit au Seigneur : « Je ne suis que terre et que cendre ; » Gen. 18, 27 ; et c’est pourquoi il verra le Soleil de justice, et il se reposera au milieu de ceux qui composent son assemblée, et, porté sur ses épaules, il sera soulevé jusqu’au ciel. Mais celui qui à dit dans son orgueil : « je placerai mon trône au-dessus des astres ; je serai semblable au Très-Haut », Isa. 14, 14, celui-là, sera renversé sur la terre, et il sera comme de la cendre sous les pieds des Saints, lorsque le jour du jugement du Seigneur sera arrivé. « Souvenez-vous, de la loi de Moïse, mon serviteur, que je lui donnai sur la montagne d’Horeb, afin qu’il portât à tout le peuple d’Israël mes préceptes et mes ordonnances. » Ibid. 4. C’est la même chose dans les Septante. Dans le siècle futur, la rétribution sera en rapport avec la qualité des mérites, lorsque, d’un côté, la flamme dévorante brûlera et consumera la racine et le germe des orgueilleux, et que, de l’autre, le Soleil de justice se lèvera pour ceux qui craignent le Seigneur, et ils trouveront le salut dans ses ailes. Souvenez-vous donc de la loi de Moïse, mon serviteur, que je lui donnai sur la montagne d’Horeb, qui est le mont Sina, afin qu’il portât à tout le peuple d’Israël mes préceptes et mes ordonnances. Or, l’Apôtre disant : « Nous savons que la loi est spirituelle », Rom. 7, 14, et le bienheureux David : « Ôtez le voile qui est sur mes yeux et je considérerai les merveilles enfermées dans votre loi ; » et parce que tous mangeaient spirituellement la manne céleste, et que tout le peuple d’Israël se désaltérait à la même pierre spirituelle qui les suivait, laquelle pierre n’était autre que le Christ, 1Co. 10, 3-4, c’est pour cela que ceux qui ont la foi dans le Christ doivent observer spirituellement les préceptes de la loi, que le Seigneur a donnés sur la montagne d’Horeb, qui est interprétée « sécheresse. » Cette loi divine fait évaporer aux rayons du Soleil de justice l’humeur de tous les vices et dessèche le rhume des passions. Or, le Seigneur a parlé à tout Israël, qui regarde Dieu spirituellement et dont il est dit dans l’Évangile : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront eux-mêmes Dieu. » Mat. 5, 5.

« Voilà que je vous enverrai le prophète Élie, avant que le grand et épouvantable jour du Seigneur arrive ; et il tournera le cœur des pères vers les enfants, et le cœur des enfants vers leurs pères, de peur que je ne vienne et ne frappe la terre d’anathème. » Ibid. 5, 6. Les Septante : « Voilà que je vous enverrai Élie Thesbite, avant que le grand et fameux jour du Seigneur arrive ; et il tournera le cœur du père vers son fils, et le cœur de l’homme vers son prochain, de peur qu’en venant je ne frappe tout à fait la terre. » Après Moïse, dont les commandements doivent être observés spirituellement, comme nous l’avons enseigné, il dit qu’Élie doit être envoyé r signifiant la loi dans Moïse et la prophétie dans Élie, ce qu’Abraham avait déjà fait entendre, lorsqu’il dit à un riche vêtu de pourpre : « Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. » Luc. 16, 29. Et le Seigneur et Sauveur, transfiguré sur une montagne, s’entretenait avec Moïse et Élie, revêtus d’habits blancs, et ils lui disaient ce qu’il devait souffrir à Jérusalem ; Mrc. 9, 1 ss ; car la loi et tout le chœur des prophètes prêchent la Passion du Christ. Donc, avant que vienne le jour du jugement, et que le Seigneur frappe la terre d’anathème, soit tout à fait, ou tout-à-coup, comme ont traduit les Septante, car c’est la signification du mot grec ἀρδἡ, le Seigneur enverra dans Élie, qui est interprété « mon Dieu » et qui est de la ville de Thesbi, qui signifie « conversion ou pénitence » tout le chœur des prophètes pour tourner vers les enfants les cœurs des pères, à savoir Abraham, Isaac et Jacob et tous les patriarches, afin que leur postérité croie au Seigneur Sauveur, en qui ils ont cru eux aussi : « car Abraham à vu le jour du Seigneur, et il en a été rempli de joie. » Jn. 8, 56 ; ou le cœur du père vers son fils, c’est-à-dire le cœur de Dieu vers tous ceux qui auront reçu l’esprit d’adoption ; et le cœur des enfants vers leur père, afin que les Juifs et les chrétiens, qui maintenant sont en désaccord entre eux, aient les mêmes sentiments, qu’ils puiseront dans leur commune piété envers le Christ. C’est pourquoi il est dit aux Apôtres, qui ont fait paraître dans l’univers entier une pépinière : « Il vous est né des enfants pour succéder à vos pères. » Psa. 44, 17. Car si Élie ne tourne auparavant le cœur des pères vers leurs enfants, et le cœur des enfants vers leurs pères, lorsque sera venu le grand et épouvantable jour du Seigneur, ce jour grand pour les Saints, épouvantable pour les pécheurs, le juge vrai et juste frappera d’anathème, non le ciel, ni ceux qui se trouvent dans le ciel, mais la terre, c’est-à-dire ceux qui font des œuvres terrestres. Les juifs et les hérétiques judaïsants pensent qu’Élie doit venir avant leur Messie, et qu’il rétablira toutes choses. Aussi dans l’Évangile est-il proposé au Christ cette question : « Pourquoi les Pharisiens disent-ils qu’Élie doit venir ? » à quoi le Sauveur répondit : « Il est vrai qu’Élie viendra, et, si vous voulez le croire, je vous dirai qu’il est déjà venu », Mrc. 9, 10-12, par Élie entendant Jean-Baptiste.