Traduction par Alexandre Dumas.
Michel Lévy (Tome 1 et 2p. 270-280).

XXIII

L’appartement dans lequel lady Rowena avait été introduite était décoré avec magnificence, mais sans goût, On pouvait considérer le choix de cette chambre, destinée à la belle Saxonne, comme une marque particulière de respect qu’on n’avait pas eue pour les autres prisonniers.

Mais la femme de Front-de-Bœuf, pour laquelle elle avait été originellement meublée, était morte depuis longtemps, et la négligence et la vétusté avaient endommagé le petit nombre d’ornements dont son goût l’avait embellie. La tapisserie pendait le long des murs en beaucoup d’endroits, tandis que, dans d’autres, elle était ternie et flétrie par les rayons du soleil, ou déchirée et fanée par le temps.

Cependant, si délabré qu’il fût, c’était l’appartement du château qu’on avait jugé le plus digne de recevoir l’héritière saxonne, et on la laissa y méditer sur son sort jusqu’à ce que les acteurs de ce drame criminel se fussent distribué les différents rôles que chacun d’eux y devait remplir. Cette distribution avait été réglée dans un conseil tenu par Front-de-Bœuf, de Bracy et le templier, où, après une longue et vive discussion relative aux différents avantages que chacun voulait se ménager pour sa part individuelle dans cette entreprise audacieuse, ils avaient enfin fixé le sort de leurs malheureux prisonniers.

Ce fut donc vers l’heure de midi que de Bracy, au profit duquel on avait d’abord organisé l’expédition, se présenta, pour poursuivre ses desseins sur la main et la fortune de lady Rowena.

Tout le temps n’avait pas été entièrement consacré à tenir ce conseil entre les complices ; car de Bracy avait trouvé assez de loisir pour se parer avec toute la mignardise de cette époque.

Il s’était défait de son pourpoint vert et de son masque. Ses cheveux longs et abondants avaient été dressés à tomber en boucles élégantes sur un manteau garni de riches fourrures. Sa barbe était fraîchement rasée. Son habit descendait jusqu’à mi-jambe, et la ceinture qui le ceignait, et qui, en même temps, supportait sa lourde épée, était brodée en relief avec des ornements d’or. Nous avons déjà parlé de la mode excentrique des souliers de cette époque ; les pointes de ceux que portait Maurice de Bracy auraient pu concourir pour le prix de l’extravagance avec les plus bizarres, car elles étaient tournées et entortillées comme les cornes d’un bélier. Tel était l’ajustement d’un petit-maître de ce temps-là, et, dans cette occasion, cette toilette était encore rehaussée par la beauté personnelle et le noble maintien du chevalier, dont les manières participaient également de la grâce d’un courtisan et de la franchise d’un soldat.

Il salua Rowena en ôtant sa toque de velours garnie d’une épingle d’or représentant saint Michel foulant aux pieds le prince du mal, et, du même geste, il indiqua doucement un siège à la dame. Comme elle persistait à rester debout, le chevalier déganta sa main droite et fit un mouvement pour l’y conduire. Mais Rowena repoussa dédaigneusement l’invitation et dit :

— Si je suis en présence de mon geôlier, messire chevalier, et les circonstances ne me permettent pas de penser autrement, il sied mieux à une prisonnière de rester debout, jusqu’à ce qu’elle sache le sort qui l’attend.

— Hélas ! belle Rowena, répondit de Bracy, vous êtes en présence de votre captif et non de votre geôlier ; et c’est de vos beaux yeux que de Bracy doit recevoir l’arrêt que vous-même vous attendez de lui.

— Je ne vous connais pas, messire, dit la dame se redressant avec toute la fierté du rang et de la beauté offensée ; je ne vous connais pas, et la familiarité insolente avec laquelle vous me parlez le langage d’un troubadour ne saurait servir d’excuse à la violence d’un brigand.

— Belle Rowena, répondit de Bracy sur le même ton, c’est à vous, à vos propres charmes, qu’il faut attribuer tout ce que j’ai fait, ce qui a pu dépasser le respect qui est dû à celle que j’ai choisie pour souveraine de mon cœur, pour l’aimant de mes yeux.

— Je vous répète, messire chevalier, que je ne vous connais pas, et qu’aucun homme, ayant le droit de porter la chaîne et les éperons, ne devrait ainsi offenser par sa présence une dame sans protection.

— Que vous ne me connaissiez pas, dit de Bracy, c’est, en effet, un malheur pour moi ; cependant, laissez-moi espérer que le nom de de Bracy a déjà été prononcé devant vous, lorsque les ménestrels ou les hérauts ont eu à louer les actions de la chevalerie, soit dans la lice, soit sur les champs de bataille.

— Laissez donc le soin de vos louanges aux hérauts et aux ménestrels, messire chevalier, répondit Rowena ; elles conviennent mieux à leur bouche qu’à la vôtre. Dites-moi lequel d’entre eux devra célébrer, dans ses chansons ou dans ses chroniques, la conquête mémorable de cette nuit sur un vieillard suivi de quelques paysans timides ; célébrer votre butin : une malheureuse jeune fille transportée contre son gré au château d’un bandit ?

— Vous êtes injuste, lady Rowena, dit le chevalier en se mordant les lèvres de confusion et en prenant un ton qui lui était plus naturel que celui de cette galanterie affectée qu’il avait d’abord adopté ; à l’abri de la passion vous-même, vous ne voulez admettre aucune excuse pour le délire de celle d’un autre, bien que ce soit votre beauté qui l’ait causé.

— Je vous prie, messire chevalier, dit Rowena, d’abjurer un langage si communément employé par les ménestrels vagabonds ; il se trouve déplacé dans la bouche des chevaliers et des nobles. Certainement, vous me forcez à m’asseoir, puisque vous entamez un sujet si vulgaire, que le premier venu en a une provision qui pourrait durer jusqu’à Noël.

— Fière damoiselle, dit de Bracy, irrité de voir que son style galant ne lui attirait que du mépris, fière damoiselle, on te rendra orgueil pour orgueil : sache donc que j’ai soutenu mes prétentions à ta main de la manière qui convenait le mieux à ton caractère. Mais il paraît que tu préfères être courtisée avec l’arc et la hache, plutôt qu’avec des phrases polies et avec la langue de la courtoisie.

— La langue de la courtoisie, reprit Rowena, quand on l’emploie pour cacher la grossièreté des actions, ressemble à la ceinture d’un chevalier qui ceint la taille d’un vil manant. Je ne m’étonne point que la contrainte ait l’air de vous gêner ; il vaudrait mieux pour votre honneur avoir conservé la voix et le langage d’un bandit, que de voiler vos projets sous l’affectation du langage et des manières d’un gentilhomme.

— Vous me donnez un bon conseil, madame, dit le Normand ; et, dans le langage hardi qui justifie le mieux les actions téméraires, je vous dis que vous ne quitterez ce château qu’avec le titre de femme de Maurice de Bracy. Je n’ai pas l’habitude d’être déçu dans mes entreprises, et un seigneur normand n’a pas besoin de justifier scrupuleusement sa conduite à la dame saxonne qu’il honore de l’offre de sa main. Vous êtes fière, Rowena, et vous n’en êtes que plus digne d’être ma femme. Par quel autre moyen pourriez-vous être portée aux honneurs et au premier rang, si ce n’est par mon alliance ? Sans elle, comment sortirez-vous de l’enceinte vulgaire d’une grange où les Saxons logent avec les pourceaux qui forment leurs richesses, pour prendre votre place, pour être honorée comme vous méritez de l’être et comme vous le serez parmi tout ce qu’il y a en Angleterre de distingué par la beauté ou de grand par la puissance ?

— Messire chevalier, répondit Rowena, la grange que vous méprisez a été mon abri depuis l’enfance, et, croyez-moi, quand je la quitterai, si jamais ce jour arrive, ce sera pour suivre une personne qui n’aura pas appris à mépriser l’habitation et les mœurs dans lesquelles j’ai été élevée.

— Je devine ce que vous voulez dire, madame, reprit de Bracy, bien que vous puissiez penser que votre langage soit chose trop obscure pour mon intelligence. Mais ne vous bercez pas de l’espérance que Richard Cœur-de-Lion reprenne jamais son trône, et croyez encore moins que Wilfrid d’Ivanhoé, son favori, vous conduise jamais au pied de ce trône pour y être reçue comme sa fiancée. Un autre prétendant pourrait ressentir de la jalousie en touchant cette corde ; mais ma ferme volonté ne saurait être influencée par une passion puérile et sans espoir. Sachez donc, madame, que ce rival est en mon pouvoir, et qu’il ne tient qu’à moi de trahir le secret de sa présence au château de Front-de-Bœuf, dont la jalousie lui serait plus fatale que la mienne.

— Wilfrid ici ? dit Rowena dédaigneusement. Cela est aussi vrai que Front-de-Bœuf est son rival.

De Bracy la regarda fixement pendant quelques instants.

— Tu l’ignorais donc ? lui dit-il. Tu ne savais donc pas que Wilfrid d’Ivanhoé a voyagé dans la litière du juif ? voiture bien digne, en vérité, d’un croisé, dont le bras vaillant devait conquérir le saint sépulcre !

Et il se mit à rire dédaigneusement.

— Et, s’il est ici, demanda Rowena s’efforçant de voiler ses craintes sous un ton d’indifférence, en quoi est-il le rival de Front-de-Bœuf ? ou qu’a-t-il à craindre de plus qu’un court emprisonnement et le paiement d’une rançon honorable, selon les lois de la chevalerie ?

Rowena, dit de Bracy, toi aussi, serais-tu tombée dans l’erreur commune de ton sexe, qui pense qu’il n’y a d’autre rivalité que celle qui est produite par vos charmes ? Ne sais-tu pas qu’il y a la jalousie de l’ambition et de la richesse aussi bien que la jalousie de l’amour, et que Front-de-Bœuf repoussera de son chemin celui qui met obstacle à ses prétentions à la belle baronnie d’Ivanhoé, aussi vivement, aussi ardemment et avec aussi peu de scrupule que si cet homme lui était préféré par quelque demoiselle aux yeux bleus ? Mais daigne seulement sourire à mes vœux, lady Rowena, et le champion blessé n’aura rien à craindre de Front-de-Bœuf ; sinon, tu pourras le pleurer, car il est entre les mains de celui qui n’a jamais connu la compassion.

— Sauvez-le, pour l’amour du Ciel ! dit Rowena, dont la fermeté fléchissait sous la terreur qu’elle ressentait pour le sort réservé à son amant.

— Je le puis, je le veux, c’est mon intention, reprit de Bracy ; car, si Rowena consent à devenir la fiancée de de Bracy, qui osera porter la main sur son parent, le fils de son tuteur, l’ami de son enfance ? Mais ton amour doit être le prix de ma protection. Je ne suis pas assez romanesque, assez sot pour contribuer à la fortune ou empêcher le malheur de l’homme qui pourra devenir un obstacle insurmontable entre moi et mes désirs. Emploie ton influence sur moi, dans le but de ton salut, et il est sauvé ; refuse d’en faire usage, Wilfrid meurt ; toi-même, tu n’en seras pas moins privée de la liberté.

— Ton langage, répondit Rowena, laisse percer, à travers son indifférente franchise, des sentiments qu’on ne peut concilier avec les menaces qu’il semble renfermer. Je ne veux pas croire que ton intention soit aussi méchante ou ton pouvoir aussi grand.

— Berce-toi donc de cette croyance, dit de Bracy, jusqu’à ce que le temps en ait prouvé la fausseté. Ton amant gît blessé dans ce château, ton amant préféré ! Il est une barrière entre Front-de-Bœuf et cette chose que Front-de-Bœuf préfère à l’ambition et à la beauté. Un coup de poignard ou de javelot suffit pour étouffer à jamais son opposition. Il y a plus : si Front-de-Bœuf craignait de ne pouvoir justifier un crime si manifeste, que le médecin lui administre seulement une boisson contraire, que le valet ou la garde-malade qui le soigne enlève seulement l’oreiller de dessous sa tête, et Wilfrid, dans son état de santé, périra par une hémorragie… Cédric aussi…

— Et Cédric aussi ! s’écria Rowena en répétant ces paroles ; mon noble, mon généreux tuteur ! J’ai mérité le mal qui m’arrive pour avoir oublié son sort, même dans celui de son fils.

— Le sort de Cédric dépend aussi de ta détermination, dit de Bracy, et je te laisse y réfléchir.

Jusqu’ici, Rowena avait soutenu son rôle pendant cette scène pénible avec un courage inébranlable ; mais elle n’avait pas considéré le danger comme sérieux et imminent. Son naturel était celui que les physionomistes attribuent aux personnes blondes : timide et paisible ; mais elle avait été altérée et pour ainsi dire endurcie par les vicissitudes de son éducation. Accoutumée à voir les volontés de tous, même celles de Cédric (assez arbitraire avec les autres), céder à ses désirs, elle avait acquis cette espèce de courage, de confiance en soi, qui provient de la déférence habituelle et constante du cercle qui nous entoure.

À peine pouvait-elle concevoir qu’on résistât à sa volonté, et bien moins encore qu’on la traitât avec une complète indifférence.

Sa hauteur et son habitude de supériorité étaient donc un caractère d’emprunt couvrant celui qui lui était naturel, et qu’elle ne put soutenir quand ses yeux s’ouvrirent sur toute l’étendue de son propre danger, ainsi que sur celui de son amant et de son tuteur ; et, quand elle vit que sa volonté, dont la moindre expression avait l’habitude de commander le respect et l’attention, était combattue par celle d’un homme d’un caractère fort, fier et résolu, qui connaissait ses avantages et voulait s’en prévaloir, elle se courba devant cet homme.

Après avoir jeté les yeux autour d’elle, comme pour chercher le secours qu’elle ne trouvait nulle part, et après quelques exclamations entrecoupées, elle leva les mains au ciel, et, ne pouvant maîtriser davantage son dépit et son chagrin, elle fondit en larmes.

Il était impossible de voir une créature si belle, réduite à une pareille extrémité, sans ressentir un vif intérêt, et de Bracy n’y resta pas insensible, bien qu’il fût encore plus embarrassé que touché.

Il s’était à la vérité trop avancé pour reculer, et cependant, dans l’état où se trouvait Rowena, on ne pouvait plus avoir d’action sur elle, ni par des raisonnements, ni par des menaces. Il parcourut la salle de long en large, tantôt en exhortant vainement la jeune fille terrifiée à se calmer, tantôt hésitant sur la conduite qu’il devait adopter.

« Si, pensait-il en lui-même, je me laisse toucher par les larmes et le chagrin de cette enfant éplorée, qu’y gagnerai-je, sinon le sacrifice de ces espérances pour l’accomplissement desquelles j’ai tant risqué, et les railleries du prince Jean et celles de ses joyeux amis ? Et cependant, ajouta-t-il intérieurement, je sais que je ne suis pas fait pour le rôle que je joue. Je ne puis regarder de sang-froid cette belle figure altérée par la douleur et ses yeux baignés de larmes. Plût à Dieu qu’elle eût persisté dans sa fierté première, ou que j’eusse moi-même un cœur plus dur, trois fois trempé comme celui de Front-de-Bœuf ! »

Agité par ces pensées, il ne put que prier la malheureuse Rowena de se consoler, en l’assurant qu’elle n’avait aucune raison de s’abandonner à l’excès de désespoir où elle s’était plongée. Mais, au milieu de cet essai de consolation, de Bracy fut interrompu par le son du cor, au bruit sonore et retentissant, qui avait en même temps alarmé les autres habitants du château en interrompant leurs différents projets d’avarice et de licence.

De tous, peut-être, de Bracy fut celui qui regretta le moins cette interruption ; car son entrevue avec lady Rowena était arrivée à un point où il trouvait aussi difficile d’abandonner son entreprise que de la poursuivre.

Il nous semble qu’il ne sera pas inutile d’offrir ici quelques preuves plus positives que les incidents frivoles d’un roman, pour justifier le triste tableau de mœurs que nous venons de soumettre au lecteur.

Il est affligeant de penser que ces vaillants barons, dont la ferme résistance contre la Couronne a donné naissance aux libertés de l’Angleterre, aient été eux-mêmes de si terribles oppresseurs, et qu’ils soient rendus coupables d’excès contraires, non seulement aux lois anglaises, mais aussi à celles de la nature humaine.

Mais, hélas ! nous n’avons qu’à extraire de l’ouvrage du laborieux historien Henry un de ces nombreux passages qu’il a tirés des historiens contemporains, pour prouver que la fiction elle-même peut à peine atteindre à la sombre réalité des horreurs de l’époque.

La description, donnée par l’auteur de la Chronique saxonne, des cruautés exercées sous le règne du roi Étienne, par les grands barons et les seigneurs des châteaux, qui étaient tous Normands, nous offre une preuve irrésistible des excès dont ils étaient capables quand leurs passions étaient en jeu.

« Ils opprimèrent horriblement le pauvre peuple en lui faisant bâtir des châteaux ; et, quand ils furent bâtis, ils les remplirent de méchants hommes, ou plutôt de démons, qui s’emparaient à la fois des hommes et des femmes qu’ils croyaient posséder de l’argent, les jetaient en prison et leur faisaient endurer des tortures plus cruelles que jamais les martyrs n’en supportèrent ; ils étouffaient les uns dans la fange, suspendaient les autres par les pieds, par la tête ou par les pouces, allumant des brasiers au-dessous d’eux ; ils serraient la tête à des malheureux avec des cordes pleines de nœuds jusqu’à ce qu’ils eussent pénétré dans leur cerveau ; d’autres étaient jetés dans des cachots remplis de serpents, de couleuvres et de crapauds[1]. »

Mais il serait cruel d’infliger au lecteur la peine de parcourir le reste de cette description.

Comme un autre exemple de ces fruits amers de la conquête, et peut-être le plus fort qu’on puisse citer, il faut rappeler que la princesse Mathilde, quoique fille du roi d’Écosse, et plus tard reine d’Angleterre, la princesse Mathilde, nièce d’Edgar Atheling et mère de l’impératrice d’Allemagne, fille, femme et mère de monarques, fut obligée, pendant son premier séjour en Angleterre pour y faire son éducation, de prendre le voile, comme le seul moyen d’échapper aux poursuites libertines des seigneurs normands. Elle fit valoir cette excuse devant un grand concile du clergé d’Angleterre, comme la seule raison qu’elle avait eue de prendre l’habit religieux.

Le clergé réuni reconnut la force du plaidoyer, ainsi que la notoriété des circonstances sur lesquelles il se fondait ; donnant par là un témoignage incontestable et très remarquable de la réalité de cette honteuse licence dont ce siècle fut souillé.

« C’était un fait reconnu de tout le monde, dit encore la Chronique, que, après la conquête du roi Guillaume, ses partisans normands, exaltés par une si grande victoire, ne connurent d’autres lois que leurs passions effrénées, et que non seulement ils dépouillèrent les Saxons conquis de leurs terres et de leurs biens, mais qu’ils outragèrent leurs femmes et leurs filles avec la licence la plus brutale. De là vint l’usage, pour les matrones et les jeunes filles nobles, de prendre le voile et de se réfugier dans les couvents, non pas parce qu’elles y étaient appelées par la vocation, mais seulement pour préserver leur honneur de la méchanceté sans frein de l’homme. »

Tels furent ces temps licencieux, dénoncés par la déclaration publique du clergé réuni, rapportée par l’historien Eadmer ; et nous n’avons besoin d’y rien ajouter pour justifier la vraisemblance des scènes dont nous venons de donner les détails, et à propos desquelles nous allons en donner encore de nouveaux, d’après l’autorité plus apocryphe du manuscrit de Wardour.

  1. Henry’s Hist. Édit. 1805, vol. VII, p. 346.