Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Naples (HISTOIRE DU ROYAUME DE)

Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 803-804).

Naples (histoire du royaume de), de 1734 à 1825, par le général Colletta. Cette histoire, qui fait suite à celle de Giunnone et qui a été traduite en français par Charles Lefèvre (Paris, 1835j 4 vol. in-8°), est divisée en dix livres et n’embrasse guère qu’un siècle, c’est-à-dire le règne de Charles VII, celui de Ferdinand IV, la république Parthénopéenne, la première restauration de Ferdinand, les règnes de Joseph Bonaparte et de Joachim Murat, la seconde restauration et la fin du règne de Ferdinand. Le sentiment qui domine cette histoire est qu’une sage liberté constitutionnelle est aussi nécessaire aux Deux-Siciles que l’indépendance territoriale. Les observations sur le carbonarisme, sur les défauts de la constitution des cortès, sur le gouvernement de Joseph et de Murat, sur les causes qui ont perdu la révolution de 1820, portent le cachet d’une raison pratique et sûre, vraiment digne d’un homme d’État. Mort en exil, on comprend qu’il ait prononcé des paroles amères sur les réactions qui ont ensanglanté le royaume de Naples, sur les hommes qui les ont préparées, sur ceux qui ont exaspéré les ressentiments du pouvoir et trop bien servi ses vengeances. D’ailleurs, c’est avec la plus grande impartialité qu’il juge les actes et la politique des gouvernements dont il écrit l’histoire ; les intérêts de la vérité passent chez lui avant toute autre considération, et il a le courage bien rare de résister à l’esprit de parti. On voit dans plusieurs pages de ce livre que Colletta croyait au progrès de l’humanité et à la victoire définitive des idées libérales ; cependant, l’ouvrage tout entier est empreint d’une tristesse qui rappelle Tacite, soit que l’historien n’ait pas vu dans un avenir assez rapproché la réalisation de ses vœux et de ses espérances, soit que le spectacle de tant de révolutions en un si petit nombre d’années, ait laissé dans son esprit des traces trop profondes. Ce ton mélancolique et sévère est une ressemblance de plus avec le grand historien que Colletta s’était proposé pour modèle, et dont il a merveilleusement reproduit toutes les formes. Mais, dans un sujet si grave, ce ne serait pas assez du simple talent littéraire pour s’élever, même uniquement sous le rapport du style, à la hauteur de Tacite. Il faut encore, pour atteindre cette prodigieuse concision, pour rappeler cette noblesse de langage, pour s’approprier ce je ne sais quoi dans la forme qui saisit et remue avec tant de puissance, il faut et l’intelligence du penseur, et l’indignation sainte de l’honnête homme, et l’amour de la patrie, et l’enthousiasme du grand, du beau, du juste et du vrai. Or tel est au plus haut degré le mérite du général Colletta : voilà ce qui donnera toujours à son œuvre un caractère particulier de grandeur, malgré les attaques de ses ennemis, Borrelli et Strongoli.

Dans une introduction qui n’est que le premier chapitre de l’ouvrage, Colletta s’est borné à resserrer en quelques pages les vicissitudes qui ont successivement fait passer le royaume de Naples sous la domination des princes normands, des empereurs de la maison de Souabe, des deux maisons d’Anjou, des princes aragonais, et enfin des rois d’Espagne de la famille de Habsbourg. Il termine son ouvrage à la mort de Ferdinand.