Glossarium mediae et infimae latinitatis, T9, 1887/Notice Ducange

NOTICE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

DE CHARLES DUFRESNE DU CANGE

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La France a eu la gloire de produire de grands historiens. Le plus érudit de tous, celui qui a fait preuve, dans ses recherches et dans ses appréciations, d’une science profonde et d’une sorte de divination est certes Du Cange.

Et c’est au XVIe siècle, dans ce siècle si brillant par le style, l’esprit et le génie de ses littérateurs, que nous voyons paraître Du Cange, ce savant modeste, laborieux, doué d’une admirable sagacité, d’un sens parfait qui n’ambitionne ni l’éclat, ni la gloire. Il se consacre entièrement à l’étude si abstraite de l’origine des langues et des institutions du moyen-Age. Loin de chercher à impressionner ses lecteurs par des récits dramatiques, par des tableaux émouvants, il ne s’écarte jamais de la réalité ; il déchiffre les vieux manuscrits, relève les erreurs qu’ils contiennent, et rectifie les textes altérés par l’ignorance des copistes.

Comme ces hardis ingénieurs qui passent leur existence, au fond des mines, à découvrir des filons de métaux précieux, Du Cange se livre entièrement à des travaux d’explorations historiques qui lui permettent de doter d’immenses richesses le monde savant.

A côté des chefs d’oeuvre littéraires du XVIIe siècle, qui exercèrent une si heureuse influence sur la formation définitive de notre langue, nous devons placer, avec honneur, ces travaux d’une prodigieuse érudition, dus à d’illustres écrivains, dont l’unique mobile était l’amour de la vérité. C’est dans ce siècle que parurent des ouvrages, véritables trésors de science qui ont enrichi nos bibliothèques. Voici le Gallia Christiana, puis les Annales Benedictins et le Traité de Re Diplomatica, où Mabillon est parvenu à expliquer les textes si obscurs des anciens titres et documents.

Viennent ensuite : les Mémoires de Tillemont, le Spi-


cilegium Benedictinum, l’Art de vérifier les dates, la Critica de Pagi, l’Historia ecclesiastica de Noël Alexandre, l’Histoire littéraire de la France, et le Glossarium de Du Cange.

Ne sont-ce pas là d’admirables ouvrages qui nous permettent de fouiller dans les catacombes du moyen-Age, avec ces flambeaux qui répandent partout la lumière ? Plus d’erreurs possibles, plus de recherches inutiles, plus de longs tâtonnements. L’historien s’avance, d’un pas sûr et rapide, dans ce labyrinthe où les érudits, du XVIIe siècle sont des guides si expérimentés.

En tête de ces ouvrages, nous devons placer le Glossarium mediae et infimae latinitatis. Ce Dictionnaire encyclopédique a valu à Du Cange le titre si bien mérité de Père de la grande école historique française, que lui a décerné M. Magnin, président de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, lors de l’inauguration de la statue élevée, en 1849, par la ville d’Amiens au plus illustre de ses enfants.

Nous allons tracer la biographie de cet écrivain, que les magistrats les plus éminents de son temps considéraient comme le savant des savants et le plus citoyen des citoyens. Le Chancelier d’Aguesseau et le célèbre Procucureur Genéral Joly de Fleury ne parlaient jamais de Du Cange qu’avec une extrême vénération et un profond respect

Sa famille, originaire de Calais, prit une part glorieuse à la résistance héroïque que cette ville opposa, en 1347, à l’armée anglaise. Elle était d’une ancienne noblesse ; Du Cange, qui dans ses recherches avait trouvé beaucoup de textes concernant ses ancêtres, ne les publia jamais. Une seule fois, dans son Histoire de Calais, il y fit allusion, mais avec une discrète réserve. Ces titres n’ont été livrés à la publicité que longtemps après sa mort. On y voit que cette famille jouissait, dans cette contrée d’une haute considération et d’une grande autorité, à l’époque du siège. C’est une preuve qu’elle remontait aux premiers temps de la Chevalerie. Un de ses ancêtres y est qualifié de Sergent d’armes du Roy, titre dont les plus nobles maisons de France se faisaient honneur : Le fils et le petit-fils de ce Sergent d’armes combattirent les Anglais, pendant le siège de Calais. Après la prise de cette ville, ils en furent chassés par les vainqueurs, et leurs biens confisqués. Le roi de France, afin de leur donner une compensation, les fit entrer dans l’armée. Ce ne fut point là qu’ils recouvrèrent la fortune qui leur avait été enlevée par les Anglais. La noblesse ne s’enrichissait point dans la carrière militaire et les exilés tombèrent dans un complet dénuement. Un des membres de cette famille est qualifié dans les actes du XVe siècle, de pauvre écuyer, auquel il ne

« restait que son cheval et son harnais, qu’il employait

« au service du Roi. » Ce fut à cette époque qu’ils renoncèrent aux armes. Ils se fixèrent à Amiens. où les fonctions de juge royal à Beauquesne devinrent héréditaires dans leur famille. Ces fonctions judiciaires leur permirent d’acquérir plusieurs fiefs qui, sans leur rendre leur opulence passée, améliorèrent leur situation.

Du Fresne était le nom de cette famille, et Du Cange celui d’un fief de la terre de Contay. Un usage, qui s’est prolongé jusqu’au milieu du XIXe siècle, autorisait les familles nobles ou bourgeoises possédant des propriété à donner à leurs fils un nom de terre, soit d’un château. d’une ferme ou simplement d’une maison de campagne. Le grand père de Du Cange se nommait Michel Dufresne, et son père Louis Dufresne. Un historien de la ville d’Amiens a qualifié ce dernier de noble et vertueux. Nous savons qu’il était très instruit, ami des lettres, et très considéré. Il eut de sa première femme Marie Vaquette trois fils. Devenu veuf, il se remaria, et sa seconde femme Hélène de Rély, qui appartenait à une ancienne famille de l’Artois, lui donna trois fils : Charles Du Cange, le grand philologue, puis Michel et François qui se vouèrent à l’enseignement religieux et furent des professeurs distingués.

Le jeune Du Cange entra, dès l’âge de neuf ans, au collège des Jésuites d’Amiens. Son attention soutenue, son amour de l’étude et la vivacité de son esprit le firent bientôt remarquer de ses professeurs, qui s’attachèrent à développer ces précieuses qualités. Aussi, fit-il de rapides progrès, et, en quelques, années, il apprit le latin, le grec, le français et plusieurs langues étrangères.

Il acheva ses études dans cet établissement, et alla faire son droit à Orléans. Là, comme à Amiens, il attira l’attention et gagna la bienveillance de ses professeurs par son amour du travail et la pénétration de son esprit. On raconte qu’il résolut plusieurs questions de notre vieux droit coutumier, considérées jusque là comme des problèmes insolubles par les plus éminents jurisconsultes, Ce n’étaient plus l’intelligence, la capacité, le travail qui se montraient ; c’était le génie qui commençait à paraître avec éclat, pour jeter ses vives lueurs


sur les usages, les coutumes, les mœurs des premiers siècles de notre monarchie.

Le jeune érudit quitta Orléans et vint à Paris, où il fut reçu avocat au Parlement, le 11 août 1631. Le courant de ses idées l’eût retenu dans la capitale, où il pouvait satisfaire son goût si prononcé pour les recherches philologiques ; mais son père désirait l’avoir près de lui sans hésiter, le fils respectueux de la volonté paternelle abandonne Paris, ses riches bibliothèques et ses précieux dépôts de manuscrits et revient à Amiens.

Dans sa ville natale, Du Cange rencontra de vives sympathies : une foule de Familles nobles mirent à sa disposition des chartriers, des titres, et des documents historiques de toute nature : On comprenait déjà que ce jeune homme serait l’honneur de sa province.

Il eut la douleur de perdre son père, mais, par respect pour sa mémoire et pour ses derniers conseils, il resta à Amiens, où il parut se fixer définitivement en épousant, le 19 juillet 1638, Catherine du Bos, fille d’un trésorier de France de cette ville. Ce jour-là, le nouvel époux consacra six heures à l’étude.

Sept ans plus tard, en 1645, Du Cange acheta la charge de son beau-père. Voici l’historien, le philologue, le compulseur de vieux titres devenu financier ; non pas à l’aide de commis et de fondés de pouvoirs, mais alignant lui-même les chiffres, et en contact avec le public, qu’il charmait par ses manières distinguées et bienveillantes.

La peste, qui décima la population d’Amiens, en 1668, le força, de quitter cette ville ; il alla s’établir à Paris, où l’appelaient de nombreux amis et les précieuses collections de documents qu’il avait autrefois quittés avec tant de regrets Là, il vécut dans l’intimité de M. d’Hérouval, un érudit qui reconnaissait la haute supériorité de son ami et avait accepté le rôle dévoué et modeste de recueillir des documents. Pendant vingt ans, Du Cange travailla avec une ardeur et une persévérance que rien ne ralentit. Dégagé des obligations de la société, qui imposent une si grande perte de temps, il s’était voué entièrement à l’étude. Ce qu’il produisit dans cette période d’activité intellectuelle parait prodigieux, et on pourrait croire qu’il se faisait aider par de nombreux secrétaires, si tous ses manuscrits n’étaient écrits de sa main.

Tout en remplissant ses fonctions financières, avec cette scrupuleuse exactitude qu’il apportait à ses travaux, Du Cange trouvait encore du temps pour continuer ses recherches littéraires, et surtout pour s’occuper de l’éducation de ses dix enfants, qu’il entoura de la sollicitude la plus tendre et la plus éclairée. Ces devoirs si absorbants de père de famille arrachèrent cette exclamation au bibliothécaire de l’Empereur d’Autriche :

« Comment, s’écria-t-il, peut-on avoir tant lu, tant pensé,

« tant écrit et avoir été cinquante ans marié et père

« d’une si nombreuse famille ! »

Le secret de Du Cange était dans le bon emploi de son temps et, surtout, dans le bonheur qu’il avait eu de rencontrer une épouse digne de le comprendre. Aussi Baluze. qui ne partageait pas l’étonnement du bibliothécaire de l’Empereur d’Autriche, lui fait-il cette réplique : « C’est que beaucoup d’auteurs ont

« cru à tort que les embarras d’un ménage sont

« peu compatibles avec la vie littéraire et qu’il n’est

« guère possible de se livrer à l’étude, quand on n’a

« pas, comme disait Cicéron, sa couche libre : Quando

« non libero lecturo utuntur ; mais, ajoute-t-il, l’exemple

« de Du Cange a démenti cette opinion. Joignez à cela

« qu’il levait ses enfants par lui-même et avec le soin

« le plus scrupuleux, tâche ou le mérite de sa femme

« lui prêta, il est vrai, un secours très efficace. »

L’éloge que Baluze fait ici de la femme de Du Canges est très juste ; c’était une personne d’une haute distinction, d’un esprit cultivé, d’un jugement sûr et d’une extrême bonté. Elle avait su apprécier les rares qualités de son époux : loin d’entraver ses goûts pour l’étude par les plaisirs mondains, elle s’efforça toujours de lui alléger les exigences de la vie intérieure. Du Cange, se voyant si bien secondé, savait partager son existence entre ses études et sa famille chérie ; il prouvait ainsi que le génie, loin d’exclure la sensibilité, la développe dans une âme où dominent les sentiment élevés.

Dès sa jeunesse, Du Cange avait montré un goût très prononcé pour l’histoire de son pays.

« Au reste, dit L. Feugère (1)[1], il n’était pas de ceux

« pour qui elle consiste seulement dans la science des

« faits : tout ce qui intéresse le genre humain semblait

« être de son domaine. Aux actions des hommes et à

« la destinée des peuple il voulait assigner des causes,

« et il les cherche dans leur origine, leurs institutions,

« leur gouvernement. De là ce vaste cadre qui compre-

« nait pour lui presque toutes les branches ded connais-

« sances, resserrées en un solide faisceau : linguistique,

« philologie, législation, humanités philosophie et théo-

« logie même : il aspirait à tout embrasser, tout appro-

« fondir peur mieux comprendre le passé. Puiser

« l’érudition à toutes les sources, tel était, en un mot,

« le noble but auquel il voulut vouer sa vie.

Du Cange se livra donc entièrement aux études historiques, d’après les documents originaux, et il s’attacha principalement à former une collection générale des historiens de France. Dans une préface écrite en latin, il expose le plan de cette collection, idea et conspectus operis, et à la suite il place une table des matériaux à réunir, et l’accompagne de vingt-six titres ou sommaires, Argumenta Historiae Francorum, et de vingt-six questions qu’il pose sur ces mêmes sujets. Il voulait faire connaître, dans ses moindres détails, l’Histoire de France, et en éclaircir les parties restées obscures jusqu’à ce jour. C’était une œuvre colossale, que le génie seul de Du Cange était capable de concevoir et d’exécuter.

Afin d’apporter une complète unité dans son travail, il dressa, tout d’abord, une carte généalogique des rois et Maison de France, que le Journal des Savants du mois de décembre 1749, considère comme un chef-d’œuvre. Ce tableau présentait, d’un seul coup d’œil, les différen-


tes branches, les alliances, le blason et la chronologie, avec des écussons contenant un précis historique. Il a servi de modèle aux généalogistes des Maisons souveraines de l’Europe.

Du Cange, lorsqu’il exécuta cette carte, était à peine âgé de vingt ans. Ce début permit de concevoir les plus brillantes espérances pour un jeune homme qui possédait, déjà, de si vastes connaissances historiques. Ces espérances, loin d’être déçues, furent dépassées. Il poursuivit son œuvre avec activité, et composa sur la Géographie de la France un Recueil qui ne contient pas moins de dix volumes in-folio. Un écrivain de l’époque déclare que ce Recueil, surtout le septième volume, intitulé Gallia, est un abîme d’érudition. C’est le répertoire de tous les passages des auteurs qui ont donné des détails sur la Gaule. Topographie, mœurs, usages, traditions, notions historiques, enfin ce, qui concerne cette région y est fidèlement relevé dans un ordre des plus méthodiques,.

S’agit-il des moeurs des Gaulois, Gallorum mores, quarante renvois, commençant par Martial et se terminant par la collection d’A. du Chesne, permettent de se reporter immédiatement aux passages des auteurs qui ont traité cette question.

Au titre Narbona, sont placées quatre-vingt-sept citations, tirées de Tzetzes sur Lycophron, de Silius Italicus, des inscriptions de Gruter, etc. Les articles consacrés à Marseille, Nantes, au Rhône, à la Marne, à la Seine, etc. portent des renvois aux auteurs grecs, latins, italiens, etc., avec l’indication des auteurs et des folios des pages à consulter.

Les neuf autres volumes contiennent des notes très détaillées sur la Géographie ancienne et moderne de la France, dont les limites naturelles sont : le cours du Rhin, depuis ses sources dans les Alpes Rhétiques, jusqu’aux extrémités de ses canaux maritimes ; les côtes bordées par l’Océan jusqu’aux Pyrénées ; ta chaîne de ces montagnes jusqu’à la Méditerranée les côtes de cette mer jusqu’aux Alpes, et de là aux sources du Rhin. Du Cange, avec la sagacité dont il était doué, avait compris que le comté de Nice, la Savoie, la Suisse, les électorats de Trèves, de Cologne, de Mayence et du Palatinat, l’évêché de Liège, les Pays-Bas, les Provinces-Unies et la Lorraine faisaient, géographiquement, partie du territoire de la France.

L’auteur a divisé son travail en chapitres. Ce sont autant de dissertations auxquelles il ne manque qu’une rédaction définitive pour les livrer à l’impression. La Gaule est étudiée dans ses quatre parties principales : la Viennoise ou Narbonnoise, l’Aquitaine, la Celtique ou Lyonnaise et la Belgique. Il décrit aussi toutes les îles placées sur les côtes, et analyse les projets conçus depuis Strabon jusqu’au XVIIe siècle, pour la jonction des deux mers à travers la Gaule.

Chaque dissertation commence par une description topographique de la partie de la Gaule qu’elle décrit puis elle en établit les limites, les noms des rivières, la distribution des divers cantons ; le tout est accompagné de citations et d’indications des ouvrages, des manuscrits, et des plans à consulter. L’auteur donne l’emplacement des monuments, mais sans entrer dans des détails historiques à leur sujet ; il les réserve pour un autre ouvrage dont nous allons parler.

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Histoire de France divisée en Epoques.

Du Cange divise l’Histoire de France en sept époques qui peuvent se réduire à cinq, parce que la sixième et la septième ne sont que des annexes de la cinquième.

La première époque, celle de l’Etat des Gaules avant les Romains, renferme dix-sept dissertations sur les Gaulois, leur origine. leur culte, leurs armes, leurs mœurs, etc. Ces dissertations, restées à l’état de simples notes, n’en sont pas moins de précieux documents à consulter.

La deuxième époque comprend l’Etat des Gaules sous les Romains. Treize dissertations presque complètement terminées font connaître le gouvernement des villes, les colonies, les municipes, les préfectures, les préteurs, enfin l’organisation politique, municipale et financière de la Gaule sous les Romains. Tous les écrivains qui se sont occupés de cette époque, ont puisé de nombreux renseignement, dans ces dissertations et, parfois, ont oublié d’en indiquer la source.

L’Etat de la France sous les Rois de la première race, est le sujet de la troisième époque, qui comprend une vingtaine de dissertations. Celle donnant l’explication du nom de France, est presque terminée. Quatre autres sur la forme du gouvernement des provinces et des villes de la Gaule sous les François, sur les Ducs, sur les Comtes et sur les Missi Dominici, sont achevées. Les autres dissertations ne sont que des notes.

La quatrième époque ou l’état de la France sous la seconde race, se compose de trente-sept dissertations sur les Nobles, les Chevaliers, les serfs, les fiefs, les investitures, enfin sur toute l’organisation féodale. Ces dissertations, sauf quatre, ne sont que des études préparatoires.

La Cinquième Epoque étudie l’Etat de la France sous la troisième race ; elle doit être, comme nous l’avons fait remarquer, réunie à la sixième et à la septième époque, concernant les Croisades et le règne de Saint-Louis. Cette cinquième époque contient des dissertations sur l’état général de la France, sur les douze gouvernements, sur les Etats Généraux, sur les Cours supérieures, sur les Ordres militaires, sur les Ordres religieux, etc.

La sixième époque embrasse le temps des Croisades. L’auteur s’est attaché à mettre en évidence les hauts faits exécutés en Orient par les François ; les documents qu’il est parvenu à recueillir forment plusieurs ouvrages. Le premier a pour titre : Histoire des Familles d’Orient ou Histoire des familles d’Outre-Mer. C’est l’Histoire des royaumes de Jérusalem, de Chypre, d’Arménie et des


autres royaumes possédés en Orient par des Rustines françaises qui avaient pris part aux Croisades.

Du Cange, après avoir tracé avec une plume savante l’histoire de Jérusalem, montre ce royaume divisé en quatre baronnies : Jérusalem, Tripoli, Antioche et Edesse. Il en relève les limites, et expose l’organisation féodale du gouvernement ; les seigneurs prêtent foi et hommage à leurs suzerains et possèdent des vassaux. Il termine par une Histoire des Rois de Jérusalem, depuis Godefroy de Bouillon jusqu’au moment où Henri, fils puiné du roi Hugues III, abandonna la Terre-Sainte, en 1291.

L’Histoire de Chypre remonte à la création de ce royaume par Richard d’Angleterre jusqu’à la cession faite, en 1489, par Catherine Cornaro aux Vénitiens, qui perdirent cette île en 1570.

Du Cange constate, par des faits et des titres, que le royaume d’Arménie remplissait un rôle important, à cette époque. Il démontre qu’il existait, alors, quatre Arménies : la Majeure, la Mineure, la Moyenne et l’Arménie Latine, c’est-à-dire la Cilicie. Les historiens qui se sont occupés de cette dernière contrée, pensent que la Cilicie avait secoué le joug des Grecs avant le règne de Basile-le-Macédonien. Du Cange confirme la justesse de cette observation et donne la chronologie des Princes qui ont régné sur la quatrième Arménie jusqu’au roi Léon de Lusignan V, mort à Paris, le 29 novembre 1393. Il place, à la suite de cette chronologie, quatre-vingts articles classés par ordre alphabétique, contenant : 1° l’Histoire des Princes et Seigneurs fieffés des royaumes de Jérusalem et de Chypre ; 2° des Notices sur les Familles Nobles fixées dans ces deux royaumes, et sur les Grands Officiers des trois royaumes.

Cet ouvrage renferme, en outre, une Dissertation sur la Syrie Sainte, l’Histoire des deux patriarcats de Jérusalem et d’Antioche, et celle des Archevéchés et Evêchés dépendant de l’un et de l’autre, avec celle des Abbés et Abbesses de la Terre Sainte. Puis, vient une Notice des Eglises de Chypre, avec l’Histoire des Archevêques et Evêques latins qui ont siégé dans cette île. Enfin, ce travail se termine par l’Histoire : 1o des Grands Maîtres du Temple ; 2o des Grands Maîtres de l’Hôpital ; 3o et de l’Ordre Teutonique, dont les statuts étaient empruntés, pour tous les règlements militaires, à celui du Temple et, pour les prescriptions ecclésiastiques, à celui de l’Hôpital.

Le précieux manuscrit des Familles d’Outre-mer, qui est d’un si haut intérêt pour l’histoire de la population franco-orientale, établie pendant plusieurs siècles dans la Terre Sainte, était resté inédit. M. de Mas-Latrie, qui s’est livré à de profondes études sur le royaume de Chypre, et M. Taranne, conservateur de la bibliothèque Mazarine, furent chargés, en 1854, par M. de Parieu, alors ministre de l’instruction publique, de publier le manuscrit des Familles d’Outre-mer. Les recherches historiques auxquelles M. de Mas-Latrie se livrait alors, ne lui permirent pas de réviser ce manuscrit et M. Taranne mourut avant d’avoir pu remplir cette mission. Ce projet ne fut repris qu’en 1860. M. E. Rey venait de rentrer en France après avoir rempli une mission scientifique en Syrie et dans l’île de Chypre ; il préparait un mémoire sur l’architecture militaire des croisades. Ce sujet se rattachait si intimement à celui de Du Cange, que M. de Mas-Latrie le pria de continuer l’œuvre interrompue par la mort de M. Taranne. Le ministre de l’instruction publique, informé de cette négociation, n’hésita pas un seul instant à confier cette révision à l’historien, dont il avait pu apprécier depuis longtemps le zèle et l’érudition.

M. Rey poursuivit activement ce travail et, en peu d’années, malgré les difficultés à surmonter, les lacunes à combler, les manuscrits et les livres à consulter, il put enfin le livrer à la publicité. L’Histoire des Familles d’Outre-mer forme un volume in-4o et parut en 1809.

Qu’on nous permette de placer ici une réflexion ; c’est que sous la Restauration, sous le règne de Louis-Philippe et sous le second Empire, le gouvernement accordait ses souscriptions à des publications importantes, en ne consultant que la valeur des ouvrages et leur utilité pour la science, sans se préoccuper des opinions de l’auteur. Il n’en est plus ainsi, et nous pouvons dire que, depuis 1870, ce n’est que la faveur, que la camaraderie politique qui dictent les choix d’une commission qui ne veut encourager que les hommes du parti. L’avenir saura juger et apprécier une semblable conduite, qui favorise la médiocrité et écarte le véritable mérite. Notre protestation restera ; car nous la mettons sous la sauvegarde du grand nom de Du Cange.

Revenons aux travaux de ce savant, et disons qu’il a complété son étude sur les Familles d’Outre-mer par l’Histoire des seigneurs Normands ; ces seigneurs avaient conquis la Pouille, la Calabre et la Sicile. Cette histoire est divisée en cinq parties :

1° La Généalogie et l’Histoire des rois de Sicile issus de Tancrède ;

2° L’Histoire des comtes d’Averse et des princes de Capoue ;

3° La Généalogie de la Maison de Grentemesnil ;

L’Histoire des seigneurs Normands, qui se trouvèrent aux premières conquêtes de la Pouille et de la Sicile ;

L’Histoire des seigneurs Normands et François, qui ont servi dans les armées des empereurs de Constantinople.

Ces cinq parties ont reçu une rédaction définitive ; Du Cange avait terminé l’Histoire des Familles d’Orient et celle des Familles Normandes. Tous les faits sont accompagnés de citations et de documents de la plus complète authenticité. Malheureusement, de 1300 pages in-folio qui renfermaient les preuves, à peine 50 ont-elles été conservées ; les autres ont disparu. C’est une perte des plus regrettables pour cette période de notre histoire.

Afin de rapporter les hauts faits exécutés en Orient par les Français, Du Cange donna, en 1657, une nouvelle édition des Mémoires de Ville-Hardouin ou Histoire de Constantinople, divisée en deux parties. Mais plus tard il revit, avec le plus grand soin, cette édition qui ne le satisfaisait pas, et il la fit réimprimer en y ajoutant


beaucoup de notes. Non-seulement il opéra des corrections dans le texte, mais il augmenta les observations sur l’Histoire de Ville-Hardouin et compléta le Glossaire des vieux mots français. Dans une seconde partie, qu’il y ajouta, se trouve l’Histoire de Constantinople sous les empereurs François.

La septième époque, qui est une sous-division de la cinquième, comprend l’Histoire du règne de Saint-Louis, par le sire de Joinville, avec des observations et des dissertations historiques. C’est un chef-d’oeuvre d’érudition. Du Cange, lorsqu’il publia cet ouvrage, n’avait en sa possession qu’un manuscrit de Joinville, incorrect et plein de lacunes ; cependant il parvint à en donner une édition entièrement rectifiée. Plusieurs années après, la bibliothèque du Roi fit l’acquisition d’un manuscrit exact et complet de Joinville ; l’admiration des savants fut au comble, quand ils purent s’assurer que Du Cange avait non-seulement relevé les inexactitudes, mais qu’il avait, en outre, comblé des lacunes qui rendaient plusieurs passages du texte inintelligibles. Ainsi, par une sorte de divination, il était parvenu à reconstituer le récit exact de l’anodin chroniqueur de Saint-Louis. L’abbé Sellier, dans un mémoire lu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, déclara qu’il fallait être doué d’une prodigieuse sagacité pour corriger, sans aucun secours, les fautes d’un manuscrit défectueux. Ce trait suffirait seul pour établir la gloire durable de Du Cange, s’il n’en avait pas fourni une foule d’autres aussi remarquables.

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Histoire de la Noblesse
et autres Ordres du Royaume.

Du Cange, dans son travail sur l’histoire de France, s’arrête à Saint-Louis. Il pensait qu’il avait suffsamment éclairci nos origines nationales, et que les mémoires de nos chroniqueurs des siècles suivants étaient des guides assez surs pour permettre de connaître et d’écrire notre histoire. Il était dans le vrai. Après Joinville, viennent Jehan Foissart, Philippe de Commines et bien d’autres chroniqueurs qui racontent les événements dont ils ont été spectateurs, ou qu’ils ont connus par le récit de témoins oculaires.

A dater de la fin du règne de Saint-Louis, Du Cange ne s’attache plus qu’à l’étude des titres des familles nobles du royaume. Afin de mettre à exécution ce vaste projet, il réunit un nombre prodigieux de documents qu’on évalue à plus de 20, 000, et qui forment un Nobiliaire général. C’est l’Histoire des grands fiefs du royaume, par celle des familles qui les ont successivement possédés. Il remonte à l’origine de ces fiefs, et en suit l’histoire jusqu’à l’époque de leur réunion à la couronne ou à d’autres souverainetés. Là, se trouve consignée l’histoire de douze cents fiefs et familles classés par ordre alphabétique. Ce Nobiliaire général, dont la plupart des articles avaient reçu une rédaction définitive, a subi des pertes irréparables. Un volume in-folio a disparu, et n’a jamais pu être retrouvé. Charles Du Fresne d’Aubigny donne une idée de la valeur de ce Nobiliaire, en assurant qu’il excitait l’admiration d’un illustre magistrat, qui avait cru avoir réuni tous les documents relatifs à la généalogie de la Maison de Melun, et dont la surprise fut extrême en rencontrant, dans ce Nobiliaire, cinquante-deux titres échappés à ses recherches. Cette admiration fut partagée par tous ceux qui compulsèrent ce Nobiliaire, dont toutes les parties sont traitées avec le même soin. Nous citerons l’article des ducs de Lorraine. L’auteur remonte à Thierri, l’un des quatre fils de Clovis, puis il raconte les faits accomplis sous la première race de ces ducs ; il étudie ensuite leur seconde race, depuis Carloman, prince d’Austrasie, fils aîné de Charles-Martel, jusqu’à l’empereur Arnoult qui, dans une diète tenue à Worms, en 895, investit de la Lorraine son fils bâtard Zuentibolde ou Zuentelboch. L’histoire de ce dernier duc était restée pleine de confusion et d’incertitude. Du Cange, avec sa pénétration habituelle, sut dissiper toute obscurité et rétablir les faits sous leur véritable jour. Il a aussi relevé, avec exactitude, la division territoriale si peu connue de la Lorraine. Ensuite, il trace l’historique de la Basse-Lorraine, depuis Charles-de-France jusqu’à Godefroi. comte de Louvain. Il fournit des renseignements inédits sur les ducs de la Haute-Lorraine, depuis Frédéric, comte de Gerbert, jusqu’à Gérard d’Alsace, mort en 1070. Ce travail est accompagné de soixante-dix renvois aux historiens de la Lorraine. Ces renvois facilitent les recherches et permettent de constater l’authenticité de faits, lors même que les titres à l’appui ont disparu.

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Histoire
des Grands Officiers de la Couronne.

L’Histoire des Grands Officiers de la Couronne est le sujet d’une étude très étendue, de la part de Du Cange. Il a réuni une foule de matériaux pour l’Histoire des grandes et moyennes dignités. La table reproduite par le Journal des Savants, dans son numéro de décembre 1749, prouve que cet ouvrage était supérieur à celui donné par le P. Anselme. Mais nous avons, là encore, des regrets à exprimer ; car les parties principales de ce manuscrit n’existent plus.

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Traité du Droit des Armes.

Afin de compléter son Nobiliaire, Du Cange rédige un traité sur les Armoiries, divisé en trois parties. La première est l’art de déchiffrer l’écu d’armoiries, les couleurs et les pièces qui le composent. La seconde partie est l’art de reconnaître par les Armoiries les familles nobles aux-


quelles elles appartiennent. La troisième partie démontre l’utilité de la science, de l’origine, du droit et de l’usage des armes.

Dans les deux premières parties traitées déjà par plusieurs auteurs, Du Cange se borne à un simple dénombrement ; mais il s’est livré à de nombreuses recherches, au sujet de la troisième partie.

Ce Traité du droit des Armes contient cinquante huit dissertations, plus ou moins terminées, qui présentent l’érudition de Du Cange sous un nouvel aspect. Après avoir cité les auteurs grecs et latins qui se sont occupés du droit des Armes, il expose les principes du droit Lombard, Gothique, Germanique, Bourguignon et de l’ancien droit François. Le chapitre sur les marques héréditaires des familles chez les anciens renferme des aperçus d’une extrême justesse. Nous devons citer aussi le chapitre des Armoiries, en losanges, des femmes et des filles, où il est démontré que « le losange repré-

« sente le fuseau, qui est le bouclier de l’honnête femme,

« de même que la quenouille est appelée son épée,

« gladius mulieris. »

A l’appui de cette opinion, il fournit les explications les plus précises qui ne laissent aucun doute sur l’exactitude de cette démonstration.

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Armorial général.

On sait que Du Cange appuyait tout ce qu’il écrivait sur des preuves irréfutables. Les Généalogies exigeaient des centaines de volumes de preuves, mais l’auteur résolut cette difficulté en remontant aux sources de la noblesse. Pour arriver à ce résultat, il n’hésita pas à dépouiller les comptes des anciens Trésoriers, et à faire des extraits des rolles de montres militaires et des cartulaires. Ces extraits forment cinq volumes in-folio, avec une table analytique.

Le relevé des montres et revues militaires forme deux volumes in-folio, depuis l’an 1200 jusqu’en 1515. Plusieurs parties de ce relevé ont été perdues, mais il en reste un volume complété par dom Pernot.

Du Cange, malgré tous ses efforts, n’a pu réaliser complètement sa pensée de faire une histoire générale de France. Il est parvenu à réunir une foule de documents, mais la vie d’un seul homme ne pouvait suffire pour l’exécution de cet immense travail. Cependant, nous ne devons pas moins lui accorder notre reconnaissance pour les précieux matériaux qu’il a sauvés d’une destruction certaine.

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Histoire de la Picardie.

Du Cange, né en Picardie où il résida longtemps, conserva toujours un vif attachement pour cette province. Il voulut en écrire l’histoire et réunit des documents en un volume in-folio. Parmi les articles préparés se trouvent : une Généalogie des comtes d’Amiens ; l’Histoire de la ville d’Amiens ; l’Histoire des Baillis d’Amiens ; l’Histoire des comtes de Montreuil, de Ponthieu ; l’Histoire des vicomtes d’Abbeville, des seigneurs de S. Valleri, de la ville de Calais, de la Tour d’Ordo, de plusieurs abbayes, etc.

Il a laissé une histoire des Evêques d’Amiens jusqu’en 1400, accompagnée d’un précis qui permettrait de la conduire jusqu’au XVIIe siècle. Il a aussi rédigé un traité historique du chef de St Jean Baptiste, imprimé en 1665.

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Travaux qui n’ont pas un rapport direct
avec l’Histoire de France.

MANUSCRITS.

Du Cange, en se livrant à ses recherches sur l’Histoire de France, avait rencontré de nombreux documents étrangers à son sujet. Lorsqu’ils lui paraissaient offrir un certain intérêt, il les mettait en réserve. C’est ainsi qu’il prépara un Mémoire sur le noblesse d’Angleterre, et une Histoire des familles Germaniques. ce dernier manuscrit contient des recherches sur les marquis et ducs d’Autriche, sur les rois de Hongrie, de Bosnie, d’Esclaronie, de Corinthe, de Dannemarc sur les ducs de Frioul et de Spolete, sur les princes de Salerne, etc.

Il a aussi laissée un Traité des Oracles en soixante-dix articles qui sont, en partie, rédigés.

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OUVRAGES IMPRIMÉS.

Colbert eut la grande et patriotique pensée de publier une collection des Historiens de la France. Ce projet fut unanimement approuvé. Du Cange possédait tous les droits à la direction de cette publication nationale, mais il n’était pas courtisan. Il exposa son plan de la manière la plus complète, et dom Bouquet déclara que c’était le meilleur à appliquer.

Colbert ne partagea pas les idées de Du Cange qui, de son côté, selon l’expression du P. Lelong. « soutint

« son sentiment avec tant de fermeté qu’il encourut

« la disgrâce du ministre.

Cette discussion avait lieu en présence d’une réunion d’historiens et, disons-le avec regret, aucun n’osa contredire le puissant ministre. Du Cange, qui avait consacré plus de cinquante années de son existence à l’étude de l’Histoire de France, dut éprouver un profond chagrin de voir son projet si injustement écarté : mais son caractère étant trop ferme pour qu’il manifestât le moindre dépit. « Eh bien, dit-il, je ferai seul ! » et il se remit

courageusement au travail. Inutile de faire ressortir la grandeur de cette détermination.

Les extraits qu’il avait eu l’excellente idée de faire de toutes ses lectures, lui furent alors d’un immense secours. Il était ainsi parvenu à réunir, sous forme de bulletins, une prodigieuse quantité de renseignements les plus divers, qu’il avait classés dans son Nobiliaire.

Un répertoire contenait une Table générale de ses lectures, où figuraient plus de cent mille noms, sans compter les autres articles rangés sous les titres de Res et Urbes. Du Cange parle en termes modestes de ce gigantesque travail, dans une note placée au commencement du Nobiliaire. « Mémoires indigestes, dit-il, pour dresser

« un Nobiliaire de France tel que je l’avais commencé

« dans le volume in-folio qui en contient une petite

« partie, et dans un autre in-4o où j’avais voulu ranger

« les dignités qui requéroient moins de discours ; mais

« comme cet ouvrage est trop vaste, et que, d’ailleurs,

« je me suis trouvé engagé dans le Glossaire, j’en ai

« abandonné le dessein. Ces mémoires ne sont pourtant

« pas inutiles, et on en peut aider ceux qui voudroient

« travailler à cette entreprise, et même ceux qui écrivent

« les histoires de leurs provinces.

C’est de ce Nobiliaire que Du Cange tira son Glossarium mediae et infimæ latinitatis. Il pensait d’abord que deux volumes suffiraient pour cet ouvrage, mais il fut bientôt convaincu qu’il faudrait, afin de le rendre complet, lui donner beaucoup plus d’étendue. Il développa les notes recueillies dans son Nobiliaire puis, il se remit à compulser les cartulaires, les chartres, les anciens titres de toute nature ; il en extrayait les noms de lieux et de familles, les dates, les faits, les traits singuliers pour les moeurs, les anciens usages, les vieilles coutumes ; il recueillait les mots barbares introduits dans la langue latine pendant le moyen age, et les expliquait de la manière la plus claire, afin de les rendre intelligibles à tous.

Il classa par ordre alphabétique les articles qu’il avait destinés à des travaux spéciaux, et en fit des Traités sur une foule de matières, rentrant toutes dans le cadre de son Glossarium. Cet ouvrage ne fut plus simplement un dictionnaire de la basse latinité, comme il l’avait d’abord projeté, mais une vaste encyclopédie des connaissances historiques et linguistiques du moyen âge. Ce travail lui demanda à peine deux années, et parut en 1678. Quelques-uns de ses rivaux, dont les noms obscurs ne sont même pas parvenus jusqu’à nous, critiquèrent le Glossarium ; mais Du Cange, loin de s’en émouvoir, déclara hautement qu’il n’avait pas eu la prétention d’exécuter une œuvre parfaite, et qu’il s’estimerait très heureux si l’on ne trouvait dans son Glossarium que mille fautes. Cette réplique imposa silence aux malveillants qui n’avaient, hâtons-nous de le déclarer, rencontré aucun écho.

« La préface du Glossarium, dit M. Henri Hardouin (1)[2] renferme un traité complet des langues, des mœurs, des coutumes et des lois de l’Europe, depuis Constantin ; elle contient un nombre infini de corrections et de variantes sans lesquelles une multitude d’auteurs arabes, grecs, latins, français, italiens seraient inintelligibles. Tout ce qui concerne les dignités et fonctions civiles, ecclésiastiques, militaires, et généralement toutes les notions nécessaires à l’étude de l’histoire, de la chronologie, de la numismatique, de la jurisprudence, de la théologie, y sont l’objet de dissertations admirables de science et de lucidité. Le livre de Du Cange reçut, dans le siècle suivant, un complément non moins remarquable, dû à la plume du célèbre dom Carpentier et aux travaux des Bénédictins de Saint-Maur. Il a été réimprimé, en 1850, par MM. Didot, et cette édition a été considérablement augmentée par M. Herschel, qui rivalise de savoir et de zèle avec ses devanciers.

Un habile critique de nos jours, M. Léon Feugère, auquel nous devons une étude remarquable sur la vie et les ouvrages de Du Cange, assure, en parlant du Glossarium, que son auteur a élevé un des monuments les plus fameux de l’érudition du XVIIe siècle.

« Le Glossaire latin, dit M. L. Feugère, a été l’ouvrage le plus considérable et le plus estimé de Du Cange. Recueil immense, ouvert à tous les sujets, il avait permis à son auteur d’utiliser une infinité d’observations de détails, en y déposant les souvenirs accumulés dans ses lectures. En réalité, les produits et les extraits d’un demi-siècle d’études étaient venus s’y ranger par ordre alphabétique. Un grand nombre d’articles qui en remplirent les colonnes, avaient dû être primitivement placés dans l’histoire des moeurs et des pages des Français. La forme du vocabulaire ne parut avoir pour objet que d’y rendre les recherches plus faciles. Jamais, auparavant, tant de passages imprimés ou manuscrits d’écrivains grecs, latins, italiens, français, espagnols, allemands, anglo-saxons, etc.. n’avaient été réunis pour dissiper les ténèbres du passé. À partir de Du Cange, tous les dialectes qu’engendra la décomposition de la langue de Rome, et lui en usurpèrent le nom, devinrent intelligibles.

« Du Cange, sous ce titre modeste de Glossarium, a donc élevé un des monuments les plus remarquables et les plus fameux de l’érudition du grand siècle. Il a donné sur presque toutes les sciences une suite d’excellents traités.

« Une dissertation, considérable par son étendue comme par l’importance des matières, forme la préface du Glossarium. Dans ce morceau, Du Cange rassemble et envisage tour à tour les causes qui ont corrompu le langage latin. La principale s’offre à lui dans les inondations des Barbares, qui ont implanté dans l’Empire beaucoup de mots de leurs idiomes ; puis, sont venus les scribes et les copistes qui, hors d’état de rédiger avec pureté les chartes et les pièces semblables qu’il était d’usage d’écrire en latin, y mêlaient sans scrupule les lambeaux de leur langage vulgaire, qu’ils déguisaient par des terminaisons latines.

« Du Cange, non content de déterminer avec une précision rigoureuse la signification des 140, 000 mots


qu’il a réunis dans son Glossarium, donne souvent de très longs et très intéressants détails sur les institutions et les coutumes des temps anciens. Quelquefois, même, ses observations prennent assez d’étendue pour se transformer en dissertations littéraires et historiques. Plusieurs de celles-ci portent sur les Jugements de Dieu. C’étaient les justifications qui s’accomplissaient par le duel, l’eau froide, l’eau ou le fer chaud, l’Eucharistie, la Croix, l’Evangile, le jeûne et autres, pratiques semblables.

Tel est le contenu du Glossarium, de ce livre qui a porté pour nous jusque dans les régions les plus ténébreuses du moyen-âge une lueur définitive, et qui nous met à même de le parcourir commodément en tout sens ; de ce livre qui nous a introduits dans la connaissance d’un millier de volumes ou de documents presque entièrement interdits à notre curiosité ; dont les corrections et les variantes seules ont pour effet de rétablir le texte d’une multitude de passages écrits dans toute espèce de langues ; qui pour les dignités et fonctions civiles, ecclésiastiques ou militaires, pour la chronologie, l’histoire, la numismatique, la jurisprudence, ne laisse sans réponse aucune question qui puisse lui être adressée ; enfin, qui ne renferme rien moins qu’un traité complet des idiomes, des moeurs, des coutumes et des lois de l’Europe, depuis Constantin jusqu’aux temps modernes. On conçoit qu’un travail de cette immensité n’ait pas reçu tout d’abord sa perfection. De là les utiles accroissements que lui ont donnée, au siècle suivant, les Bénédictins de Saint-Maur et le savant D. Carpentier, de l’ordre de Cluny ; de là aussi, de nos jours, la réimpression complète et augmentée de ce Glossarium.

Nous avons cru devoir reproduire l’appréciation si juste et si vraie de Léon Feugère, sur le Glossarium. Aucun critique, jusqu’à lui, n’avait mieux compris et mieux exposé le plan suivi et si admirablement exécuté par Du Cange.

On rapporte, au sujet de ce livre, une anecdote fort singulière (1)[3]. L’auteur fit venir un jour quelques libraires dans son cabinet et, leur montrant un vieux coffre placé dans un coin, il leur dit qu’ils y pourraient trouver de quoi faire un livre et que, s’ils voulaient l’imprimer, il était prêt à traiter avec eux. Ils acceptèrent l’offre avec joie, mais s’étant mis, a chercher le manuscrit, ils ne trouvèrent qu’un tas de petits morceaux de papier qui n’étaient pas plus grands que le doigt, et qui paraissaient avoir été déchirés comme n’étant plus d’aucun usage. Du Cange rit de leur embarras et leur assura, de nouveau, que son manuscrit était dans le coffre.

Enfin, l’un d’eux ayant considéré plus attentivement quelques-uns de ces petits lambeaux, y trouva des remarques qu’il reconnut être le travail de Du Cange. Il s’aperçut même qu’il ne lui, serait pas impossible de les mettre en ordre, parce que, commençant tous par le mot que l’auteur entreprenait d’expliquer, il n’était question que de les classer suivant l’ordre alphabétique. Avec cette clef, et sur la connaissance qu’il avait de l’érudition de Du Cange, il ne balança point à faire marché pour le coffre et pour les richesses qui étaient dedans. Ce traité fut conclu sans autre explication, et telle est, dit-on, l’origine du Glossaire latin.

A peine la première édition du Glossarium avait-elle paru que Du Cange fit mettre sous presse. en 1680, l’histoire des Familles Byzantines et de Constantinople Chrétienne. « C’est, dit le Journal des savants, un com-

« mentaire général qui peut servir à tous les auteurs

« de l’Histoire Byzantine et destiné à éclairer tous leurs

« ouvrages.

En 1686, Du Cange donna une nouvelle édition, corrigée et considérablement augmentée, des Annales de Zonare, en deux volumes in-folio. Cet écrivain avait rempli des charges importantes auprès de l’Empereur de Constantinople. Retiré de la Cour dans un monastère, il employa ses loisirs à composer une histoire du Bas-Empire.

Le Glossaire grec de Du Cange parut en 1688 ; Ce Glossaire donne l’explication des mots grecs corrompus. Constantin, en établissant la capitale de l’Empire à Bysance, y avait entraîné tous ses fonctionnaires qui parlaient la langue romaine ; ils se trouvèrent en contact avec les Grecs dont ils modifièrent le langage en y introduisant des néologismes, des locutions étrangères et beaucoup de termes barbares. La variété des dialectes devint si nombreuse, à Constantinople, qu’on en compta jusqu’à 70 sortes. Sans le Glossaire grec, la plupart des auteurs du Bas-Empire seraient restés inintelligibles.

Afin de montrer les différences qui existent entre le grec ancien et le moderne, l’auteur a placé, en tête de son Glossaire, la Grammaire de Simon Portius, qui est un traité complet sur cette matière.

Du Cange étonnait le monde savant par le nombre et surtout la valeur de ses œuvres. Le benédictin Michel Germain écrivait à l’un de ses amis d’Italie, et s’exprimait en ces termes : « Savez-vous que Du Cange

« imprime tout à la fois le Chronicon Alexandrinum, le

« Grégoras et son Glossaire grec ? Ce vénérable vieillard

« fait pour cela des efforts de géant, et cependant il

« est aussi gai et aussi tranquille que s’il ne faisait que

« se divertir. Que le bon Dieu ajoute encore trente

« années à celles qu’il a sur la tête (1)[4]. »

Ce souhait ne put se réaliser, mais il vécut encore assez d’années pour lui permettre de publier plusieurs autres ouvrages d’une haute érudition.

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Correspondance.

Du Cange entretint, pendant son existence, une correspondance des plus étendues avec les savants de


l’Europe. De toute part, dès que son nom commença à acquérir de la célébrité, on le consulta sur des questions historiques à éclaircir. La réponse ne se faisait jamais attendre, et elle donnait les renseignements les plus précis et les plus complets sur les difficultés à résoudre.

« Quant aux lettres de Du Cange, dit Ch. du Fresne

« d’Aubigny, dans son Mémoire historique, page 32, la

« perte ne peut s’en évaluer, et on ne peut suivre

« aucune correspondance. Cependant ce qui en reste

« est précieux, et suffit pour prouver que la modestie

« de M. Du Cange allait souvent à l’excès, et qu’on ne

« le consultait jamais en vain : français et étrangers,

« savants et amateurs, tous étaient bien bien venus ; il

« satisfaisait à toutes les demandes, éclairait tous ceux

« qui recouraient à lui, et semblait ne remplir qu’un

« devoir ; on aurait dit qu’il regardait ses connaissances

« comme le patrimoine commun de la république des

« lettres. La facilité avec laquelle il les communiquait

« était jointe au plus grand désintéressement. M. Baluze

« rapporte dans la préface de l’ouvrage intitulé : Petri

« Castellani vita, etc, la générosité avec laquelle M. Du

« Cange lui avait remis cet ouvrage. Un savant étant

« venu le consulter sur un projet dont il s’était occupé

« lui-même, M. Du Cange lui fit présent de tout ce qu’il

« avait ressemblé sur cet objet ; et quand il fut parti,

« M. Du Cange répondit tout uniment à ceux qui se

« récriaient sur sa générosité : Je serai ravi qu’il en pro-

« fite ; il m’a paru avoir de bonnes idées, et c’est une

« matière sur laquelle je ne reviendrai plus. »

Nous aurions toujours ignoré les services de cette nature, que Du Cange ne dévoilait jamais, sans les remerciements et les témoignages de reconnaissance, que les auteurs lui donnaient dans leurs ouvrages.

C’est ainsi que l’antiquaire Seguin lui rend hommage pour sa science des médailles : le Conseiller Le Blanc qui dirigeait la cour des monnaies signale les services qu’il lui a rendus. Les héllenistes du temps sont « comme

« en extase vis-à-vis de ses-réponses et des explications

« qu’elles contiennent sur des inscriptions grecques,

« sur des monnaies espagnoles, sur des traits d’anti-

« quité et sur d’autres particularités ; ils tiroient tous à

« l’envi copie de ses lettres (1)[5]. »

Comment se fait-il donc que ces copies, puisque les originaux ont été perdus, ne soient pas parvenues jusqu’à nous ? Quelles pertes irréparables !

De simples fragments de ces correspondances ont été conservés ; ils nous permettent de constater le zèle que Du Cange apportait dans ses communications. Au Conseiller La M..., du Parlement de Dijon, il fournit beaucoup de détails biographiques sur le célèbre Cujas ; à l’historien Nicaise, il envoie des renseignements inédits sur l’histoire de Bysance ; à de Chevanes il adresse une dissertation, pour démontrer que les exercices manuels des Moines n’étaient pas incompatibles avec les travaux intellectuels, et que ce serait les astreindre à un rôle indigne d’eux que de les obliger à n’être que de simples copistes. Le P. Papebroch, auteur des Actes des Saints, lui pose une foule de questions et reçoit des réponses complètement satisfaisantes. Le P. La Carry le consulte sur son histoire des Comtes de Rhodez, et des Vicomtes de Carlat. Le Conseiller Troubeau de Bourges écrit à Du Cange, comme à un homme qui peut lui donner plus que qui que ce soit, dans le royaume. Le jurisconsulte de Chambourg, d’Orléans, l’interroge sur l’époque à laquelle remontent les traductions françaises du Code, des Institutes de Justinien, et des Décrétales de Grégoire IX ; il lui demande aussi des explications sur les anciennes coutumes d’Orléans.

Aux yeux du Chanoine Dorans, Du Cange est un véritable puits de science ; et vous souffrirez, lui écrit-il, qu’un inconnu, si vous faites réflexion que les fontaines étant publiques chacun à droit d’y aller et que l’indigence du pauvre ne peut mieux demander que de l’abondance du riche, désire des renseignements sur les princes de Valachie et de Moravie, sur les différents possesseurs des États qui sont aujourd’hui dans la maison d’Autriche et situés en Allemagne, comme Tyrol, Styrie, Carinthie, Carnioles, Vindische, etc, avec tous leurs changements de maîtres, et les révolutions arrivées par les partages faits en cette maison jusqu’à présent : de plus un auteur qui ait décrit les princes qui ont possédé la Toscane depuis Charlemagne ; et il termine en demandant le nom d’un historien français qui ait traité ex professo, des comtes de la Marche et de Saintonge.

Le Chanoine Dorans est tellement satisfait des réponses de Du Cange, qu’il lui en exprime immédiatement sa reconnaissance en termes des plus chaleureux.

Nous ne devons point pauser sous silence l’illustre Leibnitz, dont les recherches sur la Comtesse Mathilde et sur d’autres personnages historiques étaient restées infructueuses. Du Cange apprit par un ambassadeur l’embarras de l’illustre savant allemand et s’empressa de lui envoyer une dissertation des plus étendues sur ces divers points. Leibnitz en fut si profondément touché qu’il écrivit à Du Cange une lettre, dans

laquelle figure ce passage : « Je trouve votre courtoisie aussi grande
« que votre érudition, que toute la terre connaît assez….
« Vos remarques sont considérables et pourront servir
« à pousser plus loin mes conjectures. »

La mort surprit Du Cange, le 23 octobre 1688, la plume à la main, pendant qu’il corrigeait les épreuves de la Chronique d’Alexandrie. Il laissait une étude inachevée sur le Gregoras, qui cependant a été très utile à Boivin et Capperonnier pour l’édition qu’ils ont donnée de cet ouvrage.

Le Journal des Savants de cette époque déclare que la seule énumération des ouvrages et des manuscrits de Du Cange confirme et surpasse même tous les éloges donnés à cet illustre historien, pendant sa vie et après sa mort. Ce n’est pas pour la gloire que j’étudie, disait Du Cange à ses amis, lorsqu’ils le pressaient de prendre un peu de repos, je ne songe, ajoutait-il, qu’à m’amuser ; ceci n’est point publici saporis, clausum domi manebit, mihi cano et musis ; j’ai du temps de reste ; et il le prouvait, car il s’occupait très activement de sa famille, et était heureux d’avoir de longe entretiens avec ses amis.

Du Cange ne recherchait pas la gloire, mais, la gloire l’a couvert de ses rayons lumineux et son nom sera honoré, dans tous les siècles par les savants qui admireront son extrême modestie, son ardent patriotisme, son immense érudition et son admirable génie.


Nous ne terminerons pas cette étude, sans exprimer notre reconnaissance aux biographes qui ont analysé les œuvres de Du Cange et qui nous ont fait connaître, jusque dans les moindres détails, son existence laborieuse, ses ouvrages imprimés et ses manuscrits.

Charles du Fresne d’Aubigny est le premier qui ait rédigé une biographie de Du Cange : elle. porte le titre de : Mémoire historique pour servir à l’éloge de Charles du Fresne sieur Du Cange, et à l’intelligence du plan général de ses études sur l’Histoire de France. Ce mémoire nous a été très utile, surtout la partie consacrée à l’examen des œuvres de Du Cange, que nous avons souvent consultée.

M. Henri Hardouin, qui, dès 1838, avait pris l’initiative d’une proposition faite à la Société des Antiquaires de Picardie, d’élever une statue à Du Cange, puis il a analysé ses ouvrages. Dans ses recherches sur le sort des manuscrits de ce savant, il rappelle les généreux efforts déployés par Charles du Fresne d’Aubigny pour en retrouver les traces et les réunir.

« Vers 1735, écrit M. Hardouin, Dufresne d’Aubigny, petit-neveu de Du Cange, grâce à des efforts non moins désintéressés qu’assidus, parvint à récupérer la plupart des manuscrits de notre savant. Il est juste de dire qu’il fut puissamment aidé dans cette entreprise par l’illustre chancelier d’Aguesseau, grand admirateur de Du Cange.

« D’Aubigny, lit-il, dans la bibliothèque des historiens de France, la mention d’un manuscrit qu’aurait possédé l’abbé De Campo ? il est bientôt sur les traces de ce livre, et obtient le manuscrit des familles d’Orient et les trois volumes des recueils de Du Cange, marqués C. D. -F, ainsi qu’un portefeuille contenant une grande partie des catalogues historiques.

« L’année suivante (1736), François Dufresne, second fils de Du Cange, étant décédé, d’Aubigny acquiert, à son inventaire, tout ce qu’il peut apercevoir de papiers émanés de notre savant. Il en tire après un long examen, le fond d’un nobiliaire historique de la France, d’un Traité du droit des armoiries, ainsi que des titres domestiques de la famille Du Cange et de la famille de Réty (celle de la mère de Du Cange).

« Un peu plus tard, d’Aubigny surenchérissant, auprès du fils de François Du Cange, les offres que lui faisaient des anglais pour l’acquisition d’une autre partie importante des papiers de son aïeul, comprenant le manuscrit des Comtes d’Amiens et de Ponthieu, le portefeuille renfermant les titres pour l’histoire de Picardie, une histoire des évêques d’Amiens jusqu’à 1354, une histoire de la ville d’Amiens par Delamorlière, chargée de notes et de corrections, deux volumes de recueils alphabétique : marqués M et P, et enfin plusieurs pièces détachées dont la réunion a produit la grande carte généalogique des rois de France. Le libraire Guérin consentit à remette trois volumes sur le blason, et l’abbé Du Cange, chanoine de Saint-Victor, l’un des fils de notre auteur, un certain nombre de morceaux détachés.

« Restait à tenter un dernier effort, le plus difficile de tous. — Après la mort du prince Eugène, onze volumes des manuscrits de Du Cange avaient été déposés à la bibliothèque impériale de Vienne, où notre bonne étoile voulut qu’ils fussent confiés aux soins d’un protecteur naturel, d’un Français, le professeur Duval, alors bibliothécaire. Déjà, d’après les instances de d’Aubigny, Duval avait rédigé sur ces manuscrits deux notices publiées par les soins de d’Aguesseau, dans le Journal des Savants. Une négociation diplomatique, couronnée d’un plein succès, fut entamée avec la cour de Vienne qui mit à satisfaire à la demande officielle du ministre français, marquis ne Stainville depuis duc de Choiseul, l’empressement le plus louable et le plus gracieux. Dès leur arrivée en France, les onze volumes et d’autres papiers qui s’y trouvaient joints furent remis à l’infatigable d’Aubigny qui consacra leur vérification et à leur classement son zèle accoutumé

« D’Aubigny, dont nul biographe n’a daigné dire un mot, couronna-t-il la série de ses bienfaits en abandonnant gratuitement à la bibliothèque du roi les manuscrits récupérés avec tant de peine, ou bien le gouvernement, dont il avait éveillé la sollicitude, se procura-t-il autrement ces papiers précieux ? On est réduit ici à des conjectures. Sans deux mémoires sur la publication des œuvres inédites de Du Cange, le nom de d’Aubigny resterait à peu près ignoré.

La ville d’Amiens réalisa, en 1849, la noble pensée de M. Hardouin en élevant une statue à Du Cange.

Il y a quelques années, M. Léon Feugère a publié une étude des plus remarquables sur Du Cange, sa vie et ses travaux. C’est une oeuvre sérieuse et d’une haute portée historique que nous avons citée dans cette notice. A côté de détails biographiques, il a placé une appréciation très exacte et très détaillée des travaux de l’illustre historien. Ainsi, il ne manque plus rien à la mémoire de Du Cange ; si Amiens, sa ville natale, lui a dressé une statue qui reproduit sa pose et ses traits, un habile critique lui a élevé un monument littéraire qui fait connaître à tous la bonté de son cœur, l’excellence de son esprit, et l’immensité de ses travaux.

L. Favre.
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LISTE DES OUVRAGES DE DU CANGE

Nous dormons la liste des œuvres Du Cange publiées ou restées à l’état de manuscrits, dressée avec le plus grand soin par M. H. Hardouin. ancien president de la Société des Antiquaires de Picardie. Cette liste comprend :

1° La nomenclature des Œuvres imprimées de Du Cange et de ses principaux manuscrits sur l’Histoire de France ou sur d’autres matières ;

2° Le plan qu’il avait présenté pour une collection des historiens de France ;

3° Le Sommaire de ses principales dissertations commencées ou terminées sur diverses époques de notre Histoire ;

4° Le dessein de l’Histoire de Picardie et le sommaire des travaux entrepris ou exécutés pour cette histoire ;

5° Enfin, l’indication des diverses Biographies de Du Cange.

PREMIÈRE PARTIE.

§ 1er. — Ouvrages imprimés.

1. — Histoire de l’empire de Constantinople sous les empereurs français ; Paris, imprimerie royale, 1657, in-fol.

C’est par cet ouvrage que Du Cange débuta dans le monde savant.

2. — Traité historique de la translation du chef de saint Jean-Baptiste ; Paris, Cramoisy, 1665, in-4o.

Résumé analytique et critique de tout ce qui a été écrit sur ce sujet.

3. — Histoire de saint Louis, IX du nom, roi de France, écrite par Jean sire de Joinville, enrichie de nouvelles observations et dissertations historiques, avec les établissements de St Louys et le conseil de Pierre Desfontaines, etc. ; Paris, Mabre-Cramoisi, 1668, in-fol.

4. — Joannis Cinnami imperatorii grammatici historiarum lib. VI. seu de rebus gestis a Joanne et Manuelo — Comnenis impp. C. P. accesserunt Caroli Dufresne D. du Cange, etc. in Nicephori Bryennii Caesaris, Annae Comnenoe Caesarissae, et ejusdem Cinnami historiam Comnenicam, notoe historicoe et philologicae His adjungitur Pauli Silentiari descriptio aedis Sanctae Sophiae, ex MMSS. Cod. ; Paris, è typ. Reg. 1670, in-fol.

5. — Glossarium ad scriptores mediae et infimae latinitatis, etc. Paris, Billaine, 1678, in-fol. 3. vol. — Paris, Osmont, 1733, in-fol., 3 vol.

A la réimpression publiée au siècle dernier par D. Carpentier et les Bénédictins de St-Maur, et qui comprend, avec les additions, 10 vol. in-fol., a succédé la réimpression entreprise par M. Henschel, éditeurs MM. Didot, et qui forme 7 vol. in-4o.

Voici le titre de cette nouvelle édition qui honore à tous égards le savoir et le zèlc’de ses auteurs :

Glossarium mediae et infimae latinitatis conditum a Carolo Dufresne Domino Du Cange, auctum a monarchis ordinis S. Benedicti cum supplementis integris D . P. Carpenterii et additamentis Adelungii et aliorum, digessit c. a .l. HENSCHEL.

6. — Cyrilli, Philoxeni, aliorumque ceterum Glossaria latina græca et græca latina, a Carolo Labboeo collecta et in duplicem alphabeticum ordinem reducta, etc. ; Paris, Billaine, 1679, in-fol .

7. — Lettre à Wion d’Hérouval au sujet des libelles qui se publient en Flandres contre les BR. PP. Papebroch et Henskennius. Anvers, 1683, in-4o.

8. — Joannis Zonarae annales, etc ; Paris, è typ. Reg. 1686, in-fol . 2 vol.

9. — Glossarium ad scriptores mediae et infimae graecitatis, etc. ; Lyon, Ancillon, 1688, in-fol. 2 vol.

10. — Paschalion seu chronicon Paschale, etc. ; Paris, è typ. Reg . 1689, in-fol.

C’est pendant l’impression de ce dernier ouvrage que Du Cange mourut. Cette impression fut terminée par les soins de Baluze.

11. — Edition de Nicéphore Grégoras, terminée par Boivin, et publiée seulement en 1715 .

13. – Histoire de l’état de la ville d’Amiens et de ses comtes, avec un recueil de plusieurs titres concernant l’histoire de cette ville qui n’ont point encore été publiés, par Charles Dufresne, sieur Du Cange, conseiller da roi, trésorier de France, et général des finances en la généralité de Picardie. Publiée d’après le manuscrit original (Biblioth. nat. supplém. franc. n. 1209). Amiens, 1840, 1 vol . in-8o. Lenoël-Hérouard, libraire ; et à Paris, Dumoulin, 13, quai des Augustins .

13 . — Les Principautés d’Outre-Mer ou autrement Familles d’Orient, c’est-à-dire une histoire des principautés et royaumes de Jérusalem, de Chypre et d’Arménie, ainsi que des Familles qui les ont possédés. Publiées en 1869, Imprimerie Impériale, par E . G. Rey, en 1 vol. in-4o.

§ II. — Manuscrits inédits.

1. — Sur l’Histoire de France :

1. — Projet pour une collection générale des historiens de France présenté à M. de Louvois, en 1676, in-fol .

2. — Carte généalogique des rois et maisons de France depuis Pharamond.


3. — Description historique de la France ancienne (9 portef. in-fol . petit format).

4. — Description historique et géographique des Pays-Bas, in-fol.

5. — Extrait de la description des Pays-Ras de Jean Petit, in-4.

6. — Un vol. in-fol. intitulé Gallia.

7. — Recherches tendantes à une suite des grands officiers de la couronne, des gouverneurs de provinces, etc., in-fol . 5 vol.

8. — Recherches sur les baillis et sénéchaux de différentes villes et provinces, rangées par ordre alphabétique, in-fol .

9. — Nobiliaire de France, 4 portef. in-fol.

10. — Catalogues historiques, contenant les dépouillements par noms de plusieurs titres et rouleaux tirés presque tous de la chambre des comptes, depuis 1200 jusqu’en 1515, in-fol.

11. — Familles d’outre-mer et Familles normandes, ou généalogie des rois de Sicile, etc. in-fol .

12. — 2e édition (complète) de Ville-Hardouin, in-fol.

13. — Traité du droit des armoiries, portef. in-fol.

14. — Recueil de mille à onze cents corrections, remarques ou additions sur les Chroniques de Monstrelet.

2. — Concernant des sujets étrangers à notre histoire ou sans rapports directs avec elle :

1. — Familles germaniques, portef. in-fol.

2. — Dissertations projetées et très avancées sur toutes sortes de matières, histoire, jurisprudence, littérature, etc., rangées par ordre alphabétique ; 2 vol. in-fol .

3. — Recueil intitulé de Oraculis, en 71 chap ., in-fol .

4. — Recueil de lettres, portef. in-fol.

SECONDE PARTIE.

§ Ier. — Plan général d’un recueil des Historiens de France.

1. — Geographica seu quae descriptionem Galliae spectant.

2. — Gallica seu rerum Gallicarum scriptores, vel qui de veterum Gallorum historia, moribus, legibus, institutis, lingua, commentarios ediderunt, praeterea qui veteris Gallias descriptionem elaborarunt.

3. — Francica, seu qui de Francorum veterum origine, primis sedibus et eorum in Gallias adventu scripserunt.

4. — Scriptores qui generalem Francorum historiam aggressi sunt.

5. — Scriptores Coævi ab adventu Francorum in Gallias usque ad Pippini regis tempora.

6. — Secundæ regum Franciæ stirpis primordia, origines, et stemmata.

7. – Historiæ ejusdem stirpis scriptores coævi.

8. — Historiæ tertiæ Francorum stirpis scriptores coævi et veteres.

9. — Rerum à Francis in Italia sub altera regum Franciae stirpe gestarum scriptores.

10. — Rerum à Francis et Normannis in Italià et Sicilià sub tertià regum Franciæ stirpe gestarum scriptores coævi.

11. — Rerum à Francis in Oriente et in sacris expeditionibus gestarum scriptores coævi, seu regni Francorum hyerosolymitani historia à variis sed illius ævi scriptoribus litteris commendata, editis, aut ad libros veteres emendatis.

12. — Rerum à Francis in imperio Constantinapolitano gestarum scriptores coævi.

13. — Rerum à Francis contra Albigenses gestarum scrintnres coævi.

14. — Rerum Gallicarum et Francicarum scriptores qui, vel annorum serie, vel ratione chronologica, vel more et stylo historico observatis, historias suas ad tertiam regum stirpern deduxerunt.

15. — Galliæ et Franciæ provinciarum historiæ scriptores coævi, ordine provinciarum alphabetico scilicet. (Sequentur XXV provinciarum nomina).

16. — Epistolæ historiæ vel quæ ad Francorum historiam illustrandam conducunt.

Epistolæ variæ quæ ad illustrandam alterius Franciæ stirpis historiam spectant.

Epistolæ historicæ de rebus Francicis summorum Pontificum à Leone I ad Zachariam.

Epistolæ variæ de rebus à Francis in Italia et in Sicilià gestis.

Epistolæ, veteres tabulæ, aliaque monumenta de rebus à Francis qui in expeditionibus bellisque hierosolymitanis vel militàrunt vel operam navaverunt ; auctorum apud quos eerum habetur mentio, locis indicatis, addictis etiam notis aliquot genealogicis.

17.- Epitaphiæ regum Franciæ vel principum stirpis regia quæ Franciæ historiæ illustrandæ conducunt.

18. — Genealogica, seu stemmata regum Francorum et præcipuarum regni Franciæ familiarum.

19. — Vitæ et elogia virorum ex Gallià, bellicà laude illustrium. -

20. — Vitæ et elogia virorum ex Gallià qui, publicatis litterarum monumentis, claruerunt

21. — Diplomata regum Franciæ cujusque stirpis ad Ludovicum VI usque, partim ex MMSS. partim ex editis eruta, et ad res Francicas illustrandas necessaria.


22. — Regum Franciæ à Ludovico VI, usque ad Henricum IV, et aliorum, diplomata historica, et quæ ad Francorum historiam illustrandam spectant.

23. — Catalogus scriptorum editorum utriusque linguæ qui de rebus francicis et de provinciarum, civitatum, ecclesiarum et monasteriorum antiquitatibus commentarios ediderunt, lengè auctior.

21. — Index chronologicus rerum omnium quæ in singulis voluminibus continentur.

§ II. — Dissertations sur les parties principales de l’Histoire de France.

Le sommaire de ces travaux est reproduit ici tel qu’il fut imprimé ers 1752 dans le Journal des Savants.

On peut, d’après les notes et les dissertations commencées par Du Cange, diviser l’histoire de France en sept époques, à chacune desquelles un certain nombre de ces dissertations appartient.

1re Epoque. — Etat des Gaules avant les Romains.

Dix-sept dissertations, presque toutes inachevées, sous les titres suivants :

Noms anciens des Gaules.

Galates.
Celtes.
Origine des Gaulois.
Leurs anciens chefs.
Leurs expéditions hors des Gaules.
Leurs colonies.
Leurs armes et vêtements.
Leur langue.
Leurs mœurs.
Leur religion.
Les Druydes.
Gallorum primus impetus.
Gallorum fortitudo.
Gallorum facundia.
Gallorum statura.
Voces antiquæ gallieæ.

2e Epoque. — Etat des Gaules sous les Romains.

Treize dissertations à peu près complètes, et qui pourraient être publiées après une légère révision. Voici leurs sujets :

Gouvernement des provinces sous les Romains.
Gouvernement des villes.
Des colonies.
Des municipes.
Des villes confédérées.
Des villes libres.
Des villes en servitude.
Des préfectures.
Des villes tributaires.
Des villa, vici, castra, castella, præsidia.
Des fabriques d’armes.

Des préfets du prétoire.
Des préteurs.

3e Epoque. — Etat de la France sous les Rois de la première race.

Vingt dissertations (1)[6]. dont quatre terminées ; elles concernent :

Le nom de France. (Cette dissertation est très avancée.)

L’origine des Francs.

La division de la France sous les rois de la première race, division ainsi indiquée :

Francia.
Burgundia.
Vascones.
Neustria.
Gothi in Gallid.
Royaume d’Austrasie.
La forme du gouvernement des provinces et des villes des Gaules sous les Francs.
Les comtes.
Les ducs.
Les Missi dominici.

Ces quatre dissertations sont terminées.

Les mœurs des Francs.
Leurs défauts.
La religion chrétienne dans la Gaule.
Les rois des Francs.
Leur élection. (Le véritable titre de cette dissertation porte s’ils étaient électifs.)
La loi salique.

4e Epoque. — État de la France sous la seconde race de nos Rois.

Trente-sept dissertations, à compléter, pour la plupart, à l’aide de celles qui sont contenues soit dans le Glossaire, soit dans l’édition de Joinville.

La première, très avancée, traite, en général, de l’époque indiquée (2)[7].

Les autres ont pour sujets :

Le royaume d’Aquitaine.

Le royaume de Provence.

La Septimanie.

La division des personnes.

Les nobles.

Les barons.

Les bannerets.

Les bacheliers.

Les chevaliers.

Les écuyers.

Les personnes libres et franches.

Les serfs,


Les libertins ou coutumiers.

Les différences des biens.

Les francs alleuds.

Les fiefs.

Les fiefs rendables. (Voy. à cet égard la dissertation imprimée dans le Joinville.)

Les reliefs.

Les investitures.

Les droits de seigneurie.

Les droits fonciers.

Le droit de guerre.

Le ban, l’arrière-ban.

Les échues à la guerre.

La régale. Cette dissertation est très avancée. On la trouve dans le manuscrit de l’histoire des évêques d’Amiens (1)[8].

Formes d’administrer la justice.

Officiers de la couronne.

Officier de la maison du roi.

Gouverneurs.

Baillis et sénéchaux.

Capitaines des places.

Enseignes royales.

Echevins.

Avoués.

Vidames.

5e Epoque. — Etat de la France sous les Rois
de la troisième race.

Une dissertation très avancée sous ce titre ; plus, douze projets de dissertations sur :

Les états-généraux.

Les cours supérieures.

Les ordres militaires.

Les ordres religieux. -

Et une infinité de notes dont on pourrait, dit l’auteur de la notice, tirer au moins deux cents articles sur la même époque.

Il paraît que l’on n’a pu retrouver deux volumes, l’un in-fol., et l’autre in-4o. sur lesquels Du Cange avait rédigé ou mis au net la majeure partie de ces notes.

6e Epoque. — Les Croisades.

Ici tout est achevé et prêt à livrer à l’impression.

Les ouvrages relatifs à cette période sont :

1° L’Histoire des Familles normandes qui conquirent la Pouille, la Calabre et la Sicile ;

2° Une nouvelle édition de Ville-Hardouin, entièrement revue, et augmentée d’un grand nombre de preuves.

7e et dernière Epoque. — Saint-Louis.

Du Cange projetait une nouvelle édition de Joinville pour laquelle il a réuni un grand nombre de notes et

(1) de pièces destinées à servir de suppléments aux trente dissertations imprimées dans celle que nous possédons, publiée en 1768.

QUATRIÈME PARTIE.

1. — Dessein de l’Histoire de Picardie.

Cette pièce a été imprimée dans le Journal des Savants — décembre 1749, p. 733 toutefois il ne sera point inutile de reproduire ici son texte exact d’après l’autographe renfermé avec d’autres pièces, à la bibliothèque royaie, dans un carton intitulé Titres de Picardie (Supplément. fr., n° 1203).

LIVRE I.

Division des Gaules en général.
De la Gaule en Belgique.
Division de la France sous les rois de la première et deuxième lignées.
Division de la France sous les rois de la troisième lignée, en langue d’Oil (orthographe donnée par Du Cange, et mal à propos rectifiée dans le journal, par la substitution du mot oui), langue d’oc et langue picarde.
Du nom de Picardie.
Gouvernement de Picardie, son étendue, sa division et la suite des gouverneurs et lieutenants du roi.
De la généralité de Picardie, et la liste des villages sous chacune élection.
De la bonté et fertilité de la Picardie, des rivières qui l’arrosent, et des anciens chemins
romains par la Picardie.

LIVRE II.

Du bailliage d’Amiens, son étendue, ses sept prévôtés, et la liste des villes et villages sous chacune d’icelles.
Suite des baillis d’Amiens, et, par occasion, des baillis et sénéchaux.
De la ville d’Amiens, ses noms anciens et modernes, sa description topographique, etc.
Des édifices publics anciens et modernes, de l’ancien château, de la citadelle, etc.
Des églises, et premièrement de la cathédrale.
Des églises paroissiales.
Des abbayes, prieurés et monastères de religieux et religieuses, enclos dans l’enceinte de la ville d’Amiens.

LIVRE III.

Histoire et état de la ville d’Amiens sous les Gaulois, les Romains, la première et la deuxième lignées des rois de France.

LIVRE IV.

Histoire des comtes d’Amiens. (Rédigée).

LIVRE V.

Des châtelains d’Amiens, leur généalogie.
Suite des capitaines et gouverneurs d’Amiens.


LIVRE VI.

Etablissement de la commune d’Amiens ; la suite des mayeurs ou maires, avec les remarques
de ce qui s’est passé de plus mémorable sous chacun d’iceux et, par occasion, des hommes illustres d’Amiens.

LIVRE VII.

Histoire ecclésiastique de la ville d’Amiens, et, premièrement, de l’évêché d’Amiens, son étendue, et le pouillé des bénéfices en dépendant.
Suite des évêques d’Amiens avec des remarques concernant l’histoire ecclésiastique ([9]).

Livre VIII.

Histoire ou traité historique de la translation du chef de Saint-Jean-Baptiste.

LIVRE IX.

De la seigneurie temporelle des évêques d’Amiens, et, par occasion, d’où procèdent les biens des évêques.
Des vidames et advoués institués pour la conservation des biens des prélats.
De la seigneurie des vidames d’Amiens dans la ville et dans l’étendue de Pévêché.
Suite généalogique des vidames d’Amiens, des maisons de Picquigny et d’Ailly.

LIVRE X.

Des sept prévôtés et villes dépendantes du bailliage d’Amiens.
De la prévôté de Montreuil, de la ville de Montreuil, etc.
De la prévôté de Beauquesne, etc.
De la prévôté de Saint-Ricquier et de la ville et abbés de Saint-Ricquier.
De la prévôté de Fouilloy, de la ville et abbés de Corbie.
De la prévôté de Doullens ou Dourlens.
De la prévôté de Vimeu.

LIVRE XI.

Du comté de Ponthieu, son étendue, ses démembremens.
Suite des comtes de Ponthieu ([10]).

LIVRE XII.

Sénéchaussée de Ponthieu.
Liste des villages en dépendant.
Suite des Sénéchaux.
De la ville d’Abbeville; de ses antiquités.
Etablissement de la commune d’Abbeville. — Suite des mayeurs avec la remarque de ce qui s’est passé

de mémorable sous chacun d’iceux, en la ville d’Abbeville (1) [11].

De la ville de Rue et ses antiquités.

Du Marcquenterre, et des autres lieux plus considérables du comté de Ponthieu.

LIVRE XIII.

Du comté de Boullenois, son étendue, bonté et fertilité du pays; du pays des Morins.

Histoire des comtes de Boulongne.

Sénéchaux de Boulongne, gouverneurs de Boulongne.

LIVRE XIV.

De la ville de Boulongne, ses antiquités, sa description, etc.

De l’évêché de Boulongne. Pouillé des bénéfices.

Suite des évêques de Térouanne et de Boulongne.

Des villes d’Estaples, de Wissan, et, par occasion, de Vicias Portus (2) [12], de Montbulin et autres lieux remarquables du comté de Boullenois.

LIVRE XV.

Du pays reconquis et son étendue.

De la ville de Calais, ses antiquités, ses gouverneurs.

De la ville et des seigneurs d’Ardres.

De Guines, des comtes de Guines.

De Hames, des seigneurs de Hames.

Des autres lieux remarquables du pays reconquis.

Livre XVI.

Du pays de Santerre du gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye suite de ses gouverneurs et des baillis.

De la ville de Péronne, ses antiquités.

Des anciens seigneurs et des châtelains de Péronne.

De la ville de Montdidier, de ses seigneurs, etc.

De la ville de Roye, des seigneurs de Roye.

Des autres lieux remarquables dudit gouvernement.

LIVRE XVII.

Du comté de Vermandois, son étendue, etc.

Suite des comtes de Vermandois.

Sénéchaux et baillis de Vermandois.

De la ville de Noyon et de ses évêques.

De la ville de Saint-Quentin, gouverneurs de Saint- Quentin, etc.

De la ville et des seigneurs de Ham.

Du Castelet.

De Nesle, des seigneurs de Nesle.

Des autres lieux dudit comté.

LIVRE XVIII.

Du pays de Thiérasse et son étendue.

De la Fère, ses seigneurs.

De Guise, ses seigneurs et ducs.


De la Capelle, de Vervins.

De Ribemont, ses seigneurs.

De Marie et de ses seigneurs.

Des autres lieux dudit pays.

LIVRE XIX.

Du pays de Beauvaisis.

De la ville de Beauvais.

Des comtes de Beauvais.

Des évêques de Beauvais.

De Clermont, Comtes de Clermont.

De Breteuil, des comtes, seigneurs et abbés de Bre- teuil.

Des autres places et lieux considérables du Beauvaisis.

LIVRE XX.

Du pays de Soissonnais, Tardenois, Laonois.

De laville de Soissons, ses comtes et ses évêques.

Des villes de Chauni et de Braines.

De la ville de Fère.

De la ville de Laon, des comtes de Laon, des évêques de Laon.

Des autres places encloses en ce quartier.

LIVRE XXI.

Ce livre et quelques suivans contiendront les généalo- gies des plus illustres familles de Picardie, dont la con- naissance est nécessaire pour l’intelligence de l’histoire.

A la fin seront mises, par forme de preuves de toute cette histoire, les chartes, titres et autres pièces manus- crites qui y seront rangées selon l’ordre des temps.

______________________________

MANUSCRITS ET EXTRAITS DE TITRES

RELATIFS A L’HISTOIRE DE PICARDIE

Conservés à la Bibliothèque Nationale.

Nos des manuscrits. Pagination. Désignation et observations.

Suppl. fr. n° 1208, p. 102-266. Extrait d’un manuscrit de blasons MMSS, enluminé, sur parchemin.

Ce titre est celui qui est en tête du morceau. Dans la table en tête du volume, qui est aussi de la main de Du Cange, cette pièce est désignée sous le titre suivant Armes de quelques maisons nobles et particulièrement de la Picardie.

Suppl. fr. n° 1225a, p. 81-93. Armes de quelques maisons de Picardie.

Suppl. fr. n« 1225b, p. 45-71 . Généalogie de la maison de Rivery et de plusieurs autres.

Suppl. fr. n° 1233, carton, feuilles détachées. Fragment concernant la Picardie dans J’esquisse géographique de la Gaule.

N. B. Le même carton renferme des mémoires relatifs à la Champagne, au Barrois, à la Lorraine et à l’Alsace. Suppl. fr. N° 1235, Ibid. Géographie historique de tous les pays de l’ancienne Gaule.

Suppl. fr. n° 1225a, p. 1-11. Extrait du cartulaire du marquisat d’Encre. - Extrait d’un inventaire des dénombrements fournis aux seigneurs de Bray et de Miraumont.

Ibid. p. 71-77. Généalogie de la maison de Blimont.

Suppl. fr. n° 1325a p. 79-81. Généalogie de la maison de Rubempré.

Ibid. p. 93 -117. Noms et armoiries des mayeurs d’Abbeville, de 1183 à 1602.

Ibid. p. 119-123. Armoiries de plusieurs familles habituées à Amiens.

Ibid. p. 117-119. Extrait du registre de l’échevinage d’Arras.

Ibid. p. 129-131. Table des édits, déclarations, etc. pour l’histoire d’Amiens.

Suppl. fr. n° 1225b, p. 1-4. Extrait du cartulaire de l’église collégiale de Saint-Firmin (d’Amiens).

Ibid. p. 5-9. Extrait des titres de Rély, escuier seigneur de Framicourt.

Ibid. p. 9-13. Extrait de quatre registres aux chartres du bailliage d’Amiens, depuis mai 1565 jusqu’à mai 1572.

Ibid. p. 15-33. Extraits du cartulaire de l’abbaye de Saint-Fuscien près d’Amiens.

Ibid. p. 33-51 . Extrait du martyrologe de Notre-Dame d’Amiens.

Suppl. fr. n° 1225b, p. 51-81. Extrait du cartulaire du chapitre de Notre-Dame d’Amiens, commençant par ces mots Registrum ecclesiarum capituli Amb.

Ibid. p. 97-175. Extrait de l’inventaire du trésor des chartes, sons les rubriques de Picardie, Corbie, Péronne, etc.

lbid. p. 190-201. Extrait du cartulaire de la terre et ressort du chastel de Guise, fait en septembre 1327.

Ibid. p. 201-204. Extrait du martyrologe et obituaire de Saint-Firmin-le-Confesseur.

Ibid. p. 204-228. Extrait de l’inventaire des titres de l’abbaye du Gard.

Ibid. p. 228-248. Extrait du cartulaire de Saint-Acheul.

Ibid. p. 242 -266. Extrait d’un livre intitulé : Repertorium sive registrum cartarum seu litterarum existentium in armario insignis ecclesiae capituli. Ambian. inchoatum primâ die mensis junii anno M. D. XXX. III. per me Robertum Anglicis presbiterum, autoritate apost. tabellionem ac dominorum decani et capituli notarium, etc.

Suppl. fr. N° 1225b p. 266. Extrait d’un autre inventaire des titres du chapitre de Notre-Dame d’Amiens, commençant par le mot Vaussoires.

Ibid. D. 69. Extrait du cartulaire de Té-


glise collégiale de Saint-Firmin de Vinacourt.

Suppl. fr. In° 1225b p. 323-326. Extrait d’un rôle en parchemin tiré de la chambre des comptes, intitulé Hi sunt reditus et census dni episcopi Ambianensis tam m civitate quam extra civitatem de ann. ccc.

A la suite se trouvent quelques autres extraits fort courts, relatifs à l’église d’Amiens, dont un intitulé Homines Domini episcopi feudales (1). (1) L’original de ce curieux manuscrit a été retrouvé. Il a été acquis sur la proposition de la société des Antiquaires de Picardie, pour la bibliothèque d’Amiens. ( V. Catalogue des manuscrits de cette bibliothèque, publié par notre savant et consciencieux ami M. Garnier, bibliothécaire en chef, art. 572, p. 523 et suiv.)

Ibid. p. 394-400. Epitaphes qui se voient en l’abbaye de Braine.

Ibid. p. 400. Autres qui se voient en quelques églises de Picardie.

Ibid. p. 401. Autres qui sont aux Célestins d’Amiens.

Ibid. p. 401. Epitaphe en cuivre aux Jacobins d’Amiens, sur l’autel de Notre-Dame de Pitié.

Ibid. p. 426 ad finem. Inscriptions qui se lisent aux grandes vitres de Notre-Dame d’Amiens.

Ibid. p. 415-421. Extraits des registres du bureau des finances d’Amiens.

Suppl. fr. n° 1209. Histoire des comtes d’Amiens, des comtes de Ponthieu, des vicomtes d’Abbeville.

Ce sont trois morceaux distincts. Le premier, intitulé Histoire de l’état de la ville d’Amiens et de ses comtes, est paginé de 1 à 180. A la suite, se trouve, sans pagination, une liste des baillis d’Amiens et de leurs lieutenants. Au premier feuillet est attaché, avec une épingle, un permis d’imprimer, daté du 7 février 1713, et signé du censeur Saurin, qui prouve que l’ouvrage était prêt à être imprimé. L’histoire des comtes de Ponthieu renferme 125 pages, et celle des vicomtes d’Abbeville n’est point paginée.

Suppl. fr. n° 1203, carton. Dessein de l’histoire de Picardie.

Ibid. Ibid. Portefeuilles de pièces copiées par Du Cange, pour servir de preuves à cette histoire.

Suppl. fr. n° 1204abc, 3 cartons. Nobiliaire de France et de Picardie.

Suppl. fr. n° 1207, 1 cart. in-4. Mémoires pour l’histoire des évêques d’Amiens.

Consulter aussi les pièces suivantes :

1° Dans l’ouvrage, ou plutôt le recueil de notes intitulé Recherches sur l’histoire de France, 5 vol. in-fol. suppl. fr. n° 1200, il y a une notice sur le Gouvernement de Picardie, remplissant les pages 62-76 du cinquième volume.

2° Antiquités d’Amiens, par Adrian Delamorlière, 1. vol. imprimé, couvert de notes manuscrites de Du Cange, suppl. fr. n° 1206. NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE CHARLES DUFRESNE DU CANGE. 3o Dans la Biographie de Michaud, tom. VII, pag. 16, col. 2, lig. 19 à 23, 11 est question de deux volumes contenant des renvois pour les noms de lieux et pour les noms de familles. Ces deux volumes n’en forment qu’un, petit in-4. n° 1311. du suppl. fr. 4° Etat et Mémoire de la province de Picardie, suppl. fr. n° 1212. 5° Extrait d’un registre de la chambre des comptes. coté M., et ayant pour inscription Dénombrement des bailliages d’Amiens et de Doullens, suppl. fr. n° 1225e, p. 123-128. 60 Trois extraits le premier, d’un registre en parchemin de l’hôtel de ville d’Amiens, intitulé: le Registre aux chartes de laville d’Amiens le deuxième d’un autre registre commençant par ces mots En chest registre sont contenus les chartes, privilèges et lettres de la ville d’Amiens enfin d’un grand registre en parchemin de l’hôtel de ville, intitulé L’estat de la ville d’Amiens ordonné le S. Simon, S. Jude, de l’an 1355 suppl. fr. n» 1225", p. 276-312. 7° Extrait d’an registre en parchemin contenant les coutumes locales d’Amiens, avec ce titre Eschi les coustumes et les usages de la chité d’Amiens ci comes êtes sont chi après notées-, suppl. n° 1225% p. 1 -31 (1). CINQUIÈME ET DERNIÈRE PARTIE. ARTICLES BIOGRAPHIQUES ET MÉMOIRES SUR DU CANGE. 1. Bayle. Dictionnaire philosophique, vo Du Cange. (1) Consulter à ce sujet 1° l’ancien coutumier inédit de Picardie, publié par M. Marnier. Paris, 1840. 2» Coutumes locales du Bailliage d’Amiens, par M. Bouthors, 1" série. Amiens, Duval et Hermant, 1843. 2. Baluze. Lettre en tête du chronicon Paschale. 3. Préface du Glossaire latin, édition des Bénédictins, de 1733. 4. Dictionnaire de Baillet. 5. Journal desSavants, octobre, novembre, décembre 1749. 6. Mémoire sur les manuscrits de M. Du Cange (c’est celui de Dufresne d’Aubigny), imprimé en 1752. Cet ouvrage, précieux pour les détails, est fort rare aujourdhui. 7. Mémoire de Baron, couronné par l’académie d’Amiens en 1764, sous le nom de Lesage de Samine (Baron était secrétaire de l’académie), imprimé chez Godard, à Amiens, en 1764. 8. Autre Mémoire de d’Hérissent, présenté au même concours, et paraissant avoir été imprimé en 1767. 9. Mémoire historique pour servire à l’éloge de Charles Dufresne, sieur Du Cange, et à l’intelligence de ses études sur l’histoire de France, avec cette épigraphe Vires acquirit eundo. 1776. (Sans nom d’auteur ou imprimeur). 10. Moreri, V» Cange, et Michaud, Biographie. 11. Essai sur la vie et sur les ouvrages de Ch. Dufresne sieur Du Cange, par H. Hardouin. Paris, 1849, librairie Dumoulin. in-8». 48 pages. 12. Etude sur la vie et les ouvrages de Du Cange, par L. Feugère, professeur de rhétorique au Lycée Louis-le-Grand. – Imprimé chez Paul Dupont, à Paris, en 1852. in-8°. -104 pages.

  1. Etude sur la vie et les ouvrages de Du Cange. — 1852.
  2. Essai sur la vie et les ouvrages de Ch. Du Cange par H. Hardouin. – Amiens 1849.
  3. Nouveau Dic. histor. par une société de Gens de Lettres. 1786. Caen, Le Roy.
  4. Correspondance de Mabillon, T. II, p. 123).
  5. Ch. Du F. d’Aubigny. Mémoire p. 34.
  6. V. aussi à l’appendice de l’Hist. des comtes d’Amiens, p.361, dissertation sur une monnaie d’or frappée à Amiens et attribuée à l’un des rois mérovingiens.
  7. (2) V. comme relative à la même période : Dissertation sur les régnes simultanés, mais distincts, de Louis III et de Karloman, publiée dans l’appendice à l’Hist. des Comtes d’Amiens, p. 870.
  8. Publiée dans le même appendice, p. 375. Très remarquable.
  9. (1) Les articles de la collection Gallia Christiana, relatifs aux évêques d’Amiens, ne sont guère qu’une reproduction de cette partie des travaux de Du Cange, circonstance signalée par les auteurs de cette collection (v. la préface).
  10. (2) Partie de ce livre est traitée dans l’Histoire des Comtes de Ponthieu.
  11. V. Histoire MMSS. des vicomtes d’Abbeville.
  12. V. Dissertation sur ce sujet, imprimée dans l’édition de Joinville.