Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ZÉNOBIE (Septimie), célèbre reine de Palmyre

Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1475).

ZÉNOBIE (Septimie), célèbre reine de Palmyre ; elle était fille d’Amrou, prince arabe de la partie méridionale de la Mésopotamie, et épousa en secondes noces le fameux Odénath, chef des tribus arabes du désert de Palmyre et sénateur de cette ville. Elle partagea tous les dangers de son époux pendant ses guerres contre Sapor et dans ces expéditions brillantes où les Arabes semblaient préluder aux conquêtes de l’islamisme. Le génie militaire de cette race annonçait déjà, en effet, l’essor qu’il devait prendre sous les califes. Odénath, après avoir repoussé les invasions des Perses et des Scythes, avait reçu de Gallien les titres de général de l’Orient, dont il était en réalité le maître, et même d’Auguste, lorsqu’il périt assassiné et peut-être à l’instigation de son épouse. Zénobie prit alors le titre de reine de l’Orient (267), continua les conquêtes d’Odénath, résista vaillamment aux légions de Gallien et étendit la domination de Palmyre de l’Euphrate à la Méditerranée et des déserts de l’Arabie jusqu’au cœur de l’Asie Mineure. Ses troupes remportèrent même quelques avantages sur les Romains en Égypte.

Le peu de renseignements que nous possédons sur cette femme extraordinaire nous la dépeignent comme possédant les qualités les plus opposées, ou aspirant à les posséder, afin sans doute de concilier les éléments hétérogènes dont se composait son empire. Sobre et courageuse comme les Arabes, elle imitait en même temps le faste des Perses, parlait avec facilité le syriaque, l’égyptien et le grec, favorisait les juifs sans persécuter les chrétiens, faisait donner à ses fils une éducation toute romaine, pendant qu’elle-même haranguait ses troupes à la manière des généraux romains, bras nus et le casque en tête, cultivait les lettres grecques, attirait à sa cour les poètes et les savants de cette nation et accordait au rhéteur Longin le plus grand crédit.

Il y a toute apparence que cette préférence donnée aux civilisations de l’Europe dut éloigner d’elle ces tribus d’Arabes qui avaient fait sa force et celle d’Odénath. C’est du moins ce qu’on peut conclure de l’examen du récit des revers qu’elle éprouva dans la suite.

Pendant la courte période de son règne (267 à 272), Palmyre fut comme la capitale de l’Orient ; ses habitants, enrichis par le commerce et par les dépouilles des peuples vaincus, l’ornèrent, sous les yeux de Zénobie, de ces monuments prodigieux dont les voyageurs admirent encore les débris après quinze siècles de mutilations. Le porphyre, le marbre, l’or, prodigués avec une magnificence inouïe, mis en œuvre par des artistes grecs ou imitateurs des Grecs, en avaient fait une des merveilles de l’Orient, la Babylone du désert, comme Zénobie était elle-même une autre Sémiramis.

Cependant, Aurélien, après avoir vaincu les Germains et les Vandales, songea à ramener sous sa domination romaine les contrées dont s’était formé le royaume de Palmyre. Zénobie vint hardiment à sa rencontre. Vaincue près d’Antioche et à Emèse, elle fit une retraite habile, en même temps qu’elle lançait contre les légions les hordes de Bédouins du désert de Syrie ; contrainte cependant de s’enfermer dans Palmyre, elle y fut suivie par Aurélien, qui emporta la ville après un siège meurtrier. La reine, montée sur un dromadaire, s’enfuit vers l’Euphrate ; mais, atteinte par les cavaliers romains, elle fut ramenée à l’empereur, qu’elle étonna d’abord par l’énergie de ses réponses. Toutefois, intimidée par les cris de mort des farouches Illyriens qui composaient les légions, elle sentit fondre son courage ; le héros fit place à la femme et, pour sauver sa vie, livra tous ceux qui lui avaient conseillé la résistance. Emmenée à Rome, elle se laissa mourir de faim sur la route, si l’on en croit Zosime ; mais, suivant Vopiscus, elle orna, chargée de pierreries, le triomphe d’Aurélien, qui lui donna ensuite à Tibur une retraite, où elle termina ses jours. La ruine de Palmyre suivit de près la chute de celle qui l’avait élevée si haut. Cette cité arabe, qui dressait orgueilleusement ses édifices grecs au milieu de sa mer de sable, comme une Venise du désert, essaya dans la même année de secouer le joug des Romains. Vaincue, elle fut presque entièrement dévastée. Le petit nombre d’habitants échappés au massacre obtint la permission d’habiter ses débris ; mais son importance fut à jamais perdue, et elle décrut obscurément, dévastée de siècle en siècle par les hordes de barbares, jusqu’à ce que les Turcs vinssent camper au milieu de ses ruines désertes, mais encore majestueuses.