Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Révolutions de Paris (LES), l’un des journaux les plus importants de la première Révolution

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 3p. 1126).

Révolutions de Paris (LES), l’un des journaux les plus importants de la première Révolution et qui parut depuis juillet 1789 jusqu’au 28 février 1794 (10 ventôse an II).

« Les Révolutions de Paris, dit M. Eug. Hatin (Hist. de la presse), sont un journal sui generis et qui tient bien ce que promet son titre. C’est le tableau le plus complet, le plus exact, le plus impartial des agitations de la capitale pendant les premières et les plus dramatiques années de la Révolution. »

Le premier rédacteur de cette feuille célèbre fut un nommé Tournon, qui, après une quinzaine de numéros, se brouilla avec l’éditeur, le fameux Prudhomme, libraire de la rue Jacob. Tous deux portèrent leurs contestations devant le comité de police, qui leur reconnut le droit de continuer le journal chacun de son côté. Tournon le continua en effet, d’abord sous le même titre, puis, et successivement, sous ceux de Révolutions de Paris et de l’Europe, Révolutions de l’Europe, etc., mais sans aucun succès, bien qu’il fût en réalité le véritable inventeur du titre et du journal.

La feuille que Prudhomme poursuivit de son côté demeura le véritable journal des Révolutions de Paris et elle eut un succès prodigieux, que d’ailleurs elle avait acquis dès l’origine.

L’ingénieux libraire avait eu la bonne fortune d’attacher à son entreprise un véritable écrivain politique, un jeune homme plein de sérieux, de passion et de sincérité, qui collaborait avec Tournon dès les premiers numéros et qui continua à peu près seul le journal. Nous voulons parler ici de Loustallot, sur qui nous avons donné une notice à laquelle nous renvoyons le lecteur. Loustallot rédigea le journal jusqu’en septembre 1790, c’est-à-dire pendant près de quatorze mois. On sait que le malheureux jeune homme mourut à cette époque et que sa fin fut hâtée par la douleur que lui causa le massacre de Nancy. Sous sa direction, le journal eut un succès immense et certains numéros se tirèrent, dit-on, jusqu’à 200,000. Il était hebdomadaire et chaque numéro formait une brochure in-8o de 48 pages compactes et très-serrées.

Outre les séances de l’Assemblée et les nouvelles du jour, il contient des articles de fond sur toutes les questions à l’ordre du jour, ainsi qu’une multitude de détails qu’on chercherait vainement ailleurs, spécialement en ce qui concerne les affaires de Paris. Aucun journal du temps n’est aussi riche en matériaux sur les quatre premières années de la Révolution, et le Moniteur lui-même, qui cependant n’est point à dédaigner, ne saurait le remplacer.

Outre les articles de fond, Loustallot rédigea, pour être placée en tête de la collection, une Introduction à la Révolution, qui est un morceau extrêmement remarquable. Il n’a rédigé qu’une soixantaine de numéros des Révolutions de Paris ; mais son œuvre, toujours écrite dans le même esprit, lui survécut ; c’est lui, c’est son souffle qui semblait animer encore ses successeurs, lesquels ne cessèrent d’écrire sous l’inspiration qui avait dicté les premières feuilles.

Les articles n’étaient pas signés, suivant la coutume que le modeste publiciste avait consacrée ; ce qui fait qu’on dit toujours ; le journal de Prudhomme, bien que Prudhomme n’en fût que l’éditeur et l’imprimeur, ce grotesque personnage ne perdant, à la vérité, aucune occasion pour insinuer qu’il était seul l’inspirateur et le directeur et que les écrivains qu’il groupait autour de lui n’étaient en quelque sorte que ses disciples et les simples exécuteurs de ses conceptions.

Toutefois, c’était un homme habile comme libraire et faiseur d’affaires. Après la mort de Loustallot, il eut le talent ou la bonne fortune de sauver sa feuille de cette crise et de la continuer avec succès. Fabre d’Églantine, Sylvain Maréchal, Chaumette, etc., y collaborèrent. Il la publia jusqu’à la fin de février 1794, comme il est dit plus haut, ayant soin de se tenir exactement dans le courant de l’opinion et dans le mouvement.

La collection des Révolutions de Paris forme 17 volumes in-8o de 600 à 700 pages chacun. Comme nous l’avons indiqué, c’est un des recueils les plus riches du temps pour la période qu’il embrasse.