Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/HÉRAULT DE SÉCHELLES (Marie-Jean), conventionnel, petit-fils de l’intendant René Hérault

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 207).

HÉRAULT DE SÉCHELLES (Marie-Jean), conventionnel, petit-fils de l’intendant René Hérault, né à Paris en 1760, décapita en 1794. Il suivit d’abord la carrière du barreau et obtint, à vingt ans, la charge d’avocat du roi, par la protection de sa parente, la duchesse de Polignac, amie de Marie(Antoinette. Ses débuts eurent un certain éclat et attirèrent sur lui l’attention. Il fut présenté par les Polignac à la reine, qui bientôt le fit nommer avocat général au parlement de Paris. Doué d’une belle figure, d’un caractère aimable et facile, possesseur d’une grande fortune, lié avec les littérateurs et les philosophes, écrivant et philosophant lui-même, il avait devant lui le plus brillant avenir et la plus large place dans la haute société de l’ancien régime, quand la Révolution vint changer cette perspective et donner une nouvelle direction à ses idées. Son âme, que déjà l’étude, les idées philosophiques, les belles théories humanitaires du XVIIIe siècle avaient ouverte à tous les sentiments généreux, s’électrisa aux premières étincelles de la grande commotion populaire. Au 14 juillet, il prit les armes avec les citoyens de Paris. On eut le spectacle d’un magistrat d’un rang élevé, dans la plus haute position de fortune, que toutes ses relations rattachaient à l’aristocratie et à l’ancien régime, se confondant dans les rangs du peuple soulevé et combattant vaillamment sous les murs de la Bastille.

Nommé par la Constituante commissaire du roi près la cour de cassation, Hérault fut ensuite élu, par les électeurs de Paris, député à l’Assemblée législative. Il prit place au côté gauche, fut nommé secrétaire, combattit énergiquement les tendances rétrogrades du gouvernement, vota pour la déclaration de guerre, fit décréter une proclamation énergique en réponse aux menaces de la coalition (14 janvier 1792), fit voter la loi qui attribuait aux municipalités la police de sûreté, présenta le rapport qui concluait à proclamer la patrie en danger, et enfin, après le 10 août, provoqua l’érection d’un tribunal extraordinaire pour juger les conspirateurs royalistes, première assise du tribunal révolutionnaire. Réélu à la Convention nationale par le département de Seine-et-Oise, il fut d’abord chargé d’organiser, avec Grégoire, la Savoie, nouvellement réunie à la France. Sa mission durait encore lors du procès de Louis XVI ; il ne vota donc pas sur cette grande question ; mais il écrivit, avec ses collègues, une lettre à l’Assemblée, dans laquelle le roi était qualifié de parjure. Il revint à son poste au plus fort de la lutte entre la Montagne et les girondins, et n’hésita pas à se prononcer contre ces derniers. Il présidait la Convention dans les mémorables journées des 31 mai-2 juin 1793, et sortit à la tête des représentants dans le jardin des Tuileries. Sans doute qu’il souffrit de cette pression populaire exercée sur l’Assemblée, et qu’il plaignit les girondins, dont on réclamait la suspension ; cependant il dut mettre aux voix les décrets. Après cet événement, il fut adjoint au comité de Salut public pour préparer la constitution de 1793. On sait que ce nouveau pacte social, préparé d’ailleurs par les études et les travaux précédents, fut rédigé, présenté et voté en quelques jours. Hérault avait eu la part principale dans ce travail. On a prétendu (et l’on a répété à satiété cette anecdote) que, pour s’aider dans sa rédaction, il avait fait demander à la Bibliothèque nationale un exemplaire des Lois de Minos. On a de même cité, à ce sujet, la lettre qu’on lui attribue, et qui, bien évidemment, n’a aucun caractère d’authenticité. Mais est-il permis de supposer que Hérault, qui avait fait une étude approfondie de la langue et de la littérature grecques avec l’abbé Athanase Auger, helléniste de premier ordre ; est-il permis d’admettre que cet homme, d’une instruction étendue et variée, crût à une rédaction des prétendues lois de Minos ? Les fabricants de légendes devraient au moins, dans leurs inventions, respecter la vraisemblance et le bon sens.

Le 10 août 1793, Hérault de Séchelles fut chargé de présider la fête nationale de l’acceptation et de la proclamation de la charte nouvelle. Il eut à prononcer une douzaine de discours dans cette solennité, qui eut lieu, en présence des envoyés des assemblées primaires et du peuple de Paris, sur les ruines de la Bastille, à la place de la Révolution et au Champ-de-Mars. Cette journée éclatante fut pour lui un vrai triomphe et augmenta sa popularité.

Appelé au comité de Salut public, il contribua à l’établissement du régime de la Terreur, fut chargé de nouvelles missions dans le Haut-Rhin et en Savoie, et fut dénoncé pendant son absence, à la Convention, par Bourdon (de l’Oise), comme ex-noble, comme entretenant des liaisons suspectes avec une femme prévenue d’émigration, etc. Toutefois, il fut défendu par Couthon et Bentabole. Àson retour, il parut à la tribune et s’y justifia des accusations portées contre lui : « Si avoir été jeté, dit-il, par le hasard de la naissance dans une caste que Lepelletier et moi n’avons jamais cessé de combattre et de mépriser est un crime qu’il me reste à expier, si je dois encore à la liberté de nouveaux sacrifices, je prie la Convention d’accepter ma démission de membre du comité de Salut public. »

La Convention ordonna l’impression du discours et refusa d’accepter la démission.

Toutefois, Hérault, qui était ami de Danton, mais qui avait des relations avec des révolutionnaires comme Carrier, qui était lié avec Proly, bâtard du prince de Kaunitz, fut soupçonné, très-probablement à tort, d’avoir livré par légèreté ou autrement le secret de quelques délibérations du comité. C’étaient là de ces accusations terribles comme on en prodiguait dans ces temps de lutte et de passion. Une imprudence le perdit : il donna asile à un individu prévenu d’émigration et qui fut arrêté dans son appartement. La loi était formelle. Arrêté pour ce fait, et victime de sa générosité, Hérault fut enfermé dans la prison du Luxembourg (mars 1794) et bientôt enveloppé dans la conspiration des dantonistes. Traduit avec ses amis au tribunal révolutionnaire, il s’entendit condamner à mort et marcha au supplice avec calme et même avec une sorte d’enjouement stoïque. Il a laissé quelques opuscules : Visite à Buffon (1785), relation curieuse réimprimée sous le titre de Voyage à Montbard (1802) ; Réflexions sur la déclamation et sur Thomas ; Éloge d’Athanase Auger ; Pensées et anecdotes ; Théorie de l’ambition, recueil de pensées philosophiques composé en partie pendant sa détention au Luxembourg ; enfin, Rapport sur la constitution de 1793.