Héroïsme et Trahison/APPENDICE

Typographie de C. Darveau (p. 190-200).


APPENDICE



Relation des faits héroïques de Mademoiselle de Verchères (Marie-Magdelaine) contre les Iroquois, âgée de quatorze ans, en l’année 1696 le 22 octobre à 8 heures du matin.


J’étois à cinq arpens du fort de Verchères, appartenant au sieur de Verchères, mon père, qui étoit pour lors à Québec, par ordre de M. le chevalier de Callières, gouverneur de Montréal, et ma mère était à Montréal. J’entendis tirer plusieurs coups de fusil, sans savoir sur quoi l’on tiroit. Bientôt j’aperçus que les Iroquois faisoient feu sur nos habitans qui étoient éloignés du fort environ d’une demi lieue. Un de nos domestiques me cria : « Sauvez-vous, mademoiselle, sauvez-vous ! voilà les Iroquois qui viennent fondre sur nous. » À l’instant je me détournai et j’aperçus 45 Iroquois qui accouroient vers moi, n’en étant éloignés que d’une portée de pistolet. Résolue de mourir plutôt que de tomber entre leurs mains, je songeai à chercher mon salut dans la fuite, je courus vers le fort en me recommandant à La sainte Vierge et lui disant du tond de mon cœur : Vierge sainte, mère de mon Dieu, vous savez que je vous ai toujours honorée et aimée comme ma chère mère : ne m’abandonnez pas dans le danger où je me trouve. J’aime mille fois mieux périr que de tomber entre les mains d’une nation qui ne vous connaît pas. Cependant les Iroquois qui me poursuivoient, se voyant trop éloignés de moi pour me prendre en vie auparavant que je pusse entrer dans le fort, et se sentant assez proches pour me tuer à coups de fusil, s’arrêtèrent pour faire leur décharge sur moi. Je l’essuyai pendant longtems, ou du moins elle m’ennuya fort. Les balles de 45 fusils qui me siffloient aux oreilles me faisoient paraître le tems bien long et l’éloignement du fort bien considérable quoique j’en fusse bien proche. Étant à portée de m’entendre, je criai, aux armes, aux armes ! espérant que quelqu’un sortiroit pour venir me secourir, mais en vain. Il n’y avoit dans le fort que deux soldats qui saisis de frayeur s’étoient retirés dans la redoute pour se cacher. Enfin arrivée à la porte je trouvai deux femmes qui pleuroient leurs maris qui venoient d’être tués. Je les fis entrer malgré elles dans le fort, dont je fermai moi-même les portes. Alors je pensai à me mettre moi et le petit nombre de personnes qui m’accompagnoient à couvert des insultes des Barbares. Je fis la visite du fort, je trouvai plusieurs pieux tombés qui faisoient des brèches par où il étoit facile aux ennemis d’entrer. Je donnai mes ordres pour les faire relever, et sans avoir égard à mon sexe, ni à la faiblesse de mon âge, je prenois un pieu par un bout en encourageant les personnes qui étoient avec moi à le relever : j’éprouvai que quand Dieu donne des forces il n’y a rien d’impossible. Les brèches du fort réparées, je m’en allai à la redoute qui servoit de corps de garde où étoient les munitions de guerre. J’y trouvai les deux soldats, l’un caché, l’autre qui tenoitune mèche allumée. Je demandai à celui-ci : que voulez-vous faire de cette mèche ? C’est pour mettre le feu aux poudres, me répondit-il, pour nous faire sauter. Vous êtes un malheureux, lui repartis-je. Retirez-vous, je vous le commande. Je lui parle d’un ton si ferme et si assuré qu’il m’obéit. Sur-lechamp je jetai ma coiffe j’arborai un chapeau, et prenant un fusil, je dis à mes deux jeunes frères : Battons-noua jusqu’à la mort, nous combattons pour notre patrie et la Religion. Souvenez vous des leçons que mon père vous a si souvent données, que des gentilshommes ne sont nés que pour verser leur sang pour le service de Dieu et du Roi. — Mes frères et les soldats animés par mes paroles, firent un feu continuel sur l’ennemi. Je fis tirer le canon non-seulement pour effrayer les Iroquois en leur faisant, voir que nous étions en état de nous bien défendre avant du canon, mais encore pour avertir nos soldats qui étoient à lâchasse de se sauver dans quelque autre fort.

Mais que n’a-t-on pas à souffrir dans ces extrémités Malgré le bruit de notre artillerie, j’entendois les cris lamentables des femmes et des enfans qui venoient de perdre leurs maris, leurs frères et leurs pères. Je crus qu’il étoit de la prudence, pendant que l’on faisoit feu sur l’ennemi de représenter à ces femmes désolées et à ces enfans le danger d’être entendus de l’ennemi : malgré le bruit des fusils et du canon, je leur ordonnai de se taire, afin de ne pas donner lieu de croire que nous étions sans ressources et sans espérances.

Pendant que je leur parlai de la sorte, j’aperçus un canot sur la Rivière vis-à-vis du fort : c’étoit le sieur Pierre Fontaine avec sa famille, qui venoit débarquer dans L’endroit où je venois d’être manqué par Les Iroquois qui y paraissoient encore à droite et à gauche. Cette famille alloit être défaite si on ne lui eût donné un prompt secours. Je demandai aux deux soldats s’ils vouloient aller au-devant de cette famille pour lui favoriser le débarquement qui étoit à cinq arpens du fort, leur silence me fit connaître leur peu de résolution. Je commandai à la Violette notre domestique de faire sentinelle à la porte du fort et de la tenir ouverte pendant que j’irois moi-même au bord de la rivière le fusil à la main et le chapeau sur la tête. J’ordonnai en partant que si nous étions, tués l’on fermât la porte du fort et que l’on continuât toujours à se bien défendre. Je partis dans la pensée que Dieu m’avoit inspirée que les ennemis qui étoient en présence croiroient que c’étoit une feinte que je faisois pour les engager de venir au fort, d’où l’on feroit une vive sortie sur eux. Ils le crurent effectivement, et ainsi j’eus lieu de sauver ce pauvre Pierre Fontaine, sa femme et ses enfans. Étant tous débarqués, je les fis marcher devant moi jusqu’au fort à la vue de l’ennemi. Une contenance si fière fit croire aux Iroquois qu’il y avoit plus à craindre pour eux que pour nous. Ils ne savoient pas qu’il n’y avoit dans le fort de Verchères que mes deux jeunes frères âgés de 12 ans, notre domestique, deux soldats et un vieillard âgé de 80 ans, avec quelques femmes et quelques enfans.

Fortifiée de la nouvelle recrue que me donna le canot de Pierre Fontaine, je commandai que l’on continuât à faire feu sur l’ennemi. Cependant le soleil se couche ; un nord-est impétueux qui fut bientôt accompagné de neige et de grêle nous annonça la nuit la plus affreuse qui se puisse imaginer. Les ennemis toujours en présence, bien loin de se rebuter d’un tems si fâcheux, me firent juger par leurs mouvemens qu’ils vouloient escalader le fort à la faveur des ténèbres. J’assemble toutes mes troupes c’est-à-dire six personnes auxquelles je parlai ainsi : « Dieu nous a sauvés aujourd’hui des mains de nos ennemis, mais il faut prendre garde de ne pas tomber cette nuit dans leurs filets. Pour moi je veux vous faire voir que je n’ai point de peur. Je prends le fort pour mon partage avec un homme âgé de 80 ans et un soldat qui n’a jamais tiré un coup de fusil ; et vous Pierre Fontaine, La Bonté et Gachet (noms des deux soldats) vous irez à la redoute avec les femmes et les enfans comme étant l’endroit le plus fort. Si je suis prise ne vous rendez jamais, quand même je serais brûlée et hachée en pièces à vos yeux : vous ne devez rien craindre dans cette redoute pour peu que vous combattiez. »

À l’instant je place mes deux jeunes frères sur deux bastions, le jeune homme de 80 ans sur le troisième, et moi je pris le quatrième. Chacun fit bien son personnage. Malgré le sifflement du nord-est, qui est un vent terrible en Canada dans cette saison, malgré la neige et la grêle, l’on entendoit à tout moment : Bon quart, de la redoute au fort, et du fort à la redoute : Bon quart. On auroit cru à nous entendre que le fort étoit rempli d’hommes de guerre. Aussi les Iroquois, gens d’ailleurs si rusés et si belliqueux, y furent-ils trompés, comme ils l’avouèrent dans la suite à M. de Callières, à qui ils déclarèrent qu’ils avoient pris conseil pour prendre le fort pendant la nuit, mais que la garde que l’on y faisoit sans relâche les avoit empêchés d’exécuter leur dessein, surtout ayant déjà perdu du monde par le feu que mes deux jeunes frères et moi avions fait sur eux le jour précédent.

Environ une heure après minuit, la sentinelle du bastion de la porte cria Mademoiselle, j’entends quelque chose. Je marche vers lui pour découvrir ce que c’étoit : j’aperçus au travers des ténèbres et à la faveur de la neige quelques bêtes à cornes, tristes restes de nos ennemis. L’on me dit : Il faut ouvrir la porte pour les faire entrer. À Dieu ne plaise, repartis-je, vous ne connaissez pas encore tous les artifices des sauvages : ils marchent sans doute après ces bestiaux, couverts de peaux de bêtes, pour entrer dans le fort si nous sommes assez indiscrets pour en ouvrir la porte. Je craignois tout d’un ennemi aussi fin et aussi rusé que l’Iroquois. Cependant après avoir pris toutes les mesures que demande la prudence dans ces circonstances, je jugeai qu’il n’y avoit point de risque à ouvrir la porte. Je fis venir mes deux frères avec leurs fusils bandés en cas de surprise, et ainsi nous fîmes entrer ces bestiaux dans le fort.

Enfin le jour parut, et le soleil en dissipant les ténèbres de la nuit, sembla dissiper notre chagrin et nos inquiétudes. Je parus au milieu de mes soldats avec un visage gai, en leur disant que : Puisqu’avec le secours du ciel nous avons bien passé la nuit, toute affreuse qu’elle a été, nous en pourrons bien passer d’autres en continuant notre bonne garde et faisant tirer le canon d’heure en heure pour avoir du secours de Montréal, qui n’est éloigné que de huit lieues. Je m’aperçus que mon discours avoit fait une pression sur les esprits. Il n’y eut que Mademoiselle Marguerite Antiome, femme du sieur Pierre Fontaine, qui extrêmement peureuse, comme il est naturel à toutes les femmes parisiennes de nation, demanda à son mari de la conduire dans un autre fort, lui représentant que si elle avoit été assez heureuse pour échapper la première nuit à la fureur des sauvages, elle ne devoit pas s’attendre au même bonheur la nuit suivante : que le fort de Verchères ne valoit rien, qu’il n’y avoit point d’hommes pour le garder, et que d’y demeurer c’étoit s’exposer à un danger évident ou de tomber dans un esclavage perpétuel ou de mourir à petit feu. Le pauvre mari, voyant que sa femme persistoit dans sa demande et qu’elle vouloit se retirer au fort de Contrecœur, éloigné de trois lieues de celui de Verchères, lui dit : « Je vas vous armer un canot d’une bonne voile, avec vos deux enfans, qui savent bien canoter. Pour moi je n’abandonnerai jamais le tort de Verchères, tant que Mademoiselle Magdelon y sera (c’est ainsi que l’on m’appeloit dans mon enfance). Je lui fit réponse que je n’abandonnerois jamais le fort, que j’aimois mieux périr que de le livrer aux ennemis ; qu’il étoit d’une conséquence infinie qu’ils n’entrassent dans aucun fort françois, qu’ils jugeroient des autres par celui-ci s’ils s'en emparoient, et qu’une pareille connaissance ne pourroit servir qu’à augmenter leur fierté et leur courage.

Je puis dire avec vérité que je fus deux fois vingt-quatre heures sans dormir ni manger. Je n’entrai pas une seule fois dans la maison de mon père. Je me tenois sur le bastion, où j’allois voir de quelle manière l'on se comportait dans la redoute. Je paraissois toujours avec un air riant et gai ; j’encourageai ma petite troupe par l’espérance que je leur donnois d’un prompt secours.

Le huitième jour (car nous fûmes huit jours dans de continuelles alarmes, toujours à la vue de nos ennemis et exposés à leur fureur et à leur barbarie), le huitième jour, dis-je, M. de la Monnerie, lieutenant détache de M. de Callières, arriva la nuit avec quarante hommes, ne sachant point si le fort était pris. Il faisoit son approche en grand silence ; une de nos sentinelles entendant quelque bruit cria : Qui vive ! J’étois pour lors assoupie, la tête sur une table, mon fusil de travers dans mes bras. La sentinelle me dit qu’elle entendoit parler sur l’eau. Sans perdre de temps je montai sur le Bastion pour reconnaître à la voix si c’étoient sauvages ou François. Je leur demandai, qui êtes-vous ? Ils me répondirent, François. C’est La Monnerie qui vient vous donner du secours. — Je fis ouvrir la porte du fort, j’y plaçai une sentinelle et je m’en allai au bord de l’eau pour les recevoir. Aussitôt que je l’aperçus, je le saluai par ces paroles : Mr, vous, soyez le bienvenu, je vous rends les armes. Mademoiselle, me répondit-il d’un air galant, elles sont en bonnes mains. Meilleures que vous ne croyez, répliquai-je. — Il visita le fort, il le trouva en très-bon état, une sentinelle sur chaque bastion. Je lui dis : Mr, faites relever mes sentinelles, afin qu’ils puissent prendre un peu de repos ; il y a huit jours que nous n’avons point descendu de dessus nos bastions.

J’oubliois une circonstance qui pourra faire juger de mon assurance et de ma tranquillité. Le jour de la grande bataille, les Iroquois qui environnoient le fort faisant brûler les maisons de nos habitans, saccageant et tuant leurs bestiaux à notre vue, je me ressouvins à une heure de soleil que j’avois trois poches de linge avec quelques couvertures hors du fort. Je demandai à mes soldats si quelqu’un vouloit venir avec moi, le fusil à la main, chercher mon linge. Leur silence, accompagné d’un air sombre et morne, me faisoit juger de leur peu de courage. Je m’adressai à mes jeunes frères en leur disant : Prenez vos fusils et venez avec moi. Pour vous, dis-je aux autres, continuez à tirer sur les ennemis pendant je vas chercher mon linge. Je fis deux voyages à la vue des ennemis dans le lieu même où ils m’avoient manquée quelques heures auparavant. Ma démarche leur parut sans doute suspecte, car ils n’osèrent venir pour me prendre ni même tirer pour m’ôter la vie. J’éprouvai que quand Dieu gouverne les choses, l’on ne peut que bien réussir.

Depuis que je suis mariée (l’an 1722), je me suis trouvée dans une occasion assez délicate, où il s’agissoit de sauver la vie à M. de la Perrade, mon mari et à moi. Deux Abénakis des plus grands hommes de leur nation étant entrés chef nous cherchèrent querelle à M. de la Perrade. Il leur dit en iroquois sortez d’ici. Ils sortirent tous deux très-fâchés. Leur sortie qui fut fort brusque nous fit croire la querelle finie. Nous n’examinâmes point leur démarche, persuadés qu’ils avoient pris le parti de s’en aller. Dans un moment nous fûmes fort surpris de les entendre tous dans le tambour de la maison, faisant le cri de mort et disant : Tagariauguen qui est le nom iroquois de mon mari « tu es mort. » Ils étoient armés l’un d’un casse-tête et l’autre d’une hache. Celui-ci enfonce, brise la porte à coups de hache, entre comme furieux, la rage peinte sur le visage, lève la hache sur la tête de M. de la Perrade, qui fut assez adroit et assez heureux pour parer le coup en se jetant à corps perdu sur le sauvage ; mais il étoit trop faible pour pouvoir résister longtemps à un sauvage d’une stature gigantesque et dont les forces répondoient à La haute taille. Un homme de résolution qui se trouva fort à propos à la porte de la maison, donna du secours à M. de la Perrade. Le sauvage qui étoit armé d’un casse-tête, voyant son compagnon en presse, entre, lève le bras pour décharger son coup sur la tête de mon mari ; résolue de périr avec lui, et suivant les mouvemens de mon cœur, je sautai, ou plutôt je volai vers ce sauvage. J’empoigne son casse-tête, je le désarme. Il veut monter sur un coffre, je lui casse les reins avec son casse-tête, et je le vois tomber à mes pieds. Je ne fus jamais plus surprise que de me voir enveloppée à l’instant par 4 sauvagesses. L’une me prend à la gorge, l’autre aux cheveux, après avoir arraché ma coiffe ; les deux autres me saisissent par le corps pour me jeter dans le feu. À ce moment un peintre me voyant aurait bien pu tirer le portrait d’une Magdeleine : décoiffée, mes cheveux épais et mal arrangés, mes habits tout déchirés, n’ayant rien sur moi qui ne fût par morceaux, je ne ressemblois pas mal à cette sainte, aux larmes près, qui ne coulèrent jamais de mes yeux. Je me regardois comme la victime de ces furieuses outrées de douleur de voir, l’une son mari, les autres leur parent, étendu sur la place sans mouvement et presque sans vie. Bientôt j’allois être jetée dans le feu, lorsque mon fils Tarrieu, âgé seulement de douze ans, animé comme un lion à la vue de son père qui étoit encore aux prises avec le sauvage et de sa mère prête à être dévorée par les flammes, il s’arme de ce qu’il rencontre, frappe avec tant de force et de courage sur la tête et sur les bras de ces sauvagesses qu’il les obligea à lâcher prise. Débarrassée d’entre leurs mains, je cours au secours de M. de la Perrade, passant sur le ventre de celui que je vois étendu par terre. Les quatre sauvagesses s’étoient déjà jetées sur M. de la Perrade pour lui arracher la hache qu’il tenoit et dont il vouloit casser la tête au malheureux qui venoit de le manquer. Prenant le sauvage par les cheveux, je lui dis : Tu es mort, je veux avoir ta vie. Le François dont j’ai parlé qui donnoit secours à M. de la Perrade, médit : Madame, ce sauvage demande la vie, je crois qu’il faut lui donner quartier. En même temps ces sauvagesses qui jusqu’alors avoient toujours poussé « les cris effroyables qui nous empêchoient de nous entendre, demandèrent aussi la vie. Nous voyant les maîtres, nous crûmes qu’il étoit plus glorieux de Laisser la vie à notre ennemi vaincu que de le faire mourir. Ainsi je sauvai la vie à mon mari, et mon fils âgé de douze ans sauva la vie à sa mère. Cette action fut aux oreilles de M. de Vaudreuil, il voulut s’informer du fait par lui-même, il vint exprès sur lieux, il vit la porte cassée, il parla au François témoin de l’action et sut dans la suite des sauvages mêmes la vérité de ce que je viens d’exposer.

Voilà la narration simple et juste de mon aventure, qui m’a déjà procuré des grâces de Sa Majesté et que je n’aurois pas pris la liberté de rédiger par écrit si M. le Marquis de Beauharnois, notre illustre gouverneur, qui n’a point d’autre attention que de mettre notre colonie à couvert de L’irruption des Barbares, et d’y faire fleurir la gloire du nom françois en rendant redoutable le nom de notre invincible monarque à tous ses ennemis et respectable à tous ses sujets, ne m’avoit engagée à l’aire ce détail, sagesse ne se contente pas de contenir toutes les nations sauvages dont nous sommes environnées dans le respect et dans la crainte, et de tenir éloignés à quatre ou cinq cents lieues Les ennemis de l’État. Son infatigable application aux affaires les plus sérieuses n’étant interrompue que par l’attention qu’il donne à ce qu’il s’est passe de plus considérable depuis L’établissement de cette colonie. Il le fait valoir avec cette bonté et cet air noble et grand qui lui sont si naturels. Il le propose pour exemple, afin d’animer de plus en plus les sujets du Roi à se distinguer par des actions éclatantes lorsque l’occasion s’en présentera.