Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Histoire ancienne, de Rollin

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 309-310).

Histoire ancienne, de Rollin (1730-1738, 13 vol. in-12). Cette histoire comprend les annales des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens et des Grecs. C’est une traduction presque perpétuelle des auteurs anciens, et la meilleure compilation qu’on ait faite en aucune langue. « Rollin, dit Chateaubriand, est le Fénelon de l’histoire, et, comme lui, il a embelli l’Égypte et la Grèce. La narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille ; et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles. Ses écrits expriment tous les sentiments de cet homme de bien dont le cœur est une fête continuelle, selon l’admirable expression de l’Écriture. Nous ne connaissons point d’ouvrage qui repose plus doucement l’âme. Rollin a répandu sur les crimes des hommes le calme d’une conscience sans reproche et l’onctueuse charité d’un apôtre de Jésus-Christ. » Montesquieu avait dit auparavant : « Un honnête homme (M. Rollin) a, par ses ouvrages d’histoire, enchanté le public. C’est le cœur qui parle au cœur ; on sent une secrète satisfaction d’entendre parler la vertu ; c’est l’abeille de la France. »

Rollin a essayé d’éviter en même temps et la stérile sécheresse des abrégés, qui ne donnent aucune idée distincte, et l’ennuyeuse exactitude des longues histoires, qui accablent le lecteur ; aussi a-t-il retranché une grande partie de ce qui se trouvait dans les anciens. Il traduit toujours tout au long, mais il se garde de tout traduire. Pour embellir et enrichir son Histoire, il ne se fait point scrupule de piller partout, souvent même sans citer les auteurs qu’il copie ou qu’il imite. Il a profité des réflexions que l’on trouve dans la seconde et la troisième partie de l’Histoire universelle de Bossuet, et dans l’Histoire des Juifs de l’Anglais Prideaux. D’ailleurs, il l’avoue lui-même avec une bonhomie charmante : « Je sens qu’il y a moins de gloire à profiter du travail d’autrui, et que c’est, en quelque sorte, renoncer à la qualité d’auteur ; mais je n’en suis pas fort jaloux, et je serais trèscontent, et je me tiendrais très-heureux, si je pouvais être un bon compilateur et fournir une Histoire passable à mes lecteurs. »

Rollin semble avoir prévu le reproche de crédulité qu’on n’a pas manqué de lui faire, et qu’il a certainement mérité ; car, au sujet des augures, des prodiges, des oracles, des maléfices et autres absurdités païennes, il déclare naïvement qu’elles faisaient partie, chez les anciens, de la religion et du culte public ; que cette religion était fausse et ce culte mal entendu ; mais que le principe en était louable et fondé sur la nature. Il ajoute que c’est par cette raison qu’il a cru, tout en retranchant une grande partie de ces pratiques ridicules, ne pas devoir les supprimer entièrement. Quoi qu’il en soit, la naïve simplicité de Rollin, qui est un charme pour le lecteur, est un grave inconvénient au point de vue de la science historique. Du reste, on aurait tort de demander la moindre critique au bon professeur ; il a lu, admiré et traduit les anciens, les suivant dans leurs récits les plus incroyables, traduisant même leurs harangues militaires et leurs récits de batailles. Rollin ne sort pas de là, et c’est bien à tort qu’on a voulu faire de ce brave homme un républicain. Il n’admirait pas Brutus, non, mais le style de son historien, et il fut bien surpris quand le roi de Prusse le félicita un jour de son amour pour la liberté. Son livre est une suite de versions ; Rollin ne pouvait se déshabituer de faire sa classe, même quand il écrivait l’histoire. Toutefois, quand on se rappelle l’admiration des républiques d’Athènes et de Rome, qui était commune à tous les grands acteurs de notre Révolution, on n’est pas loin de reconnaître que Rollin a contribué, sans s’en douter, à cet immense mouvement de rénovation politique. l’Histoire ancienne se termine par un abrégé chronologique de tous les faits et une table exacte des matières. Le guide adopté par Rollin pour la chronologie est Ussérius.