Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 178

Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 69-70).


Madame Norton, à Miss Howe.

samedi, 13 de mai. Miss, j’ai le cœur pénétré de la nécessité où je suis de vous dire que, dans les dispositions présentes de la famille, il n’y a rien à se promettre des sollicitations, en faveur de ma très-chère Miss Harlove. Sa mère est digne de compassion. J’ai reçu d’elle une lettre des plus touchantes. Mais il ne m’est pas permis de vous la communiquer. Elle me défend de faire connaître à personne qu’elle m’ait écrit sur le sujet de ses peines, quoiqu’elle y ait été comme forcée pour le soulagement de son cœur. Ainsi, je vous le dis en confidence. J’espère de la bonté du ciel que ma chère miss s’est conservée sans tache, et qu’il n’y a pas d’homme au monde qui soit capable d’un détestable sacrilège. Non, non, il n’y a point de foiblesse à craindre d’une vertu si solidement affermie. Que Dieu défende une ame si pure des atteintes de la surprise et de la violence ! Daignez soulager, chère miss, je vous en conjure, mon cœur trop inquiet, par deux mots que vous aurez la bonté de donner au porteur, pour m’assurer aussi fortement qu’il vous sera possible, que l’honneur de ma chère fille est respecté. S’il ne l’a pas été, il faut renoncer pour le reste de mes jours à toutes les consolations de la vie ; car je ne connais rien qui soit capable d’en procurer à la pauvre.