Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/HUON DE VILLENEUVE, trouvère du XIIIe siècle

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 2p. 462-463).

HUON DE VILLENEUVE, trouvère du xiiie siècle, auteur de romans en vers qui ont joui d’une grande célébrité. On ignore la date de sa naissance et de sa mort ; on sait seulement, à quelques vers qui lui sont échappés comme par hasard, qu’il vivait sous Philippe-Auguste. C’est Fauchet qui, le premier, dans ses Origines de la poésie française, a découvert le nom de ce poète, dont les œuvres, très-populaires pourtant, passaient avant lui pour anonymes. Huon de Villeneuve fut un des plus féconds romanciers du moyen âge ; on lui doit cinq immenses compositions en vers sur ce que l’on appelle le cycle de Charlemagne. Ce sont : 1° Regnaut de Montauban, épopée chevaleresque où le grand empereur, résolu d’assiéger Montauban, déclare qu’il donnera la ville à qui voudra la prendre, et reçoit de ses barons, parlant par la voix de Doon de Nanteuil, un refus obstiné. Tout le monde remarquera la similitude de cet épisode avec le beau poème d’Aymerillot, de la Légende des siècles. 2° Les Quatre fils Aymon, le plus populaire des romans de Huon de Villeneuve et peut-être de tous les romans chevaleresques ; c’est une suite du Régnaut de Montauban.Maugis d’Aigrement, suite des deux précédents. Maugis est le cousin des quatre fameux fils d’Aymon, et, comme eux, il guerroie à outrance contre l’empereur Charles. Aucune autre composition similaire ne fait mieux comprendre l’engouement que l’on avait alors pour Charlemagne et ses exploits fabuleux ; il n’est pas un seul personnage, même secondaire, de ce roman qui n’ait à son tour été chanté et ne forme le sujet d’un poème. 4° Bues ou Beuves d’Aigremont. Ce héros est le père de Maugis, et, comme dans les précédentes compositions, il s’agit toujours de guerres féodales entre Charlemagne et ses barons. 5° Doolin de Mayence, que le poëte dit avoir imité des Chroniques de Saint-Denis :

Les sages clercs adonc, par leur signifiance,
En firent les chroniques qui sont de grant vaillance
Et sont en l’abbaye de Saint-Denis en France ;
Puis ont été extraites, par moult belle ordonnance
Du latin en romant, pour donner cognoissance

Des grands faits approuvés et parfaite créance,
Que tous bons à l’ouïr doivent avoir plaisance.

Tout le poème est écrit, comme en témoigne ce commencement, par longues tirades monorimes ; c’est le plus extravagant et le plus bouffon de tous ; on y voit Jésus-Christ, les anges et les saints descendre du ciel à la rescousse des chevaliers.

On attribue encore à Huon de Villeneuve, mais avec moins de fondement, le poëme intitulé Cipéris de Vigneaux, roman d’aventures, en vers, qui ne se rattache pas au cycle carlovingien.

Ses contemporains ont gardé sur ce poète le plus grand silence, ce qui réduit sa biographie aux seuls titres de ses ouvrages. On ne trouve son nom cité nulle part ; lui-même n’a parlé d’aucun de ses rivaux en poésie. Cependant ses poèmes durent avoir, de son vivant comme après sa mort, une grande notoriété, si l’on en juge par les nombreuses éditions qui en furent faites, dès que l’imprimerie fut découverte. Ses romans furent les premiers qui, selon la mode du xive siècle, furent translatés de rime en prose, et ils furent aussi des premiers livres imprimés en France.