Histoire universelle de l’Église (Alzog)/Période 1/Époque 1/Partie 1/Chapitre 02


CHAPITRE II.

HISTOIRE DES APÔTRES : LEURS TRAVAUX POUR LA PROPAGATION DU CHRISTIANISME ET LA FONDATION DE L’ÉGLISE PARMI LES JUIFS ET LES PAÏENS.

Quand je serai élevé en haut, j’attirerai tout à moi.
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxJean, XII, 32.


Surtout les Act. des Ap. de S. Luc et les écrits désignés au § 32. — Tillemont, t, I, p. 108-154 ; t. II, p. 1-148. — Stolberg, t. VI et VII. — Hess, Hist. et Écrits des Apôtres. Zurich. (1788) ; 4e éd., 1820, 3, vol. — Planck, Hist. du Christ dans cette période. Gœtting., 1818, 2 vol. — Neander, Hist. de la fondat. et de la propag. de l’Église chrét. par les Apôtres. Hamb. (1832-33) ; 3e éd., 1841, 2 vol. Sepp. Vie de J.-C. t. IV.


§ 43. — La Pentecôte[1].

Ainsi que le Christ le leur avait ordonné, ses apôtres et ses disciples restèrent à Jérusalem, persévérant dans la prière et attendant l’Esprit saint, qui leur avait été promis et qui devait les rendre capables d’accomplir leur haute mission[2]. Le nombre des apôtres n’étant plus complet, depuis la fin déplorable de Judas, et Jésus ayant voulu sans doute qu’ils fussent au nombre de douze, en vue des douze tribus d’Israël, Pierre, accomplissant les prophéties[3], conseilla à ses frères d’élire un collègue. L’assemblée proposa alors deux disciples, Joseph, appelé Barsabas, surnommé le Juste, et Matthias : elle se mit en prières afin que le Seigneur montrât lui-même celui qu’il avait choisi. Le sort désigna Matthias[4], qui fut aussitôt associé aux onze apôtres[5]. Dix jours après l’Ascension de Notre-Seigneur, au moment où commençait la fête solennelle de la Pentecôte des Juifs (an 34 ou 35 apr. J.-C.), la nature s’émeut, et l’alliance nouvelle[6] s’accomplit au bruit d’un vent terrible venu du ciel, comme autrefois, à ce même jour, la loi ancienne avait été promulguée, au milieu des tonnerres et des éclairs, sur le mont Sinaï. L’esprit saint descend sur les apôtres et tous les disciples réunis (άπαντες)[7] sous la forme de langues de feu, symbole du don des langues qui leur est accordé, et qui n’est lui-même qu’un signe du feu divin qui les purifie, les échauffe et les fortifie. Aussitôt ils parlent à toutes les nations que la fête réunit à Jérusalem : toutes les comprennent miraculeusement[8]. Trois mille hommes, émus de ce miracle, touchés par les paroles inspirées de Pierre, se convertissent, se consacrent à Jésus-Christ par la foi de la pénitence, et reçoivent le baptême au nom de la sainte Trinité[9].

Ainsi est extérieurement établie, confirmée et assurée, pour tous les temps, l’Église de Jésus-Christ ; la Pentecôte est, dit saint Chrysostôme, le jour de la loi nouvelle, de la loi parfaite, de la loi de grâce dans le Saint-Esprit. La promesse, faite aux apôtres, de l’Esprit qui leur découvrait toute vérité, est accomplie ; ils n’ont plus de pensées terrestres sur la nature et la mission du Christ ; ils annoncent que Jésus-Christ est venu pour délivrer le monde de l’erreur du péché et pour le réconcilier avec Dieu ; leur pusillanimité s’est changée en un courage intrépide. Rien ne les empêche plus d’accomplir leur œuvre parmi les nations : tous les secours extérieurs leur sont donnés. L’Esprit parle par leur bouche ; il touche, il remue les cœurs ; il arrache le voile qui aveugle ceux qui les écoutent, et que dès lors il incorpore à la communauté des saints. La foi engendre l’amour ; les chrétiens nouveaux sont des frères ; ils mettent tout en commun : c’est la vie des enfants de liberté régénérés dans le Saint-Esprit. Un ordre de choses nouveau naît et s’organise, le royaume de Dieu s’établit et se développe ; la vie circule et les rapports s’harmonisent entre l’Église enseignante, d’une part, et l’Église enseignée de l’autre ; entre l’apostolat, fort de sa mission divine et de la plénitude de sa puissance, et la foi des fidèles, soumis à la loi du Seigneur et réclamant le secours de sa grâce. Jérusalem est le centre de la société nouvelle, qui bientôt compte cinq mille[10] fidèles de plus, gagnés à Jésus-Christ par les diverses prédications et les nombreux miracles des apôtres[11], qui, selon la promesse du Maître, opèrent de plus grands prodiges que lui[12]. Tous persévèrent dans la doctrine des apôtres, dans la communion de la fraction du pain et dans la prière. Quoique habituellement réunis dans des maisons particulières, ils restent encore en communion extérieure et publique avec les Juifs par la fréquentation du temple, jusqu’au jour fatal où les tristes prédictions du Christ doivent s’accomplir par la ruine du temple, la destruction de la ville, l’affranchissement de l’Église de toutes les pratiques purement judaïques, et sa constitution définitive ou sa pleine indépendance.

§ 44. — Persécution des disciples du Christ.

Le courage et l’activité des apôtres armèrent bientôt contre eux les Pharisiens et les Sadducéens. Ceux-ci étaient surtout blessés de la doctrine de la résurrection des morts, si hautement proclamée par les apôtres[13]. Pierre et Jean sont traînés devant le conseil[14]. On leur défend de parler au peuple ; ils répondent avec une hardiesse toute chrétienne : « Il faut obéir à Dieu, plutôt qu’aux hommes ; pour nous, nous ne pouvons pas ne point parler des choses que nous avons vues et entendues[15]. » Les menaces redoublent ; néanmoins, on les délivre, parce·qu’on craint la colère du peuple. Désormais, rien n’arrêtant plus les apôtres dans leur sainte hardiesse[16], le conseil fut obligé de suivre l’avis du généreux, mais indécis Gamaliel[17]. « Laissez-les faire, dit-il ; si cette œuvre vient des hommes, elle se détruira d’elle-même ; si·elle vient de Dieu, vous·ne pourrez la détruire[18].» Pendant que le fanatisme des sadducéens était ainsi contenu et obligé de respecter les personnes, la doctrine elle-même était l’objet de controverses d’autant plus vives que le Christianisme gagnait de jour en-jour du terrain, et que d’anciens docteurs de la synagogue, ayant embrassé la loi nouvelle, apparaissaient alors comme ses défenseurs et ses propagateurs·les plus zélés. Dans cette lutte de la vérité contre l’erreur, le diacre Étienne paya la victoire de sa mort ; il fut lapidé (an 36 apr. J.-C.) après un discours qui est une véritable apologie de la foi, et où règnent tout ensemble une haute inspiration et un ordre tout à fait logique dans l’enchaînement des faits[19]. Ainsi l’Église apostolique eut son premier martyr. Alors les Sadducéens et les Pharisiens unirent leurs efforts, et il en résulta une persécution générale[20], qui servit à répandre le Christianisme dans la Judée et la Samarie, dès longtemps préparées par les prédications et les miracles du Sauveur, et parmi les Juifs de la Syrie, de la Phénicie et de l’île de Chypre[21]. Les troubles de Jérusalem n’en éloignèrent point encore les apôtres. Pierre et Jean seuls allèrent à Samarie, pour imposer les mains à ceux que le diacre Philippe avait convertis[22]. Ils y trouvèrent des ennemis ardents dans quelques sectaires, qui prétendaient être fondateurs d’une religion· nouvelle. Tels étaient Dosithée et Simon le Magicien, dont nous exposerons la doctrine au § 59.

§ 45. — Saül persécuteur. — Paul apôtre des Gentils.
Hug. Introd. au N. T. T. H. — Tholuck, Vie, caractère et langue de Paul (Mélanges, vol. II, ρ. 272-329). — De la vocation, des souffrances et de la persécution de l’apôtre S. Paul. (Feuille périod. de Bonn, nouv. série, IV. 1843, livr. 1-3).

On avait remarqué, durant la première persécution et la lapidation d’Étienne, le zèle cruel d’un jeune pharisien : c’était Saül, citoyen romain, de Tarse, en Cilicie, de la tribu de Benjamin. Après avoir été instruit dans les lettres et dans les sciences grecques, fort cultivées alors à Tarse par les hellénistes, il était devenu plus tard pharisien à Jérusalem, et avait été initié par Gamaliel aux hautes spéculations de la théologie judaïque. Il était fabricant de tentes, et ses travaux manuels n’avaient nullement refroidi son amour pour l’étude ni son enthousiasme pour la science. Son ardeur naturelle et le zèle de sa secte le poussèrent à persécuter les chrétiens (an 37 apr. J.-C.)[23]. Il allait à Damas dans cette intention, quand le Christ, qu’il avait connu personnellement durant sa vie mortelle, lui apparut[24]. Le persécuteur de l’Église devint un des plus puissants propagateurs de sa doctrine[25] et l’Apôtre des nations.

Il dut paraître étonnant, sans doute, que Dieu choisît, comme apôtre des superbes Romains, des Grecs civilisés, des Syriens efféminés, de toutes les nations corrompues de la terre, un Juif si zélé pour la gloire de sa nation et les traditions de ses pères, un pharisien aussi dur qu’emporté. Et cependant cette élection fut une preuve manifeste de la sagesse suprême : elle fit éclater dans toute sa plénitude la vertu du Christianisme et les mystérieux décrets de la Providence. Il fallait que le prédicateur de l’Évangile parmi les païens fût un Juif, afin qu’il eût son point d’appui dans les synagogues, d’où le Christianisme se répandait dans les villes, et qu’il pût fonder l’alliance nouvelle sur les bases de l’ancienne alliance. Il fallait de plus qu’il agît efficacement sur les Gentils par une culture classique capable d’attirer leur estime et leur confiance, et telle que Paul l’avait acquise dans l’école de Tarse, alors des plus florissantes.

Il fallait encore, pour que la mission de l’Apôtre parmi les Gentils réagit sur les Juifs, que l’envoyé de Dieu fût un Juif par excellence, ϰατʹ ἐξοχἢν, afin qu’il pût, par une connaissance approfondie et imposante des Écritures, et par le fait de la conversion des Gentils, due au plus zélé des Juifs, détruire, anéantir le dogme fondamental de la nationalité juive, à savoir que le peuple d’Israël était le seul peuple élu et bien-aimé de Dieu.

Ainsi, plus que tous les autres apôtres, Paul était préparé à sa haute mission par la culture de son esprit, par ses talents, par l’énergie de sa volonté, l’ardeur de son caractère, et surtout par son union intime et profonde avec le Christ[26]. Ce fut lui qui, plus que les autres, étendit et propagea au dehors l’Église du Christ, et fit connaître en même temps toute la profondeur et la richesse de la doctrine évangélique, en l’exposant avec une merveilleuse clarté, en face des préjugés du judaïsme et des sophismes du paganisme,

Tantôt Paul jette ses regards sur le passé de l’humanité, et, rattachant l’origine du Christianisme aux éternels décrets de Dieu[27] qui doivent s’accomplir dans la plénitude des temps[28] par le Christ, principe et terme (τἐλος) de l’histoire du genre humain[29], il montre la vraie destinée du paganisme et du judaïsme[30].

Tantôt il contemple l’avenir, soulève le voile qui couvre les destinées futures de toute l’humanité[31], en donne la solution définitive dans ce mot profond, et énergique : « Toutes choses sont de lui, en lui et par lui[32] ; — Dieu sera tout en toutes choses[33]. Ainsi l’Apôtre des Gentils posa les bases de la véritable philosophie de l’histoire, en même temps qu’il montra, par son activité apostolique et sa vie évangélique, que la destinée de l’homme est uniquement de renaître dans le Christ[34]. Comme l’Apôtre avait changé de sentiments et, de pensées, il changea de nom : c’était l’usage des rabbins : Pierre en avait déjà donné l’exemple. La conversion du proconsul Sergius Paul lui fit peut-être prendre le nom de Paul[35].

§ 46. — Prédication de l’Évangile parmi les Gentils.

Il avait été montré, dans une vision, à Pierre, parti de Samarie et visitant les villes maritimes de la Palestine, que le moment était arrivé où les Gentils devaient être admis dans le Christianisme[36]. Il baptisa donc le centurion Corneille, qui était probablement un prosélyte des portes[37]. Ce fait excita d’abord un grand mécontentement parmi les chrétiens nés Juifs, à Jérusalem surtout. Cependant l’enseignement de Pierre[38] fit qu’on s’habitua à voir baptiser les païens sans qu’ils fussent préalablement circoncis. Seulement ils devaient rester soumis, comme les prosélytes des portes, à l’observation de la loi mosaïque. Ce fut sous cette condition qu’un grand nombre de Gentils d’Antioche furent admis parmi les fidèles[39]. Bientôt même quelques prêtres juifs, quelques pharisiens et leurs partisans, convertis à la foi, exigèrent de ces Gentils, devenus chrétiens[40], l’accomplissement des plus sévères ordonnances imposées aux prosélytes de justice.

Cette communauté florissante d’Antioche, composée de chrétiens nés juifs ou païens, devint la seconde Église mère, et ses membres furent les premiers qui, au lieu de Galiléens ou de Nazaréens, se nommèrent Chrétiens[41]. Du reste, l’amour, principe du sacrifice et de la véritable union, la tenait étroitement unie à l’Église mère de Jérusalem[42]. Celle-ci était alors persécutée par Hérode-Agrippa, qui, espérant plaire par là au peuple juif, avait fait périr par le glaive Jacques le Majeur, frère de Jean (an 41-44 apr. J. C.). Pierre n’échappa de sa prison que sous la conduite d’un ange[43] ; il revint à Jérusalem, après la mort d’Agrippa, et grâce à la domination plus tolérante des Romains[44]. C’est alors que lui, Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem, et Jean furent nommés les colonnes de l’Église[45].

§ 47. — Voyages apostoliques de Paul. — Ses épîtres.

Après sa miraculeuse conversion, Paul se rendit d’abord en Arabie où, sans doute, il exerça son activité pour répandre le Christianisme parmi les nombreux Juifs de cette contrée. De là il revint à Damas. Trois ans après sa conversion, il alla à Jérusalem, surtout pour y voir Pierre et y être reconnu comme apôtre de l’Évangile[46] ; puis il parcourut la Syrie et la Cilicie, suivi de Barnabé et de Jean, savant lévite de l’île de Chypre, qui l’avait conduit lui-même vers Pierre et vers Jacques. Pendant que d’un côté Paul travaillait avec activité à fonder le Christianisme à Antioche, de l’autre il étendait sa sollicitude sur l’Église de Jérusalem, persécutée par Hérode-Agrippa[47].

Ce fut alors qu’il entreprit avec Barnabé la première grande mission [an 45 ou 46] dans l’île de Chypre, la Pamphylie, la Pisidie, la Lycaonie ; il la termina en revoyant l’Église d’Antioche[48]. La discussion qui s’y était élevée, pour savoir si les Gentils, devenus chrétiens, devaient être soumis à toutes les ordonnances légales de Moïse, obligea Paul et Barnabé à se rendre à Jérusalem. Là (et cette décision fut de la plus haute importance pour toutes les controverses futures, quant à la manière dont elle fut rendue), il fut décidé, entre 50 et 52, d’un commun accord et au nom du Saint-Esprit, que les Gentils n’étaient pas tenus d’accomplir la loi mosaïque, qu’ils n’avaient qu’à observer les commandements dits de Noé, concernant les sacrifices et le culte des idoles[49], Bientôt après, Paul commença une seconde mission avec Silas [an 53 apr. J.-C.] ; il se, rendit en Asie mineure. Barnabé l’avait quitté pour suivre à Chypre Jean Marc, son parent. À Lystre, Timothée se joignit à Paul et Silas, et tous trois parcoururent la Phrygie, la Galatie et la Mysie. À Troade, ils s’adjoignirent un médecin, qui devint plus tard l’évangéliste saint Luc, et, se dirigeant vers la Macédoine, ils fondèrent successivement des églises à Philippe, à Thessalonique et à Bérée, où Paul, quittant Timothée et Silas, s’embarqua pour Athènes. Arrivé dans cette ville, capitale de l’idolâtrie grecque, Paul annonça aux Athéniens étonnés le Dieu inconnu[50]. Dans la riche et molle Corinthe, il fut reçu par un juif fidèle, nommé Aquila. Ce fut dans cette ville qu’il écrivit ses premières épîtres aux Thessaloniciens. Ses travaux, durant un an et demi, y fondèrent une des plus florissantes communautés chrétiennes. De là il retourna à Antioche, passant par Éphèse, Césarée et Jérusalem[51]. Son zèle apostolique le poussa à entreprendre une troisième grande mission dans l’Asie Mineure [an 54 ou 55]. Il s’arrêta d’abord deux ans à Éphèse, travaillant sans relâche au royaume de Dieu, non-seulement dans cette ville et ses environs, mais étendant son action et sa parole sur des contrées plus éloignées. C’est de là qu’il écrivit aux Églises de Corinthe et de Galatie. Mais bientôt une sédition éclate : le peuple d’Éphèse s’émeut par la crainte de voir tomber dans le mépris le culte de Diane [an 57 apr. J.-C.][52]. Paul est obligé de fuir : il part pour la Macédoine et en visite les églises ; il écrit une deuxième épître aux Corinthiens, et, peu après, revient lui-même à Corinthe pour étouffer les divisions qui s’y étaient formées. Cependant, toujours pressé par l’ardeur de son zèle, l’Apôtre des nations, qui se doit tout à tous, écrit aux Romains. Trois mois après il retourne à Jérusalem, en passant par Milet [vers l’an 58] ; là il trouve réunis les évêques et les prêtres des contrées voisines ; il leur fait ses adieux les plus affectueux dans un discours aussi grave que touchant [an 60 apr. J.-C.][53]. À peine à Jérusalem, on l’épie dans le temple ; ses ennemis, et surtout les Juifs de l’Asie Mineure, l’accusent de violer la loi : on l’arrête ; sa qualité de citoyen romain le soustrait à la juridiction du sanhédrin ; on le conduit à Césarée, devant le proconsul Félix. Il se justifie successivement devant ce magistrat, devant Festus, son successeur, et même devant le roi Agrippa II ; enfin, après deux ans de captivité, il en appelle à César, il est envoyé à Rome, avec Luc et Aristarque [an 61 ap. J.-C.][54]. Souvent menacé, durant la traversée, de trouver là mort dans les flots d’une mer orageuse, Paul conserve une fermeté inébranlable, rassure ses compagnons éperdus en leur prédisant leur sort, qui lui avait été révélé dans une vision nocturne[55].

Arrivé à Rome, on le garde à vue durant deux années[56] ; il continue, ainsi que ses compagnons, les travaux de son apostolat ; il propage le royaume de Jésus-Christ, gagne à la foi jusqu’aux membres de la cour impériale[57]. Il écrit aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, à Philémon ; il leur parle de la gloire du Christ, de l’affranchissement de l’humanité déchue, de la vocation des Gentils ; il les prémunit aussi contre les hérésies naissantes. Il est probable que c’est de cette époque que date sa lettre aux Hébreux[58]. Ici malheureusement s’arrêtent les Actes des Apôtres ; l’historien sacré se tait sur le reste de la vie de l’apôtre des Gentils, qui recouvra encore une fois sa liberté, d’après d’anciens témoignages, et se rendit, selon le vœu de son cœur, en Espagne, pour y annoncer le Christianisme[59]. Ce qui est certain, c’est qu’il arriva en Crète, y laissa son disciple Tite, à qui, plus tard, il écrivit de Nicopolis, en Épire (?), une épître pleine d’onction et de sollicitude pastorale ; en même temps il adressa sa première épître à Timothée, à Éphèse[60]. Parti de Nicopolis, il visita de nouveau les églises de Corinthe, Troade, Milet, et, retournant en hâte à Rome, où ses frères étaient fortement menacés par Néron, il y trouva une seconde fois la captivité, écrivit encore à son fidèle Timothée, à Éphèse, et mourut durant la persécution cruelle qui éclata alors [an 67 ou 68 ap. J.-C.]. Il fut décapité par la hache du licteur, en sa qualité de citoyen romain, sur la route d’Ostie, heureux d’avoir obtenu enfin cette couronne de justice qu’il savait lui être réservée, mais inquiet des malheurs qui menaçaient l’Église de toutes parts[61].

§ 48. — Travaux apostoliques de Pierre.

Pierre, plus que tous les autres apôtres, avait contribué à la fondation de la première Église chrétienne à Jérusalem, Il avait parcouru à plusieurs reprises la Palestine pour y régler tout ce qui concernait les nombreuses communautés naissantes. Il dirigea probablement aussi durant quelque temps l’Église d’Antioche, en qualité d’évêque[62]. Il évangélisa successivement le Pont, la Cappadoce, la Galatie, l’Asie et la Bithynie, et, d’après les traditions bien constatées, se rendit à Rome à peu près vers l’an 42 après J.-C. Il revint cependant à Jérusalem et y échappa miraculeusement à la persécution d’Hérode. Après la mort de ce prince, nous retrouvons, environ vers 52 apr. J.-C.[63], Pierre à Jérusalem, plus tard à Antioche, plus tard, à Corinthe où, dit-on, il se rencontra avec Paul et y consolida avec lui la communauté chrétienne. Ses lettres si belles aux fidèles du Pont et de la Galatie prouvent qu’il était, au moment où il les écrivait, à Rome, qu’il nomma Babylone[64].

Quelque imparfaits que puissent paraître les documents historiques sur Pierre, ils suffisent cependant pour établir légitimement la primauté de Pierre sur tous les autres apôtres, comme pasteur et chef suprême de tout le troupeau. Depuis le moment où l’Homme-Dieu remonta au ciel, nous voyons toujours Pierre à la tête de toutes les affaires importantes. Il préside l’élection de l’apôtre Mathias[65]. Le premier il parle au peuple après la descente du Saint-Esprit[66]. C’est au nom de tous les apôtres qu’il parle au sanhédrin de Jérusalem[67]. Il opère le premier miracle et prononce le premier un arrêt terrible contre Ananie[68] ; le premier il ouvre les portes de l’Église chrétienne aux Gentils[69]. C’est Pierre que Paul cherche à Jérusalem, après sa conversion, pour s’entretenir avec lui[70]. C’est Pierre qui préside le premier concile de Jérusalem[71] et c’est toujours Pierre que tous les évangélistes nomment le premier, quoiqu’il n’eût pas été le premier qui suivit Jésus-Christ, preuve certaine de la reconnaissance de sa primauté par tous les apôtres[72].

Il mourut à Rome, en même temps que Paul, durant la persécution de Néron [an 67 ou 68 apr. J.-C.]. Il fut crucifié dans le quartier des Juifs, au mont Vatican ; seulement l’humble apôtre, se croyant indigne de mourir comme son Dieu et comme son Seigneur, demanda à être crucifié la tête en bas[73].

C’est en admettant, comme nous l’avons indiqué, un double séjour de Pierre à Rome qu’on parvient peut-être le mieux à expliquer l’antique et universelle tradition de son épiscopat de vingt-cinq ans dans la ville éternelle[74]. Stenglein, en rappelant les subtiles objections faites au Christ par les Juifs dans S. Jean, VIII, 38 et 44 (Conf. Rom., I, 8), a prouvé qu’il est très-facile de réfuter la principale objection contre cette tradition, tirée du passage des Actes XXVIII, 22, où les chefs de la synagogue de Rome disent à Paul que tout ce qu’ils savent de la doctrine chrétienne, c’est que l’on combat partout cette secte nouvelle.

§ 49. — Travaux des autres apôtres.
Tillemont, Mémoires, t. 1. Natal. Alexander, Hist. Eccl. I esc. c. 8.

Les Actes des Apôtres se bornent à l’histoire de Pierre et de Paul ; ils ne font point mention des travaux du reste des apôtres. Ce n’est pas sans motifs : ils n’eussent pu que répéter les mêmes miracles, les mêmes souffrances et les mêmes vertus. Les apôtres étaient d’autant moins inquiets de transmettre le souvenir de leurs travaux, qu’ils étaient plus jaloux de répandre la bonne nouvelle jusqu’aux confins de la terre. De là l’obscurité des traditions, l’incertitude des documents. Le fait le plus remarquable que nous en pouvons tirer, c’est que, douze ans après l’Ascension de leur divin Maître, les apôtres, avant de se séparer et de quitter Jérusalem, se partagèrent le monde et rédigèrent en commun le Symbole de la foi. Jacques, fils d’Alphée (qui n’est certainement[75] autre que Jacques le Μineur, le Juste, le frère du Seigneur), fut le premier évêque de Jérusalem. Estimé même par les Juifs à cause de sa justice et de sa douceur, il consolida son Église[76] par sa fermeté et rappela avec autant de force que de cœur, aux chrétiens nés Juifs, dans les contrées éloignées, la nécessité de la foi prouvée par les œuvres, dans son Épître catholique. Selon le témoignage assez probable de Flavien Josèphe, Jacques dénoncé par le grand prêtre Anne comme violateur de la loi, avant l’arrivée d’Albinus, le nouveau gouverneur, fut lapidé [an 63 apr. J.-C.], crime que les Juifs les plus zélés répudièrent eux-mêmes avec horreur, et qui, sur la demande adressée par eux au roi Agrippa, fit déposer le grand prêtre. Hégésippe, postérieur à Josèphe, raconte, dans Eusèbe, que Jacques, refusant de se déclarer contre Jésus, fut précipité par les scribes et les pharisiens du sommet du temple, et tué par un foulon armé de son instrument[77]. Ses successeurs dans l’épiscopat furent Siméon et Juste. Matthieu[78], apôtre et évangéliste, annonça la parole de Jésus-Christ dans l’Arabie Heureuse (l’Inde et l’Éthiopie). Philippe[79], qui vécut, dit-on, comme Jean, jusqu’à la fin du 1er siècle, consuma les derniers jours de son long apostolat à Hiérapolis, en Phrygie. D’après d’antiques traditions, Thomas évangélisa les Parthes, André les Scythes[80], Barthélémy[81] les Indes, Thaddée[82] Abgar, prince d’Édesse. C’est l’Orient en général qu’on désigne comme théâtre de l’activité apostolique de Simon le zélateur et de Mathias[83]. Sauf saint Jean, l’église honore tous les apôtres comme martyrs[84], ce qu’indiquent les symboles avec lesquels la peinture et la statuaire les a presque constamment représentés[85]. Il est plus certain que l’évangéliste Marc[86], qui accompagna d’abord Paul et Barnabé et plus tard Pierre à Rome, fut sinon le fondateur, du moins le premier évêque de l’Église d’Alexandrie. Quant à la très-sainte Vierge Marie, qu’on ne saurait oublier en parlant de cette société d’élus, nous ne pouvons rappeler que deux traditions, dont l’une porte qu’elle mourut à Jérusalem en 45 ou 47, et dont l’autre dit qu’elle accompagna l’apôtre Jean à Éphèse, ce qui aurait eu lieu bien plus tard.

Observ. – Tillemont, t. I et II, a soigneusement rassemblé tout ce qu’on sait, d’après des traditions incertaines, sur les compagnons des apôtres nommés dans le Nouveau Testament, tels que Luc, Timothée, Tite, Lin, Hermas, Crescens, le rhéteur philosophe Apollon, d’Alexandrie, passé du judaïsme au christianisme (Act XVIII, 24 ; ΧΙΧ, 1 ; I Cor. I, 12, etc.), et d’autres.

§ 50. — Coup d’œil sur la propagation du Christianisme.
Précis de l’Histoire des missions chrétiennes dans l’empire romain jusqu’à, la chute des cet empire au Ve siècle. Strasb., 1843.

Si l’on considère la rapidité avec laquelle le Christianisme se propagea en Asie, dans la Palestine, en Syrie, dans l’Asie Mineure, à Damas et à Antioche, en Mésopotamie, à Édesse ; en Europe, particulièrement en Grèce, dans plusieurs îles, en Italie, (en Espagne ?) ; en Afrique et surtout en Égypte ; si l’on énumère les nombreuses Églises établies de toutes parts ; si l’on pèse toutes les mesures qui furent nécessaires pour fonder et régler toutes ces Églises naissantes, on concevra une idée consolante de la faveur qui accueillit partout le Christianisme dès l’origine. Et qu’on ne s’imagine pas que c’étaient tous gens pauvres et grossiers qui composaient ces communautés primitives. Qu’on se rappelle les nombreux envois d’argent dont font mention les épîtres des apôtres[87], et la conversion du proconsul Sergius Paulus[88] à Chypre, et celles de l’eunuque d’Éthiopie, du centurion Corneille[89], de Denys l’Aréopagiste[90] ; qu’on se souvienne des rapports de Paul avec les habitants du palais des Césars[91]. Flavius Clément, oncle de Vespasien, Domitille, sa femme, et d’autres Romains distingués, n’apparentaient-ils pas au Christianisme, dans les derniers temps de la vie de Jean ? Enfin les fréquents avertissements de l’apôtre, contre ceux qui introduisent dans le Christianisme des erreurs tirées des systèmes de la philosophie et de la théologie païennes[92], ne prouvent-ils pas que les savants du monde étaient entrés dans l’Église, et menaçaient d’y introduire les dangereuses spéculations dont ils étaient imbus ?

Les obstacles mêmes que rencontra le Christianisme rendent plus merveilleuse encore sa rapide propagation. Quelle violente opiniâtreté que celle des Juifs incrédules qui tuent Étienne et les deux. Jacques ! quelle opposition ardente que celle des païens contre Paul surtout, à Athènes, à Éphèse ! quelles persécutions sanglantes, enfin, que celles des empereurs romains ! Claude exile de Rome les chrétiens, confondus avec les juifs bannis [an 53 apr. J.-C.][93]. Après l’incendie de Rome, Sous Néron, la persécution devient cruelle et dure plusieurs années. Les chrétiens sont déchirés par les bêtes dans les arènes, précipités dans le Tibre, enduits de poix et allumés comme des flambeaux, pour éclairer les carrefours de la ville[94]. On élève cependant des doutes fondés sur l’existence d’une persécution générale à cette époque, telle que l’admet Orose au IVe siècle. Vespasien ne persécute pas directement les chrétiens [ans 69-79 apr. J.-C.], mais il en exige avec rigueur, comme des Juifs, l’impôt personnel. Domitien agit de même [ans 81-96 apr. J.-C.] ; de plus il condamne à mort Clément Flavius, accusé d’impiété et de tendance au judaïsme, c’est-à-dire au Christianisme[95] ; il bannit sa femme Domitille dans l’île de Pandataria ; il relègue une autre de ses parentes à Pontia ; il exile l’apôtre Jean à Pathmos[96], surtout, dit-on, afin de confisquer les biens de tous ces proscrits. Il fait citer à Rome quelques-uns des parents de Jésus, dont il craint la rivalité ; mais il les renvoie à la vue de leurs mains calleuses, endurcies par de pénibles travaux[97]. Sous le règne malheureusement trop court de Nerva, [ans 96-98 apr. J.-C.], on rejeta, comme dénuée de fondement l’accusation toujours répétée jusqu’alors d’impiété et de judaïsme[98].

§ 51. — L’Église se sépare de la Synagogue. — Guerre des Juifs. — Ruine de Jérusalem.
Flav. Joseph. de Bello Jud. lib. VII, var. lection. instrux. et notis illust. Ed Cardwell. Oxoniæ, 1837, 2 vol. (raconte en grande partie comme témoin oculaire) ; Tac. Hist. V, 1-13 ; Stolberg, t. VII, p. 1-163.

Dès que le christianisme fut né, le judaïsme, qui en avait été la préparation, ayant accompli sa mission dans l’histoire du monde, devait disparaître. Jérusalem et son temple, centre du culte judaïque, n’avaient plus désormais leur signification primitive ; ils ne pouvaient subsister plus longtemps sans nuire au Christianisme, qu’ils menaçaient d’un double péril, la confusion des doctrines et la persécution des personnes. Les chrétiens nés Juifs devaient en être les principales victimes ; mais, en même temps, ceux-ci s’appuyant toujours sur le culte ancien mêlé au culte nouveau, fomentaient d’un côté dans l’Église, contre les païens reçus dans son sein, un esprit de division tout à fait contraire au Christianisme, et de l’autre tendaient à produire un amalgame de deux religions bien plus déplorable encore.

La ruine de Jérusalem et de son temple fut donc un événement de la plus haute importance pour la propagation et les succès de l’Église chrétienne[99], ainsi que l’avait prédit le Sauveur d’une manière positive, alors que le temple était encore dans toute sa gloire et sa magnificence[100]. Les Juifs, jadis instruments choisis de la Providence pour l’accomplissement des desseins de Dieu, voulaient se prévaloir aux yeux des nations des prérogatives dont ils étaient complètement déchus. Les plus touchantes preuves de la miséricorde divine, les plus terribles châtiments n’avaient pu amener ce peuple, au cou roide, à accepter librement sa véritable mission sur la terre et à se conformer franchement aux vues de Dieu. Il avait interprété les prophéties les plus sublimes sur le Sauveur dans un sens politique et restreint, et il niait avec d’autant plus de passion la réalisation des oracles divins, que la fondation de l’Église de ce Jésus, méprisé et réprouvé, et la durée de la domination romaine rendaient son attente plus vaine, sa déception plus notoire. Opprimé par les proconsuls romains à Césarée, le peuple chéri de Jéhovah crut le moment de la vengeance arrivé ; il se révolta ouvertement sous le gouvernement de Gessius Florus [64 apr. J.-C.], à l’occasion du sacrifice de quelques oiseaux qu’un païen avait fait tout près de la Synagogue, en dérision du culte des Juifs. La sédition se propagea rapidement jusqu’à Jérusalem. Enhardie par la défaite de Cestius Gallus, la nation entière se souleva contre la puissance romaine [67 apr. J.-C.]. Mais le jour terrible était proche où les malheurs épouvantables prédits par le Sauveur en larmes devaient fondre sur Jérusalem, où le sang de l’Homme-Dieu devait retomber sur les enfants réprouvés d’Israël. Vespasien, chargé du commandement par, Néron, après, avoir fait sa jonction avec son fils Titus, qui revenait d’Égypte, envahit la Galilée à la tête d’une puissante armée [67 apr. J.-C.] ; il s’empara de Jotapata, la plus forte citadelle de la Galilée, après une défense opiniâtre de quarante jours, massacra quarante mille Juifs et soumit toute la province. Victorieux et pleins d’impatience, les soldats romains brûlaient de terminer la guerre par la prise et la ruine de Jérusalem ; mais le prudent Vespasien attendit le moment favorable, que devaient nécessairement amener les divisions intestines des Juifs. En effet, les vieillards de la Judée, mûris par l’expérience, voulaient la paix ; la jeunesse téméraire, irréfléchie et ne respirant que la guerre, se précipita dans Jérusalem, où Jean de Giscala l’accueillit. Vespasien soumit alors toute la Judée, et campa, toujours menaçant devant Jérusalem, au printemps de l’année 68 apr. J.-C. ; il attendait les ordres de l’empereur qui devait avoir succédé à Néron. Bientôt l’armée romaine se souleva, s’agita, le proclama Auguste : Titus, parti de Césarée (70), arriva avec des forces nouvelles devant la malheureuse ville, où la fête de Pâque avait amené une population immense[101], et dont les défenseurs, après avoir combattu l’ennemi commun, s’entr’égorgeaient les uns les autres. Les chrétiens, se souvenant des paroles du Seigneur : « Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que sa destruction est proche[102], » s’enfuirent vers Pella en Galilée. Alors aussi les Juifs virent se réaliser à la lettre les malheurs prédits par le Christ ; mais rien ne put triompher de leur invincible opiniâtreté, ni les horreurs de la guerre civile, ni les angoisses de la famine, qui se montra hideuse, insensée, épouvantable dans la fille désespérée d’Éléazar. La horde de Simon avait enlevé aux femmes riches et distinguées tout ce qu’elles possédaient. Marie mourait de faim, et l’enfant qu’elle allaitait mourait d’inanition, sur son sein desséché. Elle le tue ; elle fait rôtir au feu l’enfant de son amour et de ses douleurs ; elle en mange une partie, et livre l’autre à la troupe avide, qui vient de nouveau fouiller sa maison, en s’écriant dans sa rage et son effroyable désespoir : « C’est mon enfant ! c’est moi qui l’ai tué ! Mangez ! j’en ai bien mangé, moi ! Seriez-vous plus délicats et plus compatissants qu’une femme, qu’une mère ! »

La nouvelle de ce crime inouï se répandit aussitôt à travers la ville jusque dans le camp romain. Mais si les Juifs, toujours opiniâtres, ne profitèrent pas plus de ces expériences terribles que des paroles du Sauveur : « Bienheureuses alors les stériles et celles qui n’auront point d’enfants, et dont les mamelles n’auront point allaité, » les Romains, saisis d’horreur et de dégoût, résolurent de terminer victorieusement la lutte et d’ensevelir ces forfaits sous les ruines de Jérusalem. En effet, sa chute fut effroyable et l’incendie du temple plein d’horreur et d’épouvante [4 ou 5 août 70 apr. J.-C.]. Au rapport de Josèphe, il périt un million d’hommes pendant le siège et à la prise de Jérusalem.

La perte de leur nationalité, leur dispersion à travers toute la terre, tel fût désormais le partage des Juifs. Plus de promesse de restauration, plus de prophète ni de roi, plus d’espérance pour les consoler et les relever. Mais si le sceptre était tombé des mains de Juda pour toujours, l’Église de Jésus-Christ commençait à se développer plus largement sur la terre.



  1. Mack, Pensées sur l’événement de la Pentecôte (Rev. trim. De Tub., 1835, p. 73). — Dieringer, loc. Cit., t. II, p. 390.
  2. Act. Des Ap., I, 4.
  3. Ps. 109, 8.
  4. Natal. Alex. Hist eccl. sæc. I, diss. VI. de usu sortium in sacris electionibus.
  5. Act. I, 15-26.
  6. Rom. VIII, 22.
  7. Act. II, 4.
  8. Hugo Grotius, d’après saint Chrysost. hom. II, in Pentecost. et hom. XXXV, in 1 Corinth.. Pœna linguarum dispersit homines (Gen. XI), donum lingnarum dispersos in unum populum redegit (Annotat. ad Acta Apostolor. II, 8). – August., sermo 268, n. 1 et 2 : Ideo spiritus sanctus in omnium linguis gentium se demonstrare dignatus est, ut et ille intelligat habere Spiritum sanctum, qui in unitate (Eccl.) continetur, quæ linguis omnibus loquitur.
  9. Matth. XXVIII, 20.
  10. Act. II. 42 ; III, 7-9 ; V, 15.
  11. Id. II, 47 ; IV, 4.
  12. Jean XIV, 12.
  13. Act. IV, 2 ; V, 17 ; XXIII, 6.
  14. Act. IV, 3.
  15. Act. IV, 9-20 ; V, 29.
  16. Act. IV, 31.
  17. Voy. Chrysost. Hom. XIV, in Acta Apost. (Opp. ed. Ben. Parisina altera, t. IX, p. 128.)
  18. Act. V, 38,39.
  19. Act. VII, 58.
  20. Act. VIII, 1.
  21. Jean, IV ; Act. XI, 19.
  22. Act. VIII, 14.
  23. Act. VIII, 3.
  24. 1 Cor. IX, l ; 2 Cor. V. 16.
  25. Act. IX.
  26. Gal. II, 20 ; Phil. IV, 13.
  27. Ephes. I, 4-12 ; III, 8-12 ; Rom. XVI, 25-26.
  28. Gal. IV, 4 ; Ephes. I, 10.
  29. Ephes. I, 4 ; Tite. I, 3 ; 1 Tim. II. 6.
  30. Rom. I et VII ; Gal. III, 24 ; Act. XVII, 26-27.
  31. Rom. XI.
  32. Rom. XI, 36.
  33. 1 Cor. XV, 28.
  34. 2 Cor. V, 17.
  35. Act. XIII, 9. Cf. XIII, 7 sq.
  36. L’admission des païens dans le Christianisme dut, d’après les préjugés des Juifs, souvent exciter des doutes et du scandale parmi les chrétiens nés Juifs. Dans la victoire remportée sur ces doutes, il faut remarquer les moments suivants : 1o la vision de Pierre et l’annonce qu’il fait que les Gentils ont réellement reçu le Saint-Esprit (Act. X, 9-16 ; XI, 15) ; leur justification sans mérite propre ; 2o l’assemblée des Apôtres (Act. XV), où Pierre montre que l’homme est sanctifié par la grâce du Christ et la foi en lui ; 3o Paul prouve enfin que la loi mosaïque est une loi temporaire, dont le but était d’élever l’humanité comme un pédagogue, et qu’elle est superflue pour les chrétiens. (Gal. IV, 11 ; V, 6.)
  37. Act. X.
  38. Act. XI, 1-18.
  39. Act. XI, 20.
  40. Act. VI, 7 ; XV, 5.
  41. Act. XI, 26. Cf. Ignatii ep. ad Polycarp. c. 7 : Χριστιανὸς ἑαυτοῦ ἐξουσίαν οὐκ ἔχει, ἀλλὰ Θεῷ σχολάζει.
  42. Act. XI, 27-30 ; XII, 25.
  43. Act. XII, 1-19.
  44. Act. XII, 23.
  45. Gal. II, 9. — D’après une antique tradition (Eusèbe, Hist. eccl., II, 1), le Christ aurait, après sa résurrection, accordé le don de science (γνῶσις) à Pierre, Jean et Jacques.
  46. Gal. I, 17-19 ; Act. IX, 19-27.
  47. Act. XI, 22-30 ; XII, 25.
  48. Act. XIII et XIV.
  49. Act. XV.
  50. Act. XVII, 22 sq.
  51. Act. XV, 36 ; XVIII, 22.
  52. Act. XX, 1 sq.
  53. Act. XX, 17-38 ; Cf. XVIII, 23 : XXI, 17.
  54. Cf. Act. XXI, 18 ; XXVI, 32.
  55. Act. XXVII, 1 ; XXVIII, 15.
  56. Act. XXVIII, 16.
  57. Philipp. I, 13 ; IV, 22.
  58. Hebr. XIII, 24.
  59. Rom. XV, 24-28. Saint Clément, dans son ep. I ad Cor. c. V. dit à ce sujet : Ἐπἱ τό τερμα τἢς δὑσεως ἐλθών, ce qui indique l’Espagne et non l’Italie, dans une lettre écrite d’Italie ; cela est plus clair encore dans un fragment sur les canons de la dernière partie du IIe siècle, des Reliquiæ sacræ de Routh, t. IV. p. 4.
  60. Feilmoser, Introd. aux livres du Nouveau Testament, éd. II, p. 452-57.
  61. 2 Tim. IV, 8.
  62. Hieronym., de Script, écclesiast., c.l. Eusèbe, Hist. ecclés., III, 22, paraît d’un avis contraire quand il nomme Evodius comme premier, Ignace comme deuxième évêque d’Antioche. Cependant, au liv. III, 36, Eusèbe nomme Ignace le second successeur de Pierre.
  63. Act. XV.
  64. I Pierre, V, 13 ; Tacit. annal, XV, 44.
  65. Act. I, XV.
  66. Act. II, 14.
  67. Act. IV, 8.
  68. Act. III, 4 ; V, 1.
  69. Act. X.
  70. Gal. I, 18.
  71. Act. XV.
  72. Tholuck s’exprime ainsi à ce sujet : « De tous les apôtres, saint Jean parait avoir le moins de force d’action. Combien la prééminence de Pierre se montre, toutes les fois qu’il faut agir, parler, rendre une décision. »
  73. Origen. dans Eusèbe, Hist. ecclesiast., III, 1, Tertull. de Præscript. hær., c. 36.
  74. Voyez sur le séjour de Pierre à Rome, le Père apost. saint Ignace († 107) ep ad Rom. c. 4. Denys de Corinthe († av. 180), dans Eusèbe, Hist. ecclesiast., II, 25 ; Iren. III, 1, 3 ; Tertull. contre Marcion. IV, 5. S. Cyprien († 258) parle à plusieurs reprise de Rome, chaire de Pierre, cathedra Petri, comme d’un fait généralement reconnu. Une critique exagérée pouvait seule mettre en doute un fait de l’antiquité chrétienne aussi unanimement constaté, comme l’ont fait Spanheim, Dissert. de ficta profectione Petri in urbem Romam (Opp. t. II, p. 331, etc.) ; Baur, dans la Gazette de théol. protest. de Tub. 4e livr., 1831. Les Objections faites jusqu’au milieu du XVIIIe siècle sont réfutées dans Foggini, De Romano divi Petri itinere et episcopatu ejusque antiquissimis imaginibus exercitationes histortco-criticæ. Florent., 1741, (Dédié à Benoît XIV.) Voir, pour les temps modernes, les ouvrages suivants, pleins d’une érudition sérieuse et consciencieuse : Herbst, sur le séjour de Pierre à Rome (Revue trim. de Tub. 1820, p. 267 sq.) Dœllinger, Man. de l’Hist. ecclesiast., p.65. Windischmann, Vindictæ Petrinæ. Ratisb., 1836. Ginzel, de l’Épiscopat de Pierre à Rome. Pletz, Gazette théolog., XIe ann. livrais. 1-4. surtout contre Mayerhof, Introd. aux écrits concern. Pierre, Hamb., 1835. Cf. Olshausen, Etud. et crit. ann. 1838, p. 4 ; enfin Stenglein, de l’Épiscopat de vingt-cinq années de saint Pierre à Rome. (Tub., Revue trimestrielle, 1840, part. 2 et 3.) — Voir aussi Origines de l’Égl. rom., par les Bénéd. de Solesmes, 1837. Olshausen dit avec raison, au sujet des tendances négatives et destructrices des temps modernes, « que c’est une obligation d’autant plus rigoureuse pour la science vraie de mettre un grand prix à des témoignages authentiques, et de ne pas se laisser entraîner par de pures hypothèses. »
  75. Hug. Introd. au Nouv. Test., vol. II, p. 517 ; Schleyer, Gazette théol. de Fribourg, t. IV, p. 11-65, Cf. Guerike. Introd. au Nouv. Test., p. 483.
  76. Act. XV, 13.
  77. Cf. Flav. Jos. Antiq. XX, 9, 1. Voy. Credner, Introd. au Nouv. Test., p. 481 ; Heges. dans Eusèbe, Hist. ecclesiast., II, 1, 23 ; Stolberg, VIe part., p. 360-65.
  78. Rufin, Hist, ecclesiast., I, 9 ; Eusébe, Hist, ecclesiast., III, 24,39.
  79. Eusèbe, III, 31 ; VI, 24.
  80. Ibid. III, 1.
  81. Ibid. V, 10.
  82. Ibid. I, 13 ; II, 1.
  83. Act. I, 26.
  84. Conf. n° 1, § 39.
  85. Ascbach, Lexique ecclés.
  86. Euseb. II, 16, 24. Chronic. Paschale (Alexandrin.), p. 230, ed. du Fresne. Paris, 1688.
  87. Act. XIII ; Phil. III, 24.
  88. Act. XIII.
  89. Act. VIII, IX.
  90. Act. XVII, 34.
  91. Phil. IV, 22.
  92. Col. II, 8 ; I Tim. I, 20.
  93. Suet. Vit. Claud. c. 25.
  94. Tacit. Ann. XV, 44 ; Suet. Vit. Neron. c. XVI. Tertull. Apol. c. 5, ed. Havercamp, p. 64, parle déjà de lois portées par Néron et Domitien contre les chrétiens, mais en partie rapportées par Trajan (quas Trajanus ex parte frustratus est).
  95. Dio Cassius et Opit. de Xiphilinus, LXVII, 14 ; Euseb. Chron. lib. II, ad. Olymp. 218. Hieronym. ep. 86.
  96. Tertul. Præscr. hær. c. 36 ; Euseb. Hist. ecclesiast. III, 18.
  97. Euseb. Hist. ecclesiast. III, 20.
  98. Dio Cass. LXVIII, 1.
  99. Cf. Dieringer, Syst. des faits divins, t. 1, p. 240 ; surtout 362-966.
  100. Luc, XXI, 5 sq.
  101. D’après Jos. Flav. de bello Jud. VI, 9, il y avait 2,700,000 hommes dans Jérusalem. Tac. Hist. V, 13, ne parle que de 600,000.
  102. Matth. XXIV ; Luc, XXI, 6.