Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/HÉRACLIUS (empereur d’Orient)

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 205).

HÉRACLIUS, empereur d’Orient, né vers 575, d’une famille illustre, mort en 641. Son père était exarque ou gouverneur de l’Afrique, et lui donna, en 610, les forces nécessaires pour détrôner le méprisable Phocas. Le commencement de son règne ne répondit pas aux espérances qu’on eu avait conçues. Il laissa les Perses dévaster et conquérir la Syrie, la Palestine, l’Égypte et l’Asie Mineure, obtint à prix d’or la paix des Avares, cantonnés sur la rive gauche du Danube, laissa les Croates et les Serbes s’établir dans l’empire et ne sut pas prévenir la disette qui vint ravager Constantinople en 618. Quelques années plus tard cependant (622), cédant aux murmures de ses sujets, il rassembla des troupes pour aller combattre les Perses ; et, ne pouvant les attaquer de front dans les plaines de l’Asie Mineure, se transporta par mer au pied des montagnes de l’Arménie et parvint, en deux campagnes, au cœur de l’empire des Chosroès. Celte opération hardie est une des plus belles manœuvres militaires dont l’histoire fasse mention. Une suite de succès brillants conduisit Héraclius jusqu’à Ctésiphon. Une révolution vint terminer la guerre. Le fils de Chosroès, Siroès, détrôna son père, fit la paix avec les Grecs et restitua à l’empire les provinces usurpées. Après cette admirable expédition, Héraclius revint en triomphe dans sa capitale (629) et retomba ensuite dans son apathie naturelle, usant ce qui lui restait d’énergie dans de misérables disputes théologiques. Pendant qu’il s’occupait des deux natures de Jésus-Christ, des hérésies de Nestorius et d’Eutychès, du monothélisme et de mille autres subtilités, les Arabes débordaient comme un torrent destructeur sur la Syrie, l’Égypte, la Mésopotamie, s’emparaient des plus belles provinces de l’empire, détruisaient la monarchie persane et inauguraient le règne de l’islamisme et des califes. Ce bizarre personnage, mélange inexplicable d’élans héroïques et d’affaissements, nous semble avoir été très-judicieusement apprécié par M. Amédée Thierry dans les lignes suivantes :

« Après le féroce et grossier Phocas, devenu empereur par un assassinat, on voit apparaître sur le trône des Romains d’Orient la noble et mélancolique figure d’Héraclius. Il s’attache à ce nom je ne sais quoi de mystérieux et de fatal qui trouble l’historien dans ses jugements, et le fait hésiter incertain entre 1 admiration et la pitié. Héraclius, destructeur de l’empire des Perses, aurait été réputé grand entre les plus grands des Césars ; Héraclius, aux prises avec le mahométisme naissant, emporté par lui comme par une tempête, perdant tout dans ce naufrage, sa gloire de chrétien et de Romain, la moitié de ses provinces, son génie et presque sa raison, peut être proclamé, sans contredit, le


plus malheureux do tous. Cette seconde partie de sa vie n’offre plus à l’historien qu’un douloureux spectacle, celui do l’héroïsme humain sous le poids de la fatalité, se débattant vainement contre des puissances qui ne semblent point de ce monde. La postérité, oublieuse d’une gloire effacée, ne connut plus d’Héraclius que les revers, et l’homme que ses contemporains crurent un instant ne pouvoir comparer qu’à Dieu, tombé du haut de tant de renommée au rang des empereurs néfastes, alla servir do pendant à l’imbécile Honorius, dans l’histoire des démembrements de l’empire romain.