Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Henri iii (roi de france)

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 188-189).

HENRI III, duc d’Anjou, puis roi de Pologne, enfin roi de France, né à Fontainebleau en 1551, troisième fils de Henri II et de Catherine de Médicis. Favori de sa mère, qui songeait peut-être à l’opposer à Charles IX, capricieux et mobile comme une femme, doué de qualités brillantes, d’un esprit vif et pénétrant, mais trop aisément tourné vers l’astuce et l’intrigue, indolent et livré à mille pratiques féminines, élevé dans la dépravation des mœurs italiennes, superstitieux et débauché, il apporta sur le trône la politique de Machiavel et de César Borgia moins l’énergie, les mœurs d’Héliogabale, la mollesse des rois fainéants et l’indécente hypocrisie d’une dévotion tout extérieure. Il n’avait encore que seize ans quand sa mère le mit à la tête de l’armée avec le titre de généralissime, et il eut tout l’honneur des victoires de Jarnac et de Moncontour (1569), qui furent, en réalité, l’œuvre des maréchaux de Cossé et de Tavannes. Il y combattit du moins avec un courage qu’on n’aurait pas attendu de lui. La veille de la Saint-Barthélemy, il assista, au Louvre, au conseil nocturne où furent arrêtées les dispositions du massacre. L’année suivante (1573), il commandait au siège de La Rochelle, où son incapacité et son inepte paresse causèrent la ruine de l’armée royale. Apprenant tout à coup son élection au trône de Pologne, résultat des intrigues de sa mère, il se hâta de traiter avec la cité calviniste, et courut prendre possession de cette couronne, qu’il avait convoitée avec passion, et qu’il ne porta qu’avec répugnance et dégoût. Fatigué bientôt de la rudesse et de l’indépendance turbulente de la noblesse polonaise, il subissait l’ennui de sa royauté avec la perspective d’une guerre contre les Turcs, lorsqu’il reçut la nouvelle de la mort de son frère Charles IX, événement qui lui donnait la couronne de France (1574). Abandonnant tout à coup Cracovie, il s’enfuit secrètement, gagna Vienne, Venise, et revint en France à travers la Lombardie, s’attardant aux fêtes que lui donnaient les petits princes italiens, et se préparant par des danses et des divertissements de toutes sortes aux orages et aux guerres civiles qui l’attendaient de l’autre côté des Alpes. Spectacle étrange, au milieu des puissantes convulsions de cette France du XVIe siècle en travail de la liberté de conscience, que la vie de ce prince méprisable, livré à d’infâmes favoris, que l’histoire a flétris du nom de mignons (Quélus, Maugiron, Saint-Mégrin, Joyeuse, etc.), mêlant avec eux la débauche et le meurtre aux pratiques extérieures de la religion, les indécentes mascarades aux pèlerinages et aux retraites, instituant des confréries de pénitents, assistant aux processions et aux exécutions comme à un spectacle, se travestissant en femme et vivant le plus souvent retiré dans ses appartements comme un prince oriental dans son harem, tout occupé des soins minutieux de sa toilette, et apportant à la conservation de sa beauté un raffinement d’afféterie dont rougiraient des courtisanes, jusqu’à coucher avec des gants d’une peau particulière pour conserver la blancheur de ses mains, jusqu’à s’enduire le visage d’une pâte onctueuse recouverte d’un masque. Chez lui, au reste, le roi fut au niveau de l’homme, et l’on ne sait ce que l’on doit le plus mépriser ou des infamies de sa vie privée ou des lâchetés de sa vie publique. À son retour de Pologne, il avait trouvé les politiques unis aux protestants ; la guerre avait éclaté de nouveau, et Henri de Guise avait remporté sur les réformés la victoire de Dormans (1575). Mais cette guerre troublait les plaisirs du roi, indifférent au fond aux deux idées qui se disputaient le monde, et il se hâta de la terminer en accordant quelques concessions aux protestants (édit de 1576). Les catholiques indignés formèrent la sainte Ligue, et les états de Blois, que Henri III avait convoqués, montrèrent par leurs résolutions qu’ils en approuvaient complètement l’esprit. Henri, pour combattre cette ligue formée contre lui, crut faire un acte de haute politique en s’en déclarant le chef. La guerre commença de nouveau (1577), et fut encore suspendue par un nouveau traité qui assurait aux huguenots la liberté de conscience. C’est ainsi que ce prince irrésolu devait flotter jusqu’à la fin entre les deux factions en lutte, qu’il craignait également et qu’il trompait tour à tour, cherchant le repos dans la tempête et misérablement réduit à balancer les forces de ses ennemis les unes par les autres. La fondation de l’ordre du Saint-Esprit, destiné à gagner les ambitieux, la guerre dite des Amoureux (1580), promptement terminée par le traité de Fleix, l’expédition avortée du nouveau duc d’Anjou en Flandre, la mort de ce frère du roi, complication nouvelle qui promettait la couronne au roi de Navarre, chef des calvinistes (1584), le développement formidable de la Ligue, la guerre des trois Henri (1586), la défaite de Joyeuse à Coutras (1587), tels furent les principaux événements du règne de Henri III jusqu’à la journée des Barricades. Il était à ce moment l’objet du mépris universel, et le véritable chef du parti catholique était le duc de Guise. Les ligueurs l’accusaient même de trahison, et répandaient contre lui des pamphlets encore plus violents que ceux des protestants. Henri de Guise, qui venait de battre à Vimory et à Auneau les protestants d’Allemagne accourus au secours de leurs coreligionnaires français, crut le moment favorable pour s’emparer du gouvernement, et marcha vers Paris, où le peuple l’appelait à grands cris, et où il fit une entrée triomphale, malgré la défense expresse du roi. Celui-ci fit entrer des troupes pour faire respecter son autorité ; mais les Parisiens se soulevèrent et fermèrent les rues de leur ville avec des chaînes et des barricades ; Henri n’eut que le temps de s’enfuir à cheval et de gagner Chartres (13 mai 1588). Toutefois, le duc de Guise resta au-dessous de sa position et n’osa franchir les degrés qui le séparaient du trône ; il manqua d’audace, comme son royal ennemi avait manqué de cœur. Un accord se fit entre les partis, qui espérèrent tous deux dominer dans les états généraux, que le roi promettait de convoquer sans délai. Il les réunit en effet, dans la même année, à Blois ; mais, furieux d’y voir les ligueurs en immense majorité, il résolut de frapper un grand coup pour intimider ses ennemis, et fit massacrer le duc de Guise, qu’il avait attiré dans son palais, ainsi que le cardinal son frère. Ces meurtres brisèrent les derniers liens qui l’attachaient au parti catholique. Paris prononça sa déchéance, et la plupart des grandes villes du royaume suivirent cette impulsion. Il se jeta alors entre les bras des protestants, fit alliance avec le roi de Navarre, et marcha avec lui sur Paris, à la tête de forces considérables. La Ligue était perdue, lorsqu’un moine dominicain, Jacques Clément, exalté par le fanatisme, s’introduisit auprès du roi, à Saint-Cloud, sous prétexte de lui révéler un secret d’État, et le frappa d’un coup de couteau dans le bas-ventre, pendant qu’il était sur sa chaise percée, comme Cheverny prend soin de nous l’apprendre dans ses Mémoires. Il expira le lendemain (2 août 1589). Avec lui s’éteignit la branche royale des Valois.