Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Hohenfriedberg (BATAILLE DE), appelée par quelques historiens bataille de Strigau, gagnée par Frédéric II sur les Saxons et les Autrichiens, le 4 juin 1745

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 334).

Hohenfriedberg (bataille de), appelée par quelques historiens bataille de Strigau, gagnée par Frédéric II sur les Saxons et les Autrichiens, le 4 juin 1745. Au commencement de la campagne de 1745, pendant la guerre de la succession d’Autriche, Frédéric II se vit réduit à n’avoir plus pour allié que Louis XV, allié fort douteux, dont le roi de Prusse se vengeait par des épigrammes adressées parfois au roi de France en personne, qui n’y répondait que par de grotesques airs de supérieur offensé. Frédéric se tint d’abord sur la défensive et se retrancha dans la Silésie, où il attendit de pied ferme l’armée combinée des Autrichiens et des Saxons, commandés par le prince Charles de Lorraine. Celui-ci pénétra en Silésie par Landshut et s’avança dans les plaines de Hohenfriedberg ou de Strigau. Le 4 juin, au matin, les troupes saxonnes, conduites par le duc de Weissenfels, marchèrent en avant, précédées d’un fort détachement qui devait s’emparer de Strigau. Accueillis par le feu meurtrier de six pièces de 24 établies sur le mont Topaze, chargés impétueusement par la cavalerie prussienne, les Saxons furent repoussés et s’enfuirent en désordre, malgré les efforts de leurs généraux pour les tenir en ligne. À cette nouvelle, le prince Charles accourut à la hâte avec ses Autrichiens et reçut d’abord le choc des Prussiens avec avantage ; mais Frédéric, qui n’avait plus d’ennemis devant sa droite, lui prescrivit un mouvement pour la ramener sur le flanc gauche et le derrière des ennemis.

Pendant ce temps, Nassau, qui commandait l’aile gauche, franchit le ruisseau de Strigau, se précipita sur la cavalerie autrichienne qu’il avait devant lui et la dispersa. Le général Polenz contribua beaucoup à ce succès, en se portant avec son infanterie dans le village de Fregebeutel, d’où il prenait en enfilade les escadrons ennemis. Gesler, qui commandait la seconde ligne, se glissa à travers les intervalles de l’infanterie autrichienne, la rompit et la tailla en pièces. Les dragons de Bareith se couvrirent de gloire en cette circonstance.

D’un autre côté, le mouvement prescrit par Frédéric sur sa droite commençait à porter ses fruits. À peine cette aile eut-elle abordé le flanc du prince Charles qu’elle y jeta un désordre irréparable. Tout se débanda, tout fuit par les montagnes. Les Saxons s’échappèrent par Seyffersdorff, le corps de bataille des Autrichiens par Kauder, et leur aile par Hohenfriedberg. L’armée prussienne les poursuivit jusque sur les hauteurs de Kauder où elle s’arrêta pour prendre du repos.

Sept mille prisonniers, dont quatre généraux et deux cents officiers ; soixante-seize drapeaux, sept étendards, soixante canons, tels furent pour Frédéric les trophées de sa victoire. Quatre mille Autrichiens tués et cinq mille blessés gisaient sur le champ de bataille. La perte des Prussiens fut de deux mille trois cents hommes tués ou blessés.

« Ce fut, dit Guibert dans son Éloge du roi de Prusse, une de ces batailles de grand maître où le génie fait tout plier devant lui, qui sont gagnées dès le début et presque sans contestation, parce qu’il ne reste pas à l’ennemi déconcerté la possibilité de rétablir le désordre.

« Les combinaisons de Frédéric pour la bataille de Hohenfriedberg, dit de son côté Jomini dans son Traité des grandes opérations militaires, appartiennent sans contredit à ses plus belles opérations. On lui doit les plus grands éloges pour l’habileté avec laquelle il sut choisir sa position, afin d’attendre l’armée ennemie au débouché des gorges. On voit par la relation que l’aile gauche des ennemis, formée de Saxons, était déjà accablée avant que rien fût disposé à la soutenir ; lorsqu’elle fut hors de combat, le centre se trouva alors attaqué de front et sur son extrême gauche par une masse de forces imposantes ; et il était difficile qu’il ne fût pas battu et culbuté, dans une position à laquelle l’attaque bien combinée de la cavalerie prussienne, commandée par Gesler, vint bientôt mettre le complément. Jamais l’emploi des troupes ne présenta une application plus exacte des principes. »

La victoire d’Hohenfriedberg assurait la possession de la Silésie à Frédéric. Ce prince en annonça la nouvelle à Louis XV par cette lettre quelque peu ironique : « Je viens d’acquitter en Silésie la lettre de change que Votre Majesté a tirée sur moi à Fontenoy. »