Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Cinquième partie/05

Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 343-344).


CHAPITRE V

EXAMEN DE NOTRE ÉTAT ENVERS NOUS-MÊMES


1. Comme vous aimez-vous vous-même ? vous aimez-vous point trop pour ce monde ? Si cela est, vous désirerez de demeurer toujours ici, et aurez un extrême soin de vous établir en cette terre ; mais si vous vous aimez pour le ciel, vous désirerez, au moins acquiescerez aisément de sortir d’ici-bas, à l’heure qu’il plaira à Notre Seigneur.

2. Tenez-vous bon ordre en l’amour de vous-même ? car il n’y a que l’amour désordonné de nous-mêmes qui nous ruine. Or, l’amour ordonné veut que nous aimions plus l’âme que le corps, que nous ayons plus de soin d’acquérir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de compte de l’honneur céleste que de l’honneur bas et caduc. Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soi-même : « Que diront les anges si je pense à telle chose ? » que non pas : « Que diront les hommes ? »

3. Quel amour avez-vous à votre cœur ? vous fâchez-vous point de le servir en ses maladies ? Hélas ! vous lui devez ce soin, de le secourir et faire secourir quand ses passions le tourmentent, et laisser toutes choses pour cela.

4. Que vous estimez-vous devant Dieu ? rien sans doute. Or, il n’y a pas grande humilité en une mouche de ne s’estimer rien au prix d’une montagne, ni en une goutte d’eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ni à une bluette ou étincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil ; mais l’humilité gît à ne point nous surestimer aux autres et à ne vouloir pas être surestimé par les autres : à quoi en êtes-vous pour ce regard ?

5. Quant à la langue, vous vantez-vous point ou d’un biais ou d’un autre ? vous flattez-vous point en parlant ; de vous ?

Quant aux œuvres, prenez-vous point de plaisir contraire à votre santé ? je veux dire, de plaisir vain, inutile, trop de veillées sans sujet, et semblables.