Hardi, les bonnes bougresses


Le Père Peinard du 11 juin 1893Année 5, numéro 221 (p. 7).

HARDI, LES BONNES BOUGRESSES


Nouzon. — Le bagne Leprault, fabrique de paumelles, est sous la coupe d’un directeur nommé Abraham.

Ce fils de Jacob est un cochon de derrière les fagots et il a pour spécialité d’engueuler les ouvrières de l’usine. Avec les prolos, il fait moins d’épate, parce qu’il craint de recevoir un pain sur son gniasse.

Non de dieu, le jean-foutre ne ferait pas mal de baisser son caquet ; les avaros qui viennent d’arriver à un salaud de la même espèce devraient lui donner à réfléchir.

Le type en question veut jouer au contre-coup parce qu’il fait les eaux-grasses. La semaine dernière, il donne rendez-vous à une chouette copine, espérant bien user du droit de cuissage.

Va te faire lanlaire ! La bonne bougresse avait eu soin d’avertir une quinzaine d’ouvrières et quand le birbe arrive au rendez-vous, la gueule enfarinée, il tombe au milieu de la bande.

C’est le cas de dire qu’il s’était fourré dans un guêpier !

Ah, nom de dieu, ce qu’il a agonisé de sottises ! On l’a traité de traînard, de fumier… de tout, de tout ! Et, c’est avec un charivari du diable que les riches filles lui ont fait cortège jusqu’à sa porte.

Or, l’animal est marié, voyez tableau, quand sa femme a reluqué la procession.

Et ça n’a pas mal fini, cré pétard, le lendemain, ouvrières et ouvriers ont été l’attendre à nouveau et lui ont fait une riche conduite de Grenoble.

Voilà qui est bath aux pommes, crédieu !

L’animal voudra-t-il encore tâter du cuissage ?

Si oui, les bonnes bougresses se réservent de lui frotter la croupière avec leurs sabots, jusqu’à ce que sa peau en fume.

Et foutre, si chaque fois qu’un des mecs de l’usine se permet de faire des propositions à une copine, il était reçu kif-kif le cochon en question, le droit de cuissage passerait vite de mode.