Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Guirlande (LA) de Julie, recueil de madrigaux

Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 4p. 1636-1637).

Guirlande (LA) de Julie, recueil de madrigaux que le duc de Montausier fit composer par la plupart des beaux esprits de son temps, et dont il rima lui-même seize morcenux, en l’honneur de Mlle Julie-Lucine d’Angennes de Rambouillet, dont il était vivement épris depuis plus de dix ans. C’est un volume manuscrit sur vélin in-folio, de 90 feuillets ; après trois feuillets de garde, se trouve le faux titre, composé d’une guirlande de fleurs au milieu de laquelle est écrit : la Guirlande de Julie ; après trois autres feuillets blancs, se trouve une miniature représentant, au milieu d’un nuage, Zéphyre qui tient une rose à la main droite, et, de la gauche, une guirlande de vingt-neuf fleurs qu’il souffle légèrement sur la terre ; vingt-neuf feuillets contiennent chacun une fleur peinte, une des fleurs faisant partie de la guirlande, et au-dessus de cette fleur, et se rapportant à elle, sont écrits, en superbe ronde, avec une admirable perfection, de la main de Nicolas Jarry, un ou plusieurs madrigaux. Le total des pièces est de soixante-deux. La Guirlande de Julie passe pour le chef-d’œuvre du calligraphe Jarry ; les miniatures, dues au fameux Robert, artiste renommé de l’époque, ne valent guère mieux que la poésie. Les rimeurs qui assistèrent Montausier dans cette galanterie raffinée furent : Antoine Arnauld, Arnauld d’Andilly, Arnauld de Briotte marquis de Pomponne, Chapelain, Colletet, Conrart, Combeville, Desmarest de Saint-Sorlin, l’abbé Hubert, le capitaine Habert, Malleville, Martin, Monmort, Racan, Scudéry, Tallemant des Réaux. Ces noms n’indiquent pas de bien grands poètes, et l’ouvrage, s’il fut inspiré par l’amour, le fut médiocrement par Apollon ; c’est, comme on doit bien le penser, de l’esprit alambiqué, fade et prétentieux, enveloppé dans des vers froids et médiocres. De tous les morceaux du recueil, on ne connaît guère maintenant que celui qui avait été mis au bas de la violette par Desmarets de Saint-Sorlin :

Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,
Franche d’ambition, je me cache sous l’herbe ;
Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

Trois stances de Tallemant des Réaux sur le lis ont été quelquefois citées :

Devant vous je perds la victoire
Que ma blancheur me fit donner,
Et ne prétends plus d’autre gloire
Que celle de vous couronner.

Le ciel, par un bonheur insigne,
Fit choix de moi seul autrefois,
Comme de la fleur la plus digne,
Pour faire présent à nos rois.

Mais, si j’obtenais ma requête,
Mon sort serait plus glorieux
D’être monté sur votre tête
Que d’être descendu des cieux.

La Guirlande de Julie, très-richement reliée en maroquin rouge, par Le Gascon, avec les initiales J. L. enlacées (Julie-Lucine), fut envoyée à Mlle de Rambouillet en 1641, pour le jour de sa fête. Cet hommage galant fit un très-grand bruit et excita l’admiration générale ; il avança quelque peu les affaires du duc de Montausier, qui, après avoir soupiré pendant quatre années encore, obtint enfin la main de la belle Julie, récompense méritée par quatorze années de constance. Après Montausier, qui survécut à sa femme, ce livre passa à la duchesse de Crussol-d’Uzès, puis aux héritiers de cette dame, puis au duc de La Vallière. Lors de la vente de la bibliothèque de ce dernier, il fut adjugé à des Anglais au prix énorme de 14,510 livres ; depuis, il a été racheté par la fille du duc de La Vallière, et a appartenu à Mme de Châtillon. Une copie faite par Jarry lui-même, en 1641, mais sans miniatures, a été payée successivement 406 fr., 622 fr. et 250 fr. Le texte de la Guirlande de Julie a été publié par Didet (Paris, 1784, in-8o, et 1818, in-18). Aujourd’hui, la Guirlande de Julie se trouve chez le duc d’Uzès.