Histoire financière de la France/Chapitre VII

CHAPITRE VII


Règne de Louis XI.


1461 — 1485.


SOMMAIRE.


Eloignement des capitaines, des magistrat set des officiers royaux, qui avaient servi Charles VII. — Produit de spoliations et d’élévation d’impôts employés à l’acquisition de provinces. — Ligue et guerre dites du bien public. — Proclamation des princes ligués annonçant le soulagement du peuple et l’abolition des impôts. — Exemptions et privilèges accordés par le roi dans la capitale. — Traité et ses conditions. — Troupes suisses. — Assemblée de notables à Tours en 1468. — Élévation des tailles et de la gabelle. — Opinion de Philippe de Commines sur le droit d’imposer. — Privilèges et franchises conservés à la Bourgogne et à la Provence lors de leur réunion au royaume. — Privilèges du Languedoc, du Dauphiné et de la Normandie, reconnus, mais peu respectés. — Abaissement de la puissance féodale. — Lettres de noblesse distribuées à la bourgeoisie. — Protection accordée aux campagnes contre les seigneurs. — Voies ouvertes à l’agriculture, à l’industrie, au commerce et à la navigation maritime. — Inamovibilité des officiers royaux déclarée. — Origine des postes.


1461 — 1462. — La révocation des officiers de la maison de Charles VII, celle des magistrats et des officiers de finances, l’éloignement des capitaines qui avaient contribué par leur valeur à l’expulsion des Anglais; la spoliation de plusieurs seigneurs, l'élévation des tailles, et d’autres exactions signalèrent la première année du règne de Louis XI. Une avance de trois cent cinquante mille écus d’or, provenant des fonds obtenus par ces violences, et que Louis XI fit à don Juan d’Arragon, mit la France en possession du Roussillon et de la Cerdagne, à titre d’engagement, jusqu’à restitution de la somme prêtée. Louis XI en même temps, par l’entremise des pensionnaires qu’il entretenait à la cour du vieux duc de Bourgogne, Philippe-le-Bon, avait disposé ce prince à restituer les villes et places fortes de la Picardie moyennant le paiement des quatre cent mille écus d’or stipulés parle traité d’Arras. L'épargne, cependant, ne possédait que la moitié de cette somme : elle se trouva complétée en partie par les fonds de dépôts et de consignation qui furent enlevés du parlement et du Châtelet, où ils étaient conservés; le reste s’obtint au moyen d’un emprunt sur les titulaires d’offices; et le roi punit par la révocation ceux qui refusèrent le contingent forcé. Cette circonstance a étéconsidérée, non sans raison, par un historien, comme l’origine de la vénalité des charges[1].


1463. — Sur ces entrefaites Louis XI tentait d’établir la gabelle du sel au profit de la couronne dans les états du duc de Bourgogne; et il faisait défendre au duc de Bretagne de battre monnaie et de lever des tailles dans cette province. Les Bourguignons trouvèrent protection, contre le nouvel impôt qui les menaçait, dans les dispositions du traité d’Arras, et dans la fermeté de Philippe-le-Bon, lequel « tailloit peu ses sujets ; aussi estoient-ils comblez de richesses, et en grand repos, ce qu’ils ne furent oncques puis. » Le duc de Bretagne gagna du temps, en proposant de consulter les états de la province sur des questions qui touchaient à ses plus anciens privilèges[2].


1464.- Ces entreprises du roi, et les autres sujets de mécontentement déjà existants, portèrent les grands vassaux à s’unir contre un prince qui, menaçait l’indépendance que tous prétendaient s’attribuer, et que plusieurs possédaient réellement. Une ligue se forma : elle était composée de la plupart des princes du sang, de tous les capitaines de Charles VII, du duc de Bretagne, du duc de Bourgogne, du comte de Charolais, connu depuis sous le nom de Charles-le-Téméraire, et de beaucoup d’autres seigneurs. De longues plaintes, d’abord répandues dans toutes les classes par des émissaires, puis publiées en forme de manifeste, excitent les esprits contre le gouvernement de Louis XI, en représentant « la confusion et grande calamité de la chose publique résultant de oppression des gens d’église et des magistrats; de la violation des lois; et des grandes, extrêmes et excessives charges et exactions de pécunes dont le pauvre peuple est si très fort foulé que à peine les peut-il supporter. » Dans cet acte, les princes annoncent qu’en prenant les armes, ils n’ont d’autre intention que de parvenir au soulagement du pauvre peuple, sans entendre toucher en aucune manière à la personne ou à l’autorité du roi[3].


1465.- Le comte de Charolais, cependant, à la tête d’une armée, s’avançait sur Paris, ou était le rendez vous des princes ligués. Précédé par une proclamation annonçant l’abolition des impôts, il faisait brûler sur sa route les bureaux des receveurs, détruire leurs registres, et distribuait gratuitement le sel. De son côté, Louis XI, craignant que la capitale n’ouvrît ses portes aux princes, confirma et étendit les privilèges et les exemptions de tous genres dont jouissaient l’université, la sainte chapelle, le chapitre de la cathédrale, et plusieurs couvents; il supprima des offices nouvellement créés, dont l'augmentation portait préjudice aux anciens titulaires; réforma la juridiction et les exactions établies à l’occasion de la foire Saint-Laurent, et prononça l’abolition de toutes les taxes qui étaient perçues, tant dans la ville que dans ses faubourgs, sur les menues denrées et sur les marchandises, les objets fabriqués et les matières premières; maintenant seulement les taxes sur le bétail à pied fourché, sur le poisson de mer et sur le bois de chauffage. Il n’était apporté aucune diminution sur les droits à la vente en gros du vin et des draps, mais le droit à la vente du vin en détail se trouvait réduit du quatrième au huitième[4].

Après l'inutile bataille de Montlhéry, des négociations adroitement conduites par le roi, et dans lesquelles la corruption avait une part active, rompirent la ligue des princes. Le duc de Bourgogne obtint de nouveau l’abandon des villes et forteresses de la Picardie, avec la jouissance des revenus domaniaux, des tailles, des aides, ordonnées pour la guerre, et des autres produits que le roi avait rachetés trois mois auparavant. Cette fois encore la rétrocession eut lieu avec faculté de rachat par la couronne, mais moyennant deux cent mille écus d’or, et seulement sur les héritiers du comte de Charolais, Des gouvernements, des domaines, le droit de lever des tailles, des dignités et des pensions, furent largement accordés par le roi à tous les princes, seigneurs et capitaines qui avaient pris les armes contre lui. Le rétablissement des impôts que les confédérés avaient abolis devint le premier objet de leurs soins; et ils stipulèrent pour les receveurs et autres comptables la décharge des sommes qu'ils avaient prises durant les hostilités. Telle fut l'issue de la guerre du bien public, ainsi nommée « parce qu’elle s’entreprenoit soubz couleur. de dire que c’estoit pour le bien public du royaulme[5].  »

Tant de concessions faites par prince qui ne ménageait que ceux qu’il pouvait craindre n'étaient qu’un moyen de désunir et de diviser les confédérés. Louis XI, en les attaquant séparément, reprit par la force des armes ce qu’il avait cédé par des traités. De là cette suite d’hostilités, de trêves, de ruptures, d’intrigues et d'exécutions sanglantes, qui rendirent son règne redoutables la puissance féodale.


1474.- Au moment d’une seconde ligue, formée entre les ducs de Bourgogne, de Bretagne, et le roi Édouard d’Angleterre, dans le dessein d'appeler ce dernier au trône de France, Louis XI trouva une nouvelle source de force et d’indépendance pour la couronne dans l’alliance qu’il forma avec les Suisses, jusque alors presque entièrement ignorés, et que les princes ligués avaient, les premiers, introduits dans le royaume, moyennant une pension annuelle de quarante mille florins du Rhin, à partager entre les sept cantons qui formaient alors la confédération helvétique. Il fut convenu que les Suisses entreraient au service du roi, et qu’ils recevraient par homme et par mois, et toujours à l’avance, une solde réglée à raison de quatre florins et demi. A ces conditions, un corps de six mille Suisses vint grossir le nombre des troupes réglées que le roi avait déjà augmentées, notamment d'une garde écossaise. Cet accroissement de force en exigeait un dans les revenus : on l’obtint par une addition de plus de trois millions aux tailles, augmentation excessive pour le temps et eu égard à l'étendue de territoire qui la supportait. On ne voit pas que le roi ait usé pour l’augmentation de cet impôt d'autre formalité que de celle d’écrire aux magistrats des villes, pour leur exposer le besoin de nouveaux subsides. A la vérité, les notables des trois ordres avaient été assemblés dans la ville de Tours en 1468, à l’occasion des différents qui existaient entre le roi et les princes. A cette assemblée Louis XI « n’avoit appelé que gens par lui nommés, qu’il pensoit qu’ils ne contrediraient point à son pouvoir, et auxquels il promit beaucoup, mais donna peu. » La question des impôts n’y fut pas traitée directement; mais, dans l’assemblée, les députés terminèrent en assurant le roi qu'ils étaient disposés, à coopérer de tout leur pouvoir à l'exécution de ses desseins, « les gens d’église par prières, oraisons et biens temporels, la noblesse et le peuple de leurs corps et de leurs biens jusqu’à la mort inclusivement[6]. »

La dissolution de l’assemblée avait été suivie d’une augmentation de quarante sous d’abord, puis de quatre livres par muids sur tout le sel existant dans les greniers royaux. Car la déclaration des députés, bien que conçue en termes généraux, avait été une autorisation suffisante pour un prince habitué à donner à tous les engagements l’interprétation la plus favorable à ses vues, et qui, en même temps qu’il réunissait les états des trois ordres du Dauphiné (1476), à l’effet d’obtenir un subside, donnait pour instruction à ses commissaires de passer outre à la levée de l'imposition au cas de délai ou de refus de la part des députés, et nonobstant appel ou opposition[7].

Ces mesures étaient bien opposées à l’opinion des hommes les plus éclairés du temps, puisque Philippe de Commines, ministre et l’un des confidents de Louis XI, écrivait à cette époque : « N’y a il roy ne seigneur sur terre qui ait pouvoir, oultre son domaine, de mettre un denier sur ses subjectz sans octroy et consentement de ceux qui le doivent payer, si non par tyrannie et violence. » Mais, ajoute l’historien, les menaces ni les remontrances ne purent obtenir de ce prince le soulagement du peuple : les intérêts de sa politique étaient seuls écoutés par lui.


1477.- La mort de Charles-le-Téméraire, qui fut tué devant Nanci, en délivrant Louis XI de son adversaire le plus puissant ; offrit au roi l’occasion de se remettre en possession des places et des revenus aliénés de la Picardie, et, après quelques hostilités, ide réunir à la couronne le comté et le duché de Bourgogne ; Les états de ces deux provinces demandèrent et obtinrent « que les particuliers et sujets fussent maintenus à toujours en toutes leurs droitures, franchises, libertés, prérogatives et privilèges. » L’acte qui reconnut ces précieuses prérogatives stipula que les trois états ne s’assembleraient qu’en vertu de lettres patentes, mais que l’on ne pourrait « lever ne cueillir sur iceux pays et duché, aides ne subsides, soit au profit du roi, ou d’autres, si non que les dictes aides n’ayent été octroyées et consenties par les gens des trois estats. »


1481. - De semblables stipulations conservèrent les états et les privilèges du comté de Provence, dont la cession, faite par Charles d’Anjou au comte du Maine, et par ce prince à Louis XI, ouvrit à la France la Méditerranée et le commerce du Levant. La Normandie et le Languedoc furent maintenus également dans le droit de discuter l’impôt; mais cette reconnaissance d’une prérogative ancienne n’était qu’une vaine formalité de la part du roi qui ne sut jamais respecter un traité[8].

Les états-provinciaux ne conservèrent qu’en apparence, sous ce règne, la libre discussion du subside demandé; mais s'ils ne furent pas à cette époque un obstacle à l’exigence de Louis XI, les contribuables possédaient du moins une garantie contre les concussions des exacteurs et contre l’arbitraire de la répartition, dans une institution qui laissait aux trois ordres de chaque province le choix de l’imposition, et la surveillance du recouvrement. Les pays d’élections, au contraire, c’est-à-dire ceux où l’impôt, établi sans règle et sans discussion aucune, était réparti par des officiers royaux, se trouvaient livrés sans protection à l’exigence comme aux abus, et supportèrent la majeure partie des charges qui résultèrent de l’augmentation apportée par Louis XI dans le nombre des troupes réglées. Ce prince, qui par sa politique autant que par ses armes, et par la terreur des supplices, marqua le terme de l’influence féodale sur le gouvernement monarchique, et soumit les seigneurs à l’autorité souveraine, sut aussi plier le peuple au joug des tributs arbitraires, mais par des moyens plus variés que ceux qu’il employa contre la noblesse.

Lors de son couronnement, Louis XI avait fait espérer aux habitants de Reims une diminution des impôts. La promesse ayant été sans effet, les bourgeois se soulevèrent au sujet de la gabelle, tuèrent plusieurs commis, et pillèrent les bureaux. Quatre-vingts bourgeois des plus coupables eurent la tête tranchée. Plus tard, lorsque les princes ligués menaçaient Paris, on a vu le roi supprimer la plupart des taxes dont se plaignaient la capitale et ses faubourgs[9].

Dans la suite, en même temps qu’il ajoutait à l’impôt le plus à charge aux campagnes, le roi les protégeait contre les seigneurs, en privant ceux-ci du droit de chasse. Il tâchait, mais inutilement, de réprimer le brigandage des gens de guerre par des règlements sur la discipline ; et, ce qui n’était pas moins funeste aux taillables, il les laissait livrés à tout l’arbitraire des agents du fisc, et à la rigueur des contraintes. Il favorisait les communes en étendant leurs privilèges, et le commerce intérieur par l’établissement de foires et de marchés ; il flattait la bourgeoisie en multipliant la distributions des lettres de noblesse ; il faisait revoir, étendre et améliorer les statuts des métiers ; en donnait à ceux qui n’en avaient pas encore obtenu, et fixait les taxes que, suivant l’esprit des temps, les maîtres nouvellement reçus devaient payer tant au trésor qu’à leur confrérie; il établissait des manufactures d’étoffes de soie et d’argent; et, afin de procurer à la France la matière première de ces riches tissus qu’elle tirait de l’Italie, il encourageait par des exemptions d’impôt et par d’autres privilèges, l’exploitation des mines de métaux précieux, et offrait à l’agriculture et à l'industrie la plantation des mûriers et l’éducation des vers à soie, dont les habitants de la Touraine ne surent pas profiter. Dans l'intention de diriger les vues de la nation vers le commerce extérieur, il accordait des privilèges aux roturiers qui s'y livraient, et le permettait aux nobles et aux ecclésiastiques, sous la condition de n’importer les marchandises que sur des bâtiments nationaux. A l’occasion d’une assemblée des notables des principales villes, il avait voulu que chacune lui députât deux des plus habiles négociants. Il appelait les marchands des Pays-Bas, tant par la suppression des taxes arbitraires dont ils étaient l’objet dans nos ports que par l’abolition en leur faveur des droits d’aubaine et de naufrage. Par de semblables avantages, et pour reconnaître l’attachement de la ville de Lyon, et un don en argent qu’elle lui avait octroyé, il attirait aux foires nouvellement accordées à cette ville les commerçants de la Savoie et des pays voisins qui précédemment fréquentaient celles de Genève. L’altération des monnaies était recherchée et sévèrement punie ; et, pour la facilité du peuple, on multipliait les menues monnaies connues sous le nom de li hardis (liards), du nom de Philippe-le-Hardi, qui le premier en avait fait fabriquer[10].

Après la guerre du bien public, que les princes avaient suscitée à Louis XI, les parlements et la cour des aides. devinrent l’objet de la sollicitude de ce roi politique. Il prorogea pour six années des crues sur la gabelle, dont le produit était spécialement affecté aux gages des magistrats, et il renouvela les ordres donnés pour que les vacations du matin et de l’après-midi leur fussent payées exactement. Attribuant à des suggestions étrangères les destitutions qu’il avait prononcées à son avènement, il reconnut le principe de l’inamovibilité des offices royaux, dans une déclaration portant qu’il ne serait disposé à l’avenir d’aucun emploi que dans le cas de vacance par décès ou démission, ou par forfaiture reconnue par juges compétents[11].

Sous ce règne, l’établissement des postes aux lettres procura encore du soulagement aux communes, et de nouvelles facilités au commerce. Jusque là, les dépêches et les messages des seigneurs étaient transportés aux frais des villes. Un intérêt que Louis XI avait à être promptement instruit des événements qui avaient lieu sur tous les points du royaume donna naissance à l’organisation des courriers; et, peu de temps après, il fut permis aux particuliers de se servir de cette voie pour faire parvenir leur correspondance.

Ces divers moyens, habilement employés par un roi à qui l’on connaissait la force et la volonté d’exiger, eurent un plein succès ; et la France se trouva, dès le règne de Louis XI, façonnée aux impôts perpétuels par l’habileté, qui en ouvre les sources, aidée de la puissance d’obtenir.

Ce n’est donc pas, comme le dit un historien, à la longue suite de guerres occasionnées par la rivalité de François Ier et de Charles-Quint qu’il faut descendre pour trouver l’origine et la cause des impôts permanents en France. On les verra, à la vérité, prendre un accroissement inquiétant pendant les événements remarquables de cette époque; mais déjà depuis long-temps ils avaient en France.une stabilité qui, si elle n’était pas consentie par les états-généraux, n’en était pas moins réelle[12].

Depuis que Charles VI, en effet, ou plutôt ceux qui gouvernaient en son nom, avaient, nonobstant l’opposition des peuples, rétabli par la force les droits sur le sel, sur les marchandises et sur les boissons, ces impôts n'éprouvèrent qu'une interruption momentanée. Les rois en ordonnèrent la continuation et même l’augmentation, sous la simple formalité de l’enregistrement dans la cour de parlement, conformément à ce qui se pratiquait pour les autres actes de l’autorité royale. Dès lors, des tributs qui, dans l’origine, n’a été qu’une aide ou subvention octroyée par l’assemblée des états-généraux de la nation, dans les besoins pressants, et toujours pour un temps limité, furent considérés par la couronne comme des droits résultant de la souveraineté. L’établissement, sous Charles VII, d’une taille qui devait être perpétuelle, en raison de son affectation, vint fortifier cette prétention avantageuse à la royauté. Louis XI consolida l’ouvrage des rois qui l’avaient précédé, et prépara une plus grande facilité à ses successeurs, parce qu’il avait abattu dans la noblesse la seule puissance qui pût alors mettre des bornes aux nouvelles prérogatives du trône.

L’organisation en France d’une force militaire indépendante du caprice des seigneurs a donc été à la fois la cause et le moyen de la permanence des impôts, comme le développement de cette même force devint, dans la suite, le principal motif de leur accroissement rapide. Par ce même moyen aussi furent détruits les obstacles qui depuis long-temps privaient l’état d’un revenu annuel et certain, indispensable à la marche de tout gouvernement régulier. Mais, comme ce revenu avait été obtenu sans la reconnaissance d’un droit public et sans l’intervention des différentes classes qui auraient dû concourir à sa formation, dans ce régime d'impôts qui allait remplacer des ressources précaires toujours péniblement obtenues, les intérêts du plus grand nombre furent entièrement sacrifiés aux deux premiers ordres de l’état.

Le clergé payait à la vérité les tailles dues par les fonds qu’il possédait, mais il était exempt de la taille personnelle; et les dîmes qu’il levait lui assuraient, aux dépens de l’agriculture, un revenu toujours croissant.

La noblesse, conservant un privilège que semblait devoir éteindre l’existence des troupes réglées qui partageaient avec elle le soin de la défense du pays, fut exempte de tailles; et elle continua en même temps d’exiger du troisième ordre les droits à la mutation des propriétés, les corvées, les péages, toutes les servitudes, et tous ceux des droits enfantés par le despotisme féodal, que le trône n’avait pu ou n’osait pas revendiquer à titre de droits régaliens.

Le tiers-état, au contraire, qui, si l'on en excepte les taxes sur les consommations, supportait à lui seul le poids des charges créées au profit du trône et des privilèges, voyait s’introduire l'usage d’établir et d’augmenter le tribut public sans sa participation; et il touchait au moment d’être privé de la faculté de délibération sur les impôts, malgré une nouvelle tentative qu’il fit pour la conserver, de concert avec les autres ordres.


  1. Ordon. du Louvre, t. 15, p. 53, 55 à 58, 99, 467.- Mémoires de Commines. - Mézerai. - Boulainvilliers.- Anquetil.
  2. Mémoires de Commines. - Ordon. du Louvre, t. 16, p. 95. Mézerai, etc.
  3. Mémoires de Commines. — Ordon. du Louvre t.16, p. 255, 378, 380.- Mézerai, etc.
  4. Mémoires de Commines.- Ordon. du Louvre, t. 16, p. 333, 335, 339,341 et 435.
  5. Ordon. du Louvre, t. 16, p. 365 et suiv.- Mémoires de Commines.
  6. Economies royales de Sully, t. 8, p, 455. - Mémoires de Commines.- Guy Coquille, chap, 5.- Ordon. du Louvre, t. 17 p. 353, etc.
  7. (1) Ordon. du Louvre, t. 17, p. 289, 384, 592.- Mém. de Commines.- Mézerai.
  8. Moreau de Beaumont, t : 2, p. 149. - Œuvres de Pasquier, t. 1, p. 637, B.- Ordon. du Louvre, t.15, p. 627 et suiv.
  9. Comptes de Mallet, p. 6.
  10. Ordon. du Louvre, t. 15, p. 348, 5115 t. 17, p. 33, 453 et 454.
  11. Ordon.du Louvre, t. 4, p. 15, 16, et t. 17, p. 20, 25, 31 et 68.
  12. Robertson, Hist. de Charles-Quint.