Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Commune de Paris.

Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 3p. 748-749).

Commune de Paris. Avant la révolution de 1789, la ville de Paris était partagée en vingt et un quartiers, et la municipalité se composait d’un prévôt des marchands, de quatre échevins et de trente-six conseillers. Toutes ces places étaient ou héréditaires ou à la nomination du roi. Le corps municipal formait en réalité une véritable aristocratie de haute bourgeoisie.

L’article 8 du règlement du roi, du 13 avril 1789, pour la convocation des états généraux, divisait Paris en soixante districts. Cette division servit naturellement à la première organisation municipale qui fut créée par l’initiative des citoyens après la prise de la Bastille. Mais, avant cette municipalité régulièrement formée (sinon légalement), Paris en avait eu une autre, purement révolutionnaire, et qu’on désigne ordinairement sous le nom d’assemblée des électeurs. Les électeurs nommés par les districts pour choisir les députés aux états généraux, et qui, depuis les élections, continuaient à former une espèce de corps, toutefois sans tenir de séances officielles, se rassemblèrent spontanément le 25 juin au nombre d’environ trois cents dans la salle dite du Musée, rue Dauphine, et qui était alors occupée par un traiteur. L’attitude hostile de la cour, la situation précaire de l’Assemblée nationale, qui semblait menacée de dissolution, justifiaient assez cette réunion extraordinaire. Ils parvinrent ensuite à s’installer à l’Hôtel de ville, où on les laissa tenir leurs assemblées pendant une quinzaine de jours sans les troubler. À la veille du 14 juillet, ils s’emparèrent hardiment, au nom des périls publics, d’une portion du pouvoir municipal, prirent un arrêté pour la convocation des districts et la formation d’une milice bourgeoise, et nommèrent un comité permanent chargé de veiller à la tranquillité publique, et dans lequel ils firent entrer de Flesselles, prévôt des marchands, et autres membres de l’ancienne municipalité, qui subsistait dans la nouvelle comme un débris de l’ancien régime.

L’assemblée des électeurs ne joua pas un rôle très-actif dans les grandes journées du 13 et du 14. Timides, hésitants, craignant les mouvements populaires autant que les complots de la cour, pleins de doutes et de perplexités, d’ailleurs, sur l’issue des événements et redoutant de livrer la capitale aux dévastations des hordes étrangères qui étaient à la solde du roi, ils n’agirent d’abord qu’à leur corps défendant, mais se trouvèrent peu à peu entraînés dans l’irrésistible mouvement du peuple. Après la victoire de Paris, ils s’emparèrent de toutes les branches de l’administration, et nommèrent par acclamation Bailly maire de Paris, et La Fayette commandant général de la garde nationale. Mais cette représentation municipale ne pouvait longtemps convenir au Paris de la Révolution. Elle contenait sans doute des hommes pleins d’énergie et de patriotisme, mais aussi bon nombre de gens attachés à la cour par leur condition ou leurs charges, et qui poussèrent à des mesures de défiance et de réaction, comme le désarmement des ouvriers, des arrêtés contre la liberté de la presse, etc. Le 17, quand le roi vint à l’Hôtel de ville, la municipalité provisoire le reçut avec un enthousiasme extraordinaire, lui vota une statue et le proclama régénérateur de la liberté nationale. Entraînements un peu naïfs, car il était clair que les grandes journées s’étaient faites contre le roi, ou tout au moins contre la faction dont il était l’instrument, et que s’il avait régénéré la liberté, c’était tout à fait malgré lui, car il avait d’abord prêté les mains à des mesures de violence et à des coups d’autorité que le 14 juillet avait rendus impossibles. Mais ce jour-là on crut sérieusement que le peuple, suivant la parole de Bailly, avait enfin reconquis son roi.

Cependant, quand les premiers jours de crise furent passés, les districts réclamèrent vigoureusement contre cette municipalité improvisée, et enfin nommèrent spontanément chacun deux députés pour travailler au plan d’une municipalité régulière, et administrer provisoirement la ville. Le 30 juillet, les 120 élus des districts se constituèrent à l’Hôtel de ville et prirent le nom de représentants de la Commune de Paris. Ils confirmèrent la nomination de Bailly et de La Fayette, et généralement tous les actes des électeurs, administrèrent la ville avec vigilance, ouvrirent des ateliers de charité pour les indigents sans travail, et s’occupèrent avec activité des subsistances, de la police, de l’organisation de la garde nationale, et en même temps de beaucoup d’objets qui rentraient plus ou moins dans leurs attributions, car leurs pouvoirs n’étaient point définis ; la confusion qui résultait d’un tel état de choses faisait désirer un règlement précis sur l’organisation municipale. On commença en effet à s’en occuper, et Brissot, qui était membre de la Commune, fournit quelques idées à ce sujet. Le 24 août, l’Assemblée de l’Hôtel de ville avait posé les bases d’un règlement qui, d’ailleurs, n’offre que des dispositions relatives à l’ordre intérieur des délibérations, au nombre et à l’élection des comités, et qui ne déterminait point les attributions du conseil de la ville. Or, c’était là précisément le point important. Le plan de Brissot était assez compliqué, et l’on peut y saisir déjà les idées fédéralistes qui seront plus lard le texte de tant d’accusations contre les girondins. La multiplicité des affaires dont le conseil était accablé ne lui permettait point d’ailleurs de s’occuper d’une manière suivie de cette question importante, dont la solution appartenait en réalité à l’Assemblée nationale. On resta donc dans le provisoire, tout en soumettant aux districts divers plans qui durent être étudiés et discutés. À diverses reprises déjà le conseil de la Commune, pressé par les affaires, avait été obligé de faire appel aux districts pour augmenter le nombre de ses membres. Enfin ce nombre fut porté à 300, et le nouveau conseil sorti de cette élection s’installa le 18 septembre (1789), sous le nom d’Assemblée des représentants de la Commune. Ce conseil se distingua par la vigueur avec laquelle il poursuivit les complots royalistes. À l’exemple de l’Assemblée nationale, il institua un comité de recherches qui fit instruire les procès de Lambesc, Besenval et Favras. Sans entrer dans le détail de son organisation intérieure, indiquons seulement ses deux divisions principales : 60 membres formaient la municipalité ou corps administratif ; les 240 autres composaient le conseil général. À la suite de nombreux conflits avec le maire Bailly, tous les représentants de la Commune donnèrent leur démission en masse, au mois d’avril 1790, mais en annonçant qu’ils siégeraient jusqu’à ce qu’ils fussent remplacés. Ils s’occupèrent ensuite à leur tour d’un nouveau plan d’organisation municipale et l’élaborèrent longuement ; mais l’Assemblée nationale refusa de l’adopter, et s’occupa enfin elle-même d’en préparer un, par une série de décrets qui devinrent la loi du 27 juin 1790.

Un fait assez remarquable, c’est que jusqu’alors les municipalités avaient été des créations spontanées. Au canon de la Bastille, toutes les vieilles tyrannies locales s’étaient dissoutes ; la maison commune avait alors servi de centre aux citoyens associés au nom des droits nouveaux, et qui partout, comme à Paris, formèrent ces comités d’où sortirent en 1790 les municipalités régulières. La concentration entre les mains des municipalités de pouvoirs même non communaux (contributions, disposition de la force armée, haute police, etc.), cette concentration, qu’on a tant reprochée à l’Assemblée nationale, fut moins un système que la reconnaissance, la consécration légale d’un grand fait national qui s’était produit dans l’anéantissement de presque tous les pouvoirs.

D’après la nouvelle organisation municipale, Paris était partagé en 48 sections (au lieu de la division en 60 districts). Les citoyens actifs (qui payaient une contribution directe de trois journées de travail) avaient seuls, comme on le sait, le droit électoral et se réunissaient pour l’exercer en assemblées primaires. À Paris, les assemblées primaires étaient les sections. Ces assemblées nommaient directement les fonctionnaires de la section, juges de paix, commissaires de police, etc. : elles élisaient aussi les électeurs du second degré, qui, à leur tour, nommaient les députés, les évêques, etc. Suivant les dispositions spéciales à Paris, la commune se composait d’un maire, de seize administrateurs, d’un conseil municipal de trente-deux membres, d’un conseil général composé de quatre-vingt-seize notables, d’un procureur de la commune et de deux substituts. Il y avait, en outre, un secrétaire-greffier, deux adjoints, un trésorier, un garde des archives et un bibliothécaire nommés par le corps municipal et dont les fonctions étaient incompatibles avec celles de représentant de la Commune.

Le maire, le procureur et ses deux substituts étaient élus directement par les sections.

Les autres membres du conseil général étaient élus d’après un système assez compliqué. Les sections nommaient d’abord chacune 3 membres, en totalité 144, dont la liste, avec les noms, qualités, adresses, etc., était imprimée, affichée, et envoyée aux 48 sections, qui votaient successivement sur chacun des noms par assis et levé. Les citoyens qui n’étaient pas acceptés par la moitié plus une des sections étaient retranchés de la liste, et l’on procédait à de nouvelles nominations d’après la même méthode. La liste définitivement arrêtée, les sections choisissaient parmi les 144 élus les membres qui devaient former l’administration et le corps municipal ; c’était une opération plus compliquée encore que la première et dont il ne nous parait pas nécessaire de donner le détail. Le législateur, par ce mécanisme électoral, avait voulu obtenir certaines garanties ; mais il faut reconnaître qu’il ne brillait pas par la simplicité.

Les pouvoirs du maire, du procureur de la Commune et des officiers municipaux devaient durer deux ans, et le renouvellement de la moitié du conseil se faire le dimanche après la Saint-Martin de 1791.

Par délibération des 48 sections, le maire de Paris avait un traitement annuel de 72,000 fr. ; le procureur de la Commune, de 15,000 ; chaque substitut, de 6,000 ; le secrétaire-greffier, de 6,000 ; chacun de ses adjoints, de 3,000 ; chaque administrateur de police, de 3,000. Les autres membres du conseil général ne recevaient aucun traitement.

Le maire avait la haute surveillance de toutes les parties de l’administration ; mais il n’administrait pas. Il pouvait suspendre telle ou telle mesure des administrateurs, mais à la charge de soumettre l’affaire, dans les vingt-quatre heures, soit au corps municipal, soit (suivant la gravité du cas) au conseil général tout entier. Il présidait divers bureaux, le corps municipal et le conseil général, avec voix délibérative dans toutes les assemblées, avait la première place dans les cérémonies publiques de la ville et marchait en tête des députations de la Commune.

Les seize administrateurs se réunissaient en bureau au moins trois fois par semaine et se partageaient pour les besoins du service en cinq départements : subsistances, police, finances, établissements publics, travaux publics.

Le conseil municipal s’assemblait au moins une fois tous les quinze jours, et plus souvent si cela était nécessaire. Les administrateurs, tirés, comme nous l’avons dit, de son sein, étaient sous sa direction.

Le conseil général, qui comprenait la municipalité tout entière, délibérait sur toutes les questions relatives à la ville, réglait les affaires en litige, gardait la haute direction, rendait des arrêtés, soit sur la proposition de ses membres, soit sur le réquisitoire du procureur de la Commune, recevait les citoyens à sa barre, cassait ou approuvait les arrêtés des sections, etc. Au temps de sa plus grande puissance, pendant la Terreur, la Communs était une sorte de Convention parisienne qui domina plus d’une fois la grande assemblée. Elle était, il est vrai, subordonnée en certains cas à l’administration départementale, ou, comme on disait, au département, mais cette subordination était à peu près illusoire.

Les séances du conseil municipal, et à plus forte raison celles du conseil général, étaient publiques. Ce dernier n’avait point de réunions régulièrement fixées. Depuis le 10 août, il s’assembla tous les jours ; dans les circonstances critiques, il restait même en permanence nuit et jour.

Enfin, il faut ajouter que l’Assemblée constituante avait complété l’indépendance municipale en ne laissant au pouvoir exécutif que le droit de suspendre les administrateurs qui, par leurs actes, compromettraient la tranquillité publique, et en ne donnant qu’aux seuls membres des municipalités le droit de requérir la force armée dans l’intérieur des villes. En cas de troubles publics, ils étaient tenus de marcher en tête de la force armée pour faire appliquer la loi.

La nouvelle Commune fut installée en octobre 1790, avec Bailly pour maire ; elle eut de grandes crises à traverser : la tentative de démolition du donjon de Vincennes ; la journée des poignards, aux Tuileries ; la fuite du roi ; le massacre du Champ-de-Mars (17 juillet 1791), qui la rendit odieuse aux révolutionnaires, par l’obligation où elle fut de proclamer la loi martiale. Ce fut cette municipalité qui créa le papier-monnaie connu sous le nom de billets de confiance. Le renouvellement de la moitié de cette assemblée, dans les derniers jours de 1791, y fit entrer des hommes plus ardents, imbus d’idées plus radicales. Paris déjà avait bien dépassé le parti constitutionnel. En novembre, Bailly avait donné sa démission de la place de maire ; deux candidats étaient en présence : La Fayette et Pétion ; c’est ce dernier qui fut élu. Manuel fut nommé procureur, avec Danton pour substitut.

L’événement capital qui eut lieu sous l’administration de cette municipalité fut l’envahissement des Tuileries par le peuple dans la journée du 20 juin 1792. Il est peu douteux que ce mouvement ne fût envisagé favorablement par la Commune et par le maire Pétion ; tous les patriotes pensaient alors qu’il était nécessaire que le peuple exerçât une pression sur l’esprit du roi pour l’amener à sanctionner les décrets, à rappeler les ministres patriotes et à se rallier franchement à la Révolution. Toutefois, les municipaux firent quelques efforts inutiles pour que la manifestation ne se fit pas en armes et ils n’y prirent officiellement aucune part. Pétion, Sergent et plusieurs autres se rendirent aux Tuileries pour engager le peuple à se retirer en bon ordre après avoir manifesté ses vœux, et ils contribuèrent à l’évacuation du palais. Mais la cour ne trouva point que ce fût assez, et quelques jours plus tard elle fit prononcer par le directoire du département, qui était tout à sa dévotion, la suspension de Pétion et de Manuel. Cette mesure produisit une véritable explosion. Tout Paris cria : Vive Pétion ! et, dans les circonstances critiques où se trouvait la monarchie, on ne pouvait se méprendre sur la signification menaçante de ce cri. La suspension, confirmée par le roi, fut levée par un décret de l’Assemblée nationale le 23 juillet. Les deux magistrats populaires furent réinstallés avec un grand éclat.

Le conseil de la Commune se montra en majorité favorable à la déchéance du roi et appuya les pétitions présentées à ce sujet à l’Assemblée nationale ; mais un grand nombre de ses membres hésitaient à sortir des voies légales. Aussi, le premier acte des sections, au 10 août, fut-il de pourvoir à son remplacement. Dès le 9, dans la soirée, un certain nombre de sections nomment chacune trois commissaires, avec pouvoirs illimités pour sauver la patrie ; d’autres sections suivirent ce mouvement, et c’est ainsi que fut formée cette Commune du 10 août qui présida à la grande insurrection. Chose assez curieuse, les choix tombèrent en général sur des citoyens obscurs. Nous y trouvons cependant les noms de Billaud-Varenne, de Rossignol, de Bourdon (de l’Oise), d’Hébert (le père Duchesne), de M.-J. Chénier, de Robert, de Fabre d’Églantine, de Robespierre, de Xavier Audouin et de quelques autres.

La Commune insurrectionnelle agit avec une grande vigueur. Elle ne garda de l’ancien conseil que Pétion, Manuel et Danton, fit consigner le maire de Paris chez lui, pour mettre sa responsabilité à couvert, nomma Santerre commandant de la force armée parisienne, et prit enfin toutes les mesures que commandaient les circonstances.

Après la chute de la royauté, elle concentra son pouvoir dans un comité de surveillance (lequel s’adjoignit Marat), qui exerça une grande action pendant un mois, et auquel on a attribué les massacres de septembre. À l’article consacré à ces affreuses journées, nous aurons à nous occuper spécialement du rôle de ce comité et de la part de responsabilité qui lui revient. Ici, nous devons nous borner à disculper sommairement le conseil général proprement dit, qui formait en quelque sorte le pouvoir législatif de la municipalité. Le comité de surveillance était sans doute sa commission exécutive ; mais, dans ce moment terrible, au milieu de la panique causée par la marche des Austro-Prussiens, le comité agissait beaucoup par lui-même, et le conseil ne saurait être équitablement rendu responsable de tous les actes. Il est certain qu’aux premiers bruits des massacres la Commune manifesta sa douleur. qu’elle prit toutes les mesures que les circonstances lui permettaient de prendre et qu’elle montra plus d’activité même que l’Assemblée nationale en envoyant commissaires sur commissaires aux prisons pour tenter d’arrêter l’effusion du sang ; elle protégea même le Temple, qui fut un moment menacé. Il faut rappeler aussi qu’elle désavoua énergiquement ce fameux comité dont on la rendait solidaire. Dans cet instant suprême de l’invasion, elle montra autant de patriotisme que d’énergie, organisa la levée en masse des Parisiens et mérita les éloges de l’Assemblée nationale.

Violemment attaquée par les girondins dès les premières séances de la Convention, elle soutint contre eux une lutte incessante, avec l’appui de la Montagne. Quelques historiens l’ont accusée de n’avoir pas voulu rendre ses comptes ; il est avéré cependant que, le 29 septembre, elle invita les 48 sections à envoyer chacune deux commissaires à l’Hôtel de ville pour assister à la reddition de ces comptes, et qu’elle enjoignit à tous ses membres de rendre publiquement compte de leur gestion depuis le 10 août et de tous les dépôts qui avaient été confiés à la Commune. Le comité de surveillance lui-même rendit également ses comptes (v. l’Histoire parlementaire, t. XX ; l’Histoire de la Révolution, de Louis Blanc, t. VII, etc.).

Le 2 décembre 1792, de nouvelles élections municipales renouvelèrent le conseil général de la Commune. Un homme très-modéré, le médecin Chambon, fut nommé maire ; Chaumette, procureur, avec Hébert (le père Duchesne) et Réal pour substituts. L’élément révolutionnaire dominait dans ce nouveau conseil. Chambon dut bientôt se retirer à la suite de nombreux conflits, et les sections lui donnèrent pour successeur Pache, qui venait de se démettre du portefeuille de la guerre, poursuivi sans relâche par les girondins. Ce choix était une réponse de Paris aux attaques incessantes de la Gironde et annonçait avec évidence un choc prochain. Dans la nuit du 30 au 31 mai 1793, 42 sections de Paris se déclarèrent en insurrection. Des commissaires nommés par elles se transportèrent à l’Hôtel de ville, et, pour la forme, cassèrent le conseil de la Commune et le rétablirent aussitôt sous le nom de conseil général révolutionnaire. Pour qui connaît les formes de ce temps, cette prétendue dissolution équivalait à une augmentation de pouvoir. L’épuration de la Convention, la suspension des girondins étaient évidemment le vœu presque unanime de la capitale. La Commune organisa le mouvement dans ce sens, mit toutes les sections sous les armes et contribua largement au résultat de cette insurrection morale. Après la chute des girondins, son influence devint énorme ; elle pesa même sur la Convention, quelquefois, il faut le dire, d’une manière salutaire, eut une grande part à l’adoption de toutes les grandes mesures révolutionnaires, au mouvement contre le culte catholique (v. raison [fêtes de la]) ; et, au milieu des plus terribles luttes, accomplit un grand nombre d’améliorations que Paris a oubliées depuis longtemps, dans le régime des hôpitaux, l’assistance publique, l’approvisionnement de la ville, etc. Elle envoyait des commissaires dans les départements et entretenait une correspondance active avec les autorités et les sociétés populaires. Le comité de Salut public prit ombrage d’une telle puissance. Il fit rendre, le 14 frimaire an II, une loi qui concentrait dans ses mains toute l’autorité révolutionnaire. Cette loi dépouillait la grande Commune d’une partie de ses attributions et la plaçait sous la dépendance de l’administration du district. La décadence municipale commençait et le régime de la centralisation était inauguré. Bientôt le procureur de la Commune ne fut plus qu’un simple agent national obligé de rendre compte, jour par jour, de ce qui se passait dans le conseil général. Hébert et Chaumette sont sacrifiés à la haine de Robespierre, qui les remplace par deux de ses créatures, Payan et Lubin. Pache, qui avait été mis en arrestation, est remplacé à son tour par un autre partisan de Robespierre, Fleuriot-Lescot. Le conseil lui-même est périodiquement soumis à des épurations, et plusieurs de ses membres sont jetés dans les prisons. Des proscriptions semblables eurent lieu dans les sections, qui déjà, depuis la loi du 14 frimaire, ne pouvaient plus correspondre entre elles ; pour les paralyser complètement, on réduisit le nombre de leurs séances à deux par mois (6 floréal). De son côté, la Commune cessa de se réunir tous les jours (23 floréal). Robespierre avait voulu ainsi amoindrir le pouvoir municipal de Paris pour le tenir dans sa main : quand il voulut s’en servir, il put reconnaître que ce pouvoir n’était plus que l’ombre de lui-même : l’impuissance de la Commune, ainsi mutilée, éclata dans la lutte du 9 thermidor. On sait que, dans cette journée, la Commune, où il avait placé tous ses amis, se prononça en sa faveur, mais fut brisée par la Convention. Près de cent de ses membres furent mis hors la loi et envoyés à l’échafaud. L’administration de la ville fut confiée provisoirement au directoire du département de Paris. Un mois après, le 14 fructidor, la Convention supprimait définitivement le conseil de la Commune, et confiait tous les détails administratifs de Paris à des commissions nommées par le gouvernement. Pendant les journées de prairial an III, les insurgés, maîtres un moment de l’Hôtel de ville, essayèrent de reconstituer la Commune. Cambon fut désigné comme maire et Thuriot comme procureur-syndic. Cette Commune insurrectionnelle dura à peine quelques heures. Ni Cambon ni Thuriot, d’ailleurs, ne s’étaient rendus à l’appel des insurgés. La Convention profita de sa victoire pour enlever leur artillerie aux sections, qui furent si soigneusement épurées, que, six mois plus tard, elles étaient envahies, dominées par les royalistes, auxquels il fallut livrer bataille dans la journée du 13 vendémiaire.

La constitution de l’an III divisa Paris en 12 arrondissements, ayant chacun sa municipalité et un président qui prit plus tard le nom de maire. Les sections, devenues des divisions, furent le siège d’autant de commissaires de police, et furent définitivement réduites au silence. La grande Commune n’était plus qu’un souvenir historique, et aucune révolution n’a tenté de la reconstituer ; mais toutes, par une sorte de réminiscence, ne manquent jamais d’installer leur gouvernement insurrectionnel à l’Hôtel de ville.

L’histoire de la Commune de Paris, depuis 1789 jusqu’au Directoire, n’a jamais été faite. Il y aurait là, cependant, matière à une étude aussi instructive que dramatique, et qui, certes, offrirait plus d’intérêt que l’histoire de beaucoup de royaumes et de souverains.