Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRANÇOIS D’ASSISE (Jean BERNARDON, dit SAINT), ascète fameux et fondateur de l’ordre des franciscains

Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 770-771).

FRANÇOIS D’ASSISE (Jean BERNARDON, dit SAINT), ascète fameux et fondateur de l’ordre des franciscains, né à Assise (Ombrie) en 1182, mort dans la même ville en 1226. Son père était un marchand fort riche, qui lui fit apprendre le français, dans l’intérêt de son commerce, circonstance à laquelle le futur fondateur d’un ordre monastique dut son surnom de François. Il reçut quelque instruction, puis fut initié au commerce ; mais la vocation lui manqua. Le père était avare ; le fils fut prodigue ; il aimait les femmes, le vin, le jeu, les plaisirs de toutes sortes, tout en ayant à la charité une disposition extraordinaire. Il aimait donner, même au delà de toute mesure et de toute raison ; en même temps il avait des visions, il rêvait tout éveillé, et sa sensibilité toujours surexcitée acquit un développement anomal. Ainsi, la vue d’un lépreux déterminait chez lui une crise bizarre ; il troquait ses vêtements contre les haillons de tous les pauvres qu’il rencontrait. Parfois, au lieu de rentrer chez son père, il errait dans les bois et y séjournait plusieurs semaines, si bien qu’il fut question de le faire enfermer comme fou. Son père, qui voulait le déshériter, le fit comparaître au tribunal de l’évêque, le seul tribunal civil d’alors (1206), et le jeune homme, s’entendant reprocher l’usage qu’il faisait de la richesse paternelle, jeta ses habits, se mit complètement nu devant les assistants, dans le prétoire. Aujourd’hui, il n’en faudrait pas davantage pour se faire enfermer à Charenton ; mais l’Église a pour maxime que le royaume des cieux appartient aux pauvres d’esprit, et les fous étaient considérés comme des êtres surnaturels, marqués du doigt de Dieu. L’évêque ne vit dans cet exalté qu’un riche sujet, propre à pénétrer les masses de sa ferveur, et, bien loin de le condamner, il l’embrassa, le couvrit de son manteau et lui donna sa bénédiction. François fut dès lors un élu ; il se retira dans ses bois familiers, vécut avec les bêtes fauves, couchant au hasard sous la feuillée ou dans les ruines d’un vieux couvent abandonné. Parfois les bénédictins, auxquels ce monastère avait appartenu, venaient dire la messe dans ce qui restait de la chapelle ; un jour que l’officiant prononçait ces paroles de l’Évangile : « N’ayez ni or, ni argent, ni monnaie dans votre bourse ; ne portez en voyage ni sac, ni deux tuniques, ni chaussures, ni bâton, » François jeta par terre sa besace, son bâton, ses souliers, et ceignit autour de ses reins sa robe de bure avec une corde, d’où le nom de cordeliers donné aux premiers sectaires de sa doctrine. Des légendes miraculeuses commençaient à circuler : il entendait le langage des animaux et conversait avec eux. Un jour, des hirondelles le troublèrent par leur bavardage ; il leur imposa silence, et elles devinrent muettes. Un loup qui ravageait tout le territoire d’Agobbio s’apprivoisa rien que sur un signe de croix de l’ascète, etc. Rencontrant un boucher qui allait tuer un mouton, il lui donna son manteau pour racheter de la mort cette pauvre bête. De tels traits peignent l’homme tout entier. Son exaltation était telle que la fièvre lui secouait tout le corps et que ses pieds ne pouvaient tenir en place. Les paroles chaudes et éloquentes qui se heurtaient et s’embarrassaient sur ses lèvres trahissaient tout le désordre et toute l’incohérence de ses idées ; mais, en ces temps incultes, l’incohérence passait pour de l’inspiration.

Des disciples le suivirent, comme autrefois Jésus sur les bords du Jourdain ; quand il en eut réuni un certain nombre, cent vingt-sept, disent les légendaires, il pensa à leur imposer une règle. Aux trois vœux monastiques ordinaires, la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, il ajouta l’obligation étroite de ne rien posséder en propre. Son ordre fut donc un ordre mendiant, vivant d’aumônes, comme celui de saint Dominique, et destiné pareillement à la prédication ; mais il s’adressait au bas peuple, tandis que les dominicains visaient plus haut et ne s’attachaient guère qu’aux classes éclairées. De l’identité du but naquit, entre franciscains et dominicains, une rivalité qui est à elle seule toute une histoire de l’Église au moyen âge. Les franciscains, sandales aux pieds et corde aux reins, parcouraient les villages, colportant de la grâce comme ils auraient colporté de la toile, et alliant le mysticisme des paroles aux plus burlesques parodies de la religion. François d’Assise, en prêchant dans les carrefours, ne prononçait jamais le nom de Jésus sans passer avec onction la langue sur ses lèvres, comme pour y savourer du miel ; il ne parlait de Bethléem qu’en bêlant comme un mouton, more balantis ovis Bethleem dicens ; par le maître, qu’on juge des disciples ! Les cordeliers furent moins des prêcheurs que des bateleurs ; leur véritable chaire, c’était le champ de foire.

Le nouvel institut obtint un succès inouï ; les femmes en furent enthousiastes, et elles s’enrôlèrent, sous le nom de clarisses, dans l’ordre de François (1216). Émus de ces sympathies, les franciscains entreprirent en faveur des femmes une campagne qui devint le point de départ d’une évolution inattendue du christianisme : le développement du culte de la Vierge. Il aboutit à ce dogme cher au moyen âge et défini seulement dans ce siècle-ci, l’Immaculée Conception.

Cependant François d’Assise, jugeant son ordre suffisamment consolidé en Europe, tenta, à diverses reprises, d’aller l’établir chez les infidèles. Il entreprit une première campagne au Maroc en 1214 ; le vaisseau sur lequel il s’était embarqué faillit périr et fut rejeté sur les côtes de la Dalmatie. En 1215, il alla à Rome assister au concile de Latran, où le pape le reçut magnifiquement ; quatre ans plus tard, en 1219, tous ceux qui avaient reçu l’habit de François d’Assise, au nombre de plus de cinq mille moines, furent convoqués et se réunirent à Sainte-Marie-des-Anges. Investi désormais d’une autorité considérable, l’illuminé était devenu plus calme ; il refrénait un peu ses ardeurs mystiques et s’attachait à donner à son institut une bonne organisation. Il distribua à ses moines le monde entier à catéchiser, comme devait faire plus tard Ignace de Loyola ; lui-même se réserva l’Égypte ; mais cette mission ne fut pas plus heureuse que la première, et il dut revenir à Rome. Un de ses derniers actes, comme général de l’ordre, fut la séparation d’un certain nombre de membres, avec lesquels il constitua le tiers ordre, association qui n’avait presque rien de commun avec l’institut monastique ; tout le monde pouvait en faire partie, et l’on y jouissait de la plus grande liberté. Enfin, en 1223, par une bulle en date du 29 novembre, le pape Honorius assura l’existence canonique des franciscains.

François d’Assise crut dès lors son œuvre terminée ; il quitta la vie militante, et, retournant à son inclination naturelle, se retira dans une solitude des Apennins, le mont Alverne. C’est là qu’il eut sa célèbre vision (1224). Il crut voir descendre du ciel un séraphin « ayant six ailes de feu et tout brillant de lumière… Entre les ailes paraissait la figure d’un homme crucifié. » À la suite de cette vision, quand l’extatique personnage se réveilla, ses mains et ses pieds portaient la marque sanglante de clous, comme s’il eût été crucifié lui-même, et, à son côté, une plaie contuse, sanguinolente, marquait la place du coup de lance qu’avait reçu Jésus-Christ. François d’Assise porta jusqu’à sa mort ces traces indélébiles, que l’on appela ses stigmates. Un libre penseur contemporain, M. Alfred Maury, admet parfaitement que ces stigmates se soient produits d’une façon toute spontanée, quoique bien surnaturelle ; la surexcitation nerveuse de l’ascète et la tension extraordinaire de son esprit, toujours en contemplation devant les diverses phases de la vie du crucifié, auraient suffi pour que ces stigmates, si ardemment désirés, apparussent. C’est la thèse que l’éminent critique a soutenue dans son beau travail sur les Hallucinés du mysticisme. Les réformateurs du XVIe siècle n’en cherchèrent pas si long ; ils se contentèrent de raconter, en plaisantant, que, saint François et saint Dominique s’étant un jour très-fort querellés, François se blottit sous le lit de sa cellule, et que Dominique, le lardant à coups de broche pour le forcer à sortir, lui aurait imprimé par hasard aux pieds et aux mains ces fameuses traces des clous de la Passion. C’est de la pure fantaisie ; il est plus rationnel de croire à quelque jonglerie des prêtres, dont François lui-même a très-bien pu être la dupe, pendant un de ses sommeils cataleptiques ; un sujet comme celui-là valait la peine d’être exploité jusqu’au bout.

François d’Assise, dès lors appelé le Séraphique, entouré d’une vénération extraordinaire et réputé saint de son vivant même, survécut peu à cette dernière manifestation. Il s’éteignit en 1226, dans un état d’enthousiasme extatique conforme à sa vie antérieure. On l’inhuma sur une montagne voisine de sa ville natale. Deux ans après, il fut canonisé par Grégoire IX (16 juillet 1228).

On a de François d’Assise : Sermones breves ; Collationes monasticae ; Testamentum fratrum minorum ; Cantica spiritualia ; Admonitiones ; Epistolae ; Benedictiones. Une édition de ses œuvres a été imprimée à Anvers en 1623 (1 vol. in-4o), par les soins du P. Luc Wadding ; elle a été réimprimée à Paris par le P. de La Haye en 1641 (1 vol. in-fol.).

— Iconogr. Saint François d’Assise a inspiré une multitude prodigieuse d’œuvres d’art : il a cela de commun avec quelques autres fondateurs d’ordres religieux, tels que saint Benoît et saint Dominique. Les diverses communautés monastiques durent naturellement rivaliser de zèle pour multiplier les images de leur chef, de leur père spirituel. La grande dévotion du peuple italien pour le saint d’Assise contribua beaucoup, d’ailleurs, à faire décorer les églises de peintures et de sculptures représentant les principaux traits de sa vie.

La plus ancienne figure de saint François qui nous soit parvenue est peinte à fresque dans une chapelle du célèbre couvent de Subiaco. Cette figure, que l’on croit être un véritable portrait exécuté par un contemporain du saint, représente celui-ci debout et de face, la main droite posée sur la poitrine, la gauche tenant un rouleau de papier déployé, où sont écrits les mots : Pax huic, suivis de chiffres romains à demi effacés. La coiffure ressemble, au premier aspect, à une mitre ; mais en réalité c’est le capuce adopté par les franciscains. Le nom du saint est écrit à côté de la figure, en style lapidaire : Frater Franciscus. Le visage a le caractère vague et indéterminé de la plupart des têtes peintes à cette époque : on y reconnaît toutefois un air de bonté et de douceur qui s’accorde bien avec les indications données par les plus anciens biographes de saint François. Cette figure a été gravée dans le recueil de d’Agincourt (Peint., pl. C).

Une autre figure, que l’on dit être un portrait authentique de saint François, est une tête de pierre sculptée qui décore l’imposte de la porte du cloître, dans la cathédrale de Burgos. Elle fut modelée, dit-on, à la dérobée, par un artiste de talent, tandis que le patriarche surveillait la construction de l’édifice. Cette tête, enveloppée du capuchon, est fort belle : le visage a une expression angélique, le regard est animé, la bouche sourit ; la barbe, qui est d’une grande longueur, donne à cette image une apparence de majestueuse gravité.

Une intéressante figure de saint François, due au pinceau de Giunta de Pise, et qui se voit dans l’église d’Assise, le représente tenant une croix et ayant la tête entourée d’une auréole. Elle a été gravée en tête de la Vie du saint publiée par M. Émile Chavin, en 1841 (1 vol. in-8o). D’Agincourt a publié, entre autres peintures du XIIIe siècle se rapportant à saint François d’Assise, une composition qui le montre agenouillé devant la Vierge, une autre qui représente son mariage mystique avec les trois vertus : Pauvreté, Humilité et Obéissance, et divers sujets peints par Giotto dans l’église d’Assise (v. ci-après). Cette église renferme plusieurs autres peintures relatives à saint François et dues à divers maîtres, entre autres à Simone Memmi, à Puccio Capanna, etc.

Au XVe siècle, deux grands maîtres de l’école florentine, le sculpteur Benedetto da Majano et le peintre Domenico Ghirlandajo, retracèrent la Vie de saint François d’Assise, le premier dans cinq bas-reliefs qui décorent la chaire de Santa-Croce, à Florence ; le second dans de superbes fresques auxquelles nous consacrons ci-après un article spécial. Les bas-reliefs de Benedetto da Majano ont été gravés par Lasinio.

Vers le commencement du XVIIe siècle, les Actes de saint François ont été peints à fresque, dans le cloître du couvent d’Ognissanti, à Florence, par Jacopo Ligozzi, Giovanni da San-Giovanni, Galeazza et Gio.-B. Guidoni et Nicodemo Ferrucci.

La scène de la vie de saint François d’Assise que les artistes ont représentée le plus souvent est celle de l’extase miraculeuse pendant laquelle il vit le divin crucifié lui apparaître, et reçut sur son propre corps l’empreinte des stigmates de la Passion. Parmi les artistes de toutes les écoles qui ont traité ce sujet, nous citerons : Antolinez (galerie Suermondt, à Aix-la-Chapelle), le Baroche (musées de Dresde et de Florence), Abr. Bloemaert (gravé par C. Bloemaert), Al. Bomicino (musée de Milan, gravé par Mich. Bisi), P. Brebiette (estampe), Paul Brill (musée de Bâle), J. Breughel (estampe), Adr. van der Cabel (estampe), L. Cardi (musée des Offices), Aug. Carrache (estampe datée de 1596, et tableaux aux musées de Vienne et de Munich), J.-B. Corneille (estampes d’après A. Carrache), B. Castello (église des Capucins, à Gênes), Albert Dürer (gravure sur bois), A. Gabbiani (inusée de Munich), Fr. Gessi (Pinacothèque de Bologne), D. Ghirlandajo (v. ci-après), Giotto (au Louvre), Grimaldi (estampe), Hannas (estampe), R. de La Faye (gravé par Ch. de La Haye), C. Lempel (estampe), Macrino d’Alba (musée de Turin), le Moncalvo (musée de Turin), G. illuziano (gravé par Ph. Sericus), un artiste de l’école du Pérugin (au Louvre, n° 448), le Pesellino (au Louvre, n° 290), F. Porbus le jeune (au Louvre, gravé dans le recueil de Lando), Juan Rizi (musée de Madrid), Trevisani (gravé par V. Franceschini), Giovanni de Vecchi (église S. François, à Borgo-San-Sepolcro), F. Villamena (estampe d’après le Baroche), Carolus Duran (Salon de 1868), G. Pilon (statue de marbre, autrefois au Louvre), etc. Dans la plupart des compositions des maîtres que nous venons de citer, saint François est représenté agenouillé dans un paysage plus ou moins accidenté, non loin de son couvent ; il lève les yeux au ciel, où lui apparaît un crucifix ayant des ailes de chérubin et rayonnant une vive lumière ; à cette vue, il semble défaillir ; quelquefois il est soutenu par un ou deux anges ; assez souvent, à quelque distance de lui se tient un autre moine, frère Léon, son compagnon de solitude.

Saint François a été souvent figuré portant déjà les stigmates, agenouillé devant un crucifix et une tête de mort, et se livrant à une fervente oraison ou à quelque dévote extase. Parmi les artistes qui l’ont ainsi représenté, nous citerons : l’Albane (au Louvre), Al. Allori (musée de Florence), le Baroche (gravé par P, de Jode), Jacopo Bassano (gravé par L. Vorsterman), Fr. Bassano (musée du Belvédère), Stefano della Bella (estampe datée de 1636), Bellavia (estampe), Abr. Bloemaert (gravé par Fred. Bloemaert), le Guide (gravé par Canuti), Lodovico Cardi (au Louvre et au palais Pitti), Annibal Carrache (estampe datée de 1585, et tableau au musée de Vienne), Augustin Carrache (estampe d’après F. Vanni, 1595), Louis Carrache (au Louvre et au musée du Belvédère), Fr. Curti (estampe), le Dominiquin (gravé par Hainzelmann), Van Dyck (musées de Vienne, de Madrid et de Bruxelles), P. Faccini (estampe), le Guerchin (gravé par Bartolozzi), le Guide (compositions diverses gravées par Rousselet, Gio. Lapi, S. Amsler, Mich. Aubert, Fr. Bartolozzi, C. Bloemaert, Fr. Bastiani), Herrera (gravé par Arteaza y Alfaro), Fil. Lauri (au Louvre, gravé par Guttenberg et par Al. Chataigner), Lepautre (gravé par Ch. Audran), B. Manfredi (autrefois dans la galerie Giustiniani), B. Mannini (estampe), C. Maratte (gravé par Th. Crüger), Cl. Mellan (gravé par N. Bazin), P.-F. Mola (gravé par Val. Green), Girol. Muziano (musée de Dresde), Jac. Neefo (estampe d’après Phil. Fruitiers), J. Patenier (musée de Madrid), Rembrandt (autrefois dans la galerie du duc d’Orléans), Ribera (musée de Madrid), P.-C. Rotari (estampe et tableau au musée de Dresde), Rubens (au palais Pitti), le Titien (estampe), Jonas Umbach (estampe), S. Vonet (gravé par Ch. Audran en 1637), G. Zeghers (au Louvre), Zurbaran (musées de Munich et de Besançon).

Quelquefois le saint nous apparaît soutenu, dans son extase, par les anges, par exemple dans une composition de Guidotte, gravée par P. de Jode le vieux. D’autres compositions nous le montrent en extase, à la vue d’un ange qui joue de la viole ou du luth : il a été ainsi représenté par Ribalta (musée de Madrid), par L. Carrache (musée de Munich), par C. Saraceno (musée de Munich), par Piazza (gravé par Ciambirlano), par Fr. Vanni (palais Pitti). Un tableau d’Ab. Drepenbeek, qui appartient au musée de Bruxelles, nous montre Saint François adorant le saint-sacrement ; au-dessus du saint voltigent deux anges qui soutiennent un écusson où est écrit le mot Charitas.

Ciro Ferri a peint saint François recevant dans ses bras l’Enfant Jésus, qui lui est présenté par la sainte Vierge : cette peinture a été gravée par C. Bloemaert (1634). Une composition analogue de Rubens a été gravée par Michel Lasne. Une estampe de Bergmüller nous montre le saint à genoux, baisant le pied de l’Enfant Jésus. Le musée de l’Ermitage possède un tableau de Rubens où l’on voit la Vierge donnant le Rosaire à saint François.

Les hagiographes racontent que saint François, pour se mortifier, s’étant roulé sur des épines, celles-ci se couvrirent de roses rouges et de roses blanches, bien que l’on fût en hiver. Puis un ange se présenta au cénobite et lui montra le ciel, où l’on voyait la Vierge et Jésus-Christ. Cette scène a été retracée d’une façon plus ou moins complète par D. Verthangen (musée du Belvédère), par Ribera (musée de Dresde), etc. Dans un tableau de l’école ferraraise, qui est au Louvre (n° 532), le saint offre des roses à Jésus et à la Vierge. Zurbaran (musée de Cadix) a peint le saint agenouillé devant un autel dont les marches sont jonchées de roses blanches et roses ; le Christ, assis sur un nuage et ayant près de lui Marie, qui joint les mains, accorde à saint François l’indulgence de la Portioncule. Des compositions analogues de Murillo et d’Augustin Carrache se voient au musée royal de Madrid, Le Louvre a sur le même sujet un tableau du Masteletta ; le musée d’Anvers, un tableau de P. Thys le Vieux.

La Vision de saint François d’Assise a été peinte à fresque par Overbeck, dans l’église de la Madona-dei-Angeli, à Assise : cette peinture est une des œuvres les plus estimées du célèbre artiste. Une composition de G. Meunier, sur le même sujet, a été gravée récemment par A.-M. Danse.

Une estampe de P. Fidanza, d’après Annibal Carrache, nous montre saint Pierre et saint Paul apparaissant à saint François. Granet a peint Saint François renonçant aux pompes du monde (Salon de 1846) ; E. Jolin, Saint François secourant un pauvre (Salon de 1853) ; Murillo, Saint François guérissant un paralytique (musée de Munich) ; Giotto et R. Schiaminossi, Saint François prêchant ; L. Benouville, Saint François, sur le point de mourir, bénissant la ville d’Assise (v. ci-après).

La Mort de saint François d’Assise a inspiré un grand nombre d’artistes, entre autres L. Ghirlandajo (v. ci-après), Annibal Carrache (gravé par G. Autran), le Guerchin (musée de Dresde), P. van Mol (autrefois dans la galerie Fesch), R. Schiaminossi (estampe qui a été reproduite par Maffei), Louis Carrache (gravé par F. Bartolozzi), le Trevisan (musée de Dresde), un anonyme de l’école italienne du XIVe siècle (musée Campana, au Louvre, no 17). Ce dernier ouvrage, qui est peint dans le style de Giotto, nous montre le saint entouré d’un grand nombre de religieux, qui témoignent leur douleur par des attitudes et des expressions diverses ; un personnage, vêtu de rouge, touche les stigmates.

Giotto a peint les Funérailles de saint François (gravé dans d’Agincourt, pl. CXVI). La Hire a représenté le saint debout dans son tombeau, au moment où, plus de deux cents ans après sa mort, il reçut la visite du pape Nicolas V, qui descendit dans ce tombeau, accompagné du cardinal Asbergius, d’un évêque et de quelques autres personnages : ce tableau, point en 1630 pour l’église des Capucins de Paris, et qui figure aujourd’hui au Louvre (no 290), est un des meilleurs ouvrages de l’auteur ; il a été gravé dans le Musée royal par Forster et dans les recueils de Landon et de Filhol. Une composition analogue peinte par G. Donfeet se voit au musée de Munich.

Mentionnons, pour finir, diverses peintures représentant pour la plupart de simples figures du séraphique fondateur des franciscains et exécutées par Fra Angelico (musée de Berlin), Sch. Bolswert (estampe), Giac. Bossi (estampe datée de 1725), Jean Boulanger (estampe), Jos. Cades (gravé par Bombelli, 1705), Callot (diverses estampes dont une représentant saint François sortant d’un lis), Aug. Carrache (gravé par Seb. Langer), L. Carrache (au musée de Naples), Mich. Corneille (tableau placé autrefois dans l’église Saint-Roch, à Paris, et gravure à l’eau-forte d’après ce tableau), le Corrége (gravé par P. Lutz en 1834), Carlo Crivelli (musée de Bruxelles), J. Deshayes (estampe), Diepenbeke (gravé par Michel Natalis), Van Dyck (gravé par Ganties d’Agoty), Honasse (gravé par N. Bazin), Michel Lasne (diverses estampes), Lambertini (peinture datée de 1469, au musée de Bologne), Lucas de Leyde (estampe), J. Lievens (estampe), Frère Luc (gravé par Jean Boulanger et par N. Bazin), C. de Mallery (estampe), Manozzi (gravé par Giampicoli), Israël van Mechenen (trois estampes), Carl Muller (estampe), Bern, Passari (portrait gravé, entouré de dix petits sujets retraçant les principaux traits de la vie du saint), J.-M. Pierre (gravé par N.-G. Dupuis), Fr. Porbus (tableau placé autrefois dans l’église des Jacobins, à Paris), Rubens. (gravé par Blaschke, Borrekens), D. Teniers (gravé par Le Bas), Tiepolo (gravé par Pietro Monaco), etc, Une statue de pierre de Saint François d’Assise a été exécutée récemment par M. Joseph Félon, pour la décoration de l’église Sainte-Élisabeth, à Paris.

François d’Assise (la vie de), fresques de Giotto, à Assise. Ces peintures sont célèbres dans l’histoire de l’art : elles révélèrent le style nouveau qui, aux types conventionnels, aux formes pleines de roideur et aux compositions symétriques de l’école byzantine, substitua des expressions, des caractères et un arrangement plus conformes à la vérité. C’est par elles, en un mot, que Giotto manifesta son génie. On pense qu’il les exécuta peu après 1296, année où Fra Giovanni di Muro, qui l’appela pour terminer, dans l’église d’Assise, les peintures laissées inachevées par Cimabue, fut élu général des franciscains.

Comparées aux œuvres de Cimabue, les fresques de la Vie de saint François font voir, dit Lanzi, combien Giotto avait surpassé son maître : « Cet ouvrage, embrassant une suite de faits différents, devient plus correct à mesure que Giotto avance dans leur exécution, et le dessin, vers la fin, y offre plus de variété dans les figures, plus d’exactitude dans les formes des pieds et des mains ; les physionomies sont plus animées, les mouvements plus vrais, les paysages plus naturels. Enfin, ce qui surprend le plus ceux qui observent attentivement ces peintures, c’est l’art de la composition. » Lanzi signale, parmi les figures les plus frappantes de ces fresques, un homme qui souffre de la soif : « Le pinceau de Raphaël, dit-il, pourrait à peine ajouter quelque chose à l’expression de cette figure. »

M. Paul Mantz a insisté avec raison sur le mérite de la composition des divers tableaux qui forment cette suite célèbre : « Dans les peintures qui nous montrent le saint faisant vœu de pauvreté ou triomphant au milieu de la cour céleste, dans les allégories relatives aux vertus diverses que doit posséder un bon franciscain, Giotto a été singulièrement attentif à l’arrangement des groupes, à leur pondération symétrique dans les ensembles et variée dans les détails. Et notez qu’il ne s’agit plus ici, comme dans les œuvres de l’école dont le règne allait finir, de personnages isolés ou peu nombreux, mais, au contraire, de compositions abondantes qui mêlent les habitants du ciel à ceux de la terre, et qui, comme dans l’allégorie de la Chasteté, admettent, parmi les acteurs du drame, le squelette ailé de la mort et les légions diaboliques échappées au monde infernal. » Ajoutons que l’illustre artiste ne craignit pas de s’inspirer des productions de l’art païen : dans la fresque qui représente l’apothéose de saint François, il peignit une figure de centaure. Cette même composition nous montre le saint assis au milieu des anges et de ses principaux disciples, plongé dans une méditation profonde, et ayant des ailes. Ces fresques ont été gravées dans les recueils de d’Agincourt, de Piroli, de Rosini, etc. Ce ne sont pas là les seules peintures que Giotto ait consacrées à saint François. L’Académie des beaux-arts de Florence possède de lui une suite de dix petits tableaux, représentant les principaux traits de la vie du saint. Le seul ouvrage que le Louvre ait de Giotto est un tableau représentant Saint François recevant les stigmates ; il est complété par une predella divisée en trois compartiments, où sont retracés des sujets tirés de la vie du saint. Ce précieux ouvrage, signé : Opus Jocti Florentini, décorait autrefois la sacristie de l’église de Saint-François, à Pise. Il a été gravé dans le recueil de Landon.

François aux stigmates (LE SAINT), tableau de Giotto, musée du Louvre, no 209. Giotto a rendu toutes les circonstances de la légende : le saint est agenouillé à gauche, la vision va s’évanouir, et déjà la croix a disparu. Dans la partie inférieure du tableau, le peintre a représenté trois autres sujets anecdotiques de la vie de saint François. « Ce tableau, dit M. Viardot, qui mérite assurément d’être signé, Opus Jocti, n’est cependant qu’une œuvre de jeunesse, où ne se révèle pas encore tout entier le grand homme qui le premier remplaça les fonds d’or byzantins par des vues de la nature, et, le premier aussi, porta l’imitation des personnages jusqu’au portrait, qui fut enfin le père de la Renaissance. » Mais ce qui fait surtout la célébrité de ce tableau, outre ses mérites indiscutables, c’est qu’il est une date importante qui marque les débuts de l’art moderne émancipé du dogme.

François d’Assise (LES ACTES DE SAINT), fresques de Domenico Ghirlandajo (église de la Trinité, à Florence). Un riche Florentin, Francesco Sassetti, confia à Ghirlandajo le soin de décorer une chapelle de l’église de la Trinité. Une inscription nous apprend que l’artiste termina son travail en 1485. Il y peignit les principales scènes de la Vie de saint François, entre autres : Saint François ressuscitant un enfant, Saint François retenant les stigmates, Saint François devant le pape Honorius et la Mort de saint François. Ces fresques ont été gravées par Lasinio. Nous ne décrirons que les deux plus remarquables.

La scène de la Résurrection de l’enfant se passe devant la porte de l’église, près du quai de l’Arno. Au fond, on voit l’ancien pont de la Trinité, tel qu’il avait été construit par Taddeo Gaddi. Ghirlandajo, ainsi que Lanzi l’a fait observer, est un des peintres de son temps qui ont le mieux réussi dans ces perspectives ; la dégradation des lointains est notée avec une parfaite justesse ; la lumière a une réalité extrêmement remarquable.

La Mort de saint François est un chef-d’œuvre de composition grave et pathétique. Le saint, revêtu de son habit monacal, rend le dernier soupir, étendu sur une sorte de lit de parade recouvert d’une draperie bleue brodée d’or. Sa tête, appuyée sur un coussin et déjà glacée par la mort, a une expression de douce béatitude. Un médecin, penché vers lui, témoigne par la tristesse de sa physionomie que la vie se retire du cœur dont sa main interroge les battements. Sept moines se pressent autour de celui qui fut leur supérieur et leur ami. Deux d’entre eux suivent avec anxiété les mouvements du médecin ; ils voudraient espérer encore… Un troisième joint les mains et prie avec une touchante ferveur ; les autres, agenouillés autour du mourant, s’abandonnent à leur douleur et baisent les pieds et les mains qui ont reçu l’empreinte des stigmates sacrés de la Passion. On croit entendre les sanglots de ces religieux en qui l’austérité du cloître n’a pas étouffé les sentiments humains. Debout au chevet du moribond, un vieil évêque, revêtu de ses insignes, les besicles sur le nez, lit les prières des agonisants, avec toute l’impassibilité d’un homme accoutumé depuis longtemps à de pareils spectacles. Ses deux acolytes, armés l’un d’un encensoir, l’autre d’un seau à eau bénite, ne montrent pas moins d’indifférence. En revanche, les trois clercs qui portent la croix ne peuvent dissimuler leur émotion. À côté d’eux, un bel enfant regarde ce qui se passe avec une curiosité naïve : il est vêtu à la mode florentine du XVe siècle, ainsi que quatre ou cinq personnages dont les costumes de couleur éclatante contrastent avec les robes de bure des religieux. Ces diverses figures, qui, pour la plupart sans doute, sont des portraits, sont groupées dans un édifice décoré de colonnes corinthiennes entre lesquelles la vue s’étend au loin sur un riant paysage. La Mort de saint François a été gravée par Matteo Carboni et reproduite en chromo-lithographie par Kellerhoven. (V. la Peinture italienne, par P. Mantz.)

François (saint), tableau de Rubens, musée d’Anvers. François d’Assise, à ses derniers moments, se fait conduire à l’autel pour recevoir la communion des mains d’un religieux de son ordre, en présence de ses frères. Sa figure exprime la foi la plus vive, le plus ardent amour et la plus profonde humilité. Dans le haut du tableau, de charmants petits anges lui apportent la couronne des bienheureux. Quoique ce tableau présente une scène semblable à la Communion de saint Jérôme, par le Dominiquin, Rubens l’a traité d’une manière toute différente et a su rester original. « Dans cette composition, dit M. Viardot, Rubens commet la même faute que le Dominiquin dans sa Dernière communion de saint Jérôme : le saint agonisant est complètement nu au milieu des moines habillés ; mais cette circonstance étudiée, qui donne quelque chose d’étrange au premier aspect du tableau, est bien vite oubliée devant la majesté de la scène et la splendeur du coloris, que Rubens n’a peut-être surpassée dans nul autre ouvrage. » Ce tableau a été exécuté, en 1619, pour le couvent des Récollets d’Anvers et se trouve maintenant au musée établi dans l’église même de ce couvent. Henry Snyers en a donné la gravure. On conserve encore, dans la famille Van de Verve, d’Anvers, une quittance en date du 17 mai 1619, dans laquelle Rubens déclare avoir reçu la somme de 750 florins pour un tableau fait de sa main et placé dans l’église de Saint-François à Anvers. Le tableau a 12 pieds 8 pouces sur 6 pieds 6 pouces.

François d’Assise bénissant sa ville natale (saint), tableau de M. L. Benouville. Le saint, près d’expirer, se soulève à demi sur une civière que viennent de poser à terre les moines qui l’ont apportée, et bénit sa ville bien-aimée. La mort mêle ses tons de cire jaune aux teintes mates de l’hostie sur cette tête d’ivoire transfigurée par l’extase et nageant déjà dans la béatitude céleste. À côté du saint, un jeune moine au profil idéalement pur, aux longues mains jointes comme celles d’une statue sur un tombeau, prie avec une onction et une ferveur sans pareilles. Deux autres moines, plus âgés, se tiennent debout auprès de la civière ; leurs têtes rasées, qu’entoure une couronne de cheveux et qui rappellent le crâne d’ivoire du squelette, leurs nuques, dont les vertèbres font saillie, les plis droits de leurs frocs n’accusant que la charpente humaine dépouillée de sa chair, expriment à, un haut degré l’ascétisme monacal. « C’est, dit M. About, une peinture sobre, austère, religieuse, un bon tableau d’histoire encadré dans un charmant paysage historique. » M. Th. Gautier va plus loin : « C’est, dit-il, du Zurbaran tempéré par du Lesueur ; car une grâce languissante, une suavité morbide adoucissent ces têtes où se lit la nostalgie du ciel. » Cette toile, exposée pour la première fois en 1853, obtint encore un plus grand succès à l’Exposition universelle de 1855.