C. O. Beauchemin et Fils (p. 119-148).

CHAPITRE XIII

une mort édifiante. la sainte eucharistie.


Le prêtre dont il a été fait mention dans le chapitre précédent, se rendait à une mission lointaine avec quelques Canadiens qui le suivaient pour s’y établir.

Une des dames qu’on avait retirées de l’eau, n’avait pas encore repris connaissance, et lorsque, après beaucoup d’efforts, le médecin du bord l’eut fait revenir à elle, il reconnut qu’elle était en danger de mort prochaine. Le capitaine, homme affable et bienveillant, lui avait fait faire un bon lit au milieu du salon, et les dames s’empressaient de lui prodiguer tous les soins possibles.

Se voyant affaiblir, cette dame, qui était catholique, pria le prêtre de la confesser et de lui donner la sainte communion ; celui-ci y consentit avec joie, et là, en face de tous, elle fit sa confession.

Les passagers regardaient tour à tour et le prêtre et la mourante ; la curiosité était le mobile de quelques-uns ; d’autres, parmi lesquels on distinguait M. Dumont, haussaient les épaules ou souriaient d’un air sarcastique ; la plupart cependant ne laissaient pas d’être édifiés.

Les circonstances, le lieu et la cause de cet événement avaient attendri le confesseur et de grosses larmes coulaient de ses yeux quand, levant la main, il donna l’absolution à la mourante. À ce moment solennel, tous s’aperçoivent qu’une grande joie illumine la figure de la malade ; alors les sourires cessent, et tous les regards se fixent sur cette scène que la plupart d’entre eux voyaient pour la première fois.

La confession finie, le prêtre exhorte la pauvre malade et lui dit : Préparez-vous dignement, chère sœur, à recevoir la sainte communion, que je vous donnerai demain matin. Vous allez recevoir Notre-Seigneur Jésus-Christ, et c’est peut-être la dernière fois que vous aurez ce bonheur ; si vous le recevez avec confiance et amour, soyez certaine que votre âme le suivra au paradis ; là, vous reverrez les chers petits êtres que vous venez de perdre. Oui, ayez confiance, réjouissez-vous, votre âme, cruellement éprouvée, va recevoir bientôt sa récompense, qui sera éternelle.

La malade lui répond par un sourire de bonheur.

Gustave éprouve aussi le désir de communier en une circonstance aussi solennelle ; il va trouver le prêtre dans sa cabine et lui communique son désir en français.

— Vous me surprenez, dit le prêtre ; j’étais bien loin de penser que vous étiez Canadien et catholique, car j’ai cru m’apercevoir que votre père était un de ceux qui, par leurs sourires moqueurs, tournaient en dérision la confession de la dame mourante.

— Mon père… mais veuillez me confesser, je suis catholique, moi, et, avec la grâce de Dieu, je le serai toujours.

— Faites votre confession, brave jeune homme, dit le prêtre avec émotion, et que l’exemple que vous allez donner demain matin, vous porte bonheur.

Le lendemain, dès quatre heures du matin, le prêtre dresse une table près du lit de la malade, et la couvre d’une toile blanche comme la neige ; deux cierges allumés sont placés dans des chandeliers d’argent de chaque côté d’un crucifix du même métal ; une dame américaine vient y déposer un magnifique bouquet aux fleurs éclatantes de fraîcheur et de beauté.

Le prêtre avait choisi cette heure afin de ne pas être dérangé par la curiosité ou les indiscrétions des passagers ; mais, malgré sa vigilance, ils étaient debout, y compris M. et madame Dumont, et attendaient avec impatience que la cérémonie commençât.

Revêtu de ses ornements sacerdotaux, le prêtre célèbre la sainte messe. Gustave l’assiste dans la célébration du saint sacrifice.

Le moment de la communion arrivé, le prêtre s’avance vers notre héros et lui présente l’hostie ; alors il jette la vue au ciel, de douces larmes inondent sa figure sur laquelle on lit la joie et le bonheur… il communie, sa bouche se ferme… sa tête s’incline… et un murmure sourd parcourt le salon.

Le prêtre se tourne alors du côté de la malade, qui laisse entrevoir ses ardents désirs jusque dans ses traits ; elle se soulève sur sa couche et fait des efforts inouïs pour prendre une posture respectueuse ; on dirait, à la voir, qu’elle va recevoir le remède qui doit la ramener à la vie.

Elle a communié… elle se retourne et dit d’une voix pleine d’onction : Merci, merci, mon Dieu. Jésus-Christ, mon Sauveur, faites… mais elle ne peut achever, et, sans aucun effort, elle rend le dernier soupir.

Cependant le sourire et la joie restent imprimés sur sa figure ; ses bras, en retombant, restent croisés sur sa poitrine, comme pour conserver le précieux dépôt qui vient de lui être confié ; sa vue, fixée vers les régions célestes, indique que déjà elle jouit du bonheur des élus.

Le prêtre la contemple en souriant ; Gustave, les yeux baissés, prie avec ferveur ; toutes les dames fondent en larmes ; l’une d’elles s’écrie :

— Je n’ai jamais vu une personne mourir avec autant de bonheur.

Une autre ajoute : Oui, cette dame est heureuse ! quelle mort édifiante !

— Madame Dumont s’écrie à son tour : Une religion qui prépare aussi bien le fidèle à son lit de mort doit être bonne, et une communion qui procure autant de bonheur ne saurait être autre celle que Jésus-Christ a établie.

Un monsieur à figure vénérable disait à ceux qui l’entouraient : J’ai toujours regardé la communion des catholiques comme un acte d’idolâtrie ; mais je suis confondu.

— C’est vraiment beau, disait un autre.

— Tout ce que je demande, c’est de mourir comme cette dame, ajoutait un troisième.

Le prêtre et Gustave, après avoir récité le De profundis, et quelques autres prières auprès du lit de la défunte, s’éloignèrent, l’âme ravie de bonheur.

Sur le soir, notre vapeur accoste à Jefferson-City, et le capitaine fait débarquer le corps de la défunte, suivi de parents et d’amis, avec les marques du plus grand respect.

Nous reprenons notre route, mais comme la nuit menaçait d’être très sombre, et que la rivière était dangereuse en plusieurs endroits, le capitaine fait accoster le vapeur au premier débarcadère.

Les passagers, voyant que rien ne peut plus attirer leur attention au dehors, entrent au salon pour causer.

Un groupe assez nombreux, composé de dames et messieurs paraissant appartenir à la classe riche et influente, s’était placé dans le salon des dames. La conversation roulait sur la cérémonie et la communion du matin. Les uns n’y voyaient pas de mal, c’était simplement matière de forme ; d’autres soutenaient que ce n’était pas conforme aux préceptes de l’Évangile.

Quelques-uns cependant condamnaient ces actes qu’ils taxaient d’idolâtrie. M. Dumont se rangeait avec ces derniers ; sa voix dominait toutes les autres, et la chaleur qu’il mettait dans ses paroles attira plusieurs personnes des autres groupes, qui s’approchèrent pour mieux entendre.

Il avait pendant près d’une demie-heure dénoncé ce qui était, selon lui, une infamie, un sacrilège, lorsqu’il s’écria en se tournant du côté de Gustave :

— Et dire que mon fils est esclave de cette Église qui enseigne de pareilles doctrines ; que je suis réduit à le voir suivre le chemin qui conduit à la perdition et au feu éternel ; que, malgré mes avis et mes conseils, il persiste dans son obstination. Ah ! cette pensée me déchire le cœur. Mais je conserve toujours l’espérance que si Dieu, dans sa bonté, ne permet pas que je sois l’instrument de la conversion de mon enfant, il permettra qu’un autre me remplace et accomplisse cette mission divine.

Un monsieur à figure vénérable, et qui se nommait Johnson, était tout près de Gustave. Voyant qu’il ne prêtait aucune attention à la discussion, il lui dit :

— N’avez-vous pas entendu ce que votre père vient de dire, jeune homme ?

— J’ai bien entendu, monsieur, répondit Gustave, et je vous assure que ce n’est pas la première fois que j’entends vilipender l’Église catholique ; je commence à m’y habituer.

— Votre conduite n’en est que plus étrange, reprit M. Johnson, qui voulait le forcer de prendre part à la discussion ; il me semble que si vous agissiez d’après vos convictions, vous devriez au moins prendre la défense de votre croyance.

— Mon âge ne me permet pas de discuter avec mon père ou avec vous. D’ailleurs, à quoi servirait de me défendre après avoir reçu une telle condamnation ?

— Ne pensez-vous pas avoir mérité cette condamnation, qui ne s’applique pas à vous directement, mais aux principes et aux croyances que vous avez adoptés et auxquels vous tenez encore, malgré les nobles efforts que fait votre digne père pour vous retirer de l’erreur et vous convertir à Dieu ?

Gustave ne répondit point.

— Allons, jeune homme, reprit M. Johnson, répondez, ou sinon nous prendrons votre silence pour une admission de votre part, que votre père a dit la vérité.

Même silence.

— Il va donc me falloir vous forcer de parler, continua M. Johnston ; répondez ici, devant cette honorable société ; croyez-vous réellement que l’hostie que le prêtre vous a donnée ce matin, contenait le corps et le sang de Jésus-Christ ?

— Oui, répondit Gustave avec fermeté, et pourquoi ne le croirais-je pas ?

— Dites donc plutôt pourquoi vous le croyez, dirent plusieurs assistants.

— La tâche que vous m’imposez est difficile, répondit Gustave, je suis encore trop jeune pour vous donner l’explication des textes de l’Évangile qui prouvent la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Il me suffit de considérer le grand amour que nous porte Notre-Seigneur, lui qui ne s’est pas contenté de donner son corps et son sang pour le rachat de nos âmes, mais qui veut encore perpétuer ce sacrifice, quoique d’une manière mystique et non sanglante, jusqu’à là fin des temps, afin de ne pas se séparer de nous. À la vue d’une telle bonté et d’un si grand amour, on ne devrait pas se permettre de douter ou de discuter, mais se jeter à genoux et adorer Notre-Seigneur dans ce grand mystère.

— Ceci n’est pas une réponse à la question qui vous a été adressée, dit M. Johnson. Nous aussi, protestants, adorons Jésus-Christ, mais non pas le pain et le vin, comme vous le faites. L’hostie que vous avez mangée ce matin a été faite par la main des hommes ; ainsi elle ne peut être le Dieu que nous devons adorer. Vous faites donc un acte d’idolâtrie en l’adorant.

— Nous n’adorons pas l’hostie parce que c’est une hostie, nous adorons Jésus-Christ, qui y est enfermé réellement en corps et en âme.

— Ne blasphémez pas ainsi. Comment pouvez-vous parler de la sorte et faire preuve d’autant d’ignorance et de superstition ?

— Si adorer Jésus-Christ dans l’Eucharistie est de l’ignorance et de la superstition, dit Gustave, nous pouvons en faire le reproche à Notre-Seigneur lui-même, qui l’a voulu ainsi.

— Ne parle pas ainsi contre Notre-Seigneur, et ne pervertis pas le sens de ses paroles, dit M. Dumont. Jésus-Christ a voulu, dans ce sacrement, nous laisser un souvenir de sa passion, et non pas son corps et son sang, qui, une fois sacrifiés, ne pouvaient plus l’être.

— C’est cela, dit M. Johnson ; nous communions en mémoire de celui qui a été sacrifié pour nous, et qui a fait le sacrifice de son corps et de son sang sur la croix, une fois pour toutes. Je ne puis concevoir comment vous, catholiques, ne compreniez pas cela, et que vous puissiez voir dans le pain et le vin le corps et le sang d’un Dieu.

— Nous y voyons le corps et le sang d’un Dieu, à cause des paroles mêmes de notre divin Sauveur ; mais pour mieux m’expliquer, veuillez ouvrir l’Évangile avec moi et suivre Notre-Seigneur au Cénacle où il doit manger la Pâque avec ses Apôtres. Que fait-il ? Il fait asseoir ses Apôtres, leur lave les pieds et les leur baise. Pourquoi, pensez-vous, en agit-il ainsi ? Pourquoi, lui, un Dieu, s’abaisser de la sorte ? Pourquoi tant de cérémonies pour un simple repas ? Il se retourne vers nous, qui le voyons faire, il est Dieu et connaît le fond de nos cœurs ; de son regard il nous fait comprendre qu’il va s’opérer une grande merveille, que les Apôtres, qui doivent y participer et en être les témoins, doivent être exempts de toute souillure. Les pieds étant l’emblème de nos pas et de nos démarches, et comme les récipients des souillures de notre corps, il les choisit pour les laver, afin de nous montrer par là que notre âme, qui aussi reçoit la souillure de nos péchés, doit être lavée et nettoyée avant de participer à ce souper. Le baiser qu’il leur applique après les avoir lavés, nous fait voir qu’il s’est réconcilié avec eux, et nous fait comprendre qu’après que notre âme a été lavée par le sacrement de Pénitence, il lui accorde le pardon et la réconcilie avec lui. Il les fait asseoir ensuite à la même table et partage avec eux le pain de l’amitié ; c’est encore parce que Jésus-Christ veut nous montrer qu’une fois notre âme réconciliée avec lui, il partage avec elle sa demeure, ses joies et ses délices ; enfin…

— Arrêtez, jeune homme, dit M. Johnson en l’interrompant ; vous laissez monter votre imagination trop haut. Jésus-Christ, en mangeant la Pâque avec ses Apôtres, ne faisait qu’imiter la coutume des Juifs ; vous savez que ces derniers mangeaient la Pâque tous les ans.

— En mémoire de quoi ? demande Gustave.

— En mémoire de la délivrance du joug de Pharaon, et du passage à la terre promise.

— Que devait faire le peuple juif pour célébrer cet événement ?

— Il devait immoler un agneau, faire des pains sans levain et les manger le jour indiqué par leur législateur Moïse.

— Et qui a commandé cela ?

— Dieu lui-même, par la voix de Moïse, répond M. Johnson, inquiet de savoir où ce jeune homme voulait en venir.

— Eh bien ! n’est-il pas aisé de voir, pour celui qui veut réfléchir et comprendre, que cette délivrance du peuple de Dieu, que l’agneau ou la victime qu’il devait manger, et son passage dans la terre promise, composent une des nombreuses figures que l’on trouve dans l’Ancien Testament de ce qui devait arriver plus tard, lorsque le Messie, cet agneau sans tache, prédit de toute éternité, est descendu sur la terre pour délivrer tous les hommes de la damnation qu’Adam avait méritée par le péché, et qui nous excluait tous de la présence de Dieu pour toujours ? N’est-il pas aisé, dis-je, de voir dans cette délivrance et le passage à la terre promise, le passage de l’état du péché, et par conséquent, de la damnation à l’état de la grâce et du salut ? De plus, si Dieu a exigé que son peuple mangeât une victime, un agneau, remarquez-le bien, pour perpétuer la mémoire d’une délivrance et d’un passage purement matériels, pourquoi vous est-il si difficile de croire que ce même Dieu ait voulu que les chrétiens mangeassent une victime correspondant à la dignité de celui qui, en mourant pour nous, a obtenu la délivrance de tous les hommes et leur passage du péché à l’état de la grâce ? Or, où trouver une victime digne de perpétuer sa mémoire ? Il n’y en avait pas, si ce n’est celle-là même qui s’est sacrifiée pour nous.

Le digne prêtre s’était tenu un peu en arrière depuis le commencement de cette discussion ; il s’approcha pour venir en aide à notre héros et lui dit en souriant :

— Très bien, jeune homme, Jésus-Christ a voulu perpétuer son sacrifice et son amour pour nous, en nous donnant l’Eucharistie, son corps à manger et son sang à boire. C’est pour cela que nous, prêtres, célébrons tous les jours cette mémoire en disant la messe, car le pain et le vin que nous tenons se trouvent, par les paroles de la consécration, changés au corps et au sang de notre divin Sauveur, et nous le donnons ensuite aux fidèles qui sont dignement préparés pour le recevoir.

— Oh ! la messe, dit M. Dumont avec ironie, encore une invention de Rome, un soi-disant sacrifice qui n’a pas sa raison d’être ; étant sans effusion de sang, il n’est d’aucune utilité. Vous devez savoir qu’il n’y a que le sang d’un Dieu qui puisse laver le péché.

— Je le sais, répond le prêtre, mais il y a une différence entre un sacrifice sans effusion de sang et un sacrifice non sanglant ; or, je dis que dans le sacrifice de la messe, le sang de Jésus-Christ est versé réellement quoique d’une manière non sanglante, c’est-à-dire non de la manière sanglante qu’il a été versé sur la croix.

— Je ne puis comprendre la différence entre les mots « sans effusion de sang » et « non sanglant. »

— Peut-être bien, je vais m’expliquer. Vous savez que saint Paul dit au chap. XIe de sa 1re Épître aux Corinthiens, verset 26 : Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Eh bien ! nous faisons ainsi dans le saint sacrifice de la messe par la consécration séparée du corps et du sang de Jésus Christ sous deux espèces différentes, car en vertu des paroles de cette consécration, le pain est changé en son corps et le vin en son sang. Mais comme notre Sauveur ne doit plus mourir, son corps et son sang ne sont pas séparés réellement, et Jésus-Christ est entier sous chaque espèce ; cependant par cette séparation mystique du corps et du sang, la mort de Notre-Seigneur, qui consistait en la séparation réelle des deux, c’est-à dire, du corps et du sang, nous est représentée d’une manière frappante et presque visible.

— Comment pouvez-vous affirmer une telle erreur ? dit M. Johnson. Saint Paul ne dit-il pas, dans le texte même que vous venez de citer, que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe ? Il ne parle pas du corps ou du sang de Jésus-Christ comme vous le faites. Vous vous êtes placé dans une position critique en citant un texte qui ne peut que vous confondre.

— N’allez pas si vite, dit le prêtre en souriant, lisons le verset suivant du même chapitre, le voici : Or, quiconque mangera ce pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable du crime contre le corps et le sang du Seigneur. À présent, dites-moi, comment manger du pain et boire du vin indignement, peut-il rendre coupable d’un crime, d’un sacrilège aussi horrible ?

— Cela est bien aisé à voir, répond M. Dumont ; le sacrilège existe dans la profanation d’une chose sacrée.

— Certainement, mais supposons qu’un homme profane la parole de Dieu, le baptême ou toute autre chose sacrée, se rendra-t-il coupable du corps et du sang de Jésus-Christ ?

— Non… dit M. Dumont avec embarras : tout cela cependant ne prouve pas la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie. De plus, je dis que chaque fois que l’Église romaine est obligée de défendre cette cause, elle ne peut s’expliquer, et c’est pour cela que plusieurs de ses prêtres et de ses fidèles ne croient pas plus à la présence réelle que nous, protestants.

— Vous me surprenez vraiment : cette assertion est nouvelle pour moi ; cependant, puisque vous êtes si capable de vous expliquer vous-même, vous serez assez bon, n’est-ce pas ? de me dire ce que vous croyez.

— Je crois en la présence spirituelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, répond M. Dumont. Quand il a distribué le pain à ses apôtres, ce pain était séparé, ainsi il ne pouvait parler qu’au figuré lorsqu’il a dit : Ceci est mon corps car son corps n’avait pas encore souffert et en conséquence la séparation réelle dont vous parlez n’avait pas encore eu lieu.

— Alors, pourquoi n’adorez-vous pas la présence spirituelle de Jésus-Christ lorsque vous communiez ? Jésus-christ est Dieu et vous savez que Dieu est adorable dans ses attributs comme dans sa personne

M. Dumont n’osait répondre.

— Pourquoi ne me répondez-vous pas ? continue le prêtre, craindriez-vous qu’en adorant sa présence spirituelle, vous en veniez à adorer sa présence réelle ? Dieu est inséparable : là où est sa présence spirituelle, là aussi est sa personne. De plus, je dis que nous tous, catholiques, croyons en la présence réelle de Jésus-Christ, c’est-à-dire, à la présence réelle de son corps, de son sang et de sa divinité dans l’Eucharistie, sous les apparences extérieures du pain et du vin.

— Vous êtes dans l’erreur, dit M. Johnson, en prenant ou adoptant ces paroles dans leur sens littéral. Vous savez que Jésus-Christ a parlé souvent dans un sens figuré ; par exemple, ne se désigne-t-il pas comme l’agneau sacrifié dès le commencement du monde ?

— Je le sais, mais il n’y a pas un dogme de foi qui sait révélé plus clairement et plus distinctement dans le Nouveau Testament que celui de la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie.

— Ah ! pour cela, par exemple, s’écrie M. Dumont avec emphase, trouvez-moi un seul texte pour appuyer votre croyance.

— Il faudrait pour cela que vous, prêtres de l’Église romaine, eussiez le pouvoir de changer le pain au corps d’un Dieu et le vin en son sang, dit M. Johnson, et comme cela n’est pas possible, vous commettez un sacrilège en adorant et en faisant adorer une vile matière pour un Dieu. Je vous plains, réellement.

— Et moi, je vous affirme que nous, prêtres catholiques, avons reçu ce pouvoir de Jésus-Christ lui-même.

— Quelle abominable superstition ! s’écrie M. Dumont. Quelle absurdité que de croire qu’un homme puisse faire un Dieu avec un morceau de pain.

— Vous ne prouverez jamais ce que vous dites, continue M. Johnson.

— Ne chantez pas victoire si vite, car elle pourrait bien tourner en défaite. Il y a quelques instants, je vous disais qu’en vertu des paroles de la consécration que nous prononçons, le pain et le vin que nous tenons se trouvent changés au corps et au sang de Jésus-Christ. Or, lorsque le prêtre va consacrer, il cesse de parler en homme ; revêtu de la puissance de Jésus-Christ, il emprunte ses propres paroles, c’est Jésus-Christ qui parle par sa bouche. Pour vous prouver cette doctrine, je vous ai cité saint Paul ; mais puisque ce grand Apôtre n’est pas une assez grande autorité pour vous, nous prendrons le 6e chapitre de l’Évangile selon saint Jean, et si ce chapitre ne vous satisfait pas encore, je vous en citerai d’autres. Je commence par ce chapitre où Notre-Seigneur parle de l’Eucharistie pour la première fois ; il nous restera à savoir ce qu’il a dit lorsque ce sacrement a été institué. J’aimerais à avoir une bible ; veuillez m’attendre un instant, je vais aller en chercher une.

— J’ai ce chapitre ici, dit Gustave, tenez, le voici.

— Lisez-le vous-même, bon jeune homme, dit le prêtre, vous pourrez suspendre la lecture si l’un de nous désire parler sur quelqu’un des versets ; commencez au cinquième.

Gustave, joyeux, commença à lire l’histoire du miracle de la multiplication des pains avec lesquels Jésus-Christ nourrit 5 000 personnes.

— Arrêtez un instant, dit le prêtre ; ce miracle est, sur plusieurs points, une admirable figure de l’Eucharistie, et met à néant l’objection que vous, protestants, maintenez en disant que Jésus-Christ ne pouvait donner son corps à manger à des millions de chrétiens en même temps.

Continuez au verset 16e.

Gustave lut le miracle de Jésus marchant d’un pied ferme sur la mer agitée par la tempête ; miracle d’où le prêtre conclut que le corps de Jésus-Christ pouvait être exempt des lois universelles de la nature, lorsqu’il le voulait.

— Continuez, jeune homme.

Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle et que le fils de l’homme vous donnera.

— Ah ! voici, interrompit le prêtre, que Jésus-Christ promet une nourriture qui donnera la vie éternelle, commandant en même temps de travailler pour cette nourriture.

Lisez encore.

Nos pères ont mangé la manne du désert, ainsi qu’il est écrit ; il leur a donné à manger le pain du ciel. Jésus, donc, leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le pain du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain. Et Jésus leur dit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n’aura pas faim, et celui qui croit en moi, n’aura jamais soif.

— Bon ! s’écria M. Dumont avec triomphe, c’est le texte que j’attendais, et si je n’en ai pas encore parlé, c’était pour frapper plus fort. Que dites-vous de ceci, monsieur ? Ne voyez-vous pas que Jésus-Christ parle de ce pain de vie dans un sens figuré et spirituel ? Ne dit-il pas : Celui qui croit en moi n’aura jamais soif ? C’est donc par la foi et l’obéissance à sa doctrine que nous nous nourrissons de ce pain, et non par la chair et le sang de Jésus-Christ.

— C’est clair, dit M. Johnson joyeux ; ces paroles démontrent que notre Sauveur parle de la foi que nous devons avoir pour participer à ce pain de vie qu’il a promis de donner à ceux qui croient en lui.

— Attendez, messieurs, Jésus-Christ lui-même, qui vient de nous promettre un pain nouveau qui donnera la vie éternelle, va nous dire ce que c’est que ce pain. Remarquez bien, il y a déjà cinq ou six fois, dans ce chapitre, que ce divin Sauveur parle de ce pain. Voyons, jeune homme, dites-nous donc quel est ce pain ; lisez le verset 52e.

— Le voici, dit Gustave :

Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai pour la vie du monde, c’est ma chair.

— Ah ! ce pain est la chair de Jésus-Christ, dit le prêtre. Ce n’est donc pas la foi et l’obéissance en lui ; que dites-vous de cela ?

M. Dumont, embarrassé, ne savait que répondre ; M. Johnson n’était guère plus à son aise ; après avoir essayé longtemps de tourner cette expression, « c’est ma chair, » pour lui donner cette signification, « le pain que je donnerai, c’est le symbole de ma chair, » ce dernier crut devoir répondre :

— Jésus-Christ, dit-il, a, depuis le commencement de ce chapitre, parlé dans un sens figuré ; il parle encore dans le même sens en employant le mot « chair, » et en désignant la foi par le mot « pain. » Il a voulu dire : « Le pain que je donnerai est la foi en ma chair, c’est-à-dire en mon incarnation. »

— Ainsi, dit le prêtre, c’est la foi en son incarnation que Jésus-Christ à donnée sur la croix pour sauver le monde, et non sa chair, et, d’après ce que vous dites, c’est cette foi que nous devons manger avec nos bouches, comme les Israélites ont mangé la manne. Mais continuez la lecture, nous allons voir comment les Juifs ont compris les paroles de Notre-Seigneur.

Gustave continua :

Les Juifs disputaient donc entre eux et disaient : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ?

— Ah ! combien de fois ai-je entendu faire la même question, dit madame Dumont, qui prêtait la plus grande attention à cette discussion.

— Oui, ma mère, dit Gustave, vous voyez qu’il y avait de bons protestants parmi les Juifs.

M. Johnson, piqué au vif, s’écria :

— Nous savons que les Juifs comprirent les paroles de Jésus-Christ dans leur sens littéral ; certes, nous n’avons pas besoin d’imiter une nation aussi sensuelle que sotte et ignorante.

— Admettons, dit le prêtre, que ceux à qui Jésus-Christ s’adressait étaient des ignorants ; mais ce bon Sauveur va corriger leur erreur et les avertir qu’ils ont mal compris, sinon par amour pour eux, au moins par amour pour les millions de croyants qui, dans l’avenir, prendraient ses paroles dans leur sens clair et littéral. Lui qui venait sauver le monde, va-t-il laisser dans le doute ceux-là mêmes qu’il veut éclairer et racheter par sa mort ? Lui qui, à chaque fois qu’il s’est servi de paraboles ou du sens figuré, en a toujours donné l’explication ? Si ce n’est pas réellement sa chair qu’il veut donner à manger, il va certainement les avertir de ne pas commettre d’idolâtrie en adorant simplement un symbole ou une figure. Voyons, vous conviendrez avec moi que cela était son devoir ; mais continuons notre lecture, nous allons voir ce qu’il a fait.

Gustave reprend sa lecture :

Or, Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous.

— Remarquez bien, messieurs, dit le prêtre, avec quelle solennité Jésus prononce ces paroles : En vérité, en vérité, je vous le dis, etc., pour exprimer la vérité de ce qu’il doit dire. Eh bien ! a-t-il modifié ses paroles ? Dit-il que ceux qui l’écoutaient se sont trompés dans l’interprétation ou le sens de ce qu’il vient d’affirmer ? Leur dit-il qu’en employant le mot « chair, » il n’a pas voulu parler de son corps et de son sang, mais seulement de la foi en lui ou en son incarnation ? Les prévient-il de ne pas prendre ses paroles dans leur sens littéral, car ils commettraient des actes d’idolâtrie, de superstition ou d’absurdité ? Pourquoi emploie-t-il le mot « chair » au lieu du mot « foi » ou « obéissance » ? Certes, que signifieraient ces paroles, si vous ne mangez ma chair ou ne buvez mon sang, s’il avait voulu seulement nous faire comprendre que nous lui devions la foi et l’obéissance ? Ces deux devoirs ne se mangent pas, ne se boivent pas, ils se pratiquent ; et je suis surpris que vous essayiez de détourner le sens de paroles aussi nettes et aussi précises. Non, Jésus-Christ, loin de modifier ses paroles, loin de faire comprendre à cette multitude qu’elle s’est trompée dans son interprétation, lui démontre qu’elle a bien compris ; il répète avec plus de force que c’est sa chair qu’il donnera à manger, et il ajoute de plus, qu’il donnera aussi son sang à boire. Ainsi, au lieu de faire disparaître cette objection, il la confirme en leur commandant de boire son sang. Vous devez savoir que la loi de Moïse était très sévère contre l’usage du sang d’aucun animal, encore plus du sang humain.

— Nous pouvons peut-être prendre les mots « manger et boire » dans leur sens littéral, dit M. Dumont ; mais, je le répète, Jésus parle au figuré dans tout ce chapitre, lorsqu’il désigne sa chair et son sang, et le pain et le vin que nous recevons en sont les symboles ; car, après tout, ce divin Sauveur ne pouvait donner deux sens à ses paroles dans le même chapitre.

— Je vais continuer, dit le prêtre, la lecture de ce chapitre ; cependant, que Dieu me pardonne si, cette fois, je me permets d’interpréter son Évangile comme vous, messieurs, et il commença à lire :

Si vous ne mangez le pain, non ma chair, et si tous ne buvez le vin, non mon sang, tous n’aurez point la vie en tous. Celui qui mange le pain, non ma chair, et qui boit le vin, non mon sang, a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car le pain, non ma chair, est vraiment une nourriture, et le vin, non mon sang, est vraiment un breuvage. Celui qui mange le pain, non ma chair, et qui boit le vin, non mon sang, demeure en moi et moi en lui.

— Ne profanez pas ainsi les saintes Écritures, dit M. Dumont d’un ton indigné ; c’est une impiété.

— Si lire ainsi les saintes Écritures est une profanation et une impiété, dit le prêtre, que doit être votre interprétation ? Ma lecture correspond en tout point avec elle et n’a pas influencé ma foi, comme votre interprétation dirige la vôtre.

— Mais lisez donc ce que Jésus-Christ ajoute au 64e verset de ce même chapitre, dit M. Dumont vexé : C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, les paroles que je vous dis sont esprit et vérité. Ces paroles ne sont-elles pas assez claires, ne disent-elles pas évidemment que Jésus voulait signifier que son discours devait être pris au figuré et non à la lettre, puisque la chair ne sert de rien et que les paroles qu’il dit sont esprit.

— Une question, s’il vous plaît, Jésus parle-t-il ici de sa chair, ou de la chair en général ?

M. Dumont ne s’était pas préparé ou plutôt ne s’attendait pas à une question semblable ; après avoir réfléchi quelques instants, il répondit avec hésitation :

— Il parle de sa propre chair ; mais qu’est-ce que cela fait ?

— Beaucoup ; si sa chair ne sert à rien, à quoi a servi la mort de celui qui possédait un corps composé de cette chair et du sang d’un Dieu ?

— Que veut donc dire Jésus-Christ par ses paroles ? dit M. Johnson ; il faut convenir que sa chair nous a été d’une grande utilité, vu que par sa mort nous avons été rachetés ; il y a ici contradiction, d’après moi, et il m’est difficile de comprendre comment une chair qui ne sert à rien puisse être utile en certains cas.

— Je pense comme vous : ou elle est utile, ou elle ne l’est pas ; je vous dirai cependant que vous voyez une contradiction où il n’en existe pas, car Jésus-Christ parle ici de la chair en général. Aussi nous comprenons que quand le mot chair est opposé au mot esprit dans le Nouveau Testament, le premier signifie le sens orgueilleux de l’homme, et le second la lumière du Saint-Esprit.

— Des preuves, s’il vous plaît, dit M. Dumont.

— Autant que vous en voudrez, reprit le prêtre. Quand Notre-Seigneur dit a saint Pierre : Vous êtes heureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair ni le sang qui vous ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux ; n’est-ce pas comme s’il disait : ce ne sont pas vos propres lumières, mais les lumières de mon Père qui vous ont révélé ceci ? Et quand le même Apôtre dit : La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, etc., que veut-il signifier, sinon que le sens corrompu de l’homme est opposé aux inspirations généreuses qui nous viennent d’en haut. Enfin, quand saint Paul assure qu’il n’y a pas de condamnation pour ceux qui sont en Jésus et qui ne marchent, pas selon la chair, qu’enseigne-t-il, sinon que ceux qui, obéissant à ce même Jésus, n’écoutant pas la loi de leurs sens dépravés, ne seront point condamnés ? D’ailleurs les Juifs et les disciples incrédules comprirent que ces paroles : C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, confirmaient ce que Notre-Seigneur avait dit. Ils comprirent que Jésus-Christ promettait de donner réellement un jour sa chair à manger et son sang à boire ; et comme ils ne croyaient pas cela possible, ils abandonnèrent Jésus, selon qu’il est dit au 64e verset de ce même chapitre. Dès ce moment-là, plusieurs de ses disciples l’abandonnèrent et ne marchèrent plus avec lui. Eh bien ! messieurs, ne dites-vous pas vous aussi : « comment peut-il nous donner sa chair à manger ? » Ne vous éloignez-vous pas de Jésus-Christ, en refusant de croire que dans l’Eucharistie, il donne réellement son corps à manger et son sang à boire ?

— Je ne croyais pas de rencontrer de bons protestants parmi les disciples de Notre-Seigneur, dit Gustave en souriant : il y en a même qui protestent dans l’Évangile.

— Ne soyez pas si sévère, jeune homme, dit M. Johnson avec chaleur, ces gens ont abandonné notre Sauveur, mais nous ne l’abandonnons pas ; nous croyons en lui et faisons tout en notre pouvoir pour le bien servir.

— Jésus-Christ n’a jamais promis quelque chose, dit M. Dumont, sans remplir sa promesse. Or, vous ne trouverez nulle part dans l’Évangile que ce divin Sauveur ait, à proprement parler, donné son corps à manger et son sang à boire.

— Vous ne pouvez pas être sérieux en parlant ainsi, dit le prêtre, ou vous ignorez complètement ce qui s’est passé le soir de la cène. Jésus célèbre la Pâque avec ses disciples ; pour la dernière fois avant sa mort, il se trouve au milieu de tous ses Apôtres ; il leur parle avec amour et leur fait ses dernières recommandations. Le moment est venu où il va remplir sa promesse ; il se souvient qu’il a promis de leur donner à eux et à tous les chrétiens, son corps à manger et son sang à boire. Pour cela il prend du pain, le bénit, le partage et le donne à ses Apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous. Prenant ensuite son calice rempli de vin, il le leur donne et ajoute : Prenez et buvez tous de ceci, car ceci est mon sang. Faites ceci en mémoire de moi.

— Bien ! là je vous tiens, dit M. Dumont joyeux. Ne voyez-vous pas dans ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, que Jésus-Christ a voulu établir une mémoire perpétuelle de lui-même ?

— Oui, une mémoire seulement et non une réalité, ajoute M. Johnson.

— Allons donc ! au commencement de cette discussion vous y voyiez une présence spirituelle, à présent, ce n’est qu’une mémoire ; alors je vous dirai, adorez donc sa mémoire ; cependant vous vous hâtez trop d’arriver aux conclusions, car il y a une grande différence entre une présence quelconque, fût-elle même spirituelle, et une simple mémoire. Terminons d’abord la question préalable ; Jésus Christ a dit : « Faites ceci. » Que devons-nous faire ?

— Rien n’est plus clair, répondit M. Dumont avec emphase ; nous devons faire ce que Jésus-Christ a fait, c’est de prendre du pain et du vin, le manger et le boire en mémoire de lui.

— Nous devons certainement faire ce que Jésus-Christ a fait, mais je vous demanderai : Qu’est-ce que Jésus-Christ a fait ? A-t-il simplement donné à ses Apôtres du pain et du vin, comme vous, protestants, le prétendez, ou leur a-t-il donné sa chair et son sang, ainsi que ses paroles nous le font comprendre ? Lorsque vous aurez répondu à cette question d’une manière satisfaisante, il sera aisé de s’entendre ensuite.

M. Johnson, embarrassé, ne savait que répondre ; de grosses sueurs inondaient la figure de M. Dumont. Ils essayaient tous deux de rassembler leurs idées confuses, et pour mieux réussir, il se portaient la main au front ; mais leurs efforts étaient inutiles, cette question ne leur avait pas encore été adressée, et ils ne trouvaient aucune réponse plausible.

Les autres passagers, anxieux, les regardaient tour à tour avec l’espérance que l’un ou l’autre pourrait justifier la croyance à laquelle ils étaient attachés eux-mêmes. Enfin M. Dumont crut avoir trouvé la solution désirée et répondit :

— Ce qui nous prouve que Jésus-Christ n’a pas voulu donner son corps et son sang à manger et à boire, mais nous a laissé une mémoire au figuré seulement, c’est que les Apôtres, et avec eux les chrétiens de l’Église primitive ou des cinq premiers siècles, n’ont jamais cru ou enseigné qu’en communiant, nous prenions le corps et le sang de Jésus-Christ en réalité, ou que le pain et le vin, une fois consacrés, étaient changés au corps et au sang d’un Dieu. Ils n’ont jamais vu, dans ce sacrement, autre chose qu’une mémoire ou un symbole ; et ils n’ont jamais adoré les espèces du pain et du vin comme vous le faites.

— Où avez-vous pris vos renseignements ? vous ne devez pas avoir étudié l’histoire pour parler ainsi ; si vous désirez des témoignages, je vais vous en donner.

— J’ai ces témoignages dans ce livre, dit Gustave, ils pourront peut-être aider votre mémoire.

— J’en suis bien aise, dit le prêtre, encore cette fois je vous prierai d’en faire la lecture vous-même. Mais avant, ajouta-t-il en s’adressant aux passagers, je vous demanderai, messieurs, si vous accepterez les témoignages des Pères de l’Église des cinq premiers siècles ?

— Oui, certainement, répondirent quelques-uns.

— Pourvu qu’ils correspondent avec ceux des Apôtres, dit M. Dumont ; je crains cependant qu’il y ait confusion et différence d’opinion entre eux.

— C’est ce que nous allons voir, dit le prêtre. Commencez votre lecture, mon enfant.

Voici leurs témoignages, dit Gustave, qui lut :

Saint Thomas d’Aquin, 13e siècle :

Or, afin que le souvenir d’un si grand bienfait demeurât éternellement gravé dans notre mémoire, Jésus-Christ a laissé aux fidèles, sous les espèces du pain et du vin, son corps pour leur servir de viande, et son sang pour leur servir de breuvage…

— Mais ce Thomas est du treizième siècle, interrompit M. Dumont, je ne m’étonne pas qu’il ait écrit cela ; il voulait faire valoir sa nouvelle doctrine, l’adoration dans l’Eucharistie, qui fut une des principales causes de la grande réformation qui eut lieu deux cents ans après.

— Prenez donc patience, dit le prêtre, nous allons voir que cette idolâtrie, comme vous l’avez appelée, existait bien longtemps avant lui ; je crains même que vous ne traitiez les Apôtres d’idolâtres tout à l’heure continuez votre lecture.

Gustave, reprenant sa lecture, continua :

Extrait d’un sermon de saint Cyrille, 4e siècle :

La doctrine du bienheureux Paul suffit, elle seule, pour vous rendre des témoignages certains de la vérité des divins mystères, et l’Église vous ayant jugés dignes d’y participer, vous a, par ce moyen, unis à Jésus-Christ si étroitement que vous n’êtes plus avec lui, pour le dire ainsi, qu’un même corps et qu’un même sang. Car ce grand Apôtre disait, dans la lecture qu’on vient de faire, que Notre-Seigneur dans cette même, nuit où il fut livré à ses ennemis, ayant pris du pain et rendu grâces à Dieu son Père, il le rompit et le donna à ses disciples en leur disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps, ceci est mon sang. Puisque donc en parlant du pain, il a déclaré que c’est son corps, qui osera révoquer en doute cette vérité ? Et puisqu’en parlant du vin il a assuré si positivement que c’était son sang, qui jamais en pourrait douter et osera dire qu’il n’est pas vrai que ce soit son sang ?

— Un grand idolâtre, celui-là, dit Gustave en souriant. Il allait continuer sa lecture, mais M. Dumont lui ordonna d’arrêter et ajouta :

— Ce Cyrille est une autorité isolée et ne prouve pas le sentiment des Pères et des docteurs de la primitive Église ; de plus, je ne vois pas la nécessité de continuer cette lecture.

— Serait-ce la crainte d’entendre le témoignage unanime de tous les Pères et docteurs de l’Église qui vous fait parler ainsi ? demanda le prêtre.

— Non, non, répondit M. Dumont d’un ton irrité.

— Vous feriez mieux de laisser votre fils continuer sa lecture, dit M. Johnson ; je suis certain que ces Pères vont se contredire ou différer d’opinion, et je puis vous assurer que je tiendrai compte de la première contradiction.

— Que mon fils continue s’il le veut, dit M. Dumont, rouge de dépit.

Gustave, qui avait fermé son livre, le rouvrit et continua.

Saint Jacques de Nisibe au concile de Nicée en 325 :

Notre-Seigneur avant d’être crucifié donna de ses propres mains son corps pour nourriture et son sang pour breuvage.

Saint Jérôme :

Moïse n’a pas donné le vrai pain, mais Jésus-Christ seul le donne. Il nous invite au festin, et il est lui-même notre aliment, il mange avec nous et nous le mangeons lui même.

Saint Jean Chrysostome :

Ainsi, dans les mystères de l’Eucharistie, ne regardons pas seulement les choses qui sont devant nous, mais attachons-nous à sa parole, car sa parole ne peut tromper, tandis que nos sens sont sujets à l’erreur. Puis donc que sa parole dit : ceci est mon corps, soumettons-nous et voyons-le des yeux de l’intelligence.

Saint Cyrprien, 3e siècle :

Comment apprendraient-ils (les martyrs) à répandre leur sang pour Jésus-Christ, si avant de les laisser aller au combat, nous ne leur donnions pas son sang ?

Saint Justin, 2e siècle, dans son apologie :

Cette nourriture s’appelle chez nous l’Eucharistie ; nous ne recevons pas ce pain comme du pain ordinaire, ni ce breuvage comme un breuvage ordinaire ; mais de même que par la parole de Dieu, notre Sauveur Jésus-Christ a été fait chair, a pris notre chair et notre sang pour notre salut, ainsi par la vertu de la prière prononcée avec sa parole, cette nourriture bénite est la chair et le sang de ce Jésus fait chair.

Saint Ignace, 1er siècle, épître aux Éphésiens :

Ils s’abstiennent de l’Eucharistie, parce qu’ils ne reconnaissent pas avec nous que l’Eucharistie est la chair de Notre-Seigneur Jésus-Christ, cette chair qui a souffert pour nos péchés, et que le Père a ressuscitée dans sa miséricorde.

M. Dumont n’en pouvait plus ; la vue de tous ces témoignages unanimes le plongeait dans un embarras dont il ne savait comment sortir ; aussi il crachait et toussait sans interruption afin de moins entendre. Ce qui le peinait le plus, c’était de voir qu’il allait lui-même subir la punition qu’il voulait infliger à son fils. Conservant encore un peu d’espérance, il interrompit la lecture en disant :

— Tous ces témoignages de saint celui-ci ou de saint celui-là ne prouvent rien ; ces hommes pouvaient errer dans leur croyance.

— Vous voulez dire, je suppose, dit le prêtre, que tous ces grands docteurs et Pères de l’Église primitive étaient moins infaillibles que vous ; mais attendez, vous allez rejeter l’autorité des Apôtres, qui avaient la même croyance.

— Vous ne prouverez jamais cela, dit M. Dumont avec ironie.

— La preuve, comme toutes les autres que j’ai déjà faites, ne sera pas difficile à trouver, dit le prêtre ; j’ai ici en main les liturgies des premières églises fondées par les Apôtres, c’est-à-dire les prières et les cérémonies prescrites par eux-mêmes dans l’administration des sacrements ; elles doivent être, il me semble, des preuves irrécusables. Prenons d’abord celle de l’Apôtre saint Jacques pour l’église de Jérusalem. Voici la prière qu’il a consacrée pour la célébration du sacrement de nos autels. Veuillez prêter votre attention.

Ayez pitié de nous, ô Dieu le Père tout-puissant, et envoyez votre Esprit-Saint, souverain Seigneur et principe de vie, égal en puissance à vous et à votre Fils, qui est descendu, sous la figure d’une colombe, sur Notre-Seigneur Jésus-Christ ; qui est descendu sur les Apôtres sous la forme de langues de feu : afin qu’en revenant, il fasse de ce pain le corps qui donne la vie, le corps du salut, le corps céleste, le corps qui rend la santé aux âmes et aux corps, le corps de Notre-Seigneur Dieu et Sauveur Jésus, pour la rémission des péchés et la vie éternelle de ceux qui le recevront. Amen… C’est pourquoi nous vous offrons à vous, Seigneur, ce terrible sacrifice non sanglant, etc.

Ah ! dit le prêtre en interrompant sa lecture, saint Jacques offrait le saint sacrifice de la messe, qu’il appelle terrible sacrifice non sanglant ; voilà justement ce que vous nommiez, au commencement de cette discussion, une invention de Rome. J’aimais à vous faire remarquer cela en passant. Continuons cependant notre lecture, sinon vous pourriez dire que les autres Apôtres différaient d’opinion avec lui. Voici la prière prescrite par saint Marc pour son église d’Alexandrie :

Envoyez vers nous, et sur ce pain, et sur ce calice, votre Esprit-Saint, afin qu’il les sanctifie et les consacre comme Dieu tout-puissant, et qu’il fasse du pain le corps et du calice le sang du nouveau testament de Notre-Seigneur Dieu et Sauveur, de notre Roi souverain, Jésus-Christ, etc.

— Voyons, continue le prêtre, comment saint Pierre, le premier des apôtres, faisait prier la liturgie romaine :

Nous vous supplions, ô Dieu ! de rendre cette oblation sans réserve ; bénie, consacrée, offerte, raisonnable et digne d’être reçue, afin qu’elle devienne pour nous le corps et le sang de votre cher Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Eh bien ! messieurs, si vous êtes logiques, vous allez regarder les apôtres comme des idolâtres, car, comme nous, ils ont cru et enseigné que dans l’Eucharistie, nous recevions le corps et le sang de Jésus-Christ en réalité. Allez-vous me dire qu’ils étaient dans l’erreur, eux qui avaient reçu le Saint-Esprit et leur mission divine de Jésus-Christ même ? Lorsque je vous ai demandé, il y a un instant : « Qu’est-ce que Jésus-Christ a fait ? » quelle fut votre réponse ? Vous n’en aviez aucune à me donner ; et pourquoi ? C’est parce que vous n’avez pas la foi, ce don précieux donné par le Saint-Esprit, ce même Esprit qui est descendu sur les Apôtres, afin qu’ils crussent et enseignassent la vérité. Or, ces mêmes Apôtres ont cru et enseigné la présence réelle de Jésus-Christ en corps et en âme dans l’Eucharistie ; voilà pourquoi les Pères, les docteurs et les chrétiens des premiers siècles les ont écoutés et imités, et que nous, catholiques comme eux, suivons leur exemple. D’ailleurs, comment pourrions-nous croire autrement ? les paroles de Notre-Seigneur sont claires et précises sur ce point. Il a dit au 6e chapitre de saint Jean : Et le pain que je donnerai, c’est ma chair ; le soir de la cène, il dit : Prenez et mangez, ceci est mon corps ; prenez et buvez, ceci est mon sang ; non pas, remarquez-le bien, ceci est la figure ou la commémoration du corps qui doit être immolé et du sang qui doit être versé pour vous. Non, notre Sauveur a été très explicite : ceci est mon corps, mangez-le ; ceci est mon sang, buvez-le. Il parle de mémoire, il est vrai, en disant : Faites ceci en mémoire de moi ; mais que venait-il de faire ? Les apôtres nous en ont donné la réponse, nous ont prouvé que ce divin Sauveur donne véritablement son corps et son sang dans l’Eucharistie ; car, comme leur divin Maître, ils ont béni, consacré et donné quoi ? le corps et le sang de Jésus-Christ, sous les apparences du pain et du vin. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont eux-mêmes, je viens de vous le prouver. Dites-moi, à présent, qui dois-je écouter, eux ou vous, messieurs, qui protestez toujours lorsque votre raison ou vos sens sont portés à repousser telle ou telle doctrine, uniquement parce que le catholique y croit ?

— Ces témoignages sont frappants, il est vrai, dit M. Johnson, mais la raison repousse une doctrine semblable. Il m’est impossible de croire que Jésus-Christ a pu donner son corps dans un morceau de pain à peine visible.

— C’est ridicule, ajouta M. Dumont.

— Vous corroborez ce que j’ai dit tout à l’heure ; parce que votre raison repousse cette doctrine, elle est illusoire, fausse et ridicule, donc tous les mystères sont ridicules. Cependant, en réponse à vos objections, je vous demanderai : Croyez-vous réellement qu’il a quelque chose d’impossible à Dieu ? Que Jésus-Christ, qui a pu unir par le mystère de l’Incarnation sa divinité à un corps humain, et cela par des moyens surnaturels, ne peut pas mettre ce corps là où il le voudra ?

— Non… non… répondit M. Johnson confus ; mais je dis qu’il y a absurdité à croire que le corps et le sang de Jésus-Christ sont dans du pain et du vin, qui finissent par se corrompre, soit en vieillissant, soit dans nos corps après que nous les avons pris.

— Vous me surprenez, monsieur ; vous parlez du corps immortel et glorifié de Notre-Seigneur, comme si ce corps était sujet à la corruption. Ne savez-vous pas qu’un des privilèges d’un corps immortel et glorifié est l’impassibilité ?

— Je l’admets, dit M. Dumont, cependant tous ces témoignages des Pères de l’Église et les liturgies que vous venez de lire, sont tous tirés de vos propres théologiens. Qu’est-ce que cela prouve ? nous ne pourrions avoir d’eux un jugement impartial, car ils ont eu le soin de ne pas se contredire.

— Je m’attendais à une objection semblable ; vous aviez promis, pourtant, d’accepter les témoignages des Pères de l’Église, s’il ne s’y trouvait pas de contradiction. Remplissez-vous votre promesse ? Je vous ai démontré que tous les Pères de l’Église étaient unanimes sur leur croyance à cette doctrine ; je vous ai prouvé que les Apôtres l’avaient enseignée ; et malgré tout cela, vous n’êtes pas encore satisfaits, quoique vous n’ayez pas encore prouvé le contraire. Eh bien ! puisque tous ces témoignages et toutes ces preuves ne suffisent pas, je ne dirai pas, pour vous convaincre, car vous ne me paraissez pas le vouloir, mais pour prouver que la foi en la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie a toujours existé, je vais vous citer des autorités protestantes. Commençons d’abord par Luther : voici ce qu’il a dit :

J’ai tout essayé afin de rejeter la foi en la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, mais je ne puis réussir, les textes de l’Évangile sont si clairs sur ce point, qu’il n’y a pas à se tromper, et le corps et le sang de Jésus-Christ sont réellement dans le pain et le vin sans qu’ils changent de substance.

Calvin dit :

Jésus-Christ est présent dans l’Eucharistie au moment où l’on reçoit l’hostie.

Mélancton :

J’aimerais mieux mourir que d’affirmer que le corps du Christ ne peut être que dans une place.

Puis il termina en leur citant les opinions de Grotius, lord Fitz-Gerald, Leibnitz et autres illustres historiens et génies du protestantisme.

— En est-ce assez, messieurs ? dit le prêtre en souriant ? sinon je vais vous en citer encore. Ce sont des protestants qui viennent de parler, même les fondateurs du protestantisme. Les croirez-vous ceux-là ? Il me semble que non, le doute se lit sur vos figures. Que vous faut-il donc pour vous convaincre ? Non seulement les Apôtres, les Pères, les docteurs de l’Église et les catholiques de tout temps ont cru et croient en la présence réelle, mais les plus illustres protestants viennent y ajouter leurs témoignages. Il n’y a donc que ceux qui ne veulent pas soumettre leur volonté ou leur interprétation à l’autorité de l’Évangile et de l’Église, qui rejettent cette croyance. Si nous leur en demandons la cause, ils ne savent que répondre, ou s’ils répondent, ils nous disent que la raison repousse une telle absurdité, qu’il est ridicule de croire une pareille doctrine. Vous prétendez donc que votre raison est supérieure à celle des apôtres, des Pères, des docteurs de l’Église, à celle des grands historiens et des génies même protestants que je viens de vous citer ? Alors faites valoir votre prétention, donnez-moi des preuves de votre supériorité ; mais je crains que le tout se borne à des objections futiles ou fondées sur le préjugé, lancées pour le seul plaisir de protester. Permettez-moi de vous dire que ce n’est pas ainsi qu’il faut agir, surtout à l’égard d’un sacrement si saint et que tout honnête homme respecte.

Mais je termine, ajouta-t-il, il se fait tard, et, ayant encore une partie de mon bréviaire à réciter, je vous prie de m’excuser. Bonsoir, mesdames et messieurs, mon plus grand désir est que cette discussion vous porte bonheur.

— M. le curé, dit M. Johnson en se levant, je dois vous dire que mon opinion est grandement changée à l’égard de ce sacrement que j’ai toujours considéré comme un acte d’idolâtrie. Quoique je ne sois pas encore convaincu de la présence réelle de Jésus-Christ dans ce sacrement, je reconnais à présent que le catholique, en communiant, n’a d’autre but que celui d’adorer Dieu dans la personne de notre divin Sauveur.

— J’en suis très heureux, monsieur. J’espère que Dieu vous en bénira.