Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PHILIPPE BENITI ou BENIZZI (saint), général des servites

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 808-809).

PHILIPPE BENITI ou BENIZZI (saint), général des servites, né à Florence en 1233, mort à Todi en 1285. Il se rendit à Paris, où il étudia la philosophie et la médecine, puis alla terminer ses études médicales à Florence et à Padoue et se fit recevoir docteur. Peu après, il entra dans l’ordre des servites, où ses capacités le firent appeler rapidement aux plus hautes fonctions et enfin à celles de général. Sous sa direction habile, l’ordre des servites acquit un grand développement. Philippe Beniti parvint à empêcher Innocent V de supprimer les servites (1276) et acquit une telle réputation, qu’il fut question de l’élever au souverain pontificat après la mort de Clément IV. De 1272 à 1274, il entreprit une grande mission en France, en Allemagne, en Pologne, puis il alla assister au second concile de Lyon, et fit un second voyage en Allemagne en 1280. Clément X l’a canonisé en 1671 et l’Église l’honore le 23 août.

Philippe Benizzi (LES ACTES DE SAINT), fresques d’Andréa del Sarto, dans le portique de l’église de l’Annunziata, à Florence. Les servites, dont l’ordre avait eu pour général Philippe Benizzi, chargèrent Cosimo Rosselli de peindre l’histoire de ce saint sur les murs du portique qui entoure la première cour de leur église. Cosimo exécuta une fresque représentant Saint Philippe recevant l’habit religieux, composition où l’on admire les têtes expressives des moines vêtus de noir qui entourent le novice agenouillé. L’artiste étant venu à mourir (après 1506), le soin de continuer son œuvre fut confié par les moines à Andréa del Sarto, dont le talent commençait à attirer l’attention. Ce grand artiste était alors âgé de vingt-deux ans à peine, suivant les conjectures des derniers annotateurs de Vasari. Afin de le décider à se charger de ce travail, pour lequel il reçut la prix dérisoire de dix ducats par composition, les moines avaient eu soin de faire briller à ses yeux le renom que lui vaudrait certainement une œuvre exposée en un endroit aussi fréquenté qu’était le portique de leur église, et ils lui insinuèrent, d’ailleurs, qu’à son défaut ils chargeraient de la commande son rival Franciabigio, lequel aurait fait connaître qu’il se contenterait de la rémunération la plus modique. Cette dernière raison détermina Andréa. Il se mit à la besogne avec une ardeur extrême, plus préoccupé de sa gloire que de ses intérêts, dit Vasari, et termina en fort peu de temps trois premières fresques, qui excitèrent l’admiration des Florentins lorsqu’elles furent découvertes ; il en exécuta ensuite deux autres, pour compléter l’histoire de saint Philippe, et inscrivit sur la dernière la date de 1510. Voici les sujets de ces cinq compositions qui, suivant le jugement de Lanzi, « sont extrêmement gracieuses, quoique nées des premiers élans du génie du maître. »

1o Saint Philippe donnant son vêtement à un lépreux. La scène se passe dans un paysage hérissé de rochers, d’une sévérité grandiose. 2o Saint Philippe attirant le feu du ciel sur des blasphémateurs. Des joueurs réunis sous un arbre se sont moqués des réprimandes du saint, qui les a entendus blasphémer. Aussitôt, à la voix de Philippe, le ciel s’ouvre, la foudre tombe sur l’arbre, tue deux des blasphémateurs et culbute les autres, fous d’épouvante ; une femme, éperdue, court et semble près de s’élancer hors du tableau ; un cheval brise ses liens et se cabre. Le saint et deux autres moines qui l’accompagnent demeurent impassibles au milieu de ce tumulte. « Cette peinture, dit M. Jean Rousseau, contraste singulièrement avec les autres œuvres du maître… Bien qu’on ne voie saint Philippe que de profil perdu, presque de dos, il terrifie ; il est grand, maigre, basané ; sa tête à demi cachée sous un grand capuchon, sa pose droite et inflexible, son bras levé, sont d’une majesté formidable. Il a le geste superbe du Christ de Rembrandt reprenant Lazare à la mort ; il n’invoque pas la foudre, il lui commande et le ciel obéit. Les deux moines qui l’escortent, la corde aux reins, le bâton à la main, la besace sur l’épaule, ne sont guère moins puissants et moins farouches, et les trois juges de l’enfer païen ne formeraient pas un groupe plus terrible. Rien de plus rare que cette âpre grandeur dans l’œuvre élégant et souple d’Andréa del Sarto. On veut qu’il ait surtout, au palais des Médicis, étudié Léonard de Vinci avec lequel il présente certaines ressemblances de manière et même de types. Ici, on sent plutôt le souffle de Michel-Ange. Sa force et sa rudesse ont passé dans ces sauvages figures ; sa violence même se déchaîne à demi dans cette composition mouvementée et bruyante. » Cette fresque a été gravée par Cherubino Alberti (1582).

3o Saint Philippe délivrant une possédée. Ici encore le saint apparaît accompagné de deux autres moines. La possédée se renverse douloureusement entre les bras de ses parents ; une jeune femme, en robe verte, d’une tournure charmante, la soutient par derrière ; un groupe de six personnes en divers costumes est placé à droite ; deux femmes accourent du côté gauche, où se tiennent le saint et ses compagnons. Au fond, une arcade s’ouvre sur un fin paysage.

4o La mort de saint Philippe. Le saint est entouré des religieux, ses frères, qui le pleurent ; un enfant mort ressuscite au contact du cadavre.

5o Guérison d’un enfant par l’apposition d’un vêtement de saint Philippe. Une femme, encapuchonnée d’un voile blanc, présente son enfant nu à un prêtre qui est debout devant un autel et qui tient une pièce d’habillement ; une autre femme agenouillée fait face au spectateur ; à droite est un groupe de cinq figures qui sont évidemment des portraits. Vasari nous apprend que le vieillard vêtu de rouge, qui est placé en arrière et qui s’appuie sur un bâton, est le sculpteur Andrea della Robbia ; il ajoute que l’artiste a également placé dans ce tableau le portrait du célèbre Luca della Robbia, fils d’Andrea, et qu’il a peint celui d’un autre fils, nommé Girolamo, dans la fresque de la Mort de saint Philippe. Un dessin de cette dernière composition, faisant partie de la collection de l’archiduc Charles à Vienne, a été lithographié par J. Pilizotti. Les cinq fresques ont été gravées au trait par Alessandro Chiari (1833), avec un texte par Melchior Missirini (Florence, 1833, in-fol.).