Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PIE VI (Jean-Ange BRASCHI), pape

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 958).

PIE VI (Jean-Ange Braschi), pape, né à Côséne (Romagne), d’une famille noble, en 1717, mort à Valence (Drôme) en 1799. Après s’être fait recevoir docteur en droit civil et canonique (1735), il entra dans les ordres, puis s’attacha au cardinal Ruffo, légat de Ferrare, qui le prit pour secrétaire particulier, pour conclaviste (1740) et le nomma auditeur dans son évêché d’Ostie. Après la mort de ce personnage (1753), Braschi fut chargé d’une mission à Naples et se fit alors avantageusement connaître du pape Benoît XIV, qui le nomma un de ses secrétaires, camérier secret, chanoine de la Vaticane et prélat référendaire (1738). Sous Clément XIII, il devint trésorier général de la chambre apostolique et reçut de Clément XIV le chapeau de cardinal (1773). Deux ans plus tard, le 14 février 1775, il fut appelé à succéder à ce pontife, avec l’agrément des différents souverains de l’Europe. Les premiers actes de Pie VI annoncèrent un pontife pieux et charitable, en même temps qu’un souverain digne du trône. Concilier tous les esprits par des voies de modération et de douceur était, relativement aux affaires ecclésiastiques, ce qu’il désirait le plus. Pie VI, qui connaissait les abus de l’administration des finances, réduisit les riches pensions trop facilement accordées, publia diverses lois pour protéger les fermiers, les marchands de grains, accorda des récompenses aux agriculteurs les plus industrieux. Il entreprit le dessèchement des marais Pontins, répara la voie Appienne, embellit Rome, agrandit le port d’Ancône, etc. Ses instances auprès de Joseph II ne purent empêcher la destruction des congrégations et des ordres monastiques en Autriche ; l’esprit philosophique du siècle entraînait dans son irrésistible mouvement jusqu’aux monarques mêmes, et la vie pontificale de Pie VI ne devait être qu’une lutte continuelle contre ce formidable adversaire. La révolution française, en supprimant les ordres religieux, les dîmes, les annates, en déclarant la nation propriétaire des biens ecclésiastiques, en établissant la constitution civile du clergé, qui livrait au peuple l’élection des évêques, en réunissant Avignon et le Comtat à la France, porta au saint-siége les coups les plus terribles qu’il eût encore reçus. Pie VI essaya follement de lutter contre ce torrent qui allait le submerger. Ses brefs, la protection qu’il accordait dans ses États aux prêtres réfractaires irritèrent contre lui la France nouvelle ; le massacre de l’envoyé de la république, Basseville, accompli par la populace romaine, à l’instigation des prêtres (1793), combla la mesure. Dès que la haute Italie fut soumise aux armes françaises, Pie VI, dont les États n’étaient plus couverts par les bandes autrichiennes, fut sommé de rétracter les brefs lancés contre la Révolution, vit Bonaparte s’emparer de Bologne et fut contraint, par le traité de Tolentino (1797), d’abandonner Ferrare, Bologne, la Romagne, de renoncer à toute prétention sur le Comtat Venaissin, de désavouer le meurtre de Basseville et de payer une contribution de 30 millions de francs, indépendamment des tableaux et objets d’art qu’il dut livrer. Dix mois après, l’assassinat du général Duphot, attaché à l’ambassade de France à Rome et tué par les troupes pontificales, attira sur la ville éternelle les redoutables phalanges de la grande république. Berthier fit son entrée le 15 février 1798 ; la papauté fut détruite, un gouvernement révolutionnaire institué, et le pape reçut l’ordre de quitter ses États. Conduit à Sienne, puis dans une chartreuse près de Florence, il fut contraint, lorsque l’approche des armées russe et autrichienne réveilla les craintes du Directoire français, de franchir les Alpes et fut amené à Valence (14 juillet 1799), où il mourut peu après, à l’âge de quatre-vingt-un ans et après un pontificat de vingt-quatre ans six mois. Après la conclusion du concordat, en 1801, le corps de Pie VI fut transporté à Rome, où on l’inhuma dans la basilique de Saint-Pierre.

— Iconogr. Bonaparte, à son retour d’Égypte, persuadé que le rétablissement du culte catholique servirait ses projets d’ambition, voulut d’abord se donner le mérite de renier la conduite du Directoire à l’égard de Pie VI, qui avait été interné à Valence et y était mort en 1799 ; il ordonna l’érection dans cette ville d’un petit monument à la mémoire du pontife et consentit au transport de ses restes à Rome. Il fut alors question d’ériger dans la basilique de Saint-Pierre un mausolée en l’honneur de Pie VI ; mais ce pape, dans son testament, avait expressément manifesté le désir, si on voulait lui consacrer un monument commémoratif, qu’on se bornât à le représenter priant à genoux devant l’autel de la Confession de Saint-Pierre, où l’on vénère les reliques de cet apôtre et celles de saint Paul. Le prince Braschi, son neveu, chargea Canova d’exécuter une statue qui pût remplir ce désir. L’artiste s’est acquitté de cette œuvre d’une façon vraiment magistrale. « Il a fait admirer, comme de coutume, dit Quatremère de Quincy, la simplicité et la noblesse de l’ajustement du costume pontifical, le mouvement expressif et religieux de la pose, sans compter la grande fidélité de la ressemblance. » Cette statue a été gravée par Domenico Marchetti.

Des portraits de Pie VI ont été gravés par Emilio Lapi et R. Morghen (d’après J. Bazzoli), par G. Endner, etc. C’est à ce pape que le musée du Vatican est redevable en grande partie de son organisation et de ses richesses.