Histoire de dix ans/Tome 5/Documents

(Vol 5p. 509-523).
DOCUMENTS HISTORIQUES.


Note adressée par le Directoire à M. le duc de Montebello, ambassadeur de France près la Confédération Suisse. — Note adressée par l’ambassadeur de France à LL. EE. MM. les avoyer et conseil-d’état de la république de Berne, Directoire fédéral. — Réponse à la note de M. l’ambassadeur du roi des Français, adoptée par la Diète dans la séance du 29 août. — Note adressée par l’ambassadeur de France à MM. les avoyer et conseil-d’état de la république de Berne, Directoire fédéral. — Réponse à M. de Montebello par la Diète helvétique. — Traité de paix entre le général Desmichels et Abd-el-Kader. — Traite de la Tafna entre le lieutenant-général Bugeaud et l’émir Abd-el-Kader.

N°1.

NOTE

Adressée par le Directoire à M. le duc de Montebello, ambassadeur de France près la Confédération Suisse.
Berne, 22 juin 1836.

Informes que plusieurs réfugies politiques, expulsés de la Suisse pour avoir participé en 1834 à l’attentat contre la Savoie, ont reparu en Suisse, et qu’un certain nombre de réfugies ont tramé dans les derniers temps le désordre, et même, à ce qu’il paraît, une invasion à main armée dans le grand-duché de Baden limitrophe de la Suisse, les avoyer et Conseil d’État de la République de Berne, Directoire actuel de la Confédération suisse, ont cru de leur devoir, autant envers la Suisse qu’envers les États limitrophes avec lesquels la Suisse entretient avec plaisir des rapports de bon voisinage, de prendre les mesures qui, dans les limites de leur compétence, ont paru les plus propres à mettre une fin à des menées aussi compromettantes pour la Confédération que pour ses voisins. Ils ont donc engagé de la manière la plus pressante tous les gouvernements cantonaux à faire arrêter et tenir à leur disposition tous les réfugiés politiques qui ont pris part à l’expédition de la Savoie, et qui, expulsés de la Suisse pour cet attentat, y ont reparu, ainsi que tous ceux qui ont compromis ou qui pourraient compromettre encore les intérêts de la Suisse en se mêlant dans les affaires intérieures de la Confédération ou des cantons, ou qui troublent par des entreprises subversives les rapports de bonne intelligence heureusement existants entre la Suisse et tous les autres États.

Le Directoire fédéral est résolu à faire évacuer la Suisse de tous les réfugiés qui se trouvent dans les catégories indiquées mais, pour pouvoir parvenir efficacement à des mesures aussi salutaires pour le repos des États voisins et de la Confédération elle-même, et aussi conformes aux rapports internationaux, il a besoin de l’assistance d’une des Puissances limitrophes.

En se rappelant avec une vive gratitude les procédés pleins de bienveillance que le gouvernement royal de France n’a cessé d’avoir pour la Suisse toutes les fois qu’elle s’est trouvée dans des embarras desquels elle ne pouvait sortir d’elle-même à cause de sa position intermédiaire, les avoyer et Conseil d’État du Directoire fédéral ont l’honneur de s’adresser à S. E. M. l’ambassadeur de France en Suisse, avec la demande la plus pressante de bien vouloir engager ses hauts commettants à recevoir sur le territoire français tous les réfugiés politiques que le Directoire fédéral ou les gouvernements des cantons seraient dans le cas de faire conduire sur la frontière de France.

Ils ont l’honneur de joindre à cette note une liste des individus les plus impliqués dans les intrigues qu’on vient de découvrir, ainsi que de ceux qui, pour avoir pris part à l’expédition de la Savoie, avaient été expulsés de la Suisse et y ont reparu.

En priant M. le duc de Montebello de bien vouloir appuyer leur demande de toute son influence, les avoyer et Conseil d’État du Directoire fédéral de Berne ont l’honneur de réitérer à S. Exc. les assurances de leur très-haute considération.

Les avoyer et Conseil d’État du Directoire fédéral de Berne.

(Suivent les signatures.)
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N°2.

NOTE Adressée par l’ambassadeur de France à LL. EE. MM. les avoyers et Conseil d’État de la république de Berne, Directoire fédéral.

Le soussigné, ambassadeur de S. M. le roi des Français près la Confédération suisse, a reçu la note que S. E. M. le président du Directoire fédéral lui a fait l’honneur de lui adresser le 22 juin au sujet des mesures que le Vorort a cru devoir adopter pour expulser du territoire de la Confédération les réfugiés qui, déjà atteints par une semblable décision, après avoir participé en 1834 à l’expédition tentée contre la Savoie, ont osé reparaître en Suisse, et ceux qui plus récemment ont abusé de l’hospitalité helvétique en s’associant à des complots contre la tranquillité des États limitrophes. M. le président du Directoire, sollicitant à cette occasion un nouveau témoignage de l’intérêt amical dont la France s’est déjà plu à donner tant de preuves à la Confédération, a exprimé, au nom du Vorort, le désir de voir le gouvernement du roi seconder ses intentions en donnant passage à travers le royaume aux réfugiés qui devront quitter la Suisse.

Le soussigné, s’étant empressé de mettre cette communication sous les yeux du gouvernement, a reçu l’ordre d’y répondre de la manière suivante :

Le gouvernement du roi a vu avec plaisir une démarche aussi conforme à la tranquillité intérieure de la Suisse qu’à l’intérêt bien entendu de ses rapports de droit international, et il n’a pas été moins satisfait de retrouver dans le discours prononcé par M. le président du Directoire, à l’ouverture de la Diète fédérale, les principes de la saine et loyale politique qui ont inspiré cette sage résolution. Constamment animé des sentiments de la plus sincère amitié pour la Suisse, et toujours prêt à lui en renouveler les témoignages, le gouvernement de Sa Majesté n’a point hésité à prendre en considération la demande qui fait l’objet de la note de S. E. M. l’avoyer Tscharner, et le Directoire peut compter, en cette occasion, sur le concours bienveillant que l’administration française s’est déjà fait un devoir de lui prêter dans des circonstances analogues. Le soussigné est d’ailleurs autorisé à déclarer que le gouvernement du roi, pour rendre plus facile à la Suisse l’acccomplissement d’un devoir impérieux, consent à accorder aux réfugies dont l’expulsion aura lieu, les moyens pécuniaires propres à subvenir à leur subsistance pendant un certain temps à partir du jour de leur embarquement dans un des ports du royaume.

Il importe dès-lors que les mesures ordonnées par le Vorort s’exécutent ponctuellement. On ne saurait d’ailleurs prévoir qu’il puisse renaître, sur quelque point de la Confédération, des susceptibilités semblables à celles qui s’élevèrenf en 1834, en matière de droit d’asile. De tels scrupules seraient il faut le dire, moins fondés que jamais, et dénoteraient seulement une appréciation peu réfléchie d’une question sans doute très-délicate, mais dont ici les termes ne sauraient avoir et n’ont assurément rien d’équivoque.

En effet, ce n’est pas le gouvernement du roi qui pourrait méconnaître ce que le droit d’asile a de réel et de sacré. La France et l’Angleterre ne l’exercent pas moins généreusement que la Suisse, et certes il est loin de leur pensée de vouloir le lui contester. Mais, comme tout autre, ce droit a ses limites et suppose aussi des devoirs à remplir. Il ne peut, il ne doit exister qu’à la condition indispensable que l’application n’en aura rien de contraire aux règles non moins sacrées du droit des gens, c’est-à-dire à la sécurité des autres États, laquelle a des exigences plus ou moins légitimes, plus ou moins impérieuses, suivant la situation géographique des pays intéressés à ce que leur repos ne soit pas compromis, ou selon l’organisation intérieure de ceux où le droit d’asile est en honneur. Ainsi, par exemple il est évident que l’Angleterre, isolée du continent par sa position insulaire, peut donner, sans danger pour les autres États, une plus large extension à ce droit ; et qu’un pays constitué comme la France, avec sa puissante organisation administrative, sa force militaire et les moyens de police dont elle dispose, peut offrir, sous le même rapport, des garanties également rassurantes ; tandis que ces garanties n’existent pas habituellement pour la Suisse, non que ses intentions puissent être mises en doute, mais parce que sa constitution fédérative, son fractionnement en vingt-deux États souverains, régis par des législations différentes et par des principes divers d’administration, ne sauraient permettre qu’elle ait au même degré les moyens de surveillance et de répression contre les réfugiés qui, accueillis sur son territoire, oseraient abuser du bienfait de l’hospitalité au détriment des États avec lesquels la Confédération helvétique est en paix.

Ainsi donc, dans les mesures adoptées par la sagesse du Directoire, et dont le gouvernement du roi consent à faciliter, autant qu’il dépendra de lui, l’exécution, il ne s’agit aucunement de porter atteinte au droit d’asile, mais d’en rendre l’exercice compatible avec le droit international, avec le repos des pays voisins de la Suisse, avec l’honneur et les intérêts de la Confédération tout entière.

Ces vérités incontestables trouveraient, s’il le fallait, une démonstration encore plus éclatante dans les enseignements du passé et dans l’autorité d’exemples récents, ou, pour mieux dire, dans le témoignage de faits actuels. Il suffirait à cet égard de rappeler l’expédition tentée en 1834 contre la Savoie par les réfugies admis en Suisse ; la fâcheuse influence que cette entreprise, hautement condamnée par le Directoire, mais qu’il ne s’était pas trouvé en mesure de prévenir, exerça sur les relations extérieures de la Confédération les nombreuses et graves complications dont elle fut la source. Il suffirait également de rappeler les machinations bien plus récemment ourdies contre la tranquillité de certains États de l’Allemagne, machinations découvertes par un des gouvernements de la Suisse, officiellement dénoncées par le Directoire fédéral, et dont, par ce motif, la Suisse se doit à elle-même de ne pas tolérer les auteurs ou les complices sur son territoire. Le soussigné n’a parlé jusqu’à présent que de la Sardaigne et de l’Allemagne, dont ces attentats et ces complots menaçaient la sécurité. Mais la France elle-même n’est-elle pas éminemment intéressée dans cette importante question de droit international, lorsqu’il est avéré que les réfugiés en Suisse sont en rapport avec les anarchistes français, lorsque leurs indiscrétions attestent si évidemment la connaissance qu’ils ont des abominables projets des régicides, lorsqu’enfin il est démontré que leurs desseins se lient tout au moins d’intention et d’espérances aux crimes récemment tentés en France ? Il est clair qu’un pareil état de choses ne saurait plus se prolonger, tant pour la Suisse elle-même que pour les autres Puissances. Nul doute encore que si les étrangers, dont les trames révolutionnaires

tendent à le perpétuer, n’étaient pas éloignés du sol helvétique, les gouvernements menacés par leurs coupables desseins ne se vissent dans la nécessité de prendre des mesures dictées par le sentiment impérieux de leur propre sécurité, et que dès-lors la Confédération n’ait le plus grand intérêt à prévenir ces inévitables déterminations.

En définitive, l’Allemagne et l’Italie ont le droit de s’attendre à ce que les hommes qui conspirent contre leur repos cessent de recevoir en Suisse un asile dont ils se sont rendus indignes. Mais la France, intéressée à le demander au même titre, est encore en droit de le réclamer au nom de cet intérêt politique qui l’unit à la Suisse, et qui la porte sincèrement à désirer que la Confédération helvétique soit tranquille, qu’elle n’entretienne que des relations de bonne harmonie avec toutes les Puissances ; qu’en un mot, sa situation, vis-à-vis de l’Europe, soit ce qu’elle doit être, facile, régulière et conforme à la bienveillance dont l’Europe n’a pas cessé d’être animée pour les cantons. C’est donc, à vrai dire, de l’intérêt de la Suisse qu’il s’agit personnellement ici, et le gouvernement du roi aime à trouver dans la note à laquelle le soussigné a l’honneur de répondre, aussi bien que dans le langage de M. le président de la Diète, la preuve qu’aucune de ces graves considérations n’avaient échappé à la pénétration du Directoire fédéral. Dès-lors il ne reste plus au gouvernement de S. M. qu’à souhaiter que des manifestations aussi rassurantes ne demeurent point infructueuses, et que les résultats qu’elles promettent ne se fassent point attendre. La réunion de la Diète lui paraît sous ce rapport, la circonstance la plus heureuse, et le gouvernement fédéral sera sans doute empressé de la saisir pour obtenir de cette haute assemblée les moyens d’assurer, dans chacun des cantons, la prompte et complète exécution des mesures dont il a décrété l’adoption.

Le Directoire comprendra sans doute également que, si cet espoir était déçu, si les gages que l’Europe attend de lui devaient se borner à des déclarations, sans qu’aucun moyen de coercition vint les appuyer au besoin, les Puissances intéressées à ce qu’il n’en soit pas ainsi seraient pleinement en droit de ne plus compter que sur elles-mêmes pour faire justice des réfugiés qui conspirent en Suisse contre leur tranquillité et pour mettre un terme à la tolérance dont ces incorrigibles ennemis du repos des gouvernements continueraient à être l’objet. Il n’est pas moins évident que la France, après s’être inutilement efforcée, par des conseils et des avertissements répétés, de prémunir la Suisse contre le danger de contraindre les États d’Allemagne et d’Italie à donner cours à des résolutions éventuellement arrêtées par eux de la manière la plus positive, n’aurait plus qu’à pourvoir, dans le même but, en ce qui la concerne, à ce que lui prescrirait l’intérêt non moins légitime de sa propre sécurité.

Mais le soussigné aime à le répéter ici, le gouvernement du roi a la confiance que le Directoire, loin de se méprendre sur le caractère franchement amical d’une communication si complètement en harmonie avec les principes qu’il vient encore de proclamer, n’hésitera pas à réclamer de la Diète, et surtout à mettre en œuvre les moyens les plus propres à préserver, par la prompte expulsion de tous les réfugiés qui se trouvent dans le cas d’être atteints par cette mesure, le maintien des rapports de bonne intelligence que la Confédération helvétique est intéressée à entretenir avec toutes les Puissances qui l’avoisinent. La bienvéillante amitié de la France lui ouvre, à cet égard des voies sans lesquelles il serait difficile à la Suisse d’atteindre un but si désirable. La haute sagesse du gouvernement fédéral garantit qu’il s’empressera de les mettre à profit, et d’acquérir ainsi de nouveaux titres à l’estime de l’Europe.

Le soussigné saisit cette occasion pour offrir à LL. EE. MM. les avoyer conseil d’État de la république de Berne, Directoire fédéral, les assurances de sa haute considération.

Berne, le 18 juillet 1836.

Signé Duc de Montebello

N° 3.

RÉPONSE

A note de M. l’ambassadeur du roi des Français, adoptée par la Diète dans la séance du 29 août.

La Suisse, compromise par des réfugiés qui ont abusé de son hospitalité, avait à remplir des devoirs en satisfaisant aux exigences du droit international. Fidèle à ses rapports avec les autres États, elle s’est empressée de prendre ses obligations pour règle.

Des poursuites ont été dirigées par le Vorort et par plusieurs cantons avec non moins d’activité que de succès contre des agitateurs étrangers. L’action de la justice et celle de la haute police ont eu leur cours régulier ; déjà un grand nombre des étrangers perturbateurs ont été conduits hors des frontières.

Afin de renforcer cette action par celle de la Confédération, le Directoire a soumis cet objet à la Diète. Celle-ci procédant avec les formes qu’exigeaient la nature de ses délibérations et l’importance de la matière, vient de prendre un arrêté d’après lequel le concours des autorités fédérales et cantonales débarrassera la Suisse, dans un bref délai, des étrangers dont la présence pourrait encore compromettre jusqu’à un certain point sa tranquillité intérieure et ses relations avec les autres États.

Cette mesure a été prise conformément au droit international, dont la Suisse reconnait et veut faire respecter les principes. La fidélité à l’accomplissement de ses devoirs fait partie de cet honneur helvétique que la Confédération est jalouse de conserver.

Mais elle n’est pas moins jalouse de conserver ses droits, et dans ce nombre, le droit de l’hospitalité. Le sol de ses cantons a été de tout temps une terre hospitalière : tous les malheurs y ont trouvé un refuge, toutes les grandeurs déchues, toutes les espérances trompées, un abri et souvent le repos.

Personne n’est plus intéressée que la Suisse elle-même à ce que ce titre d’honneur se conserve pur de toute souillure. Aussi peut-on s’en rapporter à son intérêt pour se persuader que sa vigilance ne négligera aucun moyen d’empêcher les étrangers d’abuser de son hospitalité.

Elle l’a prouvé en rompant les trames ourdies par des réfugiés. Le Directoire, organe des sentiments qui unissent la Confédération aux États avec lesquels elle aime à entretenir des relations de bon voisinage, s’est empressé d’informer la France, par sa note du 22 juin, de la découverte faite et de la poursuite commencée.

La Suisse entière a donc dû éprouver un sentiment de surprise lorsque le Directoire a reçu, en réponse à une communication amicale, une note dans laquelle le ton du reproche est à peine adouci par la bienveillante amitié dont la France y fait encore profession pour la Suisse, et dont l’expression sincère est le seul langage auquel la Confédération ait été accoutumée de la part de cet État, son puissant voisin.

En réponse à la communication des mesures prises contre les réfugiés dont la Suisse venait de déjouer les desseins, en réponse à une demande de coopération pour l’expulsion des coupables, la note de M. l’ambassadeur suppose que les gages que l’Europe attend de la Suisse pourraient se borner à des déclarations !

La Confédération ne devait surtout pas s’attendre à voir la France se faire un grief contre elle des complots tramés dans quelques cantons. En effet, les enquêtes judiciaires et administratives ont prouvé jusqu’à l’évidence qu’aucun des complots constatés n’a été dirigé contre la France, mais qu’au contraire y ont été conçus ; que le foyer des conspirations est à Paris, que les ordres pour les milices secrètes des conspirateurs partent de Paris.

La France, par l’intermédiaire de M. le duc de Montebello, accuse la faible organisation de la police suisse, avec laquelle elle fait contraster sa puissante organisation administrative, sa force militaire, et les moyens de police dont elle dispose.

Comment se fait-il donc que les cantons et le Vorort aient découvert d’eux-mêmes les projets signalés avec tant de soin par la France, qu’ils aient expulsé un grand nombre de coupables, et livré quelques autres aux tribunaux, tandis que la France n’a pas encore pu atteindre les chefs, ni découvrir le principe du mal caché dans son sein ? Comment se fait-il que, précédemment déjà, elle n’ait ni prévu ni empêché l’évasion armée de plusieurs centaines de Polonais, et leur invasion en Suisse, et qu’elle n’ait pas davantage su arrêter sur son territoire le corps de réfugiés qui pénétra en Savoie sous les ordres de Ramorino ?

Si la Suisse réprime les étrangers dont les intentions criminelles se sont trahies par des actes appréciables, elle ne saurait faire de même à l’égard de ceux dont on soupçonne simplement que les desseins se lient tout au moins d’intention et d’espérance à des crimes tentés

en France. La Suisse, en vertu du conclusum de la Diète du 23 août, prend des mesures contre les étrangers qui se sont rendus coupables par des faits constatés ; mais sa police ne descendra jamais dans les consciences pour y surprendre des intentions, et ses tribunaux ne puniront jamais des espérances.

L’office de M. le duc de Montebello ne respecte pas assez les légitimes susceptibilités de la Suisse, lorsqu’il suppose le cas où elle manquerait à ses obligations internationales. La Confédération a montré par des faits qu’elle connalt ses devoirs sans qu’on les lui rappelle, et qu’elle les remplit sans qu’on l’en somme. Mais elle connaît de même ses droits, que sa position géographique n’affaiblit point. Aussi ne saurait-elle admettre la prétention que d’autres qu’elle-méme s’arrogent le droit de faire justice des réfugiés qui conspirent en Suisse et de mettre un terme à la tolérance qu’elle exerce. La Diète repousserait de la manière la plus énergique une telle violation de la souveraineté fédérale, forte du droit d’un État souverain et indépendant, ainsi que de l’appui de la nation entière.

La Suisse s’est honorée pendant des siècles de mériter et d’obtenir l’amitié de la France ; elle s’est plu à entretenir des relations de bonne harmonie entre les deux pays ; ses régiments ont versé leur sang sous les bannières françaises ; ils ont défendu le roi de France à Meaux, et combattu dans le palais des Tuileries et sur les bords de la Bérésina. Aujourd’hui encore la Confédération désire que la même réciprocité de dispositions amicales continue de subsister entre les deux nations, et elle se flatte d’avoir d’autant plus de droits à l’affection bienveillante de la France, qu’elle est décidée à n’acheter l’amitié de personne au prix de son indépendance et de sa dignité comme État souverain.


N°4.

NOTE

Adressée par ambassadeur de France à MM. les avoyer et Conseil d’État de la république de Berne, Directoire fédéral.

Le soussigné, ambassadeur de S. M. le roi des Français auprès de la Confédération suisse, a porté à la connaissance de son gouvernement la note que le Directoire fédéral lui a adressée le 29 août dernier. Il vient de recevoir l’ordre de remettre au Directoire la note suivante :

Ce n’est pas d’aujourd’hui que la présence des étrangers réfugiés sur le territoire de la Suisse a troublé son repos et compromis son indépendance. Depuis plus de deux ans, leur conduite et la condescendance de plusieurs cantons à leur égard inquiétèrent les Puissances voisines de la Suisse et provoquèrent leur mécontentement. Les réclamations de ces Puissances ne se firent pas attendre, et les cantons se virent demander des mesures de précaution et de sûreté que les relations de bon voisinage, autant que leur propre intérêt, auraient dû peut-être leur suggérer et les porter à prendre d’eux-mêmes.

La France n’était point engagée directement dans le débat ; mais, fidèle à ses anciens sentiments, elle saisit cette occasion pour témoigner combien elle avait à cœur les intérêts, l’indépendance et la dignité de la Confédération pour faire preuve d’une affection que le temps a cimentée entre deux peuples voisins, entre deux États également intéressés en Europe au maintien des droits de tous, le gouvernement du roi s’interposa entre la Suisse et les Puissances réclamantes ; il conseilla de toute part la modération ; il s’attacha à obtenir que ni l’irritation ni la force ne vinssent compliquer une question délicate. Des mesures destinées à rassurer l’Europe furent consenties ou plutôt délibérées par la Suisse dans l’intérêt même de son repos. La Diète fit de sages promesses ; la France les prit en quelque sorte sous sa garantie, et c’est ainsi qu’elle épargna à la Suisse, par une intervention bienveillante, ou les risques d’un conflit, ou les inconvénients d’une concession dont sa dignité aurait pu souffrir ; il lui importait, en effet, non-seulement que l’indépendance helvétique fût essentiellement respectée, mais encore qu’elle fût ménagée jusque dans ses moindres formes. Elle avait à cœur (et ses sentiments n’ont point changé ) de faciliter à un pays ami le maintien de cette politique digne et modérée qui jusque-là avait dirigé ses conseils. C’est ainsi que, depuis six années, la France a appuyé de son influence cette sagesse et cette modération qu’essayaient de faire prévaloir en Suisse des hommes aussi amis de l’indépendance de leur pays qu’ennemis de l’anarchie et des factions.

Cependant les promesses avaient été imparfaitement tenues le but n’était point atteint ; les plaintes des Puissances voisines s’étaient renouvelées, et lorsque, le 22 juin 1836, le Directoire, reconnaissant enfin l’insuffisance des mesures prises jusqu’à ce moment, invita les cantons à en adopter de plus efficaces, et dénonça à la France les coupables menées de quelques-uns des étrangers dont le territoire helvétique était devenu t’asite, le gouvernement du roi applaudit à de si sages résolutions, et, pour en faciliter l’accomplissement, il permit aux réfugiés dont t’expulsion était demandée, d’emprunter le territoire français pour se rendre à leur nouvelle destination. Ainsi provoqué par la Suisse même, qui, avouant l’existence des complots dénoncés, reconnaissait et les devoirs et les droits que l’intérêt de leur propre conservation donnait aux Puissances voisines, il crut répondre aux intentions mêmes de ce pays, et seconder ses sages dispositions, en posant le vrai principe du droit d’asile, tout en assignant à ce droit les limites dont la conduite même de la Suisse était une reconnaissance si formelle.

Le monde sait comment la note où le Cabinet français exprimait ses idées, conformes d’ailleurs aux vues et aux mesures dont le Directoire avait pris l’initiative, fut accueillie par la Diète, et commentée par une opinion qui commençait à tout envahir dans quelques cantons, et dont la domination récente semble avoir déplacé le pouvoir domination funeste

qui, si elle se prolongeait, dénaturerait à la fois et la politique, et le caractère, et les mœurs même d’un peuple renommé par sa droiture, par sa sagesse, par le sentiment de sa vraie dignité.

Une note fut remise au soussigné, le 29 août, en réponse à ses communications. Elle annonçait les dispositions adoptées par la Diète elles étaient en parties conformes aux mesures de précaution que le soussigné avait cru devoir conseiller ; et, bien qu’elles ne fussent pas aussi complètes, aussi énergiques que l’aurait désiré le gouvernement du roi, aucune objection grave ne s’éleva contre le conclusum du 23 août, qui contenait du moins une reconnaissance explicite du principe posé par la France.

Mais, à côté de ces dispositions, la note présentait une étrange réponse aux réflexions que le soussigné avait reçu l’ordre de communiquer au Directoire. Dans cette réponse, les conseils donnés par la France avec autant de désintéressement que de bienveillance, sont interprétés avec amertume, repoussés avec irritation ; ses intentions sont dénaturées, ses paroles perverties. Certes, la France devait voir dans cet acte une offense grave. Justement blessée, elle sacrifia au désir de prévenir des complications nouvelles tout ce que pouvait lui inspirer un légitime ressentiment ; elle imputa un langage qu’elle est fondée à déclarer sans exemple, non à la Suisse, mais à ce parti qui prétend la dominer. Le gouvernement du roi resta convaincu que, de ce jour, l’indépendance helvétique était prête à tomber sous le coup d’une tyrannie intérieure, et que c’en était fait des influences pacifiques et régulatrices auxquelles la Suisse avait dû jusque-là son bonheur et son repos. Une faction composée d’éléments divers a usurpé, soit dans l’opinion, soit au sein des pouvoirs publics, une prépondérance fatale à la liberté de la Suisse ; consacrée par le temps, garantie par les mœurs, cette liberté est le patrimoine incontesté, le paisible héritage d’une nation qui compromettrait sa renommée historique si jamais elle se laissait dominer par des conspirateurs insensés, qui n’ont encore réussi qu’à déshonorer la liberté.

Il était impossible de méconnaître l’empreinte de l’esprit d’anarchie dans quelques-uns des actes qui viennent d’être signalés, et surtout dans les publications qui les suivirent.

Mais un incident inouï est venu compliquer une situation déjà grave, et jeter un triste jour sur l’origine et la portée du changement déplorable qui semble s’accomplir dans la politique de la Suisse ; le complot dont le nommé Conseil a été l’artisan ou l’instrument, offrit une nouvelle preuve de l’incroyable perfidie des factions et de la mollesse non moins incroyable de quelques-uns des pouvoirs constituée. Un guet-à-pens a été concerté presque publiquement contre l’ambassade de France, et, chose plus étrange, il s’est trouvé des pouvoirs assez faibles ou assez dupes pour se rendre complices d’une manœuvre tramée par les ennemis de tout pouvoir.

Quelques réfugiés semblent s’être proposé d’amener la Confédération à rétracter les principes, à désavouer les mesures énoncées dans le conclusum du 23 août. Le succès a dépassé toutes leurs espérances ; un acte de basse vengeance contre le représentant d’un grand État, conçu et accompli par quelques révolutionnaires, a été pour ainsi dire adopté par l’autorité légale comme une représaille de gouvernement à gouvernement.

On arrache, ou on feint d’arracher à un aventurier, le poignard sur la gorge, de prétendus aveux. Ceux-là même qui l’ont pris pour instrument renouvellent entre eux une sorte de tribunal vehmique ; il est livré par cette justice occulte à la justice publique, qui se reconnaît régulièrement saisie, et accepte toute cette série de crimes secrets, comme un commencement d’instruction. Une enquête est ordonnée, non contre les anitiés d’une association redoutable, mais sur les faits qu’ils créent et qu’ils dénonçent. Le Directoire défère cette enquête sans exemple à la Diète une commission est nommée, et la Diète sanctionne par son vote les conclusions d’un rapport où les principes du droit des gens sont outrageusement méconnus ; ainsi les étrangers font la police, les conspirateurs provoquent des arrêts, saisissent les autorités ! — Certes, la France peut le dire, le jour où de tels actes s’accomplissent, c’est bien moins le respect du nom français que le sentiment de l’indépendance helvétique qui est anéanti dans les cantons qui n’ont pas craint de s’associer à de pareilles machinations.

Si de tels procédés ne sont promptement désavoués, la France se demandera si le droit des gens subsiste encore entre deux États limitrophes, entre deux Puissances alliées, entre deux pays libres, qui ont en commun tant de principes d’affection et de souvenirs ?

Tout en laissant à la Suisse le temps de se soustraire à de funestes et criminelles influences, et de revenir à ce système de modération et de justice dont ces gouvernements n’auraient jamais dû s’écarter, la France se doit à elle-même de témoigner d’une manière éclatante qu’elle ressent l’injure, et qu’elle en attend la prompte satisfaction. Jusqu’à ce que cette satisfaction soit donnée, le soussigné reçoit l’ordre de son gouvernement de cesser tout rapport avec la Suisse, et d’attendre dans cette attitude qu’une politique plus sage ait repris l’empire dans ses conseils.

C’est de la Suisse égarée et asservie à la Suisse éclairée et libre que la France en appelle, et c’est de cette dernière qu’elle attend une prompte satisfaction. Elle croit fermement que la Suisse ne tardera pas à retrouver dans ses souvenirs, dans ses intérêts bien compris, dans ses sentiments véritables, des inspirations qui la préserveront des périls auxquels l’expose use poignée de conspirateurs étrangers. Si par malheur il en devait être autrement, forte de la justice de sa cause, elle n’écoutera plus que sa dignité offensée, et jugera seule alors des mesures qu’elle doit prendre pour obtenir une juste satisfaction. Enfin, elle saura, et sans compromettre la paix du monde, montrer qu’elle ne laissera jamais un outrage impuni.

Le soussigné saisit cette occasion pour offrir à LL. EE. MM. les avoyer et Conseil exécutif de la république de Berne, Directoire fédéral les assurances de sa haute considération.

Berne, le 27 septembre 1836.
Signé Duc de Montebello.

N°5.

RÉPONSE A M. DE MONTEBELLO

Par la Diète helvétique.

La France et la Suisse, unies depuis des siècles, voient la bonne harmonie qui régnait entre elles compromise par un malentendu. L’un et l’autre État doivent désirer le rétablissement des anciens rapports. Comme le différend provient d’une erreur, des explications loyales sont le moyen de la terminer et de rétablir les précédentes relations entre les deux pays.

Dans la note du 27 septembre, le gouvernement de S. M. le roi des Français se plaint de la marche suivie par la Diète dans l’affaire concernant Conseil. Avant que la Diète, qui n’avait pas fait naître cet incident, ait pu donner aucune communication, les rapports des deux États ont été interrompus par ordre du gouvernement français. La Suisse voit avec d’autant plus de peine cette mésintelligence, qu’elle n’a jamais pu avoir l’intention de porter la moindre atteinte aux relations amicales qui subsistaient entre elle et la France.

M. le duc de Montebello avait signalé par son office du 19 juillet, à l’autorité fédérale, le nommé Conseil. Le Directoire transmit à la Diète les pièces relatives à cet individu qui venait d’être arrêté. La Diète estimant dès-lors que M. le duc aurait dû retirer son office, et trouvant une connexion entre l’objet de la note du 19 juillet et les pièces saisies, décida d’envoyer celles-ci au gouvernement du roi, sans arrière-pensée et sans avoir l’intention d’offenser le gouvernement ni son ambassadeur. Elle n’a jamais entendu joindre à son envoi un rapport de commission qui, n’exprimant que la pensée des commissaires, regardait uniquement les relations ce ceux-ci avec la Diète, et qui d’ailleurs, renfermait une opinion de majorité et une opinion de minorité.

Les circonstances qui sont survenues ont fait comprendre à la Diète que contre ses intentions, la décision a été interprétée d’une manière défavorable par la France, elle a résolu en conséquence de ne pas y donner suite.

La note de M. le duc de Montebello du 27 septembre renferme de graves erreurs sur la situation intérieure de la Confédération suisse. La Diète pourrait repousser par des faits, des allégations sans fondement ; elle trouverait ses preuves dans la constitution sociale des cantons, ainsi que dans leur état matériel et moral, mais elle n’acceptera pas ce débat. Les cantons helvétiques ne sauraient reconnaître à aucun État étranger le droit de surveiller leurs institutions ou de contrôler la marche de leurs gouvernements, ni d’intervenir directement ou indirectement dans les délibérations des conseils de la Confédération. La Suisse se doit à elle-même d’invoquer à cet égard les principes du droit des gens et les traités qui l’ont constituée comme État indépendant. }}

Du reste, la Diète, après les explications franches qu’elle vient de donner, espère que les rapports d’amitié entre la France et la Suisse, cimentés par le temps et les habitudes seront rétablies dans l’intérét des deux pays et dans celui de la justice. Elle aime à croire que les liens d’une vieille alliance, momentanément relâchés, vont se resserrer et se raffermir, et que des griefs passagers n’auront servi qu’à mieux faire sentir aux deux nations les avantages réciproques d’une union qui n’aurait jamais dû être troublée.


N°6.

TRAITÉ DE PAIX

ENTRE LE GÉNÉRAL DESMICHELS ET ABD-EL-KADEB.

Conditions des Arabes pour la paix.

  1. Les Arabes auront la liberté de vendre et acheter de la poudre, des armes, du soufre, enfin tout ce qui concerne la guerre.
  2. Le commerce de la Mersa[1] sera sous le gouvernement du prince des Croyants, comme par le passé, et pour toutes les affaires. Les cargaisons ne se feront pas autre part que dans ce port. Quant à Mostaganem et Oran, ils ne recevront que les marchandises nécessaires aux besoins de leurs habitants, et personne ne pourra s’y opposer. Ceux qui désirent charger des marchandises devront se rendre à la Mersa.
  3. Le général nous rendra tous les déserteurs et les fera enchaîner. Il ne recevra pas non plus les criminels. Le général commandant à Alger n’aura pas de pouvoir sur les Musulmans qui viendront auprès de lui avec le consentement de leurs chefs.
  4. On ne pourra empêcher un Musulman de retourner chez lui quand il le voudra.

Ce sont là nos conditions, qui sont revêtues du cachet du général commandant à Oran.

Conditions des Français.
  1. A compter d’aujourd’hui, les hostilités cesseront entre les Français

et les Arabes.

  1. La religion et les usages des Musulmans seront respectés.
  2. Les prisonniers français seront rendus.
  3. Les marchés seront libres.
  4. Tout déserteur français sera rendu par les Arabes.
  5. Tout Chrétien qui voudra voyager par terre devra être muni d’une permission revêtue du cachet du consul d’Abd-el-Kader et de celui du général.
Sur ces conditions se trouve le cachet du prince des Croyants.
N° 7.

TRAITÉ DE LA TAFNA.

Entre le lieutenant-général Bugeaud, commandant les troupes françaises dans la province d’Oran, et l’émir Abd-el-Kader, a été convenu le traité suivant :

ART. ler. L’Émir Abd-el-Kader reconnaît la souveraineté de la France en Afrique.

ART. 2. La France se réserve,

Dans la province d’Oran : Mostaganem, Mazagran et leurs territoires ; Oran, Arzew, plus un territoire ainsi délimité à l’est par la rivière de la Macta et le marais d’où elle sort ; au sud, par une ligne partant du marais ci-dessus mentionné, passant par le bord sud du lac Sebca, et se prolongeant jusqu’à l’Oued-Matah (Rio-Salado), dans la direction de Sidi-Saïd, et de cette rivière jusqu’à la mer, de manière à ce que tout le terrain compris dans ce périmètre soit territoire français.

Dans la province d’Alger :

Alger, le Sahel, la plaine de la Métidja, bornée à l’est jusqu’à l’Oued-Kaddara, et au-delà ; au sud, par la première crête de la première chaîne du petit Atlas jusqu’à la Chiffa, en y comprenant Bélida et son territoire ; à l’ouest, par la Chiffa jusqu’au coude du Mazafran, et de là par une ligne droite jusqu’à la mer, renfermant Coléah et son territoire de manière à ce que tout le terrain compris dans ce périmètre soit territoire français.

ART. 3. L’Émir administrera la province d’Oran, celle de Tittery, et la partie de celle d’Alger qui n’est pas comprise à l’ouest dans la limite indiquée par l’article 2. il ne pourra pénétrer dans aucune autre partie de la régence.

ART. 4. L’Émir n’aura aucune autorité sur les musulmans qui voudront habiter sur le territoire réservé à la France mais ceux-ci resteront libres d’aller vivre sur le territoire dont l’Émir a l’administration ; comme les habitants du territoire de l’Émir pourront s’établir sur le territoire français.

ART. 5. Les Arabes vivant sur le territoire français exerceront librement leur religion. Ils pourront y bâtir des mosquées, et suivre en tout point leur discipline religieuse, sous l’autorité de leurs chefs spirituels.

ART. 6. L’Émir donnera à l’armée française :

Trente mille fanègues d’Oran de froment.

Trente mille fanègues d’Oran d’orge.

Cinq mille bœufs.

La livraison de ces denrées se fera à Oran par tiers. La première aura lieu du 1er au 15 septembre 1837, et les deux autres, de deux mois en deux mois.

ART. 7. L’Émir achètera en France la poudre, le soufre et les armes dont il aura besoin.

ART. 8. Les Koulouglls qui voudront rester à Tiémecen, ou ailleurs y possèderont librement leurs propriétés et y seront traités comme les Hadars.

Ceux qui voudront se retirer sur le territoire français pourront vendre ou affermer librement leurs propriétés.

ART. 9. La France cède à t’Émir : Rachgoun[2], Tiémecen, le Méchouar et les canons qui étaient anciennement dans cette citadelle.

L’Émir s’oblige à faire transporter à Oran tous les effets, ainsi que les munitions de guerre et de bouche de la garnison de Tlémecen.

ART. 10. Le commerce sera libre entre les Arabes et les Français, qui pourront s’établir réciproquement sur t’un ou l’autre territoire.

ART. 11. Les Français seront respectés chez les Arabes, comme les Arabes chez les Français. Les fermes et les propriétés que les Français auront acquises ou acquerront sur le territoire arabe leur seront garanties. Ils en jouiront librement, et l’Émir s’oblige à rembourser les dommages que les Arabes leur feraient éprouver.

ART. 12. Les criminels des deux territoires seront réciproquement rendus.

ART. 13. L’Émir s’engage à ne concéder aucun point du littoral à une Puissance quelconque sans l’autorisation de la France.

ART. 14. Le commerce de la régence ne pourra se faire que dans les ports occupés par la France.

ART. 15. La France pourra entretenir des agents auprès de l’Émir et dans les villes soumises à son administration, pour servir d’intermédiaires près de lui aux sujets français pour les contestations commerciales ou autres qu’ils pourraient avoir avec les Arabes.

L’Émir jouira de la même faculté dans les villes et ports français.



fin des documents historiques du tome cinquième.
  1. Arzew.
  2. Non l’ile, mais la position que nous occupions à la Tafna, et que les Arabes appellent aussi Rachgoun.