Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/gnomonique adj.

Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 4p. 1332).

GNOMONIQUE adj. (ghno-mo-ni-ke — rad. gnomon). Qui a rapport à l’art de tracer des cadrans solaires : Science gnomonique. || Colonne gnomonique, Cylindre sur lequel les heures sont marquées par l’ombre que projette un style ; obélisque dont l’ombre servait anciennement à marquer les heures. || Polyèdre gnomonique, Polyèdre sur les différentes faces duquel on a tracé des cadrans solaires.

— s. f. Art de construire des gnomons et des cadrans solaires.

Encycl. La gnomonique est la théorie de la construction des cadrans solaires. Notre but n’est pas de traiter ici de cette construction ; cette question, beaucoup trop simple pour arrêter aujourd’hui les moindres géomètres, a été suffisamment traitée aux articles cadran et gnomon ; mais la gnomonique ayant été pour l’antiquité et le moyen âge une des sciences pratiques les plus importantes, son histoire n’est pas sans intérêt. C’est cette histoire que nous allons exposer le plus rapidement possible.

Suivant Diogène Laerce, ce serait Anaximandre, le successeur de Thalès, qui aurait le premier établi un gnomon en Grèce, et ce serait à Sparte que cette invention aurait été inaugurée. Le gnomon d’Anaximandre était simplement une pyramide dont l’ombre, par sa direction, indiquait le milieu du jour. Anaximène ajouta, quelque temps après, les lignes d’ombre correspondant aux autres heures de la journée.

D’après Hérodote, au contraire, la connaissance de la hauteur du pôle et l’art de construire des cadrans solaires auraient été importés en Grèce par un Chaldéen nommé Bérose, qui était venu fonder à Cos une école, environ 30 ans avant l’époque où Hérodote écrivait. Jusque-là les Grecs n’avaient guère eu d’autre moyen de connaître l’heure que par la grandeur de leur ombre. On disait : L’ombre a dix pieds ; combien de pieds a l’ombre ? et ces expressions ont subsisté encore longtemps après qu’on a eu construit des cadrans solaires.

Vitruve nous a conservé les noms des différents genres de cadrans solaires employés chez les anciens, ainsi que ceux de leurs inventeurs. Il attribue, d’après Hérodote, à Bérose le cadran appelé hémicycle, que l’on croit être un demi-cylindre creux, ayant ses génétrices parallèles à la ligne des pôles et portant un style perpendiculaire à cette ligne, fixé en un point de la génératrice inférieure. La pointe de ce style étant supposée sur l’axe idéal du cylindre, l’ombre qu’elle portait sur la cavité du cylindre dessinait chaque jour une section transversale du cylindre, et la division du cadran se réduisait au tracé, sur chacun des côtés de la cavité, de six génératrices équidistantes entre elles à partir de la génératrice inférieure.

Le scaphé fut imaginé par Aristarque de Samos. C’était une demi-sphère creuse, portant un style dont la pointe marquait le centre. L’ombre projetée par cette pointe décrivait encore chaque jour un cercle, mais ce cercle décroissait de l’équinoxe au solstice. La division du cadran s’obtenait par le tracé de grands cercles équidistants et dont les plans se coupaient suivant la ligne des pôles. On a retrouvé plusieurs de ces cadrans dans les


ruines d’une maison sise à Tusculum, à Castel-Nuovo et à Pompéi. Le disque est aussi attribué à Aristarque de Samos. On croit que le tableau suivant les lignes d’ombre y était plan.

Eudoxe de Cnide imagina l' arachné, dont nous ne connaissons pas la construction ; Scopas de Syracuse, le plinthe ; Parménion, le pros-ta-istoronmena ; Théodore, le pros-panclinia ; Patrocle, le pélécinon ; Diouysidore, le cône, et Apollonius, le carquois, qui ne nous sont pas connus davantage. Vitruve cite encore le gonarché, l’eugoniaton et l' antiboreum. Les anciens avaient aussi des cadrans portatifs à suspension, dont a retrouvé quelques types. On peut consulter, pour connaître, autant que cela se peut, tous ces genres de cadrans, le Traité des horloges solaires des anciens, par Martini. Les modernes, à mesure que l’astronomie exigeait des observations plus exactes, ont cherché les moyens de rendre leurs cadrans plus justes ; mais la théorie en est si simple qu’ils avaient naturellement fort peu à y ajouter. La prodigieuse multiplicité des traités de gnomonique tient donc beaucoup plus à la généralité de l’usage qu’on en faisait qu’à la difficulté de la matière. Toutefois un grand nombre d’auteurs se plaisaient à multiplier les indications de toutes sortes que l’on peut joindre sur le cadran aux plus indispensables. Outre les arcs des signes, propres à indiquer les passages du soleil par les points de division du zodiaque, les lignes des heures comptées à partir du lever du soleil, etc., on traçait encore souvent sur le même cadran les ligues des heures relatives à certaines villes, comme Rome, Jérusalem, etc.

Les Arabes nous ont laissé un grand nombre de traités de gnomonique, dont la plupart sont restés manuscrits. Le premier qui ait été imprimé en Europe est celui de Jean Schoner, astronome du xvie siècle ; il a pour titre : Horarii cylindri canones ; ensuite viennent ceux de Munster et d’Oronce Fuia. Le premier parut à Bâle en 1531, sous ce titre : Compositio horologiorum in piano muro, truncis, annulo, etc. ; le second fut imprimé à Paris en 1532, et est intitulé : De horologiis solaribus et quadrantibus libri quatuor. Nous citerons encore : Degli horolagj solarj, du chartreux Vico Mercati ; De horoiogiorum descriptione, de Commandin ; De linea horariis, de Maurolicus de Mussim (1575), De compositione et usu multiformium horologiorum, de Jean de Padoue ; De gnomonum uni umbrarumque solarium usu, de Benedictis (1574) ; Gnomici libri octo, de Chavius (1531) ; Ars magna lucis et umbræ, du P. Kircher (1646) ; Perspectiva horaria sive de horologiographia tum theorica, tum practica, du P. Maignan (1648) ; Description and use of a great universal quadrant, de J. Colhns (Londres, 1658) ; la Méthode gnomonique d’après Desargues, par Bosse ; la Gnomonique de de La Hire, enfin celle d’Ozanara.