Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome II/X/3

Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (1856)
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (IIp. 542-582).
LIVRE TROISIÈME.


Chapitre premier. — Que les anciens médecins, à l’exception d’Archigène, se sont peu occupés des lieux affectés. — Distinction des diathèses primitives d’avec les diathèses secondares ou sympathiques. — Réalité de ces dernières diathèses.


Peu de médecins ont traité des lieux affectés ; en effet, ils nomment lieux (τόποι) les parties du corps. À cet égard, ils ont omis, sans y toucher, plus de questions qu’ils n’en ont traité. Laissant donc de côté les autres médecins, j’ai cité le seul Archigène, loué justement par-dessus tous les autres. Mais quand il prétend que certaines fonctions sont lésées sans affection de la partie du corps dans laquelle elles se produisent, cette assertion, ai-je dit, demande une distinction. En effet, on peut dire avec raison : si la partie lésée par sympathie avec une autre n’a pas encore une diathèse permanente, néanmoins, suivant l’expression même d’Archigène, il existe en elle comme une ombre de cette affection permanente. Par exemple, si, nous étant approchés du feu, nous avons failli être brûlés, sans pourtant l’avoir été, nous éprouvons une vive douleur, et certes on ne peut dire que la partie échauffée ne soit nullement affectée. De même encore le froid violent de l’air ambiant, ou une pluie excessivement froide, ou la neige en tombant cause une vive douleur. Mais si vous enlevez la cause de l’incommodité, avec elle disparaît à l’instant l’affection. Il paraissait donc préférable de dire, comme 1’indique le terme même, que la partie affectée sympathiquement est affectée d’une certaine manière ; car nous entendons par partie sympathiquement affectée non pas une partie qui n’est nullement affectée, mais une partie qui est affectée avec une autre. Ainsi, lorsque dans les diathèses de l’orifice de l’estomac il se produit aux yeux des symptômes semblables à ceux des suffusions, on doit dire que les yeux sont affectés, une certaine vapeur fuligineuse remontant des humeurs contenues dans l’estomac vers la tête ; on n’est cependant pas fondé à dire que les yeux ont dès lors une diathèse telle que, la substance incommode disparaissant, ils exigent des soins spéciaux. J’ai dit que de pareilles discussions sont plutôt du ressort de la dialectique. En effet sont véritablement dialectiques tous les problèmes qui, allant plus loin que la recherche de l’utilité, étudient la nature des choses telle qu’elle est dans l’essence propre (voy. t. I, p. 522, note 1). C’est ainsi que le philosophe Chrysippe a écrit Sur les affections de l’âme, d’abord un livre de thérapeutique qui nous sert pour les guérir, et puis trois autres contenant des questions dialectiques.


Chapitre ii. — Qu’il faut savoir de combien de manières les fonctions sont affectées.


Archigène n’a pas exactement déclaré (ce qui eût été préférable et bien plus utile pour le sujet proposé) combien il existe de modes de lésions des fonctions. Cela connu, nous découvrirons les lieux atteints d’affections primaires ou idiopathiques, ou comme on voudra les appeler, et nous aurons plus de facilité pour les guérir. J’ai démontré cela à propos des organes vocaux (I, vi, p. 497), et en citant un individu qui éprouvait une lésion de la sensibilité des doigts de la main, bien que les doigts fussent exempts d’affection : la découverte de l’affection primaire qui existait à la naissance du dos indiqua le traitement convenable.


Chapitre iii. — Pour les parties affectées par sympathie, l’affection tantôt réside dans leur propre substance, tantôt consiste en l’absence, dans ces mêmes parties, de la matière ou de la faculté qu’elles possèdent dans l’état naturel. — De la source des indications thérapeutiques pour les dogmatiques et les empiriques, — Galien se vante avec emphase de connaître mieux que personne les sectes médicales, et par conséquent d’être parfaitement en mesure de décider ce qu’elles ont de bon ou de mauvais.


Quand l’estomac est affecté, c’est d’une certaine façon que les symptômes de la suffusion (cataracte) apparaissent. C’est d’après une certaine autre, que, sans affection d’aucun des organes vocaux, l’individu qui tomba d’un lieu élevé ressentit une lésion de la voix ; c’est encore d’après une forme de sympathie différente de ces deux dernières que l’individu [dont il a été question] éprouva une insensibilité des doigts (cf. I, vi, p. 496). Pour les yeux, en effet, c’est parce qu’il y remonte une certaine matière ; dans l’aphonie, c’est parce que la matière de la voix est lésée ; quant au symptôme présenté par les doigts, il s’est produit parce que la faculté sensitive n’y arrivait plus. Dans ce cas il était mieux, si jamais il le fut, de croire plutôt pour les organes de la voix et pour les doigts que pour les yeux, qu’ils n’étaient nullement affectés. Pour ces derniers, en effet, l’affection même vient de ce qu’ils se remplissent d’une vapeur fuligineuse. Pour les organes vocaux et pour les doigts, ce n’est pas parce qu’il y arrive quelque chose contre nature, mais parce qu’il n’y vient pas quelque chose qui naturellement devrait y arriver, qu’une certaine fonction est lésée. Ainsi la faculté sensitive ne découle plus dans les doigts, l’origine du nerf étant lésée à sa sortie de la moelle ; le larynx, par suite de la paralysie des nerfs intercostaux, ne reçoit plus le pneuma exhalé. Ainsi, pour ces organes, il est permis de dire que l’affection même résulte de ce qu’il ne vient plus aux parties ce qui auparavant y arrivait, lorsqu’elles étaient dans leur condition naturelle. Il ne serait pas déraisonnable, en effet, de regarder comme une affection des fontaines le manque d’eau qui n’y arrive plus ; comme une affection des céréales sorties de terre un desséchement excessif, comme une affection des animaux le défaut de nourriture ou de boisson. En effet, ce qui manque à chaque être pour son entretien naturel peut être justement considéré comme une affection de cet être. Mais, ainsi que je le disais (voy. p. 471b et 474), ces questions sont de l’ordre des questions dialectiques.

Les considérations nécessaires dans les lésions ou abolitions de fonctions sont négligées par la plupart des médecins. Ces fonctions étant au nombre de deux ou trois, tantôt il arrive qu’une seule partie étant affectée, les autres, affectées sympathiquement, sont lésées dans leurs fonctions, et tantôt que toutes les parties sont affectées également. Il arrive aussi parfois que les unes ont une diathèse on peut dire habituelle, et les autres une diathèse qu’on peut nommer passagère. Nous avons déjà étudié cette question dans le second livre de notre traité Sur la dissection des animaux vivants (ouvrage perdu) ; nous l’avons étudiée aussi dans le livre précédent (chap. x), et nous la traiterons encore, la suite de notre discours exigeant de semblables distinctions. Mais je vais parler d’un sujet qu’il n’est pas moins utile d’expliquer d’avance en cet endroit, relativement à ceux qui, en théorie, s’efforcent de démontrer que la recherche des lieux affectés est nécessaire aux médecins, et qui, en fait, l’abolissent, et je l’expose immédiatement en prenant pour exemple une affection particulière.

Soit la pleurésie : que dans la pleurésie la plèvre soit affectée, cela est démontré par la douleur qui s’y manifeste. Mais chez les pleurétiques, l’inflammation attaque-t-elle ce qu’on appelle membrane ou tunique enveloppante, peu importe, ou quelque autre partie des côtés ; ou le poumon même est-il nécessairement affecté dans ses lobes, ou est-il complétement exempt d’affection, c’est une chose qu’il n’est pas nécessaire de savoir, selon les partisans de l’empirisme (voy. les deux traités Sur les sectes). Ils ont vu déjà un grand nombre de pleurétiques guéris, les uns par leurs maîtres, les autres par eux seuls, d’après la méthode décrite par Hippocrate dans son livre Sur le régime dans les maladies aiguës, ils savent parfaitement quels médicaments peuvent les soulager ou leur faire du mal ; ils ont dans leur mémoire des distinctions fondées sur des signes très-apparents, qui leur indiquent dans quel cas la saignée est opportune ou ne l’est pas. Quant aux fomentations nécessaires en pareilles circonstances, aux cataplasmes, au régime, aux laxatifs, une longue expérience leur fournit à cet égard une indication suffisante. Par quel motif Hippocrate ou quelque autre avant lui, ont-ils été poussés à trouver ces remèdes ? Ils avouent l’ignorer. Il suffit, disent-ils, qu’on use à propos des remèdes découverts, comme on voit faire les autres artisans ; car ni le forgeron, ni le charpentier, ni le cordonnier ne recherchent comment ont été découverts les arts qu’ils exercent, mais ils acquièrent de la réputation en exécutant ce qu’ils ont appris de leurs maîtres et ce dont une expérience personnelle leur a confirmé l’utilité.

Pour moi, à dire vrai, quand j’entends raisonner ainsi les médecins empiriques, je considère d’abord comme très-concluants leurs discours, et je ne trouve pas très-fortes les objections proposées par les dogmatiques. Mais de même que, dans toutes les circonstances de ma vie, je me suis toujours gardé d’une approbation précipitée, de même à cet égard, j’ai longtemps recherché, à propos de la découverte même des médicaments applicables aux maladies, si j’ai besoin de quelque indication logique, ou s’il me suffit de ce que l’expérience de mes maîtres ou la mienne m’ont enseigné. Je vais donc exposer aux amis de la vérité ce que, après de longues recherches, et prenant les Dieux à témoin de ma sincérité, je regarde comme l’opinion préférable. Je n’ai pas de motif de tromper, comme ceux qui, instruits dans une seule secte, ne cherchent en tout temps et en toutes circonstances l’illustration que dans son sein. Ces gens sont obligés de soutenir opiniâtrement que la vérité se trouve dans leur secte, ne pouvant espérer de gloire d’une autre doctrine. Pour moi, j’ai démontré, dans des leçons publiques et particulières, à ceux qui voulaient apprendre de ma bouche les dogmes d’une secte quelconque, que je n’étais inférieur à personne, pour ne rien dire de plus, dans la connaissance de toutes les sectes. S’il me plaisait de soutenir une secte, on aurait de la peine à me convaincre de stérilité même dans l’improvisation. En effet, je les ai connues non par les livres, comme d’autres, mais par les maîtres les plus éminents dans chacune d’elles. Je n’ai donc pas de haine contre les empiriques[1], dans les doctrines desquels j’ai été nourri, ni contre les dogmatiques ; car j’ai mis une ardeur égale à m’instruire de leurs principes à tous, et j’ai fréquenté les maîtres les plus illustres de chaque secte. C’est par les œuvres de l’art, et non par des raisonnements de sophiste, que je me suis fait connaître à Rome des principaux citoyens et successivement de tous les empereurs. Aussi rien n’empêche que je déclare la vérité sur chaque secte. Je trouvai par la pratique que, dans les cas rares, la découverte des médicaments à l’aide d’une indication réelle est supérieure à la notion empirique, et c’est ainsi que j’ai guéri beaucoup d’affections avec les remèdes les plus opposés parfois à ceux que désignait l’empirisme, remèdes sur lesquels je m’étends plus au long dans mon traité De la méthode thérapeutique.


Chapitre iv. — Comment il faut arriver au traitement utile par la connaissance des lieux affectés et des diathèses. — Ici encore Galien se décerne les éloges les plus pompeux.


Maintenant nous donnerons les seules explications utiles au sujet que nous traitons. J’ai reconnu que les lésions des fonctions viennent non-seulement des parties homoïomères malades qui les produisent, mais encore des autres parties qui possèdent une certaine utilité, mais point de fonction. J’ai reconnu encore que les maladies des parties organiques lèsent les fonctions. Ces faits constatés, j’ai trouvé immédiatement que certaines maladies naissent fréquemment chez un grand nombre d’individus et certaines autres rarement. Je voyais que la secte empirique s’attachait à se rappeler et à imiter non pas les cas rares, mais les cas fréquents, et que par suite elle négligeait non pas seulement le traitement des diathèses rares, mais encore les signes indicateurs de ces diathèses. En conséquence, j’ai cherché d’abord comment il faut les diagnostiquer, et j’en ai découvert quelques-unes qui présentent un diagnostic scientifique, d’autres qui étaient subordonnées à la conjecture dite technique, et dont, en conséquence, le diagnostic se rectifiait souvent ; car telle est la puissance de la conjecture technique. Mais pour ces diathèses, et avant cela, pour celles des diathèses rares qui présentent un diagnostic scientifique, je trouvai qu’elles exigent toujours le diagnostic des parties affectées. C’est ainsi qu’ayant exercé la médecine jusqu’à la vieillesse, jamais jusqu’à ce jour je n’ai eu à rougir d’un traitement ou d’un pronostic, ce que j’ai vu arriver à beaucoup de médecins très-illustres. Si quelqu’un veut devenir célèbre par les œuvres de l’art, et non par des raisonnements sophistiques, il peut sans fatigue recueillir ce que j’ai découvert avec beaucoup de recherches dans le cours de ma vie. Qu’il sache donc que dans les affections rares où je n’avais point vu de maître guérir de malades, et où moi-même je n’avais point expérimenté de médicaments, telle est la méthode que j’ai employée pour découvrir des remèdes : je prends les Dieux en témoignage de mes paroles. Je recherche toujours quel lieu affecté primitivement ou sympathiquement a produit la lésion de la fonction, et, quand je suis certain d’avoir découvert la partie, je recherche immédiatement la diathèse de cette partie, puis de ces deux notions, je tire l’indication de tout le genre de traitement à adopter relativement à la découverte des substances convenables, à la quantité et à la qualité des remèdes, considérant en même temps l’âge et la nature du malade, la saison et le pays, et toutes les particularités qui ont été déjà souvent rapportées dans l’explication des livres d’Hippocrate. Or le lieu affecté, si nous nous rappelons ce qui a été dit dans les deux livres précédents, est reconnu par les excrétions, par les excroissances survenant sur les parties affectées et par la lésion des fonctions, ce qui comprend les formes et les couleurs contre nature. Les excrétions elles-mêmes sont de trois espèces. En effet, il y a excrétion soit de portions de lieux affectés par la dissolution ou le ramollissement de leur substance, soit des matières qui y sont renfermées, soit des matières qui accompagnent les diathèses morbides seules, ou qui se montrent soit constamment, soit très-souvent. A l’égard de certaines affections, aucune des autres indications ne s’offrait à moi ; dans ce cas, il ne me restait qu’une voie pour découvrir les parties affectées, c’était de considérer la fonction lésée.


Chapitre v. — De la recherche du lieu affecté et du traitement convenable dans la perte de la mémoire. — Discussion contre Archigène qui, tout en admettant que le siége des facultés intellectuelles est dans le cœur, dirigeait du côté de la tête le traitement de la perte de la mémoire.


Je me trouvai une fois dans la nécessité de rendre la mémoire à un individu qui l’avait perdue. Jeune encore, n’ayant vu aucun maître soigner cette affection, n’ayant lu le traitement dans aucun des anciens, je tâchai de découvrir d’abord quel était le lieu affecté sur lequel je devais appliquer les remèdes dits topiques, après les soins donnés à tout le corps, car c’est un point commun à toutes les affections, ensuite je cherchai par quel moyen je pouvais trouver chacun des remèdes. Je pensai que le lieu affecté était le même que celui qui renferme en lui ce qu’on appelle l’âme dirigeante, et que les médicaments devaient être opposés à la diathèse qui s’y trouvait. Je prie tous ceux qui lisent ce livre d’abjurer tout sentiment de jalousie, d’acharnement ou de fureur qu’ils portent à l’égard des sectes, et de considérer en hommes réfléchis la suite de mon discours. Comme j’examinais le sujet en question, j’appris qu’Archigène avait écrit un livre où il donne le moyen de guérir les lésions de la mémoire, et je courus immédiatement dans toutes les bibliothèques, chez tous les libraires, et chez tous les médecins de ma connaissance, partisans des écrits de cet homme, dans l’intention de me procurer ce livre, afin de m’en servir pour trouver, non pas le lieu affecté, mais les médicaments convenables ; car je croyais tout simplement que ce lieu indiqué par lui n’était pas autre que le cœur, l’opinion de son école étant que l’âme dirigeante y est renfermée. Je voulais apprendre à quelle dyscrasie du cœur il attribuait cette affection, ne doutant pas non plus, par l’étude que j’avais faite de ses dogmes, qu’il n’admît quelque dyscrasie. Mais sachant qu’il existe huit dyscrasies dans chaque partie, quatre simples et quatre composées, je désirais connaître laquelle de celles-ci Archigène déclarait être la cause de la lésion de la fonction : s’il pensait que le froid ou l’humide du pneuma du cœur, ou la combinaison du froid et de l’humide, ou celle du sec et du froid pût produire cette affection : car il était évident pour moi qu’il ne l’attribuerait pas à la chaleur. Je vais dire ce qu’il m’advint, pour ceux qui ont abjuré, comme je l’ai dit, la partialité de secte, je vais le dire après avoir transcrit les premières phrases du livre dans lequel Archigène a décrit l’absence de mémoire (ἐπιλησμοσύνη), ou l’oubli (λήθη), ou la perte, ou la lésion de la mémoire, ou comme on voudra appeler l’affection, ou sinon l’affection, du moins la maladie, ou le symptôme, ou l’infirmité dont il s’agit dans ce livre. Ces disputes de mots sont, en effet, le sujet des recherches des sophistes, lesquelles recherches ont peu ou point de rapport avec le traitement.

Pour éclaircir ce que j’ai à exposer, il est nécessaire de prévenir que, parmi les onze livres d’Archigène, écrits sous forme de lettres, il existe, dans le premier livre, une lettre adressée à Marsus, dans laquelle il lui donne des conseils sur les moyens de faire recouvrer la santé à son père. Au début de cette lettre, après le préambule, quand il commence à aborder le traitement, il écrit en propres termes : « J’ai la conviction qu’il est bon de saigner une fois modérément au début de l’affection, et même de répéter la saignée, à moins qu’un état de faiblesse ne s’y oppose. » Il ajoute ensuite : « Je crois qu’il est à propos d’employer les irrigations, les fomentations de tout le corps, de raser la tête, d’appliquer des ventouses. » Cette lecture me causa une espèce de vertige, car je dois dire la vérité sans détour ; et comment n’aurais-je pas été troublé, quand je voyais tomber l’espoir que j’avais mis dans un homme qui mille fois, dans ses nombreux ouvrages, avait proclamé nécessaire la science des lieux affectés et de leurs diathèses pour le traitement convenable des maladies ? Comment cette connaissance aurait-elle cette utilité, si l’on n’y trouvait une indication pour découvrir les médicaments ? Quel raisonnement plausible, ô Archigène, peut nous persuader de porter nos efforts vers la tête en négligeant le cœur, quand la mémoire est une de ses opérations innées, et la perte de la mémoire l’affection de la fonction elle-même ? En combattant cette diathèse, une application de ventouses à la tête rétablira-t-elle la mémoire ? En vertu de quel raisonnement as-tu conseillé ces remèdes ? Maintenant encore, en visitant des malades, je vois les médecins dans leurs consultations se demander par quel motif ils ont conseillé ce remède de préférence à tel autre, et ce sont des médecins qui ne négligent pas les plus petits moyens, à plus forte raison un moyen aussi important qu’est l’application d’une ventouse. Quant à moi, l’eût-il même appliquée sur le thorax, à l’endroit où est placé le cœur, je ne puis imaginer en quoi elle eût soulagé le père de Marsus ; sans compter que même l’eût-il appliquée sur la poitrine, la phrase citée tout à l’heure n’indique pas qu’il fallût scarifier ou non la peau en plaçant les ventouses. La diathèse, en effet, pouvant être froide et sèche, si le cas se présente ainsi, il est extrêmement dangereux de tirer du sang.

L’emploi de ventouses seules est utile pour réchauffer ; autrement il ne l’est en aucune façon ; car les ventouses attirent à elles l’humeur située très-profondément, et cela est très-contraire à une diathèse sèche. Comme nous ignorons encore quelle diathèse affecte les régions de l’encéphale et des méninges, il n’est pas prudent d’opérer une révulsion à l’extérieur à travers le crâne. Archigène aurait donc du commencer par dire d’une certaine façon : puisque l’affection de la tête est froide et humide, le point capital du traitement dans une semblable diathèse est de réchauffer et de sécher, et on doit employer les agents de la matière médicale propres à obtenir ce résultat.

Revenu à grand’peine de mon étourdissement, je continuai ma lecture, espérant trouver, sinon avec ordre, tout au moins sans ordre, quelque considération du genre de celle que je citais tout à l’heure comme exemple. Je trouvai la liste des médicaments très-échauffants et très-desséchants, au point qu’Archigène échauffait toute la tête à l’aide d’un remède appelé par lui sinapisme, sinapisme qui était excessivement violent (voy. Oribase, t. II, p. 885). Il prescrit, en effet, la moutarde enlevée, de répandre de la soude brute sur la tête, puis d’y faire une affusion d’eau chaude ; or, l’on ne saurait trouver dans la médecine de remède plus violent. En effet, cette médication cause une douleur semblable à celle du cautère, mais son action est plus prolongée. Archigène lui-même dit en continuant : « Ce remède occasionne une douleur presque intolérable, mais il n’est en rien inférieur aux plus puissants agents. » Il conseille des apophlegmatismes composés de moutarde, de cresson, des baies de Cnide, de staphysaigre (masticatoires. — Voy. Oribase[2]) ; il prescrit des sternutatoires et des vins aromatisés dans lesquels il fait entrer des médicaments très-échauffants et très-desséchants, montrant par là qu’il croit que l’humide et le froid constituent la diathèse, soit de l’encéphale, soit des méninges ; car une semblable diathèse dans le crâne ne pourrait faire perdre la mémoire.

Mais passons sur ces détails. En effet, il vient offrir des médicaments desséchants et échauffants, sans avoir démontré nulle part que la perte de la mémoire résulte du froid et de l’humide. Et qui ne s’irriterait en le voyant accabler la tête de tant de remèdes, quand [selon lui] c’est une autre partie (le cœur) qui est affectée ? Quant à l’application de ventouses à la tête, mentionnée au début du livre d’une manière générale, il la précise plus loin très-nettement en ces termes : « Comme excitants, la moutarde et des ventouses non scarifiées, le plus souvent légères, parfois très-énergiques ; mais les ventouses avec scarifications sont plus efficaces. » C’est sans aucune raison, illustre Archigène, que vous appliquez tous ces remèdes à la tête quand c’est le cœur qui est affecté. En effet, l’expérience, pour m’adresser aux empiriques, ne peut conduire à un pareil traitement. Dans un accès de fièvre ardente, un individu qui ne sait pas régler ses appétits éprouve du soulagement en buvant de l’eau froide, et l’imitation de cet exemple est pour les médecins en dehors de toute indication rationnelle, le point de départ d’un traitement semblable [dans le même cas]. Mais une circonstance fortuite n’a pu conduire à l’application de ventouses, elle résulte d’une indication rationnelle ; car jamais ventouse ne s’est produite spontanément, et jamais, admît-on ce fait, elle n’a pu être appliquée fortuitement à la tête, surtout dans une affection si rare. Je demandai aux médecins de mon temps, vieillis dans une longue pratique, s’ils avaient jamais guéri une semblable affection. Presque tous me répondirent qu’ils n’en avaient pas même fait l’épreuve ; un seul me dit avoir osé entreprendre le traitement, mais sans aucun succès. Comment donc l’expérience, prenant exemple d’événements produits par une circonstance fortuite, aurait-elle fait connaître ce remède, quand l’affection même est si rare et qu’une ventouse n’a jamais pu s’appliquer spontanément sur la tête par une circonstance fortuite ? En effet, pour la boisson ou tout autre remède de cette espèce, dont nous voyons chaque jour les effets sur maintes personnes, l’imitation peut les emprunter à l’expérience, mais l’application de la ventouse avec ou sans scarifications ne peut prendre son point de départ dans l’expérience.

II n’en est pas de la perte de la mémoire comme de beaucoup d’autres affections, dans lesquelles le lieu affecté apparaît aux sens, sinon très-nettement, du moins suffisamment pour aider à l’administration des remèdes. J’entends parler d’affections telles que pleurésie, péripneumonie, néphrite, diathèse du colon, du foie, de la rate, de l’intestin, de la vessie, de l’utérus ou de quelque autre partie analogue ; toutes affections où les douleurs et les matières expulsées par les orifices indiquent le lieu affecté, sinon de la manière la plus exacte, du moins avec une certaine précision. En effet, il est très-facile d’appliquer tout ce qu’on veut, sur toute l’étendue des côtes dans les pleurésies, sur l’abdomen dans les coliques, comme sur les hypochondres dans les inflammations du foie et de la rate, et semblablement pour les autres parties.

Mais, pour la perte de la mémoire, il n’existe aucun signe du lieu affecté, ni tumeur contre nature, ni excrétion, ni rien autre. Il en est de même de la mélancholie, de la phrénitis, de la manie, de l’épilepsie, du léthargus, de l’engourdissement et de ce qui a été appelé par les médecins modernes catoche et catalepsie. Dans les convulsions du corps entier non plus, dans les palpitations ou la paralysie d’une moitié du corps, ce qui est comme la racine du mal ne manifeste aucun signe, ni par une tumeur contre nature, ni par une douleur, ni par un changement dans la couleur primitive, ni par quelqu’une des excrétions. Ainsi, pour ces affections, la méthode de découverte des médicaments imaginée par Archigène ne peut servir, le cas fortuit des empiriques étant ridicule et le raisonnement d’Archigène nous ramenant au cœur.

Mais accordons que l’expérience ait trouvé les remèdes des susdites affections ; n’est-ce pas convaincre de vanterie mensongère les dogmatiques [dans le sens d’Archigène], et cela non pas d’une façon simple, mais de deux façons, toutes deux considérables ? Car, si l’expérience est tellement utile que, non-seulement elle trouve les remèdes sans le raisonnement, mais encore qu’elle convainc ce raisonnement d’être manifestement trompeur ; non-seulement le raisonnement est inutile, mais encore il semble qu’employé par les médecins dogmatiques, il soit dommageable. Il suffirait, dit-on, qu’il fût convaincu d’inutilité. Mais quand le raisonnement paraît encore nuisible, que pourrait-on dire de plus fort pour prouver qu’il est mauvais ? Ainsi ces nombreux raisonnements sur l’âme dirigeante, présentés sous forme de questions avec tout l’appareil de la dialectique ; ceux encore sur l’utilité des lieux affectés, deux espèces de raisonnements qui indiquent dans les affections psychiques d’adresser les remèdes au cœur, ont été dédaignés subitement par Archigène ; de sorte que cet homme si exercé aux traitements négligeant complétement les parties du thorax, s’en va appliquer des ventouses à la tête, l’inciser, la brûler quand elle n’a aucune affection !

Me suis-je donc trompé, par Jupiter ! quand je disais tout à l’heure que la méthode logique pour découvrir les médicaments est complétement trahie par ceux qui se décideraient à trahir leur patrie plutôt que leur doctrine. En effet, il leur semble qu’il y ait trahison à dire la vérité quand ils doivent être en désaccord avec les partisans de la même secte. Mais s’ils montrent évidemment dans ce cas un amour déplorable pour les discussions, ils donnent également une preuve de leur folie en s’imaginant que tous leurs dogmes sont bouleversés si un seul est réfuté. Car s’il en est qui s’enchaînent et d’autres qui se contredisent, il en est qui ne présentent ni une conséquence ni une contradiction forcée, comme le dogme même de l’âme dirigeante. En effet qu’on la place dans le cœur ou dans l’encéphale, on peut adopter sur les éléments naturels l’opinion qu’on voudra, sans que celle-ci contredise la première opinion ou en soit une conséquence. Il en est de même des questions sur la génération et la mort, sur la substance de l’âme, sur les Dieux, la Providence, sur le Destin ; comme aussi de ces problèmes : le monde est-il créé ou incréé, l’univers est-il infini ou borné, existe-t —il beaucoup de mondes, des mondes sans nombre ou ce monde seul que nous voyons ? Aucun des dogmes énoncés ne dérive du principe dirigeant de l’âme ni ne le contredit, soit qu’on le place dans le cœur ou dans l’encéphale. C’est donc trahir toute la secte dogmatique que d’indiquer de pareils traitements. Les démonstrations sur l’âme dirigeante, si claires que tous les hommes ont pleine foi dans la partie où elle réside, ne paraissent pas telles aux yeux seuls de ces médecins et de ces philosophes qui la placent dans le cœur. Pour les démonstrations, je les ai exposées dans les commentaires que j’ai écrits sur les dogmes d Hippocrate et de Platon. Quant à la croyance générale, que l’âme raisonnable réside dans l’encéphale, 1’âme virile et irascible dans le cœur, l’âme concupiscente dans le foie, c’est ce qu’on peut apprendre chaque jour, en entendant dire d’un fou qu’il est sans cervelle, d’un être pusillanime et lâche, qu’il est sans cœur. Le foie du géant Tityas rongé par un aigle n’est pas seulement décrit par les poëtes, mais encore représenté par les sculpteurs et par les peintres.


Chapitre vi. — Que les affections de l’âme dirigeante siégent dans le cerveau comme cette âme elle-même. — Division des dyscrasies qui donnent naissance à ces affections.


Il convient maintenant de revenir à notre sujet. Comme tous les médecins reconnaissent, par les médications mêmes qu’ils emploient dans les affections de l’âme raisonnable, qu’elle réside dans la tête, il était convenable d’examiner pour chaque affection quelle est sa diathèse. Soit, par exemple, la lésion de la mémoire, puisque c’est d’elle que je veux parler. Souvent, en effet, elle se produit conjointement avec une lésion de la raison de la même manière que la lésion de la raison est unie à celle de la mémoire, la diathèse étant la même dans les deux cas, mais plus intense lorsque la raison est perdue avec la mémoire, ce qui alors se nomme folie. Ces deux facultés se perdent dans le léthargus et dans toutes les affections comateuses ; la diathèse dans ces affections est nécessairement du même genre, d’abord dans la division la plus générale, parce qu’il y a dyscrasie (en effet, il a été démontré que la dyscrasie est une diathèse commune aux parties homoïomères qui ont une fonction primordiale) ; ensuite dans la division secondaire, parce que c’est dans tous les cas une dyscrasie froide ; c’est elle qu’on voit engourdir les fonctions psychiques, comme le montrent clairement les animaux contraints par le froid de rester tapis dans leur trou, tous les médicaments réfrigérants et les aliments froids, par exemple, la laitue qui, prise en grande quantité, jette dans un profond sommeil. En outre, les pesanteurs de tête qui surviennent sans douleur mordicante, provoquent toutes le sommeil et l’assoupissement, et paraissent grandement soulagées par des apophlegmatismes. Le même fait est encore démontré par l’échauffement et le refroidissement de la tête. Les échauffements portent à la veille, les refroidissements au sommeil. Les maladies bilieuses et chaudes paraissent causer les insomnies, les délires et la phrénitis. Au contraire, les maladies phlegmatiques et froides produisent la torpeur et l’assoupissement. La puissance la plus forte pour produire de telles maladies qui provoquent la veille et l’assoupissement, réside dans la dyscrasie tenant au chaud et au froid ; après celle-la, la dyscrasie de l’humide et du sec. En effet les bains, en humectant la tête, portent au sommeil ; il en est de même du vin pur et de tous les aliments humectants.

Parmi les âges, l’enfance est portée au sommeil, à cause de son humidité ; la vieillesse est portée à la veille, à cause de sa sécheresse. Toutes ces remarques doivent indiquer que l’humidité contre nature est au deuxième rang pour causer l’inertie de l’âme, et le froid au premier rang. C’est pourquoi une humidité excessive seule engendre de longs et profonds sommeils, comme aussi la sécheresse seule cause des insomnies, diathèses dont Hippocrate a dit (Aph. II, 3) : « Le sommeil et la veille, s’ils dépassent la juste mesure, sont tous deux une mauvaise chose. » Si le froid s’ajoute à une humidité considérable, il survient du cataphora et du coma. Si l’humidité ne s’y joint pas, ce sont les lésions de la mémoire et les folies qui se manifestent.

Comme il existe une grande différence dans le plus et le moins, non-seulement de l’humide et du froid, mais encore du sec et du chaud, il en résulte une variété considérable dans les causes des lésions des fonctions psychiques. Pour éclaircir l’explication, nommons dirigeantes les fonctions de l’âme raisonnable, et morales celles des âmes sans raison, âmes dont nous n’avons pas l’intention de parler, non plus que des affections du foie ou du cœur. De même donc que le sommeil et l’insomnie dépassent la juste mesure, l’un par l’humidité et l’autre par la sécheresse du tempérament, de même le plus et le moins dans l’insomnie et le sommeil suit le plus et le moins dans l’humidité et la sécheresse. Les dyscrasies de cette espèce se produisant de deux façons, comme il a été démontré, le mode de chaque diathèse sera double, l’un pour les humeurs humides et sèches, l’autre pour les corps mêmes, lorsque les solides sont frappés des mêmes dyscrasies que les liquides. Outre ces deux dyscrasies contraires, il en résulte une autre du mélange des deux, comme dans le coma vigil, où il y a excès des humeurs phlegmatique et bilieuse. Les mêmes modes des dyscrasies simples et de la dyscrasie double se rencontrent dans l’opposition du chaud et du froid. Ainsi la bile, j’entends évidemment la bile jaune, étant mêlée au phlegme, il résulte une diathèse par le mélange du chaud et du froid. Si, même dans les parties solides du corps, il est reconnu que la diathèse composée des diathèses contraires se produit, il en résulte trois dyscrasies pour chaque combinaison de qualités opposées. Toutes les affections de cette espèce naissent dans l’encéphale, et elles diffèrent les unes des autres, non-seulement par la variété des mélanges, et aussi par le plus et le moins qui se rencontre dans les diathèses simples et composées, mais encore parce que les dyscrasies surviennent tantôt dans les ventricules, tantôt dans les vaisseaux de l’encéphale tout entier, tantôt dans l’humeur disséminée à travers la substance du cerveau, et, en outre, en quatrième lieu, quand le corps même du cerveau devient intempéré.


Chapitre vii. — Comment il faut rechercher la nature des dyscrasies qui causent les affections psychiques. — Division de ces affections en primitives ou sympathiques.


Il faut donc observer le sommeil de ceux qui ont perdu la mémoire ou l’intelligence ; car la folie résulte de la perte de l’intelligence. Il faut remarquer si les malades sont très-portés ou modérément portés au sommeil, ou si, dès le principe, ils n’y sont pas enclins, mais sont, sous ce rapport-là, dans leur état normal. De cette façon, vous trouverez quelle est la dyscrasie dominante. Il faut observer encore s’il est rendu par le nez et la bouche des matières descendues de la tête, ou si ces parties paraissent sèches. Vous pourrez par là conjecturer la diathèse comme pour le catarrhe et le coryza. En effet, pour ces affections, la qualité et la quantité des matières excrétées, avec l’observation des causes précédentes, indiquent la diathèse de la tête, soit chaude comme dans l’échauffement, soit froide comme dans la réfrigération. Si l’on ne distingue tous ces points, il est impossible de trouver le traitement qui convient à chaque diathèse. Ainsi, dans les cas de perte ou de lésion grave de la mémoire, la dyscrasie est toujours froide, et il convient de réchauffer, mais non pas nécessairement de dessécher, non plus que d’humecter. Si l’humidité s’y joint, il faut dessécher ; si c’est la sécheresse, il faut humecter. Si la dyscrasie se trouve dans un état mixte, il faut la maintenir dans cette situation. J’ai connu un individu qui avait perdu, ou peu s’en faut, la mémoire, et dont le raisonnement était lésé par suite de son application à l’étude qui lui faisait négliger le sommeil. J’ai connu aussi un vigneron qui, par excès de travail dans ses vignes, et par un régime peu nourrissant, éprouva les mêmes affections. L’un et l’autre avaient évidemment éprouvé du dommage sous l’influence exclusive des desséchants et des échauffants, et ils furent soulagés par les humectants unis aux échauffants.

Des lésions des fonctions dirigeantes se manifestent encore avec la fièvre, comme dans la phrénitis et le léthargus. Il s’en manifeste aussi sans fièvre, comme dans la manie et la mélancholie ; elles peuvent tenir également à des affections soit sympathiques, soit primitives de l’encéphale. Les affections primitives se distinguent par la complète évolution des symptômes propres à l’encéphale ; elles sont persistantes et naissent primitivement, sans être précédées d’autres affections. Dans les autres, les symptômes propres à l’encéphale n’arrivent pas à leur entier développement ; elles n’ont pas le même degré de persistance, et surviennent à la suite d’autres affections. Il faut se rappeler que, parmi les affections sympathiques, il y en a qui n’existent réellement que pendant le temps où elles sont en voie de formation (c’est-à-dire, aussi longtemps que dure la cause qui y a donné naissance) ; elles disparaissent avec les causes qui les ont produites, tandis que celles qui ont déjà donné lieu à une diathèse permanente des parties sympathiquement affectées persistent, quand bien même ces causes viennent à cesser.

Les affections des fonctions dirigeantes naissent toutes dans l’encéphale ; c’est un point sur lequel sont d’accord tous les médecins, à l’exception de ceux qui, par rivalité de secte, parlent autrement qu’ils ne pensent au fond de l’âme. Il s’agit, et ce n’est pas une petite affaire, de trouver quelle est la dyscrasie. Il faut pour cela un médecin studieux, observateur, et non pas occupé à rechercher comment il contredira les beaux développements des anciens sur l’âme dirigeante, chose si claire que la foule même est convaincue qu’elle réside dans l’encéphale. On pardonnerait peut-être à des philosophes retirés dans leur coin de se tromper à cet égard ; mais chez des médecins vieillis dans la pratique, une pareille opiniâtreté ou impudence, pour parler plus franchement, est impardonnable. Ne les voit-on pas, en effet, faire des affusions d’eau sur la tête de tous les malades privés de sommeil, atteints de délire, de phrénitis et de léthargus ? C’est encore à la tête que, dans les lésions de la mémoire, Archigène applique ses remèdes ; et s’il essaye la guérison d’un fou, c’est sur la tête qu’il concentre ses efforts. Quel médecin exercé soigne autrement l’apoplexie, l’épilepsie, l’opisthotonos, l’emprosthotonos ou le tétanos ? Qui soigne autrement l’hémiplégie ? Est-ce que dans les affections convulsives, tous les médecins, instruits par l’expérience même, ne dirigent pas sur les premières vertèbres la partie essentielle du traitement ? de même que dans la paralysie de la moitié du corps, ils réchauffent l’encéphale. C’est ainsi encore qu’ils soignent l’apoplexie comme l’épilepsie. Quand cette dernière affection est produite par quelque désordre du côté de l’orifice de l’estomac ou de quelque autre partie, c’est celle-ci qu’ils soignent essentiellement et avant tout ; mais ils prédisposent encore l’encéphale à résister à toute affection. Voilà ce que vous devez examiner de préférence. N’allez pas consulter les Dieux pour découvrir par la divination l’âme dirigeante qui apparaît si nettement à toutes les intelligences non perverties, non plus que le principe des nerfs ; mais instruisez-vous sur ces sujets auprès de quelque anatomiste.


Chapitre viii. — Que les convulsions ont leur origine dans le cerveau ou la moelle et non dans le cœur. — Qu’elles sont engendrées par la réplétion ou la vacuité.


Il est des gens qui sont persuadés que le cœur est le principe des nerfs, faute de savoir distinguer un ligament d’un nerf, l’homonymie contribuant encore à cette erreur ; car beaucoup de médecins nomment aussi les ligaments nerfs d’attache. Personne ne leur reproche cette dénomination, s’ils se souviennent des nerfs volontaires, comme ils les appellent, et dont nous disons que le principe est l’encéphale, tandis qu’il ne l’est pas des ligaments. Ils ne prétendent pas non plus eux-mêmes que la convulsion ou la paralysie soit une affection des nerfs d’attache, mais des nerfs volontaires. Quand donc le corps tout entier paraît ébranlé par des convulsions, à l’instant on répute affectée toute la partie qui est dans le corps ce qu’est dans un arbre la souche pour les rameaux, c’est-à-dire le tronc commun de tous les nerfs, et non pas ce qu’est une branche donnant naissance à quelques nerfs dans une partie, comme il arrive lorsque c’est une jambe ou un bras qui est le siége de la convulsion. En effet, la convulsion d’un membre entier indique que le principe des nerfs qui s’y rendent est affecté, comme il arrive d’une branche dans un arbre. Mais, quand le corps tout entier est atteint par l’affection, il faut croire que le principe commun de tous les nerfs inférieurs à la face est affecté, principe qui correspond à la souche dans l’arbre, et qui est constitué par les premières parties de la moelle dorsale. Aussi est-ce sur lui que tous les médecins exercés appliquent leurs remèdes, sans faire, même dès le début, la moindre mention du cœur dans une semblable affection. Si les parties de la face paraissent affectées de convulsions avec tout le corps, dès lors nous traitons l’encéphale même, et non pas seulement l’origine de la moelle. En effet, souvent nous voyons agités de convulsions les lèvres, les yeux, la peau du front et les mâchoires tout entières, comme aussi la langue à sa racine. Mais comme la dissection nous a enseigné que toutes ces parties sont mues par des muscles qui tirent leurs nerfs de l’encéphale, nous sommes persuadés que, dans ces cas, c’est l’encéphale qui est affecté. De même lorsque nous voyons toutes ces parties exemptes d’affection, mais toutes les autres parties agitées de convulsions, nous sommes convaincus que c’est le principe de la moelle qui est affecté.

Après avoir étudié soigneusement tous ces faits, comme je le disais, nous devons en observer les diathèses. Toutefois certains médecins ne tentent pas d’examiner les diathèses, ils discutent des faits évidents, en nous faisant perdre notre temps que nous devons employer non pas à répondre à ceux qui renversent les beaux écrits laissés par les anciens, mais à découvrir les faits par eux négligés, soit qu’ils n’aient aucunement traité certains sujets, soit qu’ils n’en aient pas donné des démonstrations, des définitions, ou des développements suffisants, comme Hippocrate quand il dit (Aph. VI, 39) « que la convulsion résulte de la réplétion ou de la vacuité. » L’assertion est vraie, mais par quelles raisons a-t-il été conduit à l’énoncer en ces termes ? Cela est clair seulement pour les hommes intelligents et régulièrement instruits des principes de la médecine, et non pas pour le premier venu. Ayant préalablement appris ces principes, je compris que la convulsion résulte des causes qu’Hippocrate a énoncées. En effet, si tout mouvement volontaire a lieu évidemment quand les muscles attirent les parties sur lesquelles ils s’insèrent, et si la traction n’est pas possible sans que le muscle soit tiré vers son principe propre, la convulsion dans les parties qui en sont agitées ne diffère du mouvement naturel que parce qu’elle a lieu sans notre volonté. De même donc que, dans le mouvement naturel, la volonté qui réside dans l’encéphale vers le principe des nerfs donne aux nerfs d’abord l’initiative du mouvement, et par eux aux muscles, de même, quand nous découvrons que sans l’intervention de ce principe les nerfs peuvent être tiraillés par une cause quelconque, nous connaissons la cause de la génération des convulsions. Pour un homme qui a vu des corps nerveux, comme sont les cordes de la lyre, parfois si fortement tendus par l’intempérie excessive de l’air ambiant qu’ils se rompent, il n’est pas difficile d’imaginer que la même diathèse se produit dans les nerfs des animaux. Dans quelle condition de l’air voit-on donc les cordes se tendre et se rompre ? Quand il est très-sec ou très-humide. Ainsi l’humidité en les pénétrant les fait enfler considérablement et par suite se tendre. La sécheresse agissant comme le soleil qui contracte le cuir en le desséchant, tire les cordes et les tend. Les courroies aussi desséchées par le feu paraissent se retirer et se resserrer. Ces faits préalablement connus, il n’est pas difficile de découvrir chez les gens atteints de convulsions, si leur affection résulte de la sécheresse, ce qui est un manque et une vacuité de la substance humide, ou si elle résulte de l’abondance d’humidité, ce qui est une affection contraire au manque et qui est nommée par Hippocrate réplétion. Les fatigues, les insomnies, les privations, les inquiétudes, la fièvre sèche et brûlante qu’on voit chez les phrénétiques, quand ils sont pris de convulsions, font nécessairement supposer comme causes la sécheresse et la vacuité. Pour l’homme ivre ou toujours repu et vivant dans l’oisiveté, on conçoit que la diathèse contraire produise la convulsion. Or la réplétion est l’opposé de la vacuité.


Chapitre ix. — De l’épilepsie, et à ce propos des diverses espèces de délire et des humeurs qui les engendrent.


L’épilepsie est aussi une convulsion de toutes les parties du corps, non pas continue comme l’emprosthotonos, l’opisthotonos et le tétanos, mais se produisant par accès. Ce n’est pas seulement en ce point qu’elle diffère des convulsions dont nous avons parlé, mais encore par la lésion de l’intelligence et des sens, ce qui prouve clairement que cette affection est engendrée en une région supérieure, dans l’encéphale même. Mais comme ses accès cessent promptement, il est plus probable qu’une humeur épaisse produit l’affection en obstruant les canaux du pneuma et que le principe des nerfs s’agite lui-même pour écarter les matières incommodes. Peut-être aussi, l’origine de chaque nerf étant humectée, les convulsions des épileptiques se produisent de la même façon que celles qui proviennent de la moelle. L’invasion de l’épilepsie, aussi brusque que sa disparition, indique que l’affection ne résulte jamais de la sécheresse et de la vacuité, mais toujours de la consistance de l’humeur. En effet, l’obstruction subite des conduits peut être produite par une humeur épaisse ou visqueuse si l’encéphale ou la membrane mince qui s’y trouve arrive à un tel degré de sécheresse que ces parties soient presque semblables à du cuir ; un tel état ne saurait arriver qu’à la longue. Ajoutez à cela que le malade ne peut ni voir, ni entendre, ni exercer absolument aucun sens, ni même comprendre ce qui se passe, et que de plus sa raison est lésée avec la faculté de la mémoire. Tous ces faits prouvent que l’affection est engendrée dans l’encéphale, l’humeur obstruant les conduits du pneuma psychique qui se trouve dans ses ventricules.

Pourquoi le pneuma est-il nommé psychique et quelle est sa faculté, c’est ce qui a été expliqué dans les commentaires Sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon. Pour nous, raisonnant d’après les faits évidents que révèle la dissection, il paraissait naturel que l’âme même résidât dans le corps de l’encéphale par qui se produit le raisonnement et se conserve le souvenir des images sensibles. Le premier organe de l’âme pour toutes les fonctions sensitives et volontaires était le pneuma des ventricules de l’encéphale et surtout du ventricule postérieur. Il ne convient cependant pas de négliger le ventricule moyen comme peu essentiel. Beaucoup de bonnes raisons nous conduisent à prendre ce ventricule en considération comme très-important, de même qu’elles nous éloignent des deux ventricules antérieurs. Une connaissance exacte de ces ventricules ne nous est d’aucune utilité pour la découverte du traitement ; car il suffit, pour appliquer un traitement convenable, de savoir que le lieu affecté est l’encéphale et qu’une humeur visqueuse ou épaisse est accumulée dans ses cavités.

Si ces notions sont utiles pour les traitements en vue desquels nous cherchons aussi les lieux affectés et les diathèses qu’ils présentent, il en est de même des différences entre les humeurs épaisses, soit phlegmatiques, soit atrabilaires. Rappelons-nous à ce propos que si nous employons simplement le mot phlegme, nous désignons par ce mot toutes les humeurs dans le tempérament desquelles dominent l’humide et le froid, et que nous appelons atrabilaires celles où dominent le sec et le froid, bien qu’il existe, eu égard à la division des humeurs phlegmatiques et atrabilaires, de grandes différences spéciales pour chacune de ces deux classes. Le phlegme que beaucoup de gens excrètent journellement en crachant, en vomissant et en se mouchant, est plein d’un pneuma vaporeux, en sorte que, même pour les sens, il n’est pas homoïomère. Un autre phlegme paraît homoïomère, peut-être ne l’est-il pas ; de cette espèce est l’humeur crue de l’urine qui se précipite et celle qui est appelée par Praxagore humeur vitreuse. De cette espèce encore est la salive qui n’est pas trop humide ni trop aqueuse. Mais la salive même, et peut-être aussi toute espèce de phlegme, paraît au goût avoir plusieurs qualités. En effet, souvent nous sentons nettement dans la bouche une salive âcre, acide et salée, de même qu’elle est sans qualité et comme aqueuse au goût lorsque notre santé est irréprochable. De même encore l’humeur atrabilaire présente des différences nettes dans sa manière d’être, l’une, comme si elle était la lie du sang, paraît évidemment très-épaisse, ainsi qu’est la lie du vin, l’autre beaucoup plus ténue, paraît acide à ceux qui la vomissent et la sentent. Celle-ci encore mordille la terre, se gonfle, fermente, fait naître des bulles semblables à celles qui s’élèvent sur les potages en ébullition. Celle qui, ai-je dit, ressemble à une lie épaisse ne produit pas de bouillonnement, quand on la verse à terre, à moins qu’elle n’ait été excessivement cuite pendant une fièvre brûlante, et elle ne tient en rien de la qualité acide ; aussi je l’appelle habituellement humeur ou sang atrabilaire, car je ne puis encore appeler bile noire une semblable humeur. Cette humeur naît abondamment chez certaines personnes, soit par l’effet d’un tempérament naturel, soit par l’habitude d’aliments qui, par la coction dans les veines, se transforment en une semblable humeur. Comme l’humeur épaisse du phlegme, cette humeur épaisse atrabilaire produit parfois des épilepsies quand elle est retenue dans les canaux de sortie des ventricules de l’encéphale, le moyen ou le postérieur. Quand elle est en excès dans le corps même de l’encéphale, elle engendre la mélancholie, de même que l’autre humeur de la bile noire produite par la combustion de la bile jaune provoque les délires farouches sans fièvre ou avec fièvre, par son abondance dans le corps de l’encéphale. C’est pourquoi la phrénitis engendrée par la bile pâle est plus douce ; elle est plus forte quand elle dérive de la bile jaune. Il existe un autre délire farouche et mélancholique provenant de la bile jaune brûlée. Les délires qui naissent dans le paroxysme des fièvres ont pour principe une affection sympathique, et non pas idiopathique, de l’encéphale. Aussi est-il dit des malades qu’ils extravaguent, qu’ils délirent, qu’ils sont fous, non-seulement par les médecins, mais encore par les particuliers ; on ne les désigne pas comme phrénétiques, car les délires phrénétiques ne s’apaisent pas en même temps que le paroxysme de la fièvre. Ainsi, de même que la fièvre est dans les phrénitis un des symptômes de la diathèse de l’encéphale, de même le délire est un symptôme dans les fièvres brûlantes, beaucoup de vapeurs chaudes montant à l’encéphale. Les symptômes semblables à ceux des suffusions (cataractes) résultant des diathèses de l’estomac, se produisent d’une manière analogue (voy. I, 1, fine). En effet l’estomac transmet ses affections à la tête et celle-ci transmet les siennes à l’estomac, à cause de la grandeur des nerfs qui de l’encéphale aboutissent à l’orifice de l’estomac et qui donnent à cette partie une sensibilité supérieure à celle de toutes les autres parties du corps ; d’où il résulte que toutes les fractures de la tête qui pénètrent jusqu’aux méninges sont accompagnées de vomissements bilieux, et que les douleurs de la tête, de quelque façon qu’elles surviennent, causent un trouble et parfois une mordication dans l’orifice de l’estomac. Les affections dites hypochondriaques et flatulentes se distinguent par des abattements mélancholiques. En effet, c’est pour elles un signe semblable à ce qu’est le délire survenant dans les fièvres aiguës, et le délire qui accompagne les symptômes semblables à ceux des suffusions dans certaines diathèses de l’orifice de l’estomac. Ainsi encore le délire survient plus vite dans l’inflammation des parties nerveuses que dans celles d’autres parties ; tantôt la chaleur monte seule à la tête par suite de la contiguïté des parties, tantôt c’est un pneuma vaporeux, fumeux et fuligineux.


Chapitre x. — Substitution des affections épileptiques et mélancholiques. — Causes et symptômes de la mélancholie. — Généralités sur le traitement de cette maladie. — Variétés de la mélancholie. — Passages d’un ouvrage de Dioclès à ce sujet. — Observations particulières à Galien.


Il existe une différence non médiocre dans les affections primaires de la tête comme dans les affections sympathiques. Ainsi, les humeurs épaisses amassées dans la substance même de l’encéphale le lèsent, tantôt comme partie organique, tantôt comme partie homoïomère : comme partie organique, quand elles obstruent les conduits, comme partie homoïomère, quand elles en altèrent le tempérament. C’est pourquoi on trouve cette observation à la fin du sixième livre Sur les épidémies (sect. VII, § 31) : « Les mélancholiques deviennent d’ordinaire épileptiques, et les épileptiques deviennent d’ordinaire mélancholiques. L’une ou l’autre de ces affections se produit de préférence selon que le mal prend l’une ou l’autre direction. Si elle se dirige vers le corps, on devient épileptique, et mélancholique si c’est vers l’intelligence. » Ce passage indique d’abord que ce n’est pas toujours, mais fréquemment qu’a lieu la transformation de l’une de ces affections en l’autre. En effet, l’épilepsie étant produite non-seulement par l’humeur atrabilaire, mais encore par l’humeur phlegmatique, celle qui est engendrée par l’humeur atrabilaire se transforme parfois en mélancholie, et celle qui est engendrée par l’humeur phlegmatique se change en une autre affection dont je parlerai un peu plus loin, mais elle ne produit pas une mélancholie. Une seconde observation, non sans importance, est renfermée dans cette phrase d’Hippocrate. En effet, puisque l’âme est un mélange des qualités actives, ou qu’elle est altérée par le mélange de ces qualités, il dit que la bile qui tourmente l’encéphale comme partie organique se tourne vers le corps, et cela se fait par obstruction, tandis que celle qui le lèse comme partie homoïomère se tourne vers l’intelligence, attendu qu’elle pervertit le tempérament du cerveau.

Mais il me semble nécessaire, avant tout, de définir un point omis par les médecins. En effet, de même qu’un tempérament (mélange) identique apparaît parfois dans toutes les parties visibles du corps, comme dans l’ictère, dans l’affection nommée éléphantiasis, dans les hydropisies et aussi dans les cachexies, et encore dans les décolorations hépatiques et spléniques, tandis que parfois une seule partie ayant reçu une humeur bilieuse ou phlegmatique, ou atrabilaire, change seule de crase ; de même il arrive parfois que l’encéphale, tout le sang des veines étant devenu atrabilaire, est lésé lui-même en conséquence de l’affection commune. Parfois, tandis que le sang demeure exempt d’affection dans tout le corps de l’homme, le sang de l’encéphale seul est altéré, et cela arrive de deux façons, soit que l’humeur mélancholique s’y jette en venant d’un autre lieu, soit qu’elle ait été engendrée sur place. Or, elle est engendrée par la chaleur considérable du lieu, laquelle brûle la bile jaune ou la partie la plus épaisse et la plus noire du sang.

Voici une distinction qui n’est pas d’une médiocre importance pour le traitement : lorsque le corps tout entier a un sang atrabilaire, il convient de commencer le traitement par une saignée. Quand le sang de l’encéphale seul est dans ce cas, le patient n’a pas besoin d’être saigné, eu égard à cette diathèse ; car, sous un autre rapport, il peut en avoir besoin. Comme diagnostic, examinez donc si le corps tout entier a une humeur atrabilaire, ou si une telle humeur est amassée dans l’encéphale seulement. Je vous engage à considérer d’abord quelle est la complexion du corps, en vous rappelant que les individus mous, blancs et gras, ont très-peu d’humeur atrabilaire ; que les individus maigres, bruns, velus et ayant de larges veines sont très-propres à engendrer une semblable humeur. Parfois même, les individus au teint très-coloré tombent subitement dans le tempérament atrabilaire. Après eux viennent les blonds, surtout lorsqu’ils sont exposés à des insomnies, à des fatigues nombreuses, à des inquiétudes et soumis à un régime peu fortifiant. Il existe d’autres indications de la même espèce que celle-ci : une suppression d’hémorrhoïdes ou de quelque autre évacuation habituelle de sang, ou du flux menstruel chez les femmes. Après celles-ci viennent les indications fournies par les aliments employés : ceux qui engendrent un sang atrabilaire ou les aliments contraires. Le sang atrabilaire est engendré par la chair des chèvres et des bœufs, plus encore par celle des boucs et des taureaux, plus encore par celle des ânes et des chameaux dont quelques personnes font usage, comme aussi par celle des renards et des chiens. La chair des lièvres n’engendre pas à un moindre degré un pareil sang, et celle des sangliers en engendre beaucoup plus. Les escargots aussi engendrent un sang atrabilaire, si l’on en fait un usage fréquent, aussi bien que les chairs salées de tous les animaux terrestres. J’en dirai autant de celle des animaux aquatiques suivants : thon, baleine, phoque, dauphin, chien de mer et tous les cétacés. — Parmi les légumes, le chou est presque seul capable d’engendrer un pareil sang, tandis que les pousses d’arbres confites dans la saumure seule ou dans la saumure et le vinaigre, je veux dire les pousses du lentisque, du térébinthe, de la ronce et de l’églantier le produisent. Parmi les mets farineux, la lentille est l’aliment qui engendre le plus le sang atrabilaire, puis les pains dits pains de son, et ceux composés de petite épeautre et des mauvaises graines que certains peuples emploient au lieu de froment. Mais nous avons défini leurs propriétés dans le premier livre Sur les facultés des aliments. — Parmi les vins, les vins épais et noirs sont les plus propres à engendrer l’humeur atrabilaire, si après en avoir fait un usage copieux, on demeure par hasard dans un endroit très-chaud. Les vieux fromages aussi engendrent très-facilement une semblable humeur lorsqu’ils se trouvent échauffés outre mesure dans le corps. Si donc tel était le régime suivi par un individu avant sa maladie, on peut en tirer une indication nouvelle. Si sa nourriture est succulente, il faut s’enquérir des exercices auxquels il se livre, de son état de tristesse, d’insomnie, d’inquiétude. Il est des gens chez qui l’humeur atrabilaire s’est produite dans les maladies fiévreuses mêmes, comme il a été dit. Plusieurs circonstances ne contribuent pas peu à mieux fixer le diagnostic : c’est la saison de l’année, l’état passé et présent de l’atmosphère, et de plus le lieu du séjour et l’âge.

Après avoir examiné préalablement tous ces points, si vous supposez que le sang atrabilaire est contenu dans les veines du corps entier, obtenez le plus sûr diagnostic en saignant à la veine du coude. Il est préférable d’inciser la veine moyenne, parce qu’elle est commune aux deux veines, à celle qu’on nomme humérale et à celle qui à travers l’aisselle se porte au bras. Si le sang ne paraît pas être atrabilaire, arrêtez-en aussitôt l’écoulement. S’il paraît tel, tirez-en autant que vous jugerez suffisant d’après la complexion du malade. Il existe, pour la mélancholie comme pour l’épilepsie, une troisième variété qui tire son origine de l’estomac. Quelques médecins appellent la diathèse même, maladie hypochondriaque et flatulente. Il me suffira de transcrire les symptômes qui lui ont été assignés par Dioclès dans le livre intitulé : Affection, cause, traitement. Voici les termes mêmes employés par Dioclès : « Il existe une autre affection de l’estomac différente des précédentes : les uns l’appellent mélancholique, les autres flatulente. Elle est accompagnée, après les repas, quand surtout les aliments sont de digestion difficile et de nature à causer des ardeurs, de crachements humides abondants, d’éructations aigres, de vents, de chaleur dans les hypochondres, de fluctuation, non pas immédiatement, mais un peu après l’ingestion de ces aliments. Parfois aussi surviennent de violentes douleurs d’estomac qui se propagent jusqu’au dos. Elles s’apaisent quand les aliments sont cuits (digérés) ; puis les mêmes accidents reviennent après le repas ; parfois même ils se produisent à jeun ou après le souper. Les aliments vomis sont encore crus, et le phlegme un peu amer, est si chaud, si acide, qu’il cause de l’agacement aux dents. La plupart de ces accidents se montrent dès la jeunesse ; mais, de quelque façon qu’ils surviennent, ils persistent chez tous. » — À la suite de ce préambule, Dioclès donne immédiatement la cause en ces termes : « Il faut supposer que les individus dits flatulents ont plus que la chaleur convenable dans les veines qui reçoivent la nourriture de l’estomac et que leur sang est épaissi. Ce qui indique une obstruction dans ces veines, c’est d’abord que le corps ne reçoit pas la nourriture et qu’elle reste dans l’estomac sans être élaborée, tandis qu’auparavant ces canaux la recevaient et en rejetaient la plus grande partie dans le ventre inférieur, et ensuite que le lendemain on vomit, attendu que l’aliment n’a pas été distribué dans le corps. On comprend facilement, par les ardeurs qui surviennent chez eux et par ce qui se passe après l’ingestion des aliments, que la chaleur de ces malades excède la chaleur naturelle. En effet, ils paraissent soulagés par les aliments froids. Or, de pareils aliments refroidissent et éteignent le feu de l’estomac. » — À ces observations, Dioclès en ajoute d’autres, ainsi exprimées : « Quelques-uns disent que dans de pareilles affections l’orifice de l’estomac contigu à l’intestin est enflammé, et qu’à cause de l’inflammation il est obstrué et empêche les aliments de descendre dans l’intestin au temps voulu. Il résulte de là que, séjournant dans l’estomac plus que le temps convenable, ils engendrent les tumeurs, les ardeurs et les autres accidents déjà signalés. » — Tels sont les symptômes énumérés par Dioclès ; il a omis dans la liste les plus essentiels de toute la série qui caractérisent la mélancholie et l’affection flatulente et hypochondriaque. II les a omis, ce me semble, parce qu’ils étaient manifestement indiqués par la dénomination de la maladie, Hippocrate ('Aph. VI, 23) nous ayant enseigné que, si la crainte et l’abattement persistent longtemps, cela indique une affection mélancholique. Pourquoi, dans l’énoncé de la cause, Dioclès décrit-il les causes des autres symptômes et n’explique-t-il pas celle de la lésion même de l’intelligence ? C’est cependant une question qui mérite examen. En effet, qu’il y ait excès de chaleur des veines de l’estomac ou inflammation de la région du pylore, il omet d’expliquer pourquoi les symptômes mélancholiques suivent ces accidents. Que le ventre se remplisse de pneuma flatulent, qu’ensuite il en soit soulagé par des éructations et de plus par les vomissements indiqués par Dioclès, cela est bien évident, quoiqu’il n’en ait pas parlé. Mais il était difficile de rattacher les symptômes propres de la mélancholie à l’affection de l’estomac qu’il venait de décrire. Ajoutons donc cela, et expliquons clairement quelle est la diathèse de l’estomac dans de semblables affections.

Il semble qu’il y ait une inflammation dans l’estomac, et que le sang renfermé dans la partie enflammée soit épais et atrabilaire. De même donc que, si de l’estomac il remonte aux yeux quelque exhalaison fuligineuse ou fumeuse, ou, en général, certaines vapeurs très-épaisses, il se produit des symptômes semblables à ceux des suffusions (cataractes) ; de même dans le cas actuel, quand l’exhalaison atrabilaire, semblable à de la suie ou à de la fumée, remonte à l’encéphale, il se produira dans l’intelligence les symptômes mélancholiques. Il est certain que nous voyons très-souvent des douleurs de tête résulter de la bile jaune contenue dans l’estomac, de même que cette douleur disparaît immédiatement dès que la bile est vomie. Parmi ces douleurs, il en est de mordicantes et de rongeantes, comme on en voit d’autres accompagnées de pesanteur, ou de tension, ou d’assoupissement. Les meilleurs médecins s’accordent à dire que ce ne sont pas seulement ces affections, mais encore l’épilepsie, qui se jettent sur la tête en dérivant de l’estomac. Les mélancholiques sont toujours en proie à des craintes ; mais les images fantastiques ne se présentent pas toujours à eux sous la même forme. Ainsi, l’un s’imaginait être fait de coquilles, et en conséquence évitait tous les passants de peur d’être broyé. — Un autre, voyant chanter des coqs qui battaient des ailes avant de chanter, imitait la voix de ces animaux et se frappait les côtés avec ses bras. — Un autre redoutait qu’Atlas, fatigué du poids du monde qu’il supporte, ne vînt à secouer son fardeau, et de cette façon ne s’écrasât lui-même en même temps qu’il nous ferait tous périr. Mille idées semblables leur traversent l’esprit. — Il existe des différences entre les mélancholiques. Tous sont en proie à la crainte, à la tristesse, accusent la vie et haïssent les hommes, mais tous ne désirent pas mourir. Il en est, au contraire, chez qui l’essence même de la mélancolie est la crainte de la mort. D’autres vous paraîtront bizarres ; ils redoutent la mort et en même temps la désirent. Aussi Hippocrate paraît avec raison avoir ramené sous deux chefs tous les symptômes propres aux mélancholiques : la crainte et la tristesse. C’est par suite de cette tristesse que les mélancholiques haïssent tous ceux qu’ils voient, et paraissent continuellement chagrins et pleins d’effroi, comme des enfants et des hommes ignorants qui tremblent dans une profonde obscurité. De même, en effet, que les ténèbres extérieures inspirent la peur à presque tous les hommes, si ce n’est aux individus naturellement très-audacieux ou instruits ; de même la couleur de la bile noire, en obscurcissant, comme le font les ténèbres, le siége de l’intelligence, engendre la crainte. Que les humeurs, et généralement le tempérament du corps, altèrent les fonctions de l’âme, c’est un point sur lequel les médecins et les philosophes les plus illustres sont d’accord, et que j’ai démontré dans un livre où je prouvais que les facultés de l’âme suivent les tempéraments du corps (voy. le Ier vol., p. 47 et suiv.). Aussi ceux qui ignorent la faculté des humeurs, et de ce nombre est Érasistrate, n’ont rien osé écrire sur la mélancholie. À cet égard, l’on peut remarquer avec étonnement les notions connues du vulgaire, et certaines de ses opinions, au sujet desquelles beaucoup de philosophes et de médecins sont plongés dans une profonde ignorance. Ainsi, tout le monde appelle cette affection mélancholie, indiquant par le nom quelle humeur en est cause. Si donc les premiers symptômes se déclarent dans l’estomac, et que leur développement soit suivi d’affections mélancholiques, que le patient soit soulagé par les déjections et les vomissements, par les vents d’en bas et par les éructations, nous nommerons, dans ce cas, la maladie hypochondriaque et flatulente, et nous dirons que la tristesse et la peur en sont les symptômes. Mais quand apparaissent de graves symptômes propres à la mélancholie, qu’il ne s’en montre aucun ou seulement de peu d’importance dans l’estomac, alors il faut croire à une affection primaire de l’encéphale par une accumulation de bile noire. En conséquence, on doit distinguer, et c’est ce que nous avons dit un peu auparavant (p. 564-5), si une semblable humeur est contenue dans l’encéphale seul ou dans le corps tout entier. Je veux citer le fait suivant dont mes amis ont été témoins : j’ai guéri, à l’aide de bains nombreux et d’un régime succulent et humide, une semblable mélancholie, sans autre remède, lorsque l’humeur incommode, n’ayant pas séjourné longtemps, n’était pas difficile à évacuer. Si la maladie est déjà invétérée, elle réclame d’autres remèdes plus énergiques, outre ceux que nous avons signalés. Une semblable mélancholie naît à la suite de diathèses chaudes de la tête, soit échauffement, inflammation ou phrénitis. Elle survient encore à la suite d’inquiétudes et de chagrins avec insomnie. II suffit de ces détails sur la mélancholie.

Chapitre xi. — Des diverses espèces d’épilepsies : par affection primaire de l’encéphale, par influence sympathique de l’orifice de l’estomac sur les centres nerveux ; enfin par ascension d’un aura. — Explication de la production de cette dernière espèce par l’action des venins sur le corps. — Sentiment de Pélops, maître de Galien, sur l’epilepsie avec aura. — Moyen de reconnaître la gravité de l’apoplexie.


Il faut distinguer soigneusement les affections épileptiques, car celles-ci surviennent, tantôt par suite d’une affection primaire de la tête, et tantôt par sympathie. En effet, presque tous les médecins ont négligé de distinguer les épilepsies, lesquelles présentent trois variétés, comme ils ont négligé de distinguer les trois espèces de mélancholies, Les épilepsies ont toutes cela de commun, que l’encéphale est affecté, soit que l’affection y ait pris naissance, comme cela arrive chez la plupart des épileptiques, ou que de l’orifice de l’estomac appelé ordinairement στόμαχος par les médecins, elle soit remontée par sympathie à l’encéphale. C’est ainsi qu’à l’occasion d’une affection de l’orifice de l’estomac se produisent aux yeux des symptômes semblables à ceux qu’on voit dans les suffusions (cataractes). Il se présente, mais rarement, une autre forme ou espèce ou variété d’épilepsie, comme vous voudrez l’appeler, l’affection commençant par une partie quelconque, puis remontant vers la tête d’une manière sensible pour le patient même. Jeune encore, j’ai vu ce phénomène, pour la première fois, chez un garçon de treize ans ; je l’ai vu avec les médecins les plus distingués de mon pays, réunis pour se concerter sur le traitement. J’entendis l’enfant raconter que la diathèse avait commencé à la jambe, et que de là elle était remontée directement au cou par la cuisse, la région iliaque, les côtés et le cou jusqu’à la tête, et qu’aussitôt la tête atteinte, il n’avait plus eu conscience de lui-même. Interrogé par les médecins sur la nature de cette substance qui remontait à la tête, l’enfant ne put répondre.

Un autre jeune homme, qui était assez intelligent, capable de sentir ce qui se passait en lui, et plus apte à l’expliquer aux autres, répondit qu’une sorte de souffle froid montait en lui. Mon maître Pélops croyait de deux choses l’une, qu’il y avait ascension d’une certaine qualité, ascension produite par l’altération des parties contiguës, ou qu’il s’agissait d’une substance vaporeuse. Rien d’étonnant, disait-il, que l’humeur contre nature engendrée dans la partie affectée ait une faculté énergique analogue à celle des venins chez les animaux malfaisants. Qui croirait, en effet, si nous n’avions été souvent témoins du fait, qu’un aiguillon enfoncé par un scorpion ou la morsure des phalanges (espèce d’araignées), animaux si petits, causerait dans le corps entier une altération grave et extraordinaire, bien que l’animal n’ait introduit dans le corps qu’une substance si peu abondante ? Ainsi, à propos de la morsure d’une phalange, quoique l’animal soit petit, nous pouvons supposer que le venin sorti de sa bouche a pénétré dans le corps mordu. L’aiguillon de la pastenaque marine (espèce de raie), comme celui du scorpion de terre, se termine manifestement en une pointe très-aiguë, mais privée d’ouverture par laquelle elle lancerait le venin. Cependant nous devons supposer qu’il existe une substance soit vaporeuse, soit humide, qui, sous le plus petit volume, possède une faculté très-puissante. Dernièrement un individu, piqué par un scorpion, disait qu’il se sentait comme frappé par la grêle ; il était complètement glacé, couvert d’une sueur froide ; il fut traité et sauvé à grand’peine. Pélops disait donc qu’il n’est pas impossible qu’une semblable substance soit engendrée dans le corps sans cause extérieure, et que venant à se former dans une partie nerveuse, elle fasse remonter par continuité sa faculté jusqu’au principe des nerfs, soit qu’une altération se produise ainsi que je le disais, soit qu’une substance vaporeuse comme un souffle se porte dans une région supérieure. En effet, lorsque le scorpion enfonce son aiguillon dans un nerf, une artère ou une veine, les individus ainsi atteints, on le voit manifestement, sont souvent pris des symptômes les plus graves (voy. VI, v, med.).

Il est possible que l’aiguillon du scorpion, ayant traversé tout le derme, pénètre profondément dans le corps ; mais la morsure des petites phalanges entame seulement la surface du derme, ce qui démontre que par le derme seul parfois la puissance du venin se répand dans le corps entier. En effet, tout le derme est continu et nerveux. Il n’est donc aucunement impossible que la puissance du venin dardé se propage rapidement dans le derme tout entier, que du derme elle passe par contact dans chacune des parties sous-jacentes, puis de celles-ci dans d’autres parties contiguës, puis encore de ces dernières parties affectées dans d’autres, et qu’enfin, lorsqu’elle est arrivée dans quelqu’un des organes essentiels, l’individu soit en danger de périr. L’utilité manifeste des ligatures appliquées, dans ce cas, aux parties supérieures, m’a conduit à adopter cette manière de voir. J’en ai fait l’expérience dans des cas de morsures de vipères et de scorpions et même aussi d’aspics ; ce qu’on serait moins porté à croire si on considère qu’après cette morsure il y a danger imminent de mort. Toutefois, comme je me trouvais à Alexandrie, un paysan, voisin de la ville, ayant été mordu au doigt par un aspic, serra avec un lien très-fort la racine de ce doigt près du métacarpe, et, courant à la ville chez son médecin ordinaire, se fit couper tout le doigt, à partir de son articulation avec le métacarpe, dans l’espérance que cet accident n’aurait pas de résultat fâcheux. Cette espérance se réalisa en effet, car il fut sauvé sans aucun autre traitement. — Je vis un autre individu qui, mordu également par un aspic, fut guéri à l’aide d’une potion à la vipère, employée après l’amputation du doigt. — Je vis un autre paysan qui, mordu par une vipère dans toute la longueur du doigt, coupa avec la faucille qu’il tenait à la main, car il était vigneron, la partie mordue, à partir de la dernière articulation, et fut guéri sans prendre aucun médicament, le doigt ayant été cicatrisé par les moyens ordinaires.

Chez le garçon dont il a été parlé plus haut (p. 571), l’épilepsie partait des jambes. Les médecins réunis en consultation tentèrent de le guérir. Il s’avisèrent, après l’avoir purgé complétement, d’appliquer sur la partie un médicament composé de thapsie et de moutarde ; ils avaient lié d’abord le membre au-dessus du point primitivement affecté, et prévinrent ainsi le retour de l’accès qui avait lieu chaque jour. Ceci soit dit par digression, pour qu’on ne s’étonne pas comment une affection si grave prend naissance de quelque partie sans importance.

Il nous reste encore à rechercher la cause des convulsions épileptiques qui surviennent dans de semblables sympathies. En effet, Pélops n’a rien dit de bien vraisemblable à cet égard, non plus qu’aucun autre de ceux avec qui j’ai eu des rapports. — Ayant vu une fois un individu atteint d’une affection sympathique de cette nature tomber sans convulsions violentes, mais agité par intervalles de légers mouvements saccadés, il me parut probable qu’il existait quelque chose de semblable à ce qu’on voit très-fréquemment se produire dans l’orifice de l’estomac à propos des hoquets. Quant à moi, par exemple, s’il m’arrive d’avaler un peu trop de poivre, à l’instant je suis pris de hoquets ; et j’ai vu ce même fait se produire chez un assez grand nombre de personnes qui avaient l’orifice de l’estomac très-sensible. On a dit plus haut que cet orifice est ordinairement appelé στόμαχος, non-seulement par les médecins, mais encore par tout le monde. J’ai vu dans la chute d’épileptiques atteints d’une affection sympathique et non pas idiopathique de l’encéphale, se manifester, non une convulsion continuelle, mais une sorte d’agitation saccadée revenant par intervalles, de façon que je conjecturai qu’il se produisait dans l’encéphale un mouvement semblable à celui qui parfois secoue l’orifice de l’estomac incommodé par certaines substances. En effet, qu’il soit surchargé d’aliments ou mordillé par leur altération, il paraît tourmenté de hoquets. J’ai vu plus d’une fois, non pas seulement le hoquet, mais encore une convulsion de tout le corps, produite par une humeur acre. Cette convulsion cessait aussitôt après le vomissement de l’humeur mordicante. Il n’y a donc rien d’étonnant que le principe des nerfs soit agité d’un mouvement tel qu’il écarte avec empressement tout ce qui remonte à lui de la partie primitivement affectée. Il me semble encore que tous les autres symptômes qui agitent le système nerveux surviennent de cette façon, et que ceux qui amènent une chute avec perte du sentiment sans mouvement convulsif ou saccadé, résultent d’un refroidissement brusque. Tel est le cas aussi de la léthargie.

L’apoplexie, parce qu’elle se déclare subitement, indique qu’une humeur froide, ou épaisse, ou visqueuse, remplit instantanément les principales cavités de l’encéphale et qu’elle ne résulte pas d’une dyscrasie de toute sa substance, comme le léthargus, la phrénitis, les manies, les mélancholies, les folies, les pertes de mémoire, l’affaiblissement des sens et la paralysie des mouvements. Dans toutes les affections de cette nature, telles que l’apoplexie, mesurez la gravité du danger à la gravité de la lésion qu’a subie la respiration (voy. chap. XIV med.). De même, en effet, que chez les gens endormis la respiration s’exécute, bien qu’ils n’accomplissent aucune autre fonction volontaire, mais que, couchés sur le dos, ils soient étendus sans mouvement dans leur lit, de même aussi dans toutes les affections avec assoupissement, bien que le corps n’éprouve ni sensation ni mouvement, cependant la respiration seule, qui est l’œuvre des muscles moteurs du thorax, est conservée. Nous avons de ce fait une notion confirmée par la méthode démonstrative, comme aussi nous savons que le principe du mouvement résulte pour tous les muscles des nerfs qui s’y insèrent. Or l’anatomie nous a très-clairement enseigné que l’encéphale est le premier principe de tous les nerfs. Je n’ai pas dit simplement le principe, j’ai ajouté l’épithète premier, à cause de la moelle épinière. On voit en effet beaucoup de nerfs sortir de la moelle, mais c’est l’encéphale même qui transmet à la moelle les facultés dont elle jouit. Lors donc que vous voyez la respiration très-gênée et s’exécutant à peine, supposez pour toutes les maladies avec assoupissement qu’il existe, une diathèse morbide assez grave dans l’encéphale.


Chapitre xii. — Des phénomènes qui accompagnent le vertige et de ses causes. — Sentiment d’Archigène sur cette affection.


Toutes ces affections naissent donc manifestement dans la tête, et de plus l’affection appelée vertige, et dont le nom même (σκότωμα, obscurité) indique la nature. Les personnes qui y sont sujettes sont prises d’obscurcissement de la vue pour les moindres causes, au point même de tomber parfois, surtout lorsqu’elles tournent en rond. Ce qui arrive à d’autres après un grand nombre de tours, leur arrive à elles après un seul tour. Elles sont prises de vertige à la vue d’une autre personne qui tourne, d’une roue ou de quelque autre chose qui tournoie, et de ce qu’on appelle tourbillons dans les fleuves. Elles y sont encore plus sujettes lorsqu’elles sont exposées au soleil ou qu’elles ont la tête échauffée par quelque autre cause. Ainsi donc ce qui chez d’autres résulte de nombreux tours faits en rond se manifeste chez elles sans qu’elles tournent. Or chez les personnes qui tournent souvent en rond, on est d’accord qu’il se produit un mouvement inégal, tumultueux et désordonné des humeurs et du pneuma. Il est donc naturel que les personnes sujettes au vertige ressentent quelque chose de semblable. Il en est qui ont éprouvé du soulagement de la section des artères ; elles se font inciser profondément et de part en part les artères situées derrière les oreilles, en sorte qu’il existe une cicatrice complète entre les deux sections (cf. Paul d’Égine, VI, iv). Mais il est constant que toutes ne sont pas guéries par ce moyen ; car d’autres artères plus considérables que ces dernières remontent vers l’encéphale, à sa base, par le plexus dit rétiforme (voy. Util. des parties, IX, iv), lesquelles artères engendrent l’affection, cela est probable, un pneuma vaporeux et chaud s’élevant par ces artères et remplissant l’encéphale. Il est possible aussi que, dans l’encéphale même, il se produise quelque dyscrasie inégale qui peut engendrer un semblable pneuma. Mais que cette affection soit propre à la tête, cela est manifeste par le sentiment même des personnes sujettes au vertige ; elle dérive soit d’une affection primaire de la tête, soit d’une affection sympathique avec l’orifice de l’estomac.

Archigène reconnait ce fait dans le premier livre des Signes pathognomoniques des maladies chroniques, où il parle en ces termes de l’affection vertigineuse : «  Cette affection aussi a une double origine, la tête et les hypochondres. » Puis il cherche à distinguer les deux espèces, disant « que le vertige qui provient d’une affection primaire de la tête est précédé de tintements d’oreilles, de douleurs et de pesanteurs de tête, ou de la lésion de l’odorat, ou de quelque autre altération des parties qui viennent de là. » C’est lui-même qui a ajouté à sa phrase ces mots parties qui viennent de là (ἐντεῦθεν), voulant indiquer, selon moi, les sensations qui ont leur point de départ à la tête. Il dit que le vertige qui dérive de l’orifice de l’estomac est précédé de tiraillements et de nausées. Mais, comme je l’ai déjà remarqué précédemment plus d’une fois, quand même la tête éprouve une affection par sympathie avec une autre partie, c’est à elle qu’il faut attribuer les affections qui surviennent.


Chapitre xiii. — Sur le siége, la nature et les symptômes de la céphalée et de la migraine. — Des céphalalgies ordinaires comme point de comparaison. — Sensibilité de certaines personnes à l’égard des odeurs.


À l’égard de l’affection appelée céphalée par les médecins, personne non plus ne doutera que ce ne soit une maladie de la tête. En effet, pour la décrire brièvement, cette affection est une céphalalgie longue et difficile à dompter, présentant de grands accès à l’occasion de petites causes, en sorte qu’on ne peut supporter ni bruit, ni voix un peu forte, ni lumière éclatante, ni mouvement autour de soi, mais qu’on veut rester couché dans le calme et dans l’obscurité, à cause des graves souffrances qu’on ressent. Il semble aux uns qu’on les frappe comme à coups de marteau ; d’autres sentent dans la tête une sorte de compression ou d’écartement ; chez plusieurs la douleur pénètre jusqu’aux racines des yeux ; et cependant ces accès si violents laissent des répits, comme chez les épileptiques, et les intervalles s’écoulent exempts de toute douleur. Il est donc évident que cette maladie présente une sensibilité de la tête analogue à celle qu’elle offre dans les céphalalgies, mais les parties affectées dans la céphalée arrivent à un degré d’affaiblissement plus grand que dans les céphalalgies. Il existe une différence entre les individus sujets aux céphalalgies ; les uns ont une tête très-disposée à la plénitude et une complexion générale propre à la remplir ; d’autres ont les parties qui doivent être le siége de la céphalée très-disposées à en être affectées. De tels individus, si leur régime est mauvais, sont pris de céphalée. Il n’est donc pas invraisemblable que chez certains d’entre eux les méninges de l’encéphale et chez d’autres le péricrâne soient affectés de douleurs. La différence entre eux consiste en ce que les douleurs parviennent ou ne parviennent pas aux racines des yeux. Il est naturel, en effet, que chez ceux dont la diathèse est en dedans du crâne, la douleur parvienne à la racine des yeux, puisqu’il y arrive des prolongements de l’encéphale, des deux méninges, et aussi des vaisseaux qu’ils renferment.

Parmi ceux dont la douleur occupe une moitié de la tête, ce qu’on nomme ordinairement migraine (ἡμικρανία), il en est qui ressentent à la partie externe de la tête la douleur qui, chez d’autres, pénètre profondément dans le crâne. Ce qui distingue l’une et l’autre partie de la tête, la gauche et la droite, c’est la suture étendue dans sa longueur (suture sagittale), suivant laquelle s’étend à l’intérieur la ligne qui sépare l’encéphale par le milieu, ligne à laquelle remonte la cloison des deux ventricules antérieurs. Les corps de nature propre à remplir la tête sont ceux dans lesquels s’engendre un pneuma vaporeux, chaud, ou dans lequel des superfluités bilieuses s’amassent à l’orifice de l’estomac. Ces espèces de pneuma produisent des douleurs toniques, ainsi nommées parce qu’elles engendrent une sensation de tension. Les douleurs produites par les superfluités bilieuses sont mordicantes. Celles qui résultent de plénitude causent un sentiment de pesanteur. Si la plénitude provient d’humeurs chaudes, elle est accompagnée de rougeur et de chaleur ; si les humeurs ne sont pas chaudes, elle n’a pas ces caractères.

II est des gens qui éprouvent des douleurs continuelles de tête après avoir bu un peu trop de vin ou pour l’avoir bu trop pur, surtout si ce vin est naturellement chaud ; ou encore pour avoir respiré des odeurs chaudes, le styrax, le cuphi d’Égypte, et généralement les parfums chauds brûlés, certaines gens même ne peuvent supporter l’odeur de l’encens. Il est naturel qu’une sensibilité supérieure cause ces douleurs chez quelques-uns, comme il arrive chez beaucoup de personnes pour l’orifice de l’estomac. En effet, chez certains individus cet organe est tellement sensible, qu’il ne supporte ni vinaigre piquant, ni moutarde, ni autre substance semblable. Chez d’autres, il arrive presque à être insensible : aussi, tandis que leurs éructations, leurs vomissements ont des qualités tellement extraordinaires, et exhalent parfois des odeurs si infectes que personne ne les peut supporter, eux-mêmes éprouvent à peine une sensation de mordication. Il est donc possible qu’il existe de pareilles différences dans l’encéphale, en sorte que quelques individus supportent sans en être gênés, et comme s’ils en étaient bien éloignés, les mêmes odeurs qui incommodent d’autres personnes. On voit donc évidemment que de telles maladies ont toutes leur siége dans la tête.


Chapitre xiv. — Du siége de l’apoplexie, de la paralysie et des convulsions. — Des divers degrés de paralysie et d’apoplexie. — Observations tirées de la pratique de Galien. — Celle du sophiste Pausanias se trouve déjà dans le chapitre vi du livre I (voy. sur Pausanias, Philostrate, Vies des sophistes).


La paralysie et les convulsions du corps entier, et de ce genre est le tétanos, ne peuvent être reconnues par les sensations[3] comme les précédentes affections ; le raisonnement est nécessaire pour nous apprendre leur siége. Quand donc le corps tout entier éprouve une lésion dans les fonctions des nerfs, cela indique que leur principe est affecté ; la dissection suffit pour le faire connaître. Quand tous les nerfs ont perdu simultanément la sensation et le mouvement, l’affection s’appelle apoplexie. Si elle attaque une partie, soit la droite ou la gauche, on la nomme paralysie de cette partie où elle s’est fixée, soit la droite, soit la gauche (hémiplégie). De même si elle se produit dans un membre, c’est une paralysie de cette partie. En effet, la paralysie attaque parfois le bras tout entier, ou la jambe tout entière, et parfois dans la jambe le pied seul et les parties qui sui vent le genou ou les parties analogues dans l’ensemble du bras. La dissection nous a appris que dans toutes les parties de l’animal inférieures au cou qui sont mues volontairement, les nerfs moteurs tirent leur origine de la moelle dite dorsale. On vous a dit souvent que l’on désigne cette partie par la dénomination de moelle épinière (νωτιαῖος μυελός), en ajoutant le mot moelle, parfois simplement par celle de dorsale (νωτιαῖος), sans autre addition ; vous avez vu aussi que les nerfs qui meuvent le thorax ont leur origine à la moelle épinière du cou, et de plus on vous a appris que les incisions transversales qui coupent entièrement la moelle privent de sensibilité et de mouvement toutes les parties du corps situées au-dessous, attendu que la moelle tire de l’encéphale la faculté de la sensation et celle du mouvement volontaire. Vous avez vu encore dans les dissections que les incisions transversales [de droite à gauche ou de gauche à droite] de la moelle qui s’arrêtent à son centre ne paralysent pas toutes les parties inférieures, mais seulement les parties situées directement sous l’incision ; les droites, quand c’est la partie droite de la moelle qui est coupée ; les gauches, quand c’est l’autre partie.

Il est donc évident que lorsqu’à la première origine de la moelle il se produit une diathèse qui empêche les facultés du cerveau d’y arriver, tous les membres situés au-dessous, la face exceptée, seront privés de mouvement et de sensibilité. De même, si l’affection ne frappe qu’une moitié de la moelle à sa naissance, la paralysie atteindra, non pas toutes les parties situées au-dessous, mais seulement les parties droites ou gauches. On voit de semblables paralysies attaquer la face, et la partie paralysée être tirée du côté opposé.

La dissection nous ayant donc appris que de l’encéphale même dérivent les nerfs qui vont aux parties de la face, lorsqu’une de ces parties est paralysée avec tout le corps, vous saurez que la diathèse de la paralysie réside dans l’encéphale même ; et lorsque ces parties demeurent exemptes d’affection, qu’elle réside à l’origine de la moelle. L’affection n’attaque parfois que les parties de la face, et même une seule de ces parties, la langue, ou l’œil, ou la mâchoire, ou la lèvre, comme si elles n’avaient pas toutes un seul lieu pour principe, mais qu’elles tirassent leurs nerfs de différentes parties de l’encéphale. Cela est visible dans les dissections.

L’apoplexie, en lésant à la fois toutes les fonctions psychiques, nous montre clairement que c’est l’encéphale même qui est affecté. Le diagnostic de la gravité de l’affection se tire de la lésion plus ou moins considérable de la respiration (voy. chap. xi fine). Dans les cas où elle excède de beaucoup son rhythme naturel, il faut croire que la lésion de l’encéphale est grave, et qu’elle est légère quand la respiration éprouve peu de gêne. On doit regarder comme la pire des respirations celle qui est intermittente, et qui a lieu avec grand effort. En effet, les apoplectiques meurent par défaut de respiration, car l’impossibilité de mouvoir les parties du corps rend l’individu impropre aux actions de la vie, mais elle n’entraîne pas une mort soudaine. — Ainsi, nous avons vu quelqu’un atteint d’une paralysie générale chez qui fonctionnaient naturellement toutes les parties de la face. Il avait conservé aussi la respiration, car comment eût-il pu continuer de vivre s’il l’eût perdue ? Nous pensâmes qu’il avait une affection primaire de la partie de la moelle située un peu au-dessous de la naissance des nerfs qui vont au diaphragme. Il n’est pas besoin de dire que les urines et les excréments étaient évacués involontairement. — Nous avons vu encore une autre personne, à la suite d’une chute, paralysée de toutes les parties inférieures, sauf les bras.

De même qu’une paralysie, lorsqu’elle se manifeste dans le corps tout entier, les parties de la face demeurant intactes, indique que l’affection existe à l’origine de la moelle ; de même si la convulsion se produit dans le corps entier, cela indiquera que cette région de la moelle est affectée, les parties de la face demeurant sans lésion. Si ces parties aussi sont affectées, cela montre que l’affection réside dans l’encéphale. Quand une partie est agitée de convulsion, nécessairement le nerf moteur de cette partie ou ses muscles sont affectés. Celui donc qui, par les dissections, connaît l’origine des nerfs allant à chaque partie, guérira mieux chaque partie privée de sensibilité et de mouvement. Cette question, laissée sans solution par Hérophile et Eudème, les premiers médecins, après Hippocrate, qui ont écrit soigneusement sur la dissection des nerfs, n’a pas suscité de médiocres recherches chez les médecins désireux de connaître comment certaines paralysies détruisent la sensibilité seule, d’autres le mouvement volontaire seul, et d’autres les deux facultés à la fois. Le mot paralysie s’applique principalement à la perte du mouvement. On dit des parties qui ont perdu la sensibilité, qu’elles sont insensibles, mais non pas ordinairement qu’elles sont paralysées. Cependant, certaines personnes appellent de nos jours cette affection paralysie de la sensibilité. Pour vous, ainsi que nous vous y exhortons toujours, laissez chacun donner le nom qu’il veut, et proposez-vous de découvrir le lieu affecté en même temps que la diathèse qui s’y est formée. En effet, sans une connaissance certaine de ces points, il sera impossible de soigner convenablement les parties lésées dans leur mouvement ou leur sensibilité.

Le sophiste Pausanias, originaire de Syrie, et venu à Rome, avait les deux petits doigts et la moitié du doigt du milieu de la main gauche, dont la sensibilité, émoussée d’abord, s’était plus tard perdue complétement, les médecins l’ayant mal soigné. Quand je le vis, je l’interrogeai sur tout ce qui lui était arrivé antérieurement, et j’appris, entre autres détails, que, sur la route, étant tombé de son char, il avait reçu un coup à la naissance du dos ; que la partie frappée avait été promptement guérie, tandis que peu à peu la lésion de la sensibilité des doigts avait augmenté. J’ordonnai que les médicaments qu’on lui posait aux doigts lui fussent appliqués sur la partie frappée, et de cette façon il guérit rapidement. — Les médecins ne savent même pas qu’il y a pour les nerfs des racines spéciales, qui se distribuent au derme du bras entier, et auxquelles il doit la sensibilité, et d’autres qui donnent naissance aux rameaux qui meuvent les muscles.

Mais peut-être il convient d’arrêter ici un discours qui se prolonge plus que je ne voulais. Mon but, dans ce livre, était de découvrir toutes les affections de la tête, et principalement de l’encéphale ; et comme l’encéphale est le principe des nerfs, par une conséquence naturelle j’ai abordé dans mon discours les affections des nerfs.

Ainsi, après avoir terminé ici ce livre, nous examinerons plus loin les affections qui naissent dans les parties de la tête ; nous n’ajoutons plus qu’une observation.


Chapitre xv. — Que la lésion de l’odorat a son síége dans les ventricules antérieurs du cerveau.


La lésion de l’odorat est une affection, non pas des narines, mais des ventricules antérieurs de l’encéphale atteints de dyscrasie, ou des conduits obstrués des os ethmoïdes. En effet, la sensation des odeurs est perçue dans les ventricules antérieurs de l’encéphale, les vapeurs y remontant par les trous des os ethmoïdes, comme il a été démontré dans le livre Sur l’organe de l’odorat. (Voy. Dissertation sur la physiologie.)







  1. Galien n’oserait pas en dire autant des méthodiques qu’il a toujours attaqués avec violence.
  2. Œuvres d’Oribase, texte grec, traduit en français par Bussemaker et Daremberg. — Paris, 1854, t. II, p. 812.
  3. On sent bien, en effet, que la céphalée est dans la tête, mais non pas que la paralysie et les convulsions y ont leur siége.