Histoire littéraire - Catalogue de nos manuscrits



HISTOIRE LITTÉRAIRE.

DU CATALOGUE DE NOS MANUSCRITS.

Lorsque notre pensée se reporte vers les hommes illustres de l’antiquité, nous ne cherchons pas assez à nous rendre compte de la manière dont leur gloire est arrivée jusqu’à nous. Les grandes actions ne suffisent pas pour perpétuer la renommée, car la tradition s’éteint rapidement, et il y eut autrefois des peuples puissans et redoutés dont le nom même est aboli. Chaque jour voit tomber une pierre du vieil édifice du passé. Les témoignages historiques s’usent et s’affaiblissent sans cesse, et les hommes les plus célèbres sont, comme ces colosses qui étonnent de près, et qui, à mesure qu’on s’éloigne, semblent avoir des dimensions plus petites : peu à peu les contours deviennent incertains, et l’on ne voit plus qu’une masse confuse ; plus loin, ce ne sont que des points imperceptibles qui finissent bientôt par disparaître entièrement. De même ces héros qui, de leur vivant, remplissaient le monde de leur gloire, occupent dans l’histoire une place qui va de plus en plus s’amoindrissant : le souvenir de leurs actions s’efface, et on en vient même à douter de leur existence. Les plus heureux sont placés parmi les demi-dieux et relégués dans la fable ; les autres tombent dans l’oubli, et leur nom n’est plus prononcé.

Cet affaiblissement inévitable des témoignages historiques, qui, dans quelques siècles, portera infailliblement nos descendans à douter de l’existence de César et d’Alexandre, a exercé plutôt la curiosité de quelques géomètres que les méditations des historiens. Craig, habile mathématicien écossais du XVIIe siècle, homme pieux et sincèrement attaché à la religion chrétienne, ne craignit pas de faire à ce sujet un calcul qui semblerait sorti de la plume railleuse d’un disciple de Voltaire. Ayant égard à l’affaiblissement continuel des preuves du christianisme, Craig, dans ses Principes mathématiques de la Théologie chrétienne, publiés à Londres, en 1699, avança qu’au bout de quatorze cent cinquante-quatre ans, les raisons de croire au christianisme se seraient tellement affaiblies, qu’une nouvelle révélation et un second avènement de Jésus-Christ deviendraient nécessaires afin que la religion chrétienne pût se perpétuer ! Sans s’arrêter ici à cette singulière prédiction pour l’an 3153, on ne saurait nier cette action destructive du temps, qui s’exerce sur les objets matériels comme sur les productions du génie, et qui tend sans cesse à effacer le souvenir du passé.

Ces remarques ne sont pas seulement inspirées par cette curiosité qui porte l’esprit humain à vouloir expliquer l’incertitude qui règne dans l’histoire primitive des peuples. Elles nous touchent plus qu’on ne semble le croire, car, à notre tour, nous deviendrons anciens, et la postérité, qui va bientôt commencer pour nous, oubliera comme nous avons oublié. Tout est périssable sur la terre, et, malgré la force de la civilisation moderne, aucune nation ne saurait se flatter d’avoir fixé irrévocablement chez elle les lumières et la grandeur. Que reste-t-il de ces villes de l’Asie mineure si célèbres autrefois par le luxe et par les arts, et qui se trouvaient alors au sommet de la civilisation ? Repaires des chakals et des vautours, ces temples de marbre, ces théâtres magnifiques, attestent la décadence des pays qu’Alexandre remplit de ses victoires. Sans les écrivains, les grandes actions ne traversent pas les siècles : ce sont ceux qui les racontent qui donnent l’immortalité. Mais il ne suffit pas qu’un grand écrivain ait célébré les actions d’un homme illustre, il faut que le livre de l’écrivain ait pu résister à l’action du temps : c’est de la conservation de ce livre que dépend la gloire, et un ver qui a rongé un feuillet a pu tuer sans rémission la mémoire d’un grand homme.

De notre temps, avec l’imprimerie, qui reproduit de mille manières les ouvrages utiles, il y a plus à craindre de voir passer à la postérité des écrits médiocres que de voir les grandes actions tomber dans l’oubli. Cependant il ne faut pas croire que l’imprimerie puisse servir à conserver tous les livres ni même tous les bons livres qui paraissent ; il s’en détruit journellement un nombre très considérable, et, sans citer les incunables et les premières éditions des classiques, qui ont presque entièrement disparu, il suffira de nommer Desargues, géomètre qui sut briller à côté de Fermat et de Descartes, et qui doit être compté parmi les gloires de la France. La plupart de ses écrits, imprimés vers le milieu du XVIIe siècle, ont tout-à-fait disparu, et on ne les connaît que par des citations.

Sans aborder la question littéraire, on peut affirmer que les chances de destruction augmentent sans cesse pour les livres qui se publient aujourd’hui. Imprimés sur un papier qui n’a aucune consistance, ils tomberont bientôt en poussière, et l’on peut prédire avec assurance que ceux qu’on ne réimprimera pas prochainement seront perdus pour la postérité. Quoique ordinairement écrits sur parchemin, les manuscrits étaient exposés à plus de chances de destruction encore : il n’existait habituellement qu’un petit nombre de copies du même ouvrage, et un accident suffisait parfois pour les faire disparaître. On a souvent déploré la perte de tant de trésors littéraires que l’antiquité nous avait laissés, et qui ne sont pas arrivés jusqu’à nous. Ces regrets sont bien légitimes ; cependant, lorsqu’on étudie avec soin l’histoire des siècles barbares, on en vient plutôt à s’étonner de ce qui a été préservé que de ce qui s’est perdu, et l’on ne s’explique pas bien par quels moyens ces manuscrits ont été conservés.

Il y a eu, chez les anciens, des bibliothèques de manuscrits non moins nombreuses que les plus grandes collections de livres imprimés qui existent à présent. La bibliothèque d’Alexandrie contenait sept cent mille manuscrits, et, plus tard, les Arabes eurent en Espagne des collections non moins nombreuses. Par suite des guerres civiles, si funestes aux établissemens littéraires, comme par les guerres religieuses et par le fanatisme des premiers chrétiens, les grandes bibliothèques de l’antiquité furent dispersées, et l’on sait maintenant que les chrétiens n’avaient guère laissé à faire à cet Omar qu’on accuse d’avoir ordonné la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie. Le besoin de détruire les derniers restes du paganisme amena les chrétiens à proscrire les ouvrages classiques grecs et latins, et l’on sait aussi combien saint Grégoire et Isidore lui-même ont fait pour abolir la littérature profane. C’était là peut-être une impérieuse nécessité, et il faut se borner à constater le fait sans trop chercher à le qualifier ; mais d’après ce fait on ne comprend pas que l’on ait voulu, plus tard, attribuer aux prêtres et aux moines la conservation des manuscrits. Malgré cette première persécution, on devrait certainement beaucoup de reconnaissance aux moines, si, après les invasions barbares, ils avaient au moins cherché à conserver les manuscrits classiques qu’ils pouvaient se procurer ; mais rien n’annonce qu’ils l’aient tenté, et ils paraissent, au contraire, s’être exclusivement occupés de réunir et de faire copier les ouvrages ecclésiastiques, sans vouloir admettre dans leurs bibliothèques les livres des plus beaux génies de l’antiquité. Nous possédons encore les premiers catalogues des plus anciennes abbayes de l’Europe, entre autres le catalogue des manuscrits du Mont-Cassin, et l’on n’y rencontre presque jamais un ouvrage classique.

Au reste, nous ne voulons pas dire qu’il n’y eût pas de temps en temps, dans le cloître, des religieux aimant les lettres et l’instruction, et qui cherchaient avidement les manuscrits des auteurs anciens. La France peut citer avec orgueil deux des hommes qui ont certainement contribué le plus à la conservation des classiques. Ces deux hommes sont Loup de Ferriere et Gerbert, qui, au IXe et au Xe siècle, ont fait les plus grands efforts pour se procurer de tous côtés les écrits des anciens. Malheureusement leur sollicitude pour ces monumens littéraires de l’antiquité ne se perpétua pas dans les couvens où ils avaient résidé. Gerbert, lorsqu’il était abbé de Bobio, n’épargnait aucune démarche pour se procurer d’anciens ouvrages ; mais, après lui, les moines de cette célèbre abbaye, loin de garder soigneusement ces précieux manuscrits, établirent une espèce d’atelier de destruction, et, grattant ou lavant impitoyablement les vieux parchemins, ils substituaient aux ouvrages des plus grands écrivains de l’antiquité des traités de liturgie ou des glossateurs. C’est ainsi que le traité de la république de Cicéron, que Gerbert avait cherché à se procurer, fut gratté à Bobio par des moines qui voulaient se servir du même parchemin pour copier un traité de saint Augustin.

Le mépris des moines pour les classiques ressort, comme nous venons de le dire, des catalogues que nous possédons encore des plus riches abbayes. Les bibliothèques de Clairvaux et de Citeaux, qui se composaient de plusieurs milliers de volumes, et où toutes les parties de la scholastique, de la discipline, du droit canon, où toute la science monacale en un mot était enseignée dans une foule de manuels, d’abrégés, de traités mnémoniques divers, ne contenaient que quelques fragmens de classiques, et presque aucun livre de science. Dans les couvens les plus célèbres, on laissait périr les plus belles collections. Pour montrer quelle était l’incurie des moines à cet égard, même dans les siècles où tous les esprits se tournaient vers l’étude des lettres, il suffira de citer le récit qu’un ancien commentateur de Dante, Benvenuto da Imola, fait de la visite de Boccace à la bibliothèque du Mont-Cassin. Voici ce passage que Muratori a publié, et auquel nous conservons toute sa rude simplicité :

« Je veux rapporter ici ce que racontait agréablement mon vénérable précepteur, Boccace de Certaldo. Il me disait qu’étant dans la Pouille, attiré par la réputation de ce couvent, il se rendit au Mont-Cassin, et que, désireux de voir la bibliothèque qu’on lui avait dit être très riche, il pria un moine respectueusement, car il était très poli, de vouloir bien la lui ouvrir. Mais celui-ci, lui montrant un escalier élevé, répondit rudement : Monte, c’est ouvert. Boccace, montant tout joyeux, trouva ce trésor sans clé ni porte, et il vit l’herbe sur les fenêtres et les livres couverts d’une couche épaisse de poussière. Fort étonné, il commença à ouvrir et à examiner ces manuscrits l’un après l’autre, et il trouva plusieurs volumes anciens et rares qui étaient gâtés de plusieurs manières : ici il manquait un cahier, là on avait coupé les marges, et ainsi de suite. Enfin, regrettant que les travaux de tant de sublimes esprits fussent tombés entre les mains d’hommes si pervers, il s’éloigna triste et les larmes aux yeux. Et rencontrant un moine dans le cloître, il lui demanda pourquoi ces livres si précieux étaient en si mauvais état. Celui-ci lui répondit que quelques moines, voulant gagner deux ou cinq sous, grattaient un cahier et en faisaient de petits psautiers qu’ils vendaient aux enfans, et que des marges ils en faisaient des espèces de talismans qu’ils vendaient aux femmes. — À présent, homme studieux, casse-toi la tête pour composer des livres ! »

Au reste, il faut reconnaître que, si, au moyen-âge, les moines abusèrent tant de l’éponge et du grattoir pour effacer des pages de Cicéron et de Virgile, et les remplacer par des écrits insignifians, ils ne furent pas les inventeurs de ces manuscrits grattés, de ces palimpsestes, comme on les appelle, car le mot et la chose existaient chez les Romains. Cicéron, plaisantant avec Trébatius sur quelques mots raturés dans la lettre qu’il avait reçue de lui, dit à son ami : « Revenons à vos lettres. Tout est fort bien jusqu’ici, mais j’admire qu’écrivant vous-même, vous ayez la patience d’en faire ainsi plusieurs copies. Que vous commenciez à écrire sur un palimpseste, c’est une épargne fort louable ; mais je cherche ce qui a pu mériter ainsi d’être effacé, à moins que ce ne fût quelqu’une de vos formules, car je ne puis croire que vous grattiez vos lettres pour me faire vos réponses sur le même papier. Voudriez-vous me faire entendre que vos affaires n’avancent pas, qu’on vous oublie, que le papier même vous manque ? »

Du temps de Cicéron, le papier, fait de papyrus, dont on se servait habituellement, était fort commun : plus tard, il devint de plus en plus rare, ainsi que le parchemin, et ce fut là ce qui porta les moines à gratter et à laver les manuscrits pour écrire de nouveau sur les mêmes pages. Un des plus curieux exemples de cette pénurie a été découvert par M. Champollion-Figeac, qui, dans une bulle sur papyrus adressée en 876 à Charles-le-Chauve par Jean VIII, a trouvé le haut couvert encore de caractères arabes. Le pape, ne sachant sur quoi écrire, avait lavé un papyrus déjà employé par les plus cruels ennemis du christianisme, et s’en était servi pour sa lettre à l’empereur. Long-temps négligés, ces palimpsestes n’ont été étudiés avec soin que dans ces dernières années, et l’on sait combien d’utiles et précieuses découvertes y a pu faire le cardinal Mai. La France possède un nombre considérable de manuscrits grattés, et il y a lieu d’espérer qu’ils pourront servir à recouvrer quelques restes encore inconnus de l’antiquité.

Livrés d’abord à l’animosité des chrétiens et aux dévastations des barbares, attaqués bientôt par le grattoir et l’éponge des moines, relégués plus tard dans des endroits humides, les anciens manuscrits durent périr presque tous. Nous le répétons, ce qui étonne, ce n’est pas qu’on en ait tant perdu, mais qu’au contraire plusieurs aient échappé à la destruction. Il n’est pas facile de savoir par quelles mains ils ont été préservés. Cependant, en étudiant avec soin l’histoire des siècles barbares, on voit qu’à côté des bibliothèques des couvens il y avait d’autres bibliothèques qui sont à peine indiquées, mais dont l’existence est certaine. Sans s’arrêter à la bibliothèque de ce Loup, professeur à Agen et à Périgueux, que cite Sidoine Apollinaire, ni aux manuscrits que, d’après le même écrivain, possédaient Philagre et Térence Ferreol, on trouve en France, au VIIIe siècle, les différentes bibliothèques de Charlemagne, qui en avait une au palais, dont Louis-le-Débonnaire et Charles-le-Chauve héritèrent successivement, et Éginhart nous apprend que les manuscrits qui étaient à Aix-la-Chapelle furent, d’après le testament de l’empereur, vendus au profit des pauvres. À la même époque, Mannon, le philosophe, possédait beaucoup de livres qu’il offrit plus tard au tombeau de saint Oyend, dans le Jura. Plusieurs de ces manuscrits existent encore à Troyes et à Montpellier, et ils portent l’ex voto de Mannon. Puisqu’on vendait ainsi publiquement les livres, puisqu’on pouvait s’en procurer, il est évident qu’il existait déjà à cette époque, outre les copistes, un commencement de librairie ancienne. Les faits qui attestent alors l’existence des bibliothèques civiles se trouvent partout. Ainsi, lorsqu’au XIe siècle une comtesse d’Anjou donna deux cents brebis, trois muids de grains et plusieurs peaux de moutons en échange d’un manuscrit des homélies d’Aimon d’Alberstat, il est évident que cette princesse avait des livres. Il y eut dès-lors des bibliothèques chez les princes, il y en eut chez les particuliers ; les écoles et les universités eurent les leurs. C’est là, à notre avis, que se sont surtout conservés les classiques, qu’on ne trouve presque jamais cités dans les catalogues des bibliothèques des couvens, et qui cependant étaient connus, puisque on les citait assez fréquemment. Toutefois, il ne faut pas prendre à la lettre toutes ces citations, qui n’étaient souvent que de seconde main, ou qu’on faisait parfois d’après des extraits, des abrégés, des excerpta, qui remplaçaient l’ouvrage original, et l’on sait combien de fois Aristote a été cité d’après Boèce à une époque où les écrits originaux du philosophe de Stagyre n’étaient qu’en très petit nombre en Occident. Si l’on pouvait douter un instant de l’existence de ces bibliothèques civiles, de cette littérature profane, on n’aurait qu’à se demander comment les anciennes poésies populaires, qui remontent si haut, comment les écrits des trouvères et des troubadours, les romans de chevalerie, prohibés et poursuivis d’abord par l’église, sont arrivés jusqu’à nous ? Ce n’est pas assurément dans les bibliothèques des couvens qu’on les conserva. Cette différence entre les deux genres de bibliothèques se manifeste bien plus clairement au XIVe et au XVe siècle. Tandis que, comme nous l’avons dit, dans les plus riches bibliothèques des couvens on ne trouvait que des ouvrages destinés uniquement aux moines, tandis que les livres français en étaient scrupuleusement bannis, les rois de France et les ducs de Bourgogne formaient de nombreuses bibliothèques où se trouvaient plusieurs classiques dans l’original ou traduits en français, et qui contenaient tout ce que la littérature moderne avait produit. Le catalogue, dressé en 1393, des manuscrits de Charles V, roi de France, ainsi que l’inventaire de ceux des ducs de Berri et des ducs de Bourgogne, ont été publiés récemment par Van Praet et par M. Barrois. En les examinant, on se persuade facilement de ce que nous venons d’avancer. La séparation entre les bibliothèques civiles et les bibliothèques ecclésiastiques, qui était dès-lors complète, avait commencé depuis long-temps. Ce qui avait lieu en France se répétait partout ailleurs. Sans parler de Pétrarque qui possédait une belle bibliothèque dont on connaît le catalogue, les rois de Naples, les Visconti à Milan, les Médicis à Florence, Mathias Corvin en Hongrie, cherchaient à grands frais à faire venir des manuscrits de toutes les parties de l’Europe.

Les collections formées par les rois de France et par les ducs de Bourgogne semblaient destinées à former le noyau des grandes bibliothèques qui existent actuellement à Paris ; mais il n’en fut pas ainsi. Elles furent dispersées, et cette dispersion, malheureusement trop complète, nous fait comprendre comment d’autres bibliothèques, plus anciennes, ont pu se dissiper sans qu’il en restât ni traces ni souvenir.

Après l’invention de l’imprimerie, les manuscrits furent négligés ; et comme souvent on imprimait alors sur le manuscrit même, sans se donner la peine de le copier, on en détruisit beaucoup de cette manière-là. Cependant, dès que l’on commença à s’occuper de donner des éditions critiques, l’on sentit le besoin de revenir aux manuscrits, qui furent bientôt recherchés avec soin. C’est du XVe siècle que date la formation de la Bibliothèque royale actuelle. Louis XI en jeta les fondemens ; Charles VIII et Louis XII y transportèrent les manuscrits enlevés aux bibliothèques du roi de Naples et du duc de Milan, et François Ier l’enrichit d’un grand nombre de manuscrits rares tirés de l’Italie. Henri II et Diane de Poitiers aimaient beaucoup les beaux livres, et l’on ne voit pas sans quelque étonnement le croissant et la figure de Diane chasseresse (qui étaient, comme on sait, les emblèmes de cette beauté célèbre) sur la reliure de plusieurs des plus beaux manuscrits grecs de la Bibliothèque royale. Augmentée bientôt des manuscrits du maréchal Strozzi, que Catherine de Médicis s’était appropriés, et que Henri IV racheta des créanciers de cette princesse, la Bibliothèque royale dut aux soins des de Thou, des Dupuis, des Carcavi, des Colbert, à qui la garde en fut successivement confiée, des accroissemens considérables, et elle était déjà, au moment de la révolution, une des plus remarquables de l’Europe par le nombre, l’antiquité et l’importance des manuscrits qu’elle contenait.

Sous la terreur, la Bibliothèque royale fut gravement compromise. Au milieu des évènemens si graves qui préoccupaient et épouvantaient tous les esprits, on fit à peine attention à un auto-da-fé que peu de personnes se rappellent aujourd’hui. Sous prétexte que ces livres contenaient l’histoire de la noblesse française, on brûla, pendant plusieurs jours, sur la place Vendôme, au milieu de Paris, des centaines de manuscrits remplis de pièces originales, de chartes et de documens historiques de toute nature. Sans le dévouement courageux des conservateurs de cette bibliothèque, la perte aurait été bien plus grande, car tous les manuscrits blasonnés, tous ceux qui contenaient des ouvrages religieux, étaient menacés. Cependant ce vandalisme ne dura pas, et non-seulement cette bibliothèque répara ses pertes, mais elle s’enrichit immensément par l’héritage des couvens supprimés de Paris, dont les précieux manuscrits furent presque tous déposés dans cet établissement. Actuellement la Bibliothèque royale contient environ quatre-vingt mille manuscrits, et en y joignant ceux qui se trouvent à l’Arsenal, à la bibliothèque Mazarine, à Sainte-Geneviève et à l’Institut, on forme une masse qui, sans aucun doute, n’a d’égale dans aucune autre ville de l’Europe.

Pendant que la Bibliothèque royale commençait et recevait de si notables accroissemens, les bibliothèques des couvens s’étaient enrichies dans les provinces par une multitude de legs pieux. Dans des temps de troubles, on offrait des livres aux couvens et aux églises pour les placer dans un asile sûr. Les ex-voto, les dons aux autels, se multiplièrent. Ce fut ainsi que quelques chapitres devinrent bientôt si riches en anciens manuscrits, et l’on sait qu’au lieu de laisser sa bibliothèque à son successeur, saint Louis l’avait partagée entre quatre couvens. Malheureusement ces asiles, si respectés dans les guerres ordinaires, furent violés dans les guerres de religion, et le XVIe siècle vit quelques-unes des plus anciennes bibliothèques de la France dévastées par le fanatisme aveugle des calvinistes. Tel fut le sort de la bibliothèque de l’île Barbe de Lyon, fondée par Charlemagne, et de celle de Saint-Benoît-sur-Loire (abbaye célèbre où se réunissaient, au Xe siècle, plus de cinq mille écoliers), pillées toutes deux à diverses reprises par les huguenots. Plusieurs de ces manuscrits furent perdus ; d’autres, retrouvés par Bongars et par Petau, finirent par sortir presque tous de France, et sont aujourd’hui à la bibliothèque du Vatican. Au XVIe et au XVIIe siècle, il se forma dans les provinces des collections précieuses de manuscrits, et les érudits connaissent toute l’importance des bibliothèques de Pithou, de Peiresc et de Bouhier. Il n’y avait guère alors de bibliothèques publiques en France ; à Paris même, la Bibliothèque du roi n’était accessible que pour un petit nombre de personnes, et après la mort des savans qui les avaient formées, ces belles collections étaient dispersées, ou bien allaient s’ensevelir au fond d’un cloître. Dans certains cas, il est vrai, le donateur demandait au couvent que la bibliothèque fût ouverte au public. C’est ce que firent Hennequin à Troyes, Mazenot à Lyon, Prousteau à Orléans, et quelques autres ; mais c’étaient là des cas rares, et la plupart des plus beaux manuscrits restaient encore enfouis dans les couvens, qui souvent n’en avaient aucun soin. Cette incurie scandalisa grandement dom Martène, savant bénédictin, qui, dans la relation de son Voyage littéraire, entrepris au commencement du siècle dernier, signala à cet égard des abus intolérables. Cependant les abus continuèrent, l’accès des bibliothèques ecclésiastiques ne devint guère plus facile, et très peu de villes de province purent avoir une bibliothèque. Ce ne fut que par la suppression des ordres religieux, à la révolution, que ces riches collections devinrent utiles au public. Il est vrai qu’il y eut alors beaucoup de gaspillage, et que, dans certaines localités, des manuscrits précieux furent enlevés ou détruits. Toutefois la destruction fut beaucoup moindre qu’on ne l’a cru. Quant aux manuscrits qui furent détournés, il s’en retrouve tous les jours dans des collections particulières, ils reparaissent dans les ventes, et si l’état eut à se plaindre de l’indélicatesse de quelques dépositaires infidèles, ces ouvrages du moins ne furent pas perdus pour les lettres. D’ailleurs, c’est surtout à cause du peu de valeur que l’on attachait alors aux monumens littéraires que ces manuscrits furent donnés ou vendus souvent à vil prix à des particuliers par les communes chargées de les garder. Malgré ces pertes si regrettables, en visitant avec soin les bibliothèques des départemens, on se persuade facilement que le mal a été exagéré par des personnes qui calomniaient la révolution, et qui inculpaient des autorités placées entre la hache révolutionnaire et les baïonnettes des étrangers pour n’avoir pas conservé les manuscrits avec plus de soin que ne l’avaient su faire, dans des temps de calme et de prospérité, les chanoines de Bourges ou les moines de Clairvaux.

Au reste, ces inconvéniens, inséparables d’un si grand et si brusque déplacement, ont été bien compensés par l’avantage immense d’avoir dans les départemens un nombre très considérable de bibliothèques publiques. Sans parler des villes principales, il n’y a guère, dans les départemens, de ville de second ordre qui ne possède une collection de livres imprimés et de manuscrits précieux ou intéressans à plusieurs égards. Malheureusement l’importance de certains manuscrits d’une lecture difficile ne saurait pas être toujours bien appréciée dans certaines localités, de manière que jusqu’à ce jour la plupart sont restés inconnus, et que, malgré la loi qui veut que les communes n’aient que l’usage des livres tirés des couvens, dont la propriété est demeurée à l’état, il est arrivé parfois qu’on en a vendu, comme s’il s’agissait d’une propriété communale. D’ailleurs, la crainte de se voir dépouiller de leurs richesses a porté certaines communes, lorsque le gouvernement demandait les catalogues des manuscrits contenus dans leurs bibliothèques, à n’envoyer le plus souvent que des inventaires informes, plus propres à cacher la valeur littéraire de ces manuscrits qu’à en rehausser l’importance.

Dans un petit nombre de villes, il est vrai, on a publié récemment des catalogues raisonnés des manuscrits ; mais les collections les plus importantes n’ont pas encore été explorées, ou bien elles ne l’ont été que d’une manière très imparfaite. Nous regrettons de ne pouvoir nous arrêter ici aux méprises si burlesques que les difficultés de lire dans les manuscrits du moyen-âge ont pu produire. Dans certains de ces catalogues, on place parmi les livres de philosophie une Chronique de l’ame, qui n’est en réalité qu’un roman de chevalerie dont le vrai titre est Chronique d’Hélène ; dans d’autres (et nous prenons parmi les plus estimés), on croit décrire un ancien manuscrit en l’appelant un traité quelconque sur les maladies ! Il était temps que l’on sût à quoi s’en tenir sur le nombre et l’importance des manuscrits que contenaient les bibliothèques des départemens. Ces recherches, qui intéressent tant l’histoire littéraire, et qui sans doute devront servir plus tard à provoquer des mesures conservatrices, ne pouvaient être ordonnées que par le gouvernement. Dans notre temps, où tout est subordonné à la politique, et où, excepté quelques esprits d’élite, la plupart de nos hommes d’état semblent exclusivement absorbés dans des combinaisons électorales, il fallait un ministre véritablement ami des lettres et de l’érudition pour qu’il s’occupât sérieusement des manuscrits enfouis dans les bibliothèques des départemens. Il fallait aussi un certain courage pour prescrire des recherches sérieuses dans ces bibliothèques. Les étrangers disent si souvent qu’il n’y a rien en France hors de Paris, et ce propos est si facilement répété par les Français, qu’on ne pouvait guère imaginer que des recherches de cette nature dussent amener des résultats importans. Heureusement quelques explorations dirigées sur des points déterminés, d’après les instructions données par le ministre de l’instruction publique, firent bientôt connaître combien cette mine était féconde, et décidèrent M. Villemain à entreprendre la publication d’un catalogue général de tous les manuscrits des départemens. À cet effet, il présenta à la signature du roi une ordonnance précédée d’un rapport destiné à faire connaître l’utilité d’une telle publication. L’exécution de cette entreprise a été confiée à une commission composée de MM. Leclerc, président, Hase, Reinaud, Danton et Ravaisson, et d’un secrétaire chargé de surveiller l’impression. Les noms que nous venons de citer sont une garantie suffisante du soin avec lequel une telle entreprise sera conduite et de l’importance que le gouvernement attache à cette publication. Formée au mois de septembre, la commission a immédiatement commencé ses travaux. Des instructions ont été rédigées, différentes personnes ont été envoyées dans les départemens : les bibliothèques, l’École des Chartes et l’Université ont fourni des collaborateurs zélés et intelligens, et les travaux ont été poursuivis avec tant d’activité, que déjà l’on s’occupe de l’impression du premier volume, et que d’autres matériaux sont préparés.

Cette utile entreprise a eu dès l’origine un double but : la conservation et la connaissance des manuscrits ; la conservation, car, dès que tous les manuscrits auront été décrits et catalogués avec soin, on pourra toujours exercer un contrôle sévère et une surveillance active sur les bibliothèques des départemens, et il ne sera plus possible de distraire des manuscrits connus du gouvernement et sur lesquels l’attention sera éveillée à l’étranger comme en France ; la connaissance des manuscrits, car jusqu’ici on ne les connaissait pas du tout. À cet égard, les premières recherches ont dépassé toutes les espérances, et il se trouve qu’un catalogue entrepris surtout dans un but d’érudition, deviendra un monument patriotique, et que l’on pourra montrer avec orgueil aux étrangers cet inventaire des richesses littéraires de la France. Un des membres de la commission, qui venait de visiter différens départemens, terminait ainsi le rapport qu’à son retour il a dû adresser à M. Villemain :

« Nous ne craignons pas d’avancer qu’en prenant au hasard, dans un état quelconque de l’Europe, dix-huit villes de province, on n’y trouverait pas la moitié des richesses bibliographiques et littéraires que nous avons rencontrées dans les dix-huit bibliothèques que nous venons de visiter. Cette vérité ressortira encore davantage du catalogue général des manuscrits des départemens, dont on prépare actuellement la publication, et qui montrera que, même sous ce rapport, la France n’a rien à envier aux étrangers. »

Il existe en France et à l’étranger des catalogues de différentes collections de manuscrits, et les savans connaissent bien la valeur et l’utilité de ces sortes d’ouvrages, publiés à diverses époques, et qui leur ont souvent fourni les élémens de leurs travaux ; mais dans aucun siècle on n’a jamais osé entreprendre le catalogue général des manuscrits qui se trouvaient dans un vaste état. Bien que l’on ait imprimé une si prodigieuse quantité de livres, on est loin d’avoir publié tous les ouvrages qui existent encore. Pour l’histoire du moyen-âge, par exemple, on trouve dans les manuscrits une foule de pièces ou d’ouvrages inédits qui servent à éclaircir les points les plus difficiles de cette période si intéressante et si obscure. Souvent ces écrits ne pourraient pas être imprimés en entier, et il faut se borner à les indiquer dans un catalogue à l’attention des érudits qui se préparent à traiter un sujet déterminé. Au reste, le catalogue général des manuscrits des départemens ne doit pas contenir uniquement des titres d’ouvrages. Il faut qu’à propos de chaque manuscrit on y trouve quelques indications rapides où les faits nouveaux les plus curieux qu’il contient soient notés aussi exactement que possible. Il faut que les historiens, les artistes, les paléographes, les savans, les hommes de lettres, soient avertis par un mot de ce qui peut intéresser chacun d’eux dans un manuscrit. C’est, comme on le voit, de l’histoire littéraire générale à propos d’un catalogue, et c’est dans le choix de ces faits, dans les notes qui doivent accompagner chaque article important, que consiste la difficulté de faire un catalogue curieux et instructif, et que se montre l’habileté du rédacteur. Il est à peine nécessaire de rappeler que, pour rédiger un catalogue de manuscrits, il faut d’abord lire parfaitement les écritures de différens siècles, savoir déterminer l’âge d’un manuscrit, posséder différentes langues, avoir enfin des connaissances approfondies dans l’histoire littéraire et la bibliographie, pour ne s’arrêter qu’aux ouvrages véritablement inédits et intéressans, et pour savoir deviner, dans un ouvrage sans titre ou même mutilé, le nom de l’auteur, qui manque souvent. Il faut surtout posséder une patience infatigable, ne rien omettre, ne rien ajouter, ne rien corriger dans la description d’un manuscrit qu’on est forcé d’examiner en voyage et à la hâte, qui contient peut-être cent pièces différentes, et qu’on ne doit plus revoir. Ce sont là des difficultés qui ne sauraient être convenablement appréciées que par les hommes du métier, et qui font de la rédaction d’un bon catalogue de manuscrits une des entreprises littéraires les plus difficiles. Au reste, l’utilité de bons catalogues est bien reconnue des érudits, et tous ceux qui s’occupent de l’Orient savent que la mine la plus féconde, que l’ouvrage le plus complet que l’on connaisse sur l’histoire, les sciences et la littérature des peuples sémitiques, n’est autre chose que le catalogue des manuscrits arabes de la bibliothèque de l’Escurial, rédigé dans le siècle dernier par Casiri. Ce qui donne surtout tant de prix à cet ouvrage, ce sont les extraits des manuscrits et les pièces inédites que le rédacteur y a insérés. Cet exemple méritait d’être suivi, et nous savons qu’il le sera, grace surtout à M. Villemain, qui a désiré que des pièces inédites, des lettres d’hommes illustres, des passages dignes d’intérêt, fussent insérés dans ce catalogue. À la suite de chaque manuscrit se trouveront les extraits les plus courts, les citations succinctes, et il y aura à la fin de chaque volume les pièces plus considérables. On voit que ce catalogue sera en même temps un grand recueil de pièces inédites. Ce sera l’histoire littéraire de la France pour les monumens.

Nous sommes assuré que le concours actif, éclairé, résolu, du gouvernement, ne manquera pas à cette entreprise. Ce qui pourrait en compromettre le succès, ce serait l’esprit municipal, qui demanderait à s’emparer de cette affaire, et à entraver les travaux de la commission. Nous l’avons déjà dit, il faut appeler tous les hommes compétens à y prendre part, et avant tout les bibliothécaires. Cependant, si dans certaines localités ils ne peuvent ou ne veulent pas contribuer activement à la rédaction des catalogues, il faut, sous peine de ne plus avancer, confier immédiatement à d’autres les travaux que les bibliothécaires n’exécuteraient pas : sans cela, chacun se ferait charger du catalogue de la bibliothèque qu’il dirige, et tout serait arrêté. Il faut ne pas craindre de blesser certaines susceptibilités, ni trop ménager certaines influences. Rien ne ressemble moins à la matière électorale qu’un manuscrit. Ce ne sont pas là des craintes imaginaires. Lorsque M. de Salvandy eut l’heureuse idée de répandre davantage l’instruction dans les provinces, et qu’il voulut fonder quelques nouvelles facultés, ce projet fut accueilli avec enthousiasme par les villes qui devaient en profiter ; mais bientôt le gouvernement dut se convaincre que chaque localité voulait fournir ses propres professeurs. Ces prétentions étaient inadmissibles, et elles furent écartées. Alors les bonnes dispositions se changèrent en hostilités, et il y eut en France une ville grande et célèbre, dont le conseil municipal prit une délibération d’après laquelle il était défendu à tous les conservateurs des bibliothèques, des musées et des collections scientifiques, de communiquer un livre ou un objet quelconque aux professeurs des nouvelles facultés. Cette délibération est enfreinte tous les jours par les conservateurs, mais elle n’a jamais été rapportée. En présence de faits pareils, on pourrait concevoir quelques inquiétudes sur les travaux de la commission des manuscrits, si par impossible le gouvernement pouvait montrer un moment d’hésitation.

Cette publication, destinée à faire connaître ce que les provinces contiennent de plus précieux (car, quant aux bibliothèques de Paris, la publication du catalogue ne peut sortir des mains des savans qui les dirigent), a été entreprise sans avoir recours à aucun crédit extraordinaire, avec les seules ressources dont M. Villemain pouvait disposer pour l’encouragement des bibliothèques. Cependant un si grand ouvrage ne saurait se continuer sans l’appui des chambres. On peut être rassuré sur ce point : lorsqu’un homme de la valeur littéraire et de l’autorité de M. Villemain se présentera devant les mandataires du pays avec un premier volume imprimé, les chambres qui, à la demande de M. Guizot, ont accordé des fonds considérables pour la publication des documens relatifs à l’histoire de France, seront unanimes pour accorder au ministre de l’instruction publique les fonds nécessaires à la continuation du catalogue général des manuscrits des départemens. Il ne faut pas douter que les étrangers n’imitent bientôt une si heureuse idée, et nous sommes sûr que l’on verra l’Allemagne et l’Angleterre s’emparer de ce projet.

Certes, la France, qui a ouvert la route, ne voudra pas rester en arrière ; s’il pouvait du reste y avoir la moindre hésitation à cet égard, le ministre de l’instruction publique n’aurait qu’à rappeler aux chambres un fait qui se passe à l’autre extrémité de notre continent. Dans cette Chine, que l’on affecte de mépriser si fort, et où quelques nations européennes s’efforcent de montrer d’une si singulière manière la supériorité de leur civilisation, l’empereur Khien-Long décréta, en 1773, la publication d’une anthologie intitulée les Quatre Trésors, composée des traités les plus intéressans sur toutes les branches du savoir. En 1818 (c’est-à-dire quarante-cinq ans seulement après la formation de la commission), il avait paru soixante-dix-huit mille six cent vingt-sept volumes de cette collection, qui se continue, et qui ne sera complète que lorsque cent soixante mille volumes auront été imprimés. Évidemment, il n’y a que des commissions composées de barbares qui soient capables de faire paraître deux mille volumes par an. Il n’y a rien à craindre de pareil en France : nous sommes dans un pays civilisé, et si les chambres veulent encourager la publication du catalogue général des manuscrits des départemens, sans trop se préoccuper de ce qui se passe aux antipodes, elles n’auront qu’à voter les fonds nécessaires pour la publication d’un volume par an.


G. Libri.