Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Rocroi (SIÈGE ET CAPITULATION DE), Un des épisodes de la guerre franco-allemande de 1870-1871

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 4p. 1283-1284).

Rocroi (siège et capitulation de), un des épisodes de la guerre franco-allemande de 1870-1871. Après la chute de Mezières, l’ennemi se présenta le 5 janvier 1871 devant Rocroi, la ville aux glorieux souvenirs. Les fortifications étaient en bon état ; 69 pièces, approvisionnées de 47.330 projectiles, composaient l’armement de la place, qui renfermait en outre 60,000 kilogrammes de poudre à canon, 1,002,000 cartouches et quelques centaines de fusils. Au moment où l’ennemi se présenta devant la place, la garnison ne s’élevait guère qu’à 334 hommes, chiffre qui descendit encore, par suite de désertions, à 105 hommes seulement, y compris 37 artilleurs, qui firent bravement leur service.

Laissons ici la parole à un témoin oculaire, dont le récit porte empreint le caractère de l’exactitude.

« Le parlementaire prussien s’est présenté le 5 janvier à la porte de Bourgogne, à dix heures du matin. Il a été reçu par M. Melin, commandant de place, M. Neveux, maire, et M. Alph. Sanier, sous-préfet. Il a sommé la ville de se rendre, en la menaçant d’un bombardement qui devait commencer à midi, et en déclarant que, si la ville se défendait, les autorités civiles seraient envoyées en Prusse. En présence de ces insolences injonctions auxquelles le commandant répondit de la façon la plus digne, les pourparlers ne pouvaient être longs ; mais, de dix heures un quart à midi, il 'ne restait que sept quarts d’heure pour prendre les dernières mesures et mettre en sûreté les femmes et les enfants ; en d’autres termes, et sous une apparente modemtion de formes, c’était un bombardement brutal et immédiat.

t A mini juste, "la première bombe tomba ;

Suis ce" fût un "feu roulant ; quelque chosehorrible ; cinq ou six inrendies se déclarèrent, d’éul très-considérubles ; & cinq heures

— du soir’, une vingtaine de maisons brûlaient, . le tiers- à peu près de la petite ville. Le bombardement se ralentit alors peu à peu, puis cessH tout à fait. À six heures un quart, le parlementaire prussien se présenta de nouveau et offrit aux autorités les conditions de capiiulaiion de Mézières : garnison, mobiles, mobilisés, douaniers et gendarmes prisonniers de guerre : remise des armes et munitions ; garde nationale sédentaire prisonnière sur parole ; autorités civiles libres ; ajoutant que, en cas de refus, la ville serait entièrement détruite par la grosse artillerie de siège, qui é : ait toute prête. Le commandant déclara qu’il, voulait, avant de répondre, consulter le conseil de défense ; Il demanda, toutefois, au jnaire et au sous-préfet quelle était leur opinion. M. Sanier répondit que, tout en appréciant l’horrible puissance de destruction de l’artillerie prussienne et l’étendue des sacrifices que le bombardement imposait à la population civile, il ne croyait pas encore arrivé le. iïiûitiiiu où toute résistance était impossible ; que, tout au contraire, la défense utile allait commencer a se produire quand l’ennemi, jugeant la ville détruite, s’approcherait forcement de la place à portée de nos projectiles. Le commandant affirma qu’il était bien déterminé ù prolonger lu résistance et consulta le conseil de délense, dont tous les membres étaient jusque-là restés silencieux. C’étaient MM. Dupuis, capitaine d’artillerie ; Chereau, capitaine du génie ; Lebeau, capitaine des mobiles, et Cornu, capitaine commandant la garde nationale. Le

’ conseil décida a l’unanimité "la capitulation ans conditions de Mézières, les pièces ne

Jportant pas jusqu’aux batteries prussiennes, es remparts n’étant défendus que par une centaine de mobiles incapables de repousser un assaut et dont plusieurs avaient iléjà déserté ieur poste. D ailleurs, la poudrière n’étant pas suffisamment protégée contre la frosse artillerie prussienne, il fallait crainre au premier instant une explosion et ses épouvantables conséquences. •

11 est évident que, dans de pareilles conditions, la défense était impossible ; si l’on a le droit d’exiger d’une garnison une résistance proportionnée à ses forces et à ses ressources, on ne saurait lui imposer des actes d’héroïsme, toujours glorieux sans doute, mais impuissants dans cette circonstance à changer la face des événements. Les Léonidas né sont plus de saisoti, et, si par hasard quelque homme de guerre semble s’inspirer de ces antiques traditions, comme le défenseur da Belfort, il ne trouve que colère et dédain chez certains hommes chargés plus tard de juger sa conduite. Mais la pensée d’avoir servi son pays le console et le venge. Dans sa séance du 15 mai 1872, le conseil d’enquête a tenu compte au commandant Melin de l’insuffisance ubsolue des moyens de défense dont il disposait, et il l’a simplement blâmé de n’avoir pas fait détruire, avant de capituler, le matériel d’artillerie et les approvisionnements en vivres et en munitions qui oni ensuite servi à l’ennemi.