Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRÉDÉRIC II, empereur d’Allemagne, roi de Sicile et de Jérusalem, fils de l’empereur Henri VI

Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 796).

FRÉDÉRIC II, empereur d’Allemagne, roi de Sicile et de Jérusalem, fils de l’empereur Henri VI, né à Jesi (Marche d’Ancône) en 1194, mort en 1250. Héritier de la Sicile par sa mère Constance, élu roi des Romains du vivant de son père, resté orphelin à l’âge de quatre ans, sous la tutelle du pape Innocent III, il se vit disputer l’empire d’Allemagne par son oncle Philippe de Souabe et par Othon de Brunswick, qui resta seul maître en 1209. Ce ne fut qu’en 1212 qu’il se mit en mesure de faire valoir ses prétentions. Il partit de Palerme, gagna la Suisse et se présenta devant Constance avec 60 cavaliers. Sa troupe augmenta successivement ; des princes et des seigneurs entrèrent dans son parti. L’Allemagne, lasse des luttes de faction, l’accueillit comme une espérance de paix, et il triompha enfin de son rival, déjà vaincu à Bouvines par Philippe-Auguste. Couronné à Aix-la-Chapelle (1215) comme roi d’Allemagne, il obtint du pape Honorius III l’investiture de la dignité impériale à Rome (1220), après avoir renouvelé solennellement la promesse d’une croisade, ainsi que la confirmation d’une foule de privilèges pour l’Église. Allemand de race, mais italien d’éducation, esprit cultivé, pupille d’un pape, élève de deux cardinaux, ce prince vraiment supérieur à son époque se distingua par un caractère particulier d’habileté, de duplicité même, et par la situation singulière qu’il prit vis-à-vis du saint-siége, dont il était le client, mais dont il se garda bien d’être le serviteur. En apparence, il se montrait plein de déférence et de respect pour le souverain pontife, renouvelait à chaque instant et sous les serments les plus solennels des promesses qu’il ne tenait jamais, et se montrait enfin le fils le plus soumis et le plus humble de l’Église, mais en même temps le plus désobéissant. Fatigué d’une comédie qui durait depuis près de dix ans, Grégoire IX. en succédant à Honorius III (1227), fulmina enfin une excommunication contre lui. Frédéric cessa dès lors de dissimuler. Il marcha sur Rome à la tête de mercenaires arabes, en même temps qu’il faisait soulever le peuple dans la ville et chasser le pape à Viterbe. Mais sentant que l’anathème pesait sur lui d’un poids accablant, il partit enfin pour la terre sainte (1228), et, par suite de négociations avec le Soudan d’Égypte, s’empara sans coup férir de Jérusalem, où il se fit couronner roi. On prétend qu’il se couronna lui-même, aucun prêtre n’ayant voulu entrer en relation avec un excommunié. La Chronique de Matthieu Paris donne même un exemple d’un scepticisme bien extraordinaire pour l’époque, et surtout chez un prince nourri à la cour pontificale. Suivant ce récit, Frédéric, au milieu de conférences philosophiques avec l’émir de Jérusalem, se serait laissé aller à des railleries sur la stérilité du sol de la Palestine, en disant que si Jéhovah avait connu le royaume de Naples, il n’aurait pas été choisir pour l’héritage de son peuple les rochers arides de la Judée. Quoi qu’il en soit, Frédéric se réconcilia avec Grégoire IX en 1230, passa en Allemagne en 1235 pour comprimer la révolte de son fils Henri, marcha, en 1237, contre la ligue lombarde, soumit presque toutes les villes de la Lombardie, et fut excommunié de nouveau pour n’avoir pas respecté les domaines du saint-siége. Cette fois, Grégoire IX prêcha une croisade contre lui et prononça sa déposition ; mais les princes chrétiens ne répondirent pas à son appel ; saint Louis lui-même, en refusant la couronne impériale qu’on lui offrait pour son frère, accusa le souverain pontife de violence. Grégoire en mourut d’apoplexie. Innocent IV reprit cette guerre et la poursuivit toute sa vie avec une violence et une opiniâtreté qui contrastaient avec la modération de Frédéric ; celui-ci ne cessait de faire des propositions d’accommodement. Ce fut en vain que le pape, réfugié à Lyon, offrit successivement la couronne impériale à divers princes ; il ne recueillit que d’humiliants refus ou il ne suscita que des compétiteurs ridicules et impuissants. Frédéric II mourut au château de Fiorentino, dans la Pouille. On soupçonna qu’il avait été empoisonné par son fils naturel Mainfroy. C’était un prince éclairé, instruit, qui encouragea les sciences et les lettres, les arts et l’industrie dans ses vastes États, et composa lui-même plusieurs ouvrages, ainsi que des poésies. On lui attribue, entre autres, un traité de chasse : De arte venandi cum avibus, et une série de Questions philosophiques adressées à des docteurs chrétiens et musulmans. Les historiens lui reprochent des mœurs licencieuses et une impiété qui était un scandale à cette époque.