Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/historiette s. f.


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HISTORIETTE s. f. (i-sto-ri-è-te — dimin. d’histoire). Anecdote, récit de quelque aventure plaisante ou galante:Les historiettes, les contes narrés de vive voix affrianderont les enfants. (Mme Monmarson.)

Syn. Historiette, anecdote, histoire. V. ANECDOTE.

Historiettes, de Tallemant des Réaux (1657-1659), un des plus amusants recueils d’anecdotes et de bons mots concernant la haute société française, sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII et sous la Fronde. La date que nous donnons plus haut est celle de la composition de l’ouvrage, et non celle de l’impression ; les Historiettes ne furent éditées pour la première fois qu’en 1833, par MM. de Montmerqué et Taschereau (Paris, 6 vol. in-8°).

Destiné à rester manuscrit et à courir sous le manteau, ce recueil témoigne d’une malignité spirituelle, que son auteur aurait sans doute atténuée s’il avait eu en vue le vrai public ; il aurait cherché aussi à contrôler la véracité de ses récits et serait pour nous moins suspect ; car, s’il est toujours amusant, il est si peu scrupuleux, que la plupart du temps on ne peut se fier à lui. La licence de quelques-unes de ses anecdotes est extrême, et s’explique également par le petit nombre d’amis auxquels il s’adressait. Tallemant faisait partie de la société élégante et polie de l’hôtel de Rambouillet, et l’on peut dire que ses Historiettes ne sont que l’écho des conversations qui se tenaient devant lui ; il fut le peintre de cette société aussi galante que polie. Son livre groupe à nos yeux à peu près toutes les physionomies saillantes de cette période du XVIIe siècle, qui fut comme l’aurore du règne de Louis XIV. « Il nous introduit, dit M. P. Paris ; nous allons avec lui chez Mme de Choisy, près de Saint —Germain-l’Auxerrois ; à l’Arsenal, chez les divines comtesses de Fiesque et de Frontenac ; à la place Royale, chez la comtesse de Maure ou la marquise de Sablé ; au Marais, au Luxembourg, dans les rues Coquillière et des Petits-Champs, chez la marquise de Sévigné, Mme d’Harambure, Mlle Galateau, depuis Mme de La Lanne ; Mme de Saint-Loup, Mlle de Coligny, depuis Mme de La Suze ; Mmes de Rohan, Mlle de Scudéry, Mme de Coislin, M. des Yveteaux et Mme la présidente de Lescalopier. Quelle variété de tableaux, de bonnes qualités et de défauts, d’agréments et de ridicules ! Mais, à tout prendre, dans ces réunions, et sans même y joindre l’hôtel de Rambouillet, on est assuré d’y trouver le même genre d’esprit, la même politesse, le même bonheur de pensées et d’entretiens. »

À défaut de la perfection, il a l’originalité de la forme. Cette langue incorrecte des pamphlets de 1610 à 1622, des poètes du temps, étonne quelquefois par une verve et par un coloris qu’on ne retrouve plus dans les écrivains du règne de Louis XIV. Les Historiettes de Tallemant nous expliquent comment les grands esprits du milieu et de la fin du siècle se sont formés. À côté des physionomies de la vieille génération poétique, des Malherbe, des Racan, des Balzac, des Chapelain, on voit poindre des figures plus jeunes. C’est « ce garçon de belles-lettres, grand rêveur et qui fait des vers, nommé La Fontaine.• C’est cet autre « garçon, qui s’appelle Pascal et qui a inventé une machine admirable pour l’arithmétique. » C’est encore « un garçon, nommé Molière, qui quitte les bancs de la Sorbonne pour suivre la Béjart et qui fait des pièces où il y a de l’esprit. » Le livre de Tallemant offre souvent l’idée première et quelquefois la forme de plusieurs scènes des comédies de Molière, des Plaideurs et du Lutrin. Ces plaisanteries et ces bons mots étaient des épisodes de la vie réelle.

« Homme d’esprit à la mode de nos pères, dit M. Sainte-Beuve, curieux comme on ne l’est pas, à l’affût de tout ce qui se dit et se fait alentour, informé dans le dernier détail de tous les incidents et de tous les commérages de la société, il en tient registre, non pas tant registre de noirceurs que de drôleries et de gaietés ; il écrit ce qu’il sait par plaisir de l’écrire, avec le sel de sa langue, qui est une bonne langue, et en y joignant son jugement, qui est naturel et fin. Tel quel et ainsi fait, il est en son genre impayable et incomparable… Sans Tallemant et ses indiscrétions, beaucoup d’études particulières sur le XVIIe siècle seraient aujourd’hui à peu près impossibles. Par lui, on est de toutes les coteries, de tous les quartiers ; on connaît tous les masques, et jusque dans le déshabillé. Faut-il ajouter foi à tout ce que dit Tallemant ? Pas le moins du monde. Il redit ce qu’on disait, il enregistre les propos courants; il ne ment pas, mais il médit avec délices et s’en donne à cœur joie. Cependant ce qu’il raconte est toujours fort à prendre en considération, parce qu’il est naturel et judicieux, véridique et fin, sans aucune fatuité, sans aucune prétention. » Une édition définitive des Historiettes, avec des notes excellentes sur les personnages qui y figurent et une bonne table, a été donnée par MM. de Montmerqué et Paulin Pâris (Techener, 1854-1860, 9 vol. in-8°).


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