Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales (trad. Daremberg)/Tome I/V/6

Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales
Traduction par Charles Victor Daremberg.
Baillière (Ip. 379-456).
LIVRE SIXIÈME.


des organes respiratoires.


Chapitre premier. — Ce livre comprendra, outre les viscères thoraciques proprement dits, la suite de la description de l’œsophage et de la veine cave.


Dans les deux livres précédents, nous avons exposé l’économie des organes établis par la nature pour distribuer les aliments, et nous avons conduit la veine cave jusqu’au diaphragme.

Ce qui vient après[1] nous a paru devoir être mieux placé dans l’exposition des organes contenus dans le thorax ; nous en avons donc ajourné l’explication au présent livre. Pour le canal (στόμαχος) de l’estomac (κοιλίας) qu’on appelle œsophage, nous en avons déjà traité en partie précédemment, mais le trajet qu’il parcourt dans le thorax, le soin extrême apporté à sa conformation par la nature, qui s’est montrée si exempte de toute négligence, de toute superfluité, de toute inutilité que l’esprit ne peut concevoir une autre structure meilleure, voilà des questions qu’il nous a paru nécessaire de réserver pour l’exposition actuelle. Nos développements à cet égard auraient absolument manqué de clarté, si l’on n’avait connu toutes les parties du thorax. Aussi ne donnerons-nous pas ces développements tout d’abord, mais nous commencerons par présenter sur la structure du thorax autant de détails qu’il est nécessaire, et dans une mesure telle que si on les ignore, notre explication sera très-obscure, et qu’elle deviendra très-claire, si on les connaît.


Chapitre ii. — Définition du thorax. — Galien ne se propose de parler, ni de la façon dont s’accomplit la respiration, ni de l’utilité de cette fonction, mais seulement de l’utilité des parties contenues dans le thorax en prenant pour point de départ l’utilité supposée connue de la respiration (la réfrigération du cœur). — Inconvénients et dangers qui résulteraient de l’absence d’un réservoir d’air entre le cœur et la trachée-artère. — Situation du cœur.


Les médecins ont coutume d’appeler thorax, toute cette cavité circonscrite à droite et à gauche par les côtes, arrivant à la partie antérieure jusqu’au sternum et au diaphragme ; et à sa partie postérieure, descendant par une courbe vers l’épine dorsale. Sa capacité intérieure est clairement indiquée par son contour extérieur, car la dimension interne est, peu s’en faut, égale à la grandeur apparente du thorax ; il suffit de retrancher, et la différence est légère, l’espace occupé par les côtes dont le corps est tout à fait mince. Cette cavité ne renferme que le cœur chez les poissons, race conséquemment privée de voix, car elle manque d’un des organes nécessaires à la production de la voix, le poumon[2]. Les animaux qui tour à tour tirent de l’atmosphère et lui renvoient par la bouche les matériaux de la respiration, ont tous la cavité de la poitrine remplie par le poumon, à la fois organe de la voix et de la respiration.

Le principe de son mouvement réside dans le thorax, comme nous l’avons montré dans notre traité Sur la respiration[3]. Quant à la part d’action qu’il a dans la production de la voix, elle a été indiquée dans notre ouvrage Sur la voix.

Maintenant je me propose, non d’expliquer les fonctions, mais d’exposer la structure des organes. Ne croyez donc pas que je vais expliquer en vue de quoi nous respirons. Cette question, ayant été traitée ailleurs[4], et servant de base à mon raisonnement, je retrace maintenant l’utilité des parties du cœur, du poumon et de tout le thorax. De plus, comme je l’ai dit, je vais exposer la situation de l’œsophage et de la veine cave [dans le thorax].

La respiration chez les animaux, avons-nous vu[5], existe dans l’intérêt du cœur, lequel a besoin de la substance de l’air, et brûlé de chaleur, désire bien plus encore la fraîcheur qu’il lui procure. Pénétrant avec sa vertu frigorifique, l’air rafraîchit le cœur ; il en sort, entraînant avec lui des particules effervescentes, et comme brûlées et fuligineuses. C’est pour cela que le cœur a un double mouvement dépendant de parties qui agissent en sens contraire, car il attire en se dilatant, et en se contractant il se vide. Considérez tout d’abord, à ce propos, la prévoyance de la nature. Comme il était avantageux à l’homme de posséder la voix, et que le son, pour être formé, a nécessairement besoin de l’air, elle a employé à le produire tout l’air qui autrement eût été expiré sans profit ni utilité. Quant aux organes de la voix, au jeu de ces organes, ce sont des questions développées dans nos Commentaires sur la voix (voy. p. 380, note 2). Ici, nous rappellerons seulement dans le courant du livre, ce qui est nécessaire à notre sujet.

C’est le lieu maintenant de louer la nature : en effet, elle n’a pas chargé le cœur d’aspirer l’air immédiatement par le pharynx[6] ; mais entre ces deux organes, elle a établi le poumon, comme un réservoir de l’air, capable de remplir à la fois les deux fonctions. Si le cœur, en se dilatant, eût attiré l’air du pharynx et le lui eût bientôt renvoyé en se contractant, la concordance eût été nécessaire entre le rhythme de la respiration et le battement (σφυγμός) du cœur ; il en résultait pour l’animal, de nombreux et graves inconvénients qui mettaient en danger, non pas seulement le bien-être de la vie, mais la vie même. En effet, l’interruption fréquente de la voix, suite d’une pareille conformation, ne serait pas une médiocre atteinte à ce qui fait le charme de la vie ; d’un autre côté, l’impossibilité, soit de se plonger dans l’eau de peur d’être suffoqué, soit de retenir un instant sa respiration pour traverser la fumée, la poussière, un air malsain, empoisonné, corrompu par des miasmes qui s’exhalent de corps putréfiés, ou par d’autres causes, attaquerait bientôt la vie dans son principe et détruirait complétement l’animal. Mais c’est du poumon et non pas du pharynx, ni du dehors immédiatement que le cœur attire l’air, bientôt renvoyé à ce même poumon ; et cette disposition nous permet, tantôt d’user longtemps de la voix, tantôt de nous abstenir complétement de respirer, sans nuire en rien à la fonction du cœur. Si, par le pharynx, le cœur eût aspiré sans intermédiaire l’air du dehors, et l’eût également expiré au dehors, il en résultait nécessairement l’un ou l’autre de ces deux dangers, ou de respirer malencontreusement un air pernicieux, ou d’être suffoqué sur-le-champ, faute de respirer. C’est pourquoi la nature n’a pas chargé le cœur seul de la fonction respiratoire, elle l’a enveloppé du poumon et du thorax, qui sont chargés de lui fournir l’air en même temps qu’ils doivent produire la voix. De plus, le cœur est environné d’une part par le poumon, qui sera pour lui comme un coussin élastique mollet, selon l’expression de Platon[7], de l’autre par le thorax, qui forme une robuste ceinture protectrice, non-seulement du cœur, mais aussi du poumon.

La nature a établi le cœur au centre même de la cavité thoracique, place très-favorable à sa sécurité, et qui lui procure, de la part de tout le poumon, une égale répartition du froid. Le vulgaire croit que le cœur n’occupe pas exactement la position centrale, mais qu’il incline davantage du côté gauche ; cette opinion erronée vient de ce qu’on voit battre le cœur (σφύγμος) sous la mamelle gauche, où se trouve le ventricule, origine de toutes les artères[8] ; mais, à sa droite se trouve un autre ventricule tourné vers la veine cave et le foie. C’est une preuve que le cœur n’est pas situé en totalité dans le côté gauche, mais qu’il occupe précisément le centre, dans le sens non-seulement de la largeur, mais aussi des deux autres dimensions, profondeur et longueur du thorax. En effet, le cœur est à égale distance des vertèbres, en arrière ; du sternum, en avant ; il est aussi éloigné des clavicules fixées à la partie supérieure que du diaphragme placé à la partie inférieure (voy. p. 438, note 1). On comprend qu’ainsi établi au centre de la poitrine, selon toutes les dimensions, il attire également l’air de toutes les parties du poumon et qu’il occupe une position parfaitement sûre, étant si éloigné des corps extérieurs qui, pour arriver jusqu’à lui devront pénétrer à travers le thorax.

Chapitre iii. — Des usages primitifs et secondaires des médiastins et de la plèvre proprement dite ; ces membranes servent d’abord à diviser la poitrine en deux moitiés latérales, puis à maintenir en place et à isoler les diverses parties contenues dans cette cavité, artères, veines, nerfs, œsophage, cœur et poumons. — (Cf. XIII, v et ix sur la protection que ces membranes fournissent aux nerfs du diaphragme et à tout le pneumo-gastrique.)


Tout le thorax est partagé et divisé au milieu par de fortes membranes [médiastines] qui descendent de haut en bas dans sa longueur, elles s’insèrent solidement en arrière, aux vertèbres du rachis, en avant, à la partie de l’os (sternum) qui occupe le milieu de la poitrine et qui, d’un côté, se termine à son extrémité inférieure par le cartilage appelé xiphoïde, situé au niveau de l’orifice de l’estomac (cf. VII, xxi), et d’un autre, forme en haut le moyen d’attache des deux clavicules. Le principal, le plus important usage des membranes est de diviser le thorax en deux cavités, de sorte que si l’une vient à recevoir une grave blessure (comme nous l’exposions dans notre traité Sur le mouvement du thorax et du poumon[9]) et perd la faculté de respirer, l’autre cavité intacte remplit la moitié de la fonction. Aussi l’animal perd-il la moitié de la voix ou de la respiration à l’instant où l’une des cavités de la poitrine est atteinte de blessures pénétrantes ; si toutes les deux sont percées, il perd complétement la voix et la respiration.

Telle est la grande utilité que procurent à l’animal les membranes de séparation du thorax, et c’est le but principal de leur création ; mais la nature est si ingénieuse, qu’un organe créé pour une fin est encore employé par elle à une autre (cf. par ex. IV, xvii, init. ; V, xv, fine, VIII, vi, fine, et vii, init. ; IX, i, fine, et v, med. ; X, xiv, fine, et xv) ; elle trouve donc dans ces membranes, comme enveloppes et comme ligaments, un moyen de protection pour tous les organes internes du thorax. Ces membranes rattachent à tout le thorax et enveloppent de leurs replis les artères, les veines, les nerfs que renferme cette cavité, l’œsophage et aussi le poumon lui-même tout entier (plèvre médiastine et viscérale). Leur utilité comme ligaments est égale pour tous les organes précités. En effet, la fixité de la position est également avantageuse à tous ces organes. Comme tuniques et comme enveloppes, leur utilité est inégale et très-diverse. En effet, quelques-uns de ces organes, naturellement doués de force et d’épaisseur, n’ont aucun besoin d’enveloppes, ainsi les artères, le cœur et l’œsophage ; d’autres, comme le poumon, n’en ont qu’un médiocre besoin. Quant aux veines répandues dans tout le thorax, surtout la veine cave, elles tirent la plus grande utilité de l’insertion des membranes qui les entourent. Nous nous étions proposé dès le commencement de discourir sur cette veine, mais il nous fallait [pour être en mesure d’achever ce qui la concerne] décrire les parties du thorax, autant qu’il était nécessaire pour connaître le cœur même, sa situation, la division du thorax au moyen des membranes qui, se prolongeant du milieu du sternum au rachis, le séparent en deux moitiés.

Chapitre iv. — Des précautions prises par la nature pour protéger la veine cave dans son trajet à travers la poitrine depuis le diaphragme jusqu’au cou (Galien considère la veine cave supérieure comme une continuation directe de la veine cave inférieure, l’oreillette droite n’étant qu’un diverticulum ou un lieu de passage). Outre les enveloppes fournies par la plèvre médiastine, la veine cave est soutenue : 1o par un prolongement du cœur (oreillette droite) ; 2o par le cinquième lobe du poumon ; 3o et enfin par le thymus. — Galien insiste longuement sur ce cinquième lobe et sur le thymus ; c’est au niveau de cette glande que la veine cave se divise en ses deux branches principales, et qu’elle envoie quelques branches collatérales directes : c’est là un nouveau motif de louer l’art inimitable de la nature.


Il était nécessaire que la veine cave, veine qui est d’une si grande utilité pour l’animal, comme nous l’avons montré précédemment (IV, v et xiv), remontât dans le cœur en traversant le diaphragme, et que du cœur elle s’élevât dans la région qu’on appelle endroit pour égorger (σφαγή, fossette sus-sternale, fourchette), comme nous le montrerons bientôt (page 391). Mais le cœur lui-même, le poumon, le diaphragme, et tout le thorax étant dans une agitation perpétuelle, le trajet de la veine cave, au centre de ce large espace, n’eût pas été sûr si la nature ne l’eût fortifié de quelques appuis extérieurs. Grâce à ces appuis, la veine cave, bien qu’ébranlée continuellement et pour ainsi dire suspendue, oppose de la résistance aux secousses, et l’animal vînt-il à faire une chute violente sur le dos ou sur le sternum, la veine fut-elle frappée par quelque corps extérieur, elle reste intacte et sauve, non moins protégée malgré sa mince tunique, que l’artère (aorte) qui est beaucoup plus épaisse.

Il faut dire maintenant quels sont les moyens imaginés par la nature pour la préservation de la veine cave : ces moyens communs, non-seulement à toutes les parties de la veine cave, mais encore à ses ramifications, ce sont les tuniques dont nous venons de parler (chap. iii[10]), et dont les points d’attache naissent sur toute l’étendue de ces ramifications pour les fixer partout aux parties environnantes, et aussi pour donner plus de force à la masse de la tunique ; elles accompagnent la veine cave depuis le diaphragme jusqu’à la fourchette. Quant aux moyens d’attache fournis à chacune de ses parties, ils sont triples. Au centre du thorax, le cœur lui tend, en guise de main, un prolongement nerveux et fort[11] ; à la partie inférieure, elle s’appuie sur le cinquième lobe du poumon (voy. VII, x, et la note correspondante sur les lobes du poumon) ; à la partie supérieure, sur une glande très-grosse et très-molle, appelée thymus (θύμος). L’apophyse du cœur, utile à cette fin, est d’une utilité bien plus grande encore pour le cœur même, et que nous expliquerons dans la suite du discours (chap. xv).

Le cinquième lobe et aussi le thymus ont été créés par la nature dans l’intérêt de la grande veine (veine cave).

Votre admiration s’augmentera, je pense, si, ne vous bornant pas à une description verbale, vous disséquez un animal quelconque, et contemplez de vos propres yeux ce merveilleux spectacle. Vous ne verrez pas seulement le lobe placé sous la veine, vous le verrez encore se creuser peu à peu afin que la veine repose plus solidement sur lui. De plus, ce lobe n’est pas tissu de vaisseaux grands et nombreux, mais sa substance se compose en grande partie de la chair du poumon, chair que quelques-uns appellent parenchyme. La nature par là montre clairement qu’elle n’a pas voulu faire de ce lobe un organe de respiration, mais une sorte de coussin moëlleux servant à la veine cave. Je pense, en effet, que le propre d’un organe respiratoire est d’offrir à l’air de grandes et nombreuses cellules ; si son office est, au contraire, de porter un organe superposé en l’abritant contre toute atteinte ou lésion, il doit jouir très-peu de la faculté de se dilater et en général de se mouvoir violemment. En effet, l’utilité des organes respiratoires tient au mouvement, tandis que celle des organes qui servent de soutien tient justement au repos. En créant deux lobes dans la partie gauche du thorax et trois dans la partie droite, la nature indique clairement l’utilité du cinquième. En effet, la veine cave naissant à la partie droite de l’animal, vers le foie, et remontant vers le ventricule droit du cœur, est située par conséquent dans le côté droit ; il était donc nécessaire que le lobe créé pour son usage fût établi à la droite du thorax.

Cette création de la nature si juste, création qu’on pourrait peut-être se figurer mauvaise si on s’en rapportait aux sens seuls et non à l’intelligence, mais qui en réalité est la plus équitable, si jamais il en fut une digne de cette épithète, vous devez la célébrer par vos hymnes, car la nature a choisi l’égalité non eu égard à l’apparence extérieure, mais eu égard à la puissance de l’organe. Or, c’est là l’œuvre d’une justice véritable et divine. En effet, quand l’utilité de l’action de deux organes, comme les yeux, les oreilles, les mains et les pieds est égale, la nature crée l’organe droit exactement identique au gauche. Dans le cas où l’un des organes possède une utilité propre qui manque à son congénère, elle fabrique quelque partie accessoire. Nous avons indiqué ce fait dans un des livres précédents, à propos des organes de la nutrition ; il ressort non moins évidemment de l’existence du cinquième lobe du poumon, créé par la nature dans l’intérêt de la veine cave ; elle a adapté à son usage, la grandeur du lobe, sa connexion, sa position, sa forme et toutes les autres particularités.

Vous ne trouverez pas d’animal où le nombre des lobes de la partie droite ne surpasse d’au moins un celui des lobes de la partie gauche. Toutefois, les animaux n’ont pas tous deux lobes de chaque côté comme l’homme. Certains d’entre eux en présentent aussi davantage. Chez tous donc, il en existe un particulier, établi sous la veine cave. Mais je n’ai pas l’intention d’exposer le nombre des lobes qui se trouvent dans chacun des autres animaux. En effet, je n’ai jamais mentionné la structure d’aucun de leurs organes que par nécessité, et comme point de départ de mes explications sur celle de l’homme. Mais si la mort ne prévient pas mon intention, j’exposerai un jour la structure des animaux, disséquant chacun de leurs moindres organes, comme je le fais pour l’homme. Maintenant je me contenterai de finir ma tâche, qui exige, pour être terminée, plus d’espace que la partie déjà achevée.

Ainsi, bornant là cette digression et passant à un autre sujet, examinons comment, dans la dilatation du thorax, toute une partie de sa cavité est remplie par le lobe supérieur, tandis que la partie oblique et étroite, circonscrite en bas par les fausses côtes, est occupée par l’autre lobe allongé. Ainsi de chaque côté de la poitrine sont les deux grands lobes du poumon ; quant au cinquième et petit lobe placé au côté droit, dans l’intérêt de la veine cave, il s’étend depuis le diaphragme jusqu’à l’oreillette du cœur (ἄχρι τοῦ τῆς καρδίας ὠτός). À cet endroit, une des parties de la veine cave (veine cave inférieure) s’insère sur le cœur ; l’autre, la plus volumineuse (veine cave supérieure), s’élève directement vers la fourchette ; elle est déviée jusqu’à un certain point par les prolongements du cœur (voy. p. 390, note 2), et s’appuie ensuite sur le corps appelé thymus. Cette glande, si grosse et si molle à la fois, la nature l’a étendue à la partie supérieure de la face interne de l’os médian du thorax appelé sternum, de façon à ce que cet os ne touche pas la veine cave, et que toutes les ramifications de cette veine, si nombreuses en cet endroit, soient maintenues en place au lieu même de leur naissance. Partout, en effet, où la nature divise un vaisseau qui est suspendu, elle établit toujours une glande au milieu même de la séparation pour combler l’intervalle[12].

Dans cette région sont les racines des très-grandes veines qui se portent aux omoplates et aux bras[13], et encore avant cela les racines d’autres veines, d’une part de celles qui se distribuent dans les parties supérieures du thorax ; d’une autre, de celles qui se répandent dans les parties antérieures et inférieures, et dont la portion la plus considérable, descendant le long des mamelles, se prolonge jusqu’à l’épigastre[14] (veine mammaire int.). La nature a fourni un très-grand secours à toutes les ramifications des veines, et avant tout, à la veine cave elle-même, en établissant proche des os, comme une séparation tout à fait semblable à un tissu foulé, cette glande dont nous venons de parler, et qui devait en même temps fournir une base de sustentation, et donner à toutes les parties de la veine une grande sécurité[15]. C’est ainsi que la nature a, du diaphragme jusqu’au cou, conduit la veine cave avec toute sûreté.


Chapitre v. — La nature a dirigé et fixé l’œsophage de telle façon qu’il est solidement attaché, qu’il n’est pas gêné par les parties contenues dans le thorax, et qu’il ne les gêne pas. — L’obliquité qu’il présente dans une partie de son trajet est une preuve de la prévoyance de la nature qui ménage ainsi une place pour l’aorte descendante.


Dirigé en sens inverse de la veine cave, c’est-à-dire de haut en bas, l’œsophage qui, de la bouche, conduit les aliments à l’estomac, a été établi par la nature dans la poitrine, à l’endroit le plus convenable. Je désire que vous m’accordiez maintenant votre attention, car je veux prouver que la route suivie à travers la poitrine par l’œsophage, non-seulement est la meilleure pour lui-même, mais encore qu’elle est la plus sure, eu égard aux organes respiratoires. En effet, le poumon, le cœur, le thorax entier avec toutes les artères qu’il renferme, doivent, en se dilatant ou en se contractant, n’être gênés par quoi que ce soit dans aucun de leurs mouvements ; et le conduit lui-même, ne doit pas traverser comme suspendu le milieu de la cavité de la poitrine, mais reposer sur un soutien solide. La nature, au moyen de la situation opportune qu’elle a imaginée, a merveilleusement réalisé ces deux conditions : exemption absolue de gêne pour les organes du pneuma, grande commodité pour l’œsophage. A la fois fixé et flottant sur les vertèbres de l’épine[16], et traversant de cette façon tout le thorax, il réunit, en effet, à une position sûre, abritée de toutes parts, l’avantage de n’apporter aucune gêne au cœur, au poumon, ni à aucune des parties de la poitrine.

L’obliquité de sa position vous apprendra mieux encore (voy. chap. vi), que si la nature lui a ouvert cette voie, c’est aussi en vue de deux avantages : ne causer aucune lésion aux organes du pneuma et lui-même n’en éprouver aucune. En effet, il est placé exactement sur le milieu des quatre premières vertèbres dorsales, sans faire le moindre coude, attendu que dans cette région il ne saurait comprimer aucun des organes du thorax, que lui-même jouit d’une assiette solide, grâce à cette position, et qu’il ne peut être facilement lésé par aucun corps extérieur. Trouvant pour protection derrière lui, outre les vertèbres, les apophyses dites épineuses, en avant, le sternum et toute la cavité de la poitrine, il est évident que nul corps extérieur, tombant, ne pourra le blesser ni le broyer à travers les remparts si épais et si solides qui l’environnent. Au niveau de la cinquième vertèbre, il se détourne de la ligne qu’il suivait en descendant, et se dirige vers la droite pour céder la meilleure place à un autre organe plus important, à la plus grande de toutes les artères (aorte). Il était juste, en effet, que cette artère, qui naît du ventricule gauche du cœur et se ramifie dans tout le corps, se partageât d’abord en deux branches inégales, dont la plus considérable devait se diriger vers les parties inférieures (puisqu’à partir du cœur ces parties sont chez l’animal beaucoup plus nombreuses et plus fortes que les supérieures, voy. p. 226, note 1), et s’appuyer sur la région la plus favorable des vertèbres ; or, c’est la région moyenne.


Chapitre vi. — Rapports de l’aorte avec l’œsophage. — Détermination de leur position respective sur la colonne vertébrale. — Raisons qui ont déterminé la nature à fixer ainsi ces places. — La double obliquité de l’œsophage (d’abord de gauche à droite, puis de droite à gauche), outre l’utilité propre à l’œsophage lui-même, est encore une garantie pour les nerfs [pneumo-gastriques] qui descendent avec lui sur l’estomac.


Nous dirons un peu plus loin (p. 396) pourquoi l’artère (aorte) vient à la cinquième vertèbre, pourquoi il valait mieux pour elle n’arriver sur l’épine, ni plus haut ni plus bas, quand nous en aurons fini d’abord avec l’œsophage pour qui, nous l’avons convenablement démontré (chap. v), il était préférable de s’écarter de la région médiane. Je vais maintenant (prêtez-moi ici votre attention) montrer pourquoi c’est à droite plutôt qu’à gauche qu’il se dirige. L’artère [aorte], en arrivant sur le milieu des vertèbres, ne vient pas impérieusement et ambitieusement détourner l’œsophage ; elle-même, s’écartant quelque peu, l’accueille et l’admet à partager l’appui solide que fournissent les vertèbres. Imaginez une ligne tirée de haut en bas, passant par le milieu de l’épine, faites cheminer l’aorte sur cette ligne, de manière que la plus grande portion incline sur le côté gauche de l’animal, et l’autre portion sur le côté opposé ; vous ne trouvez pas là de contradiction à ce que j’ai avancé, en disant d’un côté que la région médiane des vertèbres est occupée par l’artère, et d’un autre que cette artère n’occupe pas le centre exactement, mais plutôt la partie gauche[17]. De même, avons-nous dit avec raison, que la première place était justement réservée pour l’artère, en sa qualité de partie plus importante que l’œsophage ; de même il convient de bien établir que l’œsophage n’est pas une partie si peu importante qu’elle ne mérite aucune considération. En tenant compte de leur importance respective, vous ne trouverez pour aucun de ces deux organes une place préférable à celle qu’ils occupent maintenant.

Comme il fallait absolument que l’artère cheminât sur cette ligne centrale et s’écartât un peu obliquement vers les parties latérales, considérez de nouveau, à ce propos, la prévoyance en même temps que l’habileté de la nature. L’artère née au côté gauche du cœur devait naturellement s’avancer vers la gauche en ligne directe. Si, dans tout l’intervalle entre le cœur et l’épine (crosse de l’aorte), elle marche comme suspendue, sans appui, dans une région si périlleuse, rien ne saurait être plus avantageux que la brièveté du trajet. Eh bien, si vous êtes familiarisé avec les dissections, si vous avez observé par vous-même, vous admirez, je pense, que l’artère ait suivi, entre l’épine et le cœur, la route la plus courte, et qu’elle montre clairement à ceux qui ont des yeux et de l’intelligence, son empressement d’arriver à l’épine. Voilà pourquoi elle s’avance sur la cinquième vertèbre dorsale, car elle sort du cœur exactement au niveau de l’origine de cette vertèbre. Mais nous parlerons un peu plus loin des organes de la respiration[18].

Le conduit de l’estomac descend sur les quatre premières vertèbres du thorax, il s’infléchit [jusqu’à la terminaison] à la droite des huit autres[19] pour les causes indiquées. Dès qu’il a touché le diaphragme qui limite inférieurement le thorax, de fortes membranes l’élèvent à une hauteur suffisante ; il passe de nouveau de l’autre côté par-dessus la grande artère, et là, traversant le diaphragme, débouche dans l’estomac. S’il s’élève, c’est pour ne pas peser sur l’artère quand il est chargé d’aliments un peu lourds ; s’il passe à gauche, c’est qu’il était préférable que l’orifice de l’estomac fût établi de ce côté, comme nous l’avons enseigné précédemment (IV, iv et vii).

De plus, les nerfs [pneumo-gastriques] qui de l’encéphale descendent le long du conduit jusqu’à l’estomac, devaient trouver, dans un trajet oblique, bien plus de sécurité que dans un trajet direct. Ces filets si mous, si grêles, supposez-les tendus en ligne droite dans toute leur longueur et tenant suspendu par leur portion la plus considérable, l’estomac, organe destiné à être rempli d’aliments, ils seraient avec lui entraînés par sa masse, par son poids, et rompraient trop aisément. Pour éviter ce danger, la nature, qui attachait les nerfs sur le conduit même, lui a donné, pour divers motifs ci-dessus énoncés et pour la sécurité des nerfs eux-mêmes, une position oblique et tortueuse ; et de plus, ces nerfs mêmes, lorsqu’ils approchent de l’estomac, elle ne les y insère qu’après les avoir enroulés sur l’œsophage. Plus tard, il sera parlé des nerfs plus en détail (liv. XVI).


Chapitre vii. — Galien se propose d’étudier toutes les manières d’être qui caractérisent les organes de la respiration (au nombre desquels le cœur est placé). — De la position et de l’importance relatives des diverses parties du cœur. — Règles générales pour reconnaître dans un animal, quelles parties ont le plus d’importance et quelles en ont moins. La base de cette distinction c’est l’utilité. — Utilité et par conséquent importance comparative des deux cavités (ventricules) du cœur. — Comme c’est de la base du cœur que partent les vaisseaux, cette partie a dû présenter une surface beaucoup plus étendue que l’extrémité inférieure.


Maintenant (car nous en avons fini avec la situation de la veine cave et de l’œsophage), revenant aux organes de la respiration, nous montrerons quelle habileté la nature a déployée dans leur structure. Elle a réglé de la manière la plus heureuse, la position, la connexion, la configuration, le volume, la forme des parties, leur degré de mollesse ou de dureté, de pesanteur ou de légèreté, et toutes les autres manières d’être inhérentes aux corps ; elle les répartit entre tous avec une suprême équité. Nous dirons aussi avec quelle prévoyance elle établit entre eux des rapports, unissant les uns, accolant les autres, entourant ceux-ci, enveloppant ceux-là, imaginant tout ce qui importe à leur sécurité : voilà tout ce que nous allons exposer, en commençant aussitôt par le cœur.

Que le cœur doive être établi au centre du thorax, environné du poumon qui l’embrasse avec ses lobes comme avec des doigts (cf. IV, viii, p. 293 et note 1) ; que tous deux doivent être enveloppés extérieurement par le thorax : c’est un point éclairci par nos explications antérieures (chap. ii).

Pourquoi le cœur, au lieu d’être exactement sphérique, commence-t-il par être large et sphéroïdal à partir de la base, qu’on nomme tête (base du cœur), et ensuite s’amoindrit-il graduellement en forme de cône, se rétrécissant et s’effilant vers son extrémité inférieure (pointe)[20] ? C’est ce que nous n’avons pas encore examiné précédemment, et c’est surtout par là qu’il nous faut entamer notre exposition.

Toutes les parties du cœur ne réclamaient pas la même sécurité, parce que toutes ne remplissent pas la même fonction. Les parties supérieures, vers la base, sont consacrées à la génération des vaisseaux ; de ce point jusqu’à l’extrémité inférieure, les parties latérales doivent, de chaque côté, donner naissance aux ventricules ; l’extrémité inférieure (pointe) représente un prolongement épais et solide qui sert en même temps de couvercle aux ventricules et de rempart à tout le cœur, et qui, dans les secousses un peu fortes, d’où peut résulter une impulsion violente contre les os antérieurs du thorax (sternum), l’empêche d’être entravé et fatigué. dans son action d’une manière quelconque, et par conséquent lui permet de conserver intact et régulier le rhythme de ses mouvements. Cette partie du cœur est la moins noble ; celle qui donne naissance aux vaisseaux est, au contraire, la plus importante de toutes. Les parties intermédiaires ont une importance qui tient de celle de leurs voisines. Ainsi, les parties qui touchent à la base sont, à peu de chose près, les plus importantes ; celles qui touchent au sommet sont, à peu de chose près, les moins importantes ; les parties intermédiaires, selon qu'elles s’éloignent de chacune des extrémités, perdent ou gagnent de l'importance de celles-ci. Ne vous étonnez donc pas que le cœur ait la forme d'un cône, et que la tête (base) étant la partie la plus importante, occupe la position la plus sûre, tandis que le fond (pointe) étant la partie la moins importante soit, par sa position, le plus exposé.

Quand on dit que, dans le cœur, une partie est moins importante que l'autre, je ne crois pas que personne pousse l'erreur jusqu'à comprendre qu'elle est dénuée de toute importance. En effet, vous ne trouverez pas dans le cœur une partie, une seule, même l'extrémité inférieure, qui ne dépasse en importance toutes les parties qui existent, par exemple, dans les pieds ou dans les mains. Toutes étant importantes, comparées l'une à l’autre, il faut concevoir celle-ci comme plus, celle-là comme moins importante.

Afin que cette observation vous serve à me bien comprendre, non pas seulement pour l'occasion présente, mais dans la suite du récit, je veux vous indiquer les moyens de distinguer dans un animal une partie importante de celle qui ne l'est pas. L'utilité doit être la base de la distinction. Or, l'utilité est de trois sortes : elle a trait ou à la vie même, ou à la commodité de la vie, ou à la conservation de l’une et de l’autre ; tenez pour tout à fait importantes les parties utiles à la vie même ; et parmi celles des deux autres espèces, lesquelles sont moins importantes, mettez au premier rang les parties qui partagent facilement les affections des parties maîtresses, et au second, celles qui ne les ressentent pas.

Le cœur étant comme le foyer et la source de la chaleur innée qui vivifie l'animal, à ce titre toutes ses parties ont une importance capitale, et en premier lieu celles dont l’action entretient la vie dans tout l'animal. Ce sont les deux orifices des vaisseaux situés dans la cavité gauche, que les médecins appellent habituellement cavité (ventricule) pneumatique. En effet, par le plus petit de ces orifices (orifice auriculo-ventriculaire gauche, que Galien regarde comme étant la véritable embouchure des veines pulmonaires, ou artères veineuses, voy. p. 399, notes 1 et 2), le cœur se continue avec les artères du poumon, et par le plus grand (orifice aortique), avec toutes les artères qui se ramifient dans l’animal. Moins importants sont les orifices de l’autre cavité dite cavité sanguine, bien que leur importance dépasse celle des autres parties du cœur, puisque l’un (orif. auriculo-ventricul. droit[21]) verse le sang dans le cœur, et que l’autre (orifice de l’artère pulmon. ou veine artérieuse) le conduit au poumon[22]. Si telle est l’utilité capitale de ces vaisseaux et orifices, le cœur a dû avoir une très-grande surface là où ils se trouvent ; il occupe aussi avec raison le centre de la poitrine, abri sûr où il est le plus éloigné du choc des corps extérieurs. En effet, tout corps susceptible d’écraser, de couper, d’échauffer, de refroidir l’animal, ou de lui nuire de quelque autre façon, doit d’abord léser et traverser les parties du thorax, du poumon et même du cœur, bien avant de pénétrer et d’atteindre une des parties (vaisseaux et orifices) que nous venons de nommer.


Chapitre viii. — De la substance du cœur ; il a des fibres charnues comme un muscle ; toutefois la diversité de ses fibres établit entre lui et les muscles une différence notable. — Mais cette même diversité de fibres permet d’assimiler le cœur à l’utérus, aux vessies (vésicule biliaire et vessie urinaire) et à l’estomac, etc. — C’est à l’action de ces fibres, et aussi à celle des tendons (colonnes charnues) qu’est due la systole, la diastole et le repos intermédiaire.


Voilà ce qui concerne la forme du cœur et la position de chacune de ses parties. J’arrive à la composition de sa substance même. Le cœur est une chair dure qui n’est pas facilement lésée[23], et qui est constituée par des fibres de diverses espèces ; bien que ces deux caractères paraissent lui donner de la ressemblance avec les muscles, il en diffère évidemment[24]. Les muscles, en effet, sont pourvus de fibres d’une seule nature. Ils ont seulement des fibres, soit droites dans le sens de leur longueur, soit transverses dans celui de leur largeur ; aucun n’en a des deux espèces à la fois[25]. Le cœur, lui, en possède des droites et des transverses, et de plus, il en a d’obliques[26]. Les fibres du cœur se distinguent encore beaucoup de toutes les autres espèces de fibres par leur dureté, leur rigidité, leur vigueur considérable, leur résistance aux lésions. En effet, aucun organe n’exerce une action aussi continue, aussi énergique que le cœur. Aussi, la substance même du cœur a-t-elle été avec raison créée pour être forte et résistante.

Cette variété de fibres, qui n’existe dans aucun muscle, nous avons montré précédemment (IV, viii ; V, xi et xii) que la nature en avait pourvu beaucoup d’organes, par exemple l’utérus, les vessies (vessie urinaire et vésicule biliaire), et l’estomac, afin que ces organes fussent doués de mouvements divers. Chacun des muscles a donc un mouvement simple et unique, comme nous l’avons aussi démontré ailleurs (Du mouvement des muscles, I, iv). Quant à l’estomac, à l’utérus et aux deux vessies, elles attirent, retiennent et expulsent comme le cœur. Aussi trouve-t-on dans chacun de ces organes, ainsi que nous l’avons montré (V, xi et xii) des fibres de diverses espèces : droites, pour attirer par leur contraction ; transverses, pour expulser et pour retenir quand elles se replient toutes à la fois sur leur contenu.

Vous pouvez observer un tel mouvement du cœur dans deux cas différents : examinez-le quand on vient de le détacher tout palpitant encore de la poitrine de l’animal, ou soulevez une partie de l’os antérieur nommé sternum, de la façon indiquée dans le Manuel des dissections (VII, xii et suiv.)[27]. Les fibres longues du cœur venant à se contracter, tandis que toutes les autres sont relâchées et distendues, il diminue de longueur, mais il augmente de largeur : vous verrez alors tout le cœur se dilater. Au contraire, vous le verrez se contracter, si les fibres longues se relâchent, tandis que les fibres disposées en largeur se replient sur elles-mêmes. Dans l’intervalle des mouvements a lieu un court repos pendant lequel le cœur presse exactement son contenu, toutes les fibres exerçant alors leur action, surtout les obliques. Les ligaments (σύνδεσμοι, colonnes charnues avec leurs tendons), fixés intérieurement dans les cavités mêmes du cœur, ligaments doués d’une telle force qu’ils peuvent, en se contractant, ramener en dedans les parois du cœur, contribuent beaucoup à opérer la systole, ou plutôt l’opèrent en grande partie[28] ; car il existe, entre les deux cavités, une sorte de cloison où se terminent les ligaments tendus, et cette cloison, ils la relient aux corps qui recouvrent extérieurement les deux cavités (ventricules), corps que l’on nomme tuniques (parois) du cœur. Quand ces tuniques se rapprochent de la cloison, le cœur se tend alors dans sa longueur et se replie dans sa largeur. Quand elles s’en écartent le plus, il augmente de largeur, mais sa longueur diminue. Si donc la dilatation (systole) et la contraction (diastole) du cœur ne sont autre chose que le plus haut degré d’écartement ou de rapprochement dans la largeur des cavités, nous avons découvert comment s’opère l’un et l’autre mouvement.

Ainsi, le cœur est pourvu de ligaments forts et de fibres variées pour s’adapter rapidement et sans peine aux trois conditions diverses, se dilatant (diastole) lorsqu’il veut attirer quelque substance utile, se repliant sur lui-même (moment de repos) pendant le temps qu’il doit jouir des substances attirées, se contractant (systole) lorsqu’il se hâte d’expulser le résidu de ces substances. Nous avons développé ailleurs ce sujet (Manuel des dissections, VII, viii), et particulièrement dans notre traité Sur l’utilité de la respiration[29]. Par Jupiter ! il est donc tout à fait inutile de prolonger cette dissertation sur le mouvement du cœur.

Chapitre ix. — Le nombre des cavités (ventricules du cœur) n’est pas le même chez tous les animaux. — L’existence du ventricule droit est liée nécessairement à celle du poumon (car dans la théorie de Galien ce ventricule est uniquement destiné à l’alimentation du poumon). — Le nombre des ventricules ne tient pas, comme Aristote le pensait, à la grosseur des animaux, mais à la différence d’action et à l’utilité. — Mode de respiration des poissons.


Il faut maintenant énumérer les vaisseaux du cœur, expliquer la forme de l’orifice de chacun d’eux, dire un mot du nombre lui-même des cavités du cœur, et parcourir toutes les questions connexes.

Le nombre des cavités du cœur (il est naturel de commencer par là) n’est par le même chez tous les animaux. Tous ceux qui respirent l’air par l’arrière-gorge (φαρύγξ), le nez et la bouche, ont, par cela même, un poumon, et par cela même aussi la cavité (ventricule) droite du cœur ; tous les autres n’ont ni poumon, ni cavité droite du cœur. L’absence de poumon est toujours et nécessairement accompagnée chez l’animal, de la privation de la voix et de la cavité droite du cœur[30], et l’on voit par là de quelle utilité sont le poumon et cette cavité droite, car elle existe dans l’intérêt du poumon, et le poumon même est l’organe de la respiration et de la voix. Aristote[31] a donc eu tort de baser la distinction du nombre des ventricules du cœur sur la petitesse ou la grandeur de l’animal. En effet, tous les plus gros animaux n’ont pas trois ventricules, et les plus petits n’en ont pas tous un seul. Le cheval, qui est un animal très-grand, a un cœur exactement conformé comme celui du plus petit moineau. Disséquez une souris, un bœuf ou quelque autre animal plus petit qu’une souris, s’il y en a [parmi les mammifères], ou plus gros qu’un bœuf, le nombre des ventricules est le même, et la structure du cœur est identique, La nature n’a pas considéré la grandeur ou la petitesse des corps en variant la forme des organes, elle n’a eu d’autre but, dans cette diversité de structure, que la différence d’action, et cette action même, elle la mesure sur l’utilité première. Il en résulte un enchaînement admirable d’utilités et de fonctions successives.

Ce fait, précédemment démontré, ne ressortira pas moins clairement du discours actuel aux yeux de quiconque l’examinera avec attention. En voici les points principaux :

Aux poissons, la voix n’était d’aucune utilité, puisqu’ils vivent dans l’eau ; ils ne peuvent pas respirer par l’arrière-gorge pas plus que nous ne le pouvons nous-mêmes quand nous sommes plongés dans l’eau. Il n’était donc pas avantageux aux poissons d’être pourvus, comme les animaux qui volent et qui marchent, d’un canal grand et unique de la respiration et de la voix. La structure de l’organe appelé branchies (βραγχία) leur tient lieu de poumon. Percées d’une foule de petits trous qui donnent passage à l’air et aux vapeurs, et qui, vu leur étroitesse, le refusent à la masse de l’eau, les branchies repoussent l’eau et laissent passer aisément l’air et les vapeurs[32]. D’ailleurs les poissons ont une nature assez froide pour que le cœur n’ait pas besoin d’une réfrigération considérable. Leur tempérament est clairement indiqué par beaucoup d’autres circonstances, et surtout par le manque de sang, qui, chez eux, est absolu ou presque absolu[33]. Aussi, les animaux pourvus d’un sang abondant et chaud, qui vivent dans l’eau, tels que le dauphin, le phoque, la baleine, tirent de l’air les matériaux de leur respiration par un mécanisme admirable. Puissions-nous un jour entrer dans quelques détails à ce sujet et exposer la structure des autres animaux, comme nous faisons maintenant pour l’homme. Mais il est temps de revenir à lui après cette digression, qui suffit pour démontrer l’utilité du poumon et de la cavité droite du cœur (ventricule droit).


Chapitre x. — Le poumon avait besoin d’aliment ; mais comme il ne pouvait le recevoir directement de la veine cave, la nature a créé en vue de cette utilité la cavité droite du cœur d’où part un vaisseau d’une nature particulière qui a les fonctions d’une veine et les tuniques d’une artère (artère pulmonaire ou veine artérieuse). — Galien démontre d’abord que les tuniques des veines devaient être poreuses pour que le sang qu’elles contiennent et qui est épais, puisse facilement les traverser pour aller nourrir les parties, tandis que les tuniques des artères devaient être denses afin de mieux contenir le pneuma qui est très-ténu, et qui s’échappe facilement. — Mais la nature devait précisément prendre des dispositions contraires pour les vaisseaux du poumon ; cela tient à ce que les veines chargées de nourrir le poumon (artères pulmonaires) n’ont pas besoin de suivre les mouvements d’inspiration et d’expiration du thorax et du poumon, tandis que les artères (veines pulmonaires) doivent précisément suivre ce mouvement, pour attirer et recevoir le pneuma ; leurs tuniques devaient donc être très-fortes, vu les mouvements violents dont le poumon est agité. — Mais le poumon courra risque de ne rien attirer à travers les parois épaisses de l’artère pulmonaire ; la nature a prévenu cette objection : le poumon ne devant, eu égard à sa nature, être nourri que par un sang subtil, la tunique vasculaire ne laisse s’échapper que cette espèce de sang. — Considérations générales sur la manière dont toutes les parties et le poumon en particulier se nourrissent. — Pourquoi à son embouchure l’artère pulmonaire a-t-elle des valvules ? Pour empêcher le reflux du sang ; pour que la respiration ne fût pas gênée par une action synergique des veines et des artères du poumon ; pour qu’à l’extrémité des artères et des veines du poumon il y eût un échange de sang et de pneuma.


En communiquant au poumon les aliments qu’il tire du foie, le cœur semble le payer de retour et le récompenser ainsi de l’air qu’il lui envoie. Le poumon avait, en effet, besoin d’aliments. Or il n’était pas avantageux que le sang lui arrivât directement de la veine cave, bien qu’elle passe près de lui et le touche, car la nature devait créer, pour le nourrir, une autre espèce de vaisseau qui ne ressemble nullement à la veine cave, et disposer pour ce vaisseau une épiphyse membraneuse (ἐπίφυσιν ὑμένων, valvules sigmoïdes de l’art. pulmon. ou veine artérieuse, voy. p. 412, et chap. xiv) telle qu’il la possède. Et ce changement de vaisseau, ainsi que la naissance de l’epiphyse, ne pouvait absolument dépendre d’aucun organe, si ce n’est du cœur. La nature, si sage en toutes circonstances, et qui, dans tous les animaux, n’a pas créé un seul détail en vain et au hasard, a de même agi à l’égard du poumon. Elle a échangé les tuniques des vaisseaux, donnant à la veine celle de l’artère (artère pulmonaire ou veine artérieuse), et à l’artère celle de la veine (veine pulmonaire ou artère veineuse). Dans toutes les autres parties où les dimensions de l’artère et de la veine sont les mêmes, l’épaisseur des tuniques n’est pas la même. Il existe une différence considérable, et Hérophile paraît avoir estimé juste, en déclarant l’épaisseur de l’artère six fois plus considérable que celle de la veine[34]. De tous les organes, de toutes les parties, il n’y a que le poumon où l’artère (veine pulmonaire) ait les tuniques d’une veine, et la veine (artère pulmonaire) les tuniques d’une artère[35].

Recherchons d’abord quel est l’artifice de la nature, nous parlerons ensuite de l’épiphyse membraneuse, puis nous expliquerons comment la veine cave ne pouvait donner naissance ni à un vaisseau artériel, ni à des membranes semblables. Si ces divers points ne sont pas d’abord exposés, on ne saurait démontrer l’utilité de la création de la cavité droite du cœur. Commençons donc par la première question, et prouvons que le poumon trouve avantage à posséder une artère à tunique de veine, et une veine à tunique artérielle. La question paraît double et comme gémellaire. En effet, il ne faut pas prouver seulement qu’il est avantageux au poumon d’avoir une veine à tunique épaisse et une artère à tunique mince, il faut prouver encore que, dans toutes les autres parties de l’animal, il était plus avantageux que la tunique de l’artère fût épaisse et que celle de la veine fût mince. Voilà des questions que ne peut négliger l’homme qui a résolu de ne laisser dans le doute, dans l’obscurité ou dans l’inconnu aucune des œuvres de la nature.

Il est avantageux que dans tout le corps de l’animal, le sang soit renfermé dans une tunique mince, poreuse, et que le pneuma le soit dans une tunique épaisse et serrée, c’est là une question qui, je pense, n’exige pas de grands développements. Il suffit de rappeler la nature des deux substances : le sang étant épais, lourd, difficile à mouvoir (cf. chap. xvi, init.), le pneuma étant ténu, léger et rapide dans ses mouvements, il était à craindre que le pneuma ne se dissipât aisément, s’il n’était retenu par des tuniques épaisses, denses et parfaitement serrées. Au contraire pour le sang, si la tunique enveloppante n’eût été mince et poreuse, il aurait eu de la peine à se distribuer dans les parties voisines, et ainsi toute son utilité eût été complétement perdue. Dans cette prévision, notre Créateur a fait les tuniques des vaisseaux en opposition avec la nature de leurs matériaux, voulant prévenir la dispersion prématurée du pneuma, et le séjour prolongé du sang.

Mais pourquoi dans le poumon n’a-t-il pas donné à la veine une enveloppe mince et à l’artère une tunique épaisse ? Là aussi, comme partout, le pneuma est rare, léger, et a besoin d’être enveloppé ; le sang est, au contraire, épais, lourd et doit être distribué dans toutes les parties du poumon qui réclament une nourriture plus abondante que les autres parties de l’animal, vu l’agitation incessante de ce viscère et l’excessive chaleur que communiquent au poumon le voisinage du cœur et son propre mouvement qui est continuel. Vous admirez sans doute, je pense, la prévoyance de l’artiste. Comment ne serait-ce pas, en effet, la preuve manifeste d’une admirable prévoyance que d’avoir donné au poumon une structure différente de celle de toutes les autres parties, puisque seul il était entouré de tous côtés par le thorax, organe si résistant, et mû si fortement ? Dans notre traité Sur le mouvement du thorax (voy. p. 385), nous avons établi que, privé d’un mouvement propre, le poumon était toujours mû par le thorax[36] ; que ce dernier se contractant, le poumon se contractait par suite de la compression générale, comme il arrive dans l’expiration et dans l’émission de la voix ; que le thorax se dilatant, le poumon suivait ce mouvement et se dilatait en tous sens ainsi que le thorax au moment de l’inspiration. Mais ni dans l’inspiration, ni dans l’expiration les veines ne devaient se dilater à l’égal des artères parce que la même fonction ne leur est pas confiée. Ces dernières creusées par la nature pour recevoir le pneuma, avaient besoin dans l’inspiration de se remplir aisément, et de se vider promptement dans l’expiration et dans la formation de la voix. Quant aux veines établies comme réservoirs de l’aliment, elles n’ont besoin ni de se dilater dans l’inspiration, ni de se contracter dans l’expiration. Il était donc bon de donner une substance (σῶμα) molle aux unes (v. pulmonaires), dure aux autres (art. pulmon.), s’il était préférable que les unes obéissent promptement à la double action du thorax, et que les autres ne s’y conformassent pas.

Si nous avons ailleurs (Facultés nat., I, xi et III, xv) démontré convenablement que les corps se nourrissent du sang qu’ils attirent à travers la tunique des vaisseaux, le poumon court donc risque de manquer d’un vaisseau nourricier puisque la tunique de la veine a été créée très-épaisse. Mais il vous suffira, je pense, pour découvrir une autre preuve de l’admirable prévoyance de la nature, de vous rappeler à cet égard les observations suivantes : que certaines parties dans les animaux réclament pour nourriture un sang plus épais et, pour ainsi dire, bourbeux ; que d’autres au contraire veulent un sang plus léger et plus vaporeux[37] ; que toutes les autres, y compris les artères et les veines, participent à tous les genres d’aliment [les uns plus les autres moins] ; les premières demandent un sang peu abondant, ténu et vaporeux, tandis que les veines réclament un pneuma peu abondant, mais épais et nébuleux. S’il en est donc bien réellement ainsi et que la substance du poumon, au lieu de réclamer comme le foie une nourriture épaisse et bourbeuse pour ainsi dire, la veuille ténue, légère et vaporeuse, on voit que le Créateur des animaux a tout disposé admirablement. En effet, chaque partie est nourrie d’aliments analogues à sa nature, comme nous l’avons démontré. Or, la substance du poumon est légère, poreuse et comme formée d’une concrétion d’écume de sang ; elle a besoin, en conséquence, d’un sang vaporeux, léger, pur, et non pas comme le foie, d’un sang épais et bourbeux. C’est pourquoi ses vaisseaux ont une nature non-seulement opposée à celle des vaisseaux du foie, mais encore aux autres parties de l’animal. Dans celles-ci, la tunique du vaisseau distributeur du sang étant ténue et poreuse, ce vaisseau verse facilement aux organes environnants une grande quantité de sang épais. Dans le poumon, comme cette tunique est épaisse et serrée, elle ne laisse échapper que la portion la plus subtile du sang. Dans les autres parties, les artères, pourvues de tuniques épaisses et serrées, ne permettent aux parties environnantes que d’avoir une quantité très-faible d’un sang vaporeux. Dans le poumon seul, elles livrent à une grande quantité d’autre sang une issue plus large, étant incapables de le retenir vu leur enveloppe mince et poreuse.

Ainsi le poumon présente, avec toutes les autres parties du corps, une anomalie complète sous le rapport de l’alimentation et de l’aspect de sa substance. En effet, vous ne sauriez trouver une autre partie qui soit aussi légère et aussi aérienne ; vous n’en trouverez pas qui soit nourrie d’un sang à beaucoup près aussi pur, aussi léger et aussi vaporeux. Si les veines dont la tunique est épaisse et serrée lui fournissent un sang trop peu abondant, les artères comblent la différence en lui versant en grande quantité un sang léger, pur et vaporeux. Mais cela ne suffisait pas à un viscère si chaud et si agité. C’est pourquoi la nature a créé dans son intérieur des veines très-grosses, afin que, si l’épaisseur de leur tunique les empêche de distribuer une nourriture assez abondante, ce défaut soit amoindri par leur volume. La nature, pour lui procurer une alimentation suffisante, a encore ménagé trois autres ressources qu’elle savait aussi être nécessaires [dans un autre but] : l’une, c’est l’abondance de chaleur naturelle qui divise en petites parcelles et dissémine tout l’aliment, afin qu’il soit plus facilement vaporisé ; l’autre, c’est la dilatation du poumon pendant l’inspiration, dilatation qui arrache ainsi violemment quelque chose même aux organes les plus serrés (c’est-à-dire, aux ramifications des veines pulmonaires) ; la troisième et la plus importante, c’est que le sang qui est envoyé au poumon seul, par le cœur, est parfaitement élaboré et atténué dans ce dernier viscère.

Ce n’est pas la seule raison pour laquelle il était préférable que le poumon fût nourri par le cœur : une autre raison encore, nous avons promis au commencement de ce chapitre de la développer, c’est que le poumon devait être pourvu de veines à tuniques d’artères, et d’épiphyses membraneuses, tuniques et épiphyses qui ne pouvaient être ni les unes ni les autres engendrées par la veine cave. De ces deux points, le premier (c’est-à-dire la nécessité de tuniques artérielles) est déjà démontré ; il convient de passer au second. Ce point, c’est qu’il valait mieux pour l’orifice de cette veine artérielle (orifice auriculo-ventriculaire droit) être pourvu de membranes de la forme et de la grandeur qu’elles ont effectivement. Bien que le vaisseau ait été créé très-épais et très-fort pour ne pas se dilater ni se contracter aisément, il n’est pas doué d’une telle résistance qu’il ne soit vaincu par l’action si énergique, si grande, si impétueuse, d’un organe comme le thorax, surtout quand nous faisons une grande inspiration, que nous parlons à haute voix, ou que de toute autre façon nous ramenons de tous cotés le thorax en tendant fort énergiquement tous les muscles. Dans aucune de ces circonstances les ramifications des veines ne sont complétement exemptes de compression ni de contraction. Si donc le thorax est comprimé et resserré, le sang redescendra aisément de toutes les ramifications, reviendra au premier orifice et sera reporté en arrière. Il en résulte un triple inconvénient : d’abord le sang exécute inutilement et sans fin ce double voyage ; quand le poumon se dilate, le sang coule et remplit toutes les veines du poumon ; quand il se contracte, il s’opère comme un reflux qui se meut sans cesse ainsi que les flots dans un détroit, reflux qui donne au sang un mouvement de va-et-vient qui ne lui est nullement propice. Ce désagrément est peut-être léger [par lui-même] ; mais la gêne qui en résulte pour l’utilité de la respiration n’est pas un inconvénient médiocre. Car si la meilleure condition était que la plus grande quantité possible d’air fût attirée par un seul acte de la respiration quand nous inspirons, et expulsée quand nous expirons, ce résultat ne peut se produire si les artères ne se dilatent et ne se contractent pas le plus possible aussi. Or, plus l’action des veines se rapproche de celle des artères, plus elles gênent et détournent l’étendue du mouvement de ces artères [en les comprimant]. On voit combien nuiraient à l’ensemble de la respiration, la dilatation et la contraction des organes de la nutrition (c’est-à-dire des veines). En effet, leur repos doit être complet comme s’ils n’existaient pas et n’occupaient aucune place dans la poitrine où se dilatent et se contractent les organes respiratoires. Il convient, en effet, à ceux-ci d’avoir toute la place libre ; ils peuvent ainsi, dans l’inspiration, en se dilatant le plus possible, attirer du dehors la plus grande quantité d’air possible, et dans l’expiration, en se contractant aussi le plus possible, expulser également la plus grande quantité d’air possible. Un troisième inconvénient eût accompagné le retour en arrière du sang dans l’ expiration, si notre Créateur n’eût imaginé les épiphyses membraneuses (valvules). Quelles sont ces membranes, et comment elles préviennent le retour du sang, vous ne tarderez pas à le comprendre clairement (chap. xiv). Je vais dire maintenant combien leur absence serait préjudiciable à l’animal ; prêtez-moi donc votre attention, je donne pour base à mon discours une démonstration déjà faite ailleurs (Facultés natur., III, xv ; cf. aussi Utilité des parties, VI, xvii et XVI, xiv) :

Dans tout le corps les artères s’abouchent avec les veines et échangent entre elles l’air et le sang au moyen d’ouvertures invisibles et extrêmement fines. Si le grand orifice de la veine artérielle (orifice auric.-ventr. droit) eût été toujours également ouvert, et que la nature n’eût pas inventé un moyen pour le fermer et l’ouvrir tour à tour dans le temps convenable, jamais le sang par les ouvertures invisibles et étroites n’eût pénétré dans les artères quand le thorax se contracte[38]. Toutes choses n’ont pas la même propension à être attirées ou rejetées par toute espèce de corps. Si une substance légère, plus facilement qu’une lourde, est attirée par la dilatation des organes et rejetée par leur contraction, ce qui marche dans un conduit large est plus facilement attiré et réciproquement plus facilement renvoyé que ce qui chemine dans un conduit étroit. Quand le thorax se contracte, les artères du poumon à tunique de veine (veines pulmonaires), intérieurement repoussées et refoulées avec force de toutes parts, expriment à l’instant le pneuma qu’elles renferment, et en échange s’imprègnent par ces étroits conduits de particules de sang[39], ce qui n’eût jamais été possible si ce sang eût pu rebrousser chemin par le grand orifice [auriculo-ventr. droit] qui existe à cette veine du côté du cœur. Dans l’état actuel, quand la veine est comprimée de toutes parts, le sang trouvant le passage fermé à travers le grand orifice, pénètre en gouttes fines dans les artères par ces étroits conduits. L’avantage notable qui en résulte pour le poumon frappe déjà peut-être les esprits qui se rappellent ce que j’ai dit au sujet de son alimentation. S’il en est autrement (c’est-à dire si on n’est pas convaincu), je reviendrai sur ce sujet[40], après avoir terminé d’abord la question actuelle.

Chapitre xi. — La veine artérieuse (artère pulmonaire) vu son épaisseur, sa double tunique et ses valvules, ne pouvait provenir que du cœur et non de la veine cave. — Description et utilité particulière des valvules sigmoïdes. — Utilité commune et propre des autres valvules des orifices du cœur. — Nombre et destination de ces orifices. — La description de ces orifices et de leurs valvules est renvoyée au chapitre xiv. — Récapitulation des trois chapitres précédents.


Après avoir démontré l’utilité considérable de ces membranes (valvules sigmoïdes), l’utilité plus grande de cette veine (artère pulmonaire ou veine artérieuse) si épaisse et si dure qui nourrit le poumon même, il convient de montrer que la veine cave ne pouvait donner naissance ni à un vaisseau artériel, ni à de semblables membranes. Qu’un vaisseau artériel ne pût sortir d’une veine, cela est évident pour tout le monde. La tunique de la veine est unique et mince, celle de l’artère n’est ni unique ni mince, elle est double : la tunique intérieure (voy. chap. iv, p. 387, note 1 med.) est fort épaisse, serrée et dure, et se divise en fibres transversales ; la tunique extérieure est délicate, mince et poreuse comme celle de la veine. Il n’était donc pas possible à la tunique simple et mince qui recouvre la veine cave d’engendrer une tunique épaisse et double. Le cœur lui-même, tout épais qu’il est, ne donne pas naissance par tous ses points à un vaisseau artériel ou veineux indifféremment. Les vaisseaux à tunique simple, molle et mince naissent, des parties à la fois plus molles et plus minces[41] ; les vaisseaux à tunique double dense et dure, des parties plus denses. Les membranes, avec leur forme et leur grandeur, telles qu’on les trouve à l’orifice de la veine artérielle (artère pulmonaire), ne pouvaient pas non plus exister sans le concours du cœur. Il leur fallait un lieu sûr qui leur permît de prendre naissance et de trouver des points d’appui pour se maintenir droites et inébranlables dans leur résistance aux courants des matières qui reviennent en arrière, alors que le thorax, agissant violemment, ramène intérieurement et contracte le poumon tout entier par une compression circulaire, et qu’il comprime et refoule les veines. En effet, bien que leur tunique soit entièrement épaisse et difficile à mouvoir, elle n’est pas cependant inflexible à ce point qu’elle ne subisse l’influence de muscles nombreux, si forts, si puissants, et de tant d’os privés de moelle et durs.

Quand tout le thorax se replie fortement sur lui-même, muscles et os assaillent violemment le poumon, et les veines nécessairement sont comprimées et contractées sans néanmoins faire refluer en arrière leur contenu, par l’orifice que déjà les membranes ont fermé.

Plus le thorax tend, par la compression, à chasser le sang avec violence, plus les membranes ferment étroitement l’ouverture. Insérées circulairement de dedans en dehors, et embrassant toute la circonférence, elles offrent chacune une forme et une dimension si exacte, que toutes à la fois tendues et dressées, elles constituent une grande membrane qui obstrue l’orifice. Renversées par le flux, qui s’opère de dedans en dehors, et retombant de ce côté sur la tunique même de la veine, elles livrent à ce flux un passage facile à travers l’orifice qui s’ouvre et se dilate excessivement[42]. Que le courant vienne au contraire de dehors en dedans, il rapproche les membranes qui se serrent l’une sur l’autre, et forment ainsi comme une porte exactement fermée.

À tous les orifices des vaisseaux issus du cœur[43] se trouvent des membranes qui retombent l’une sur l’autre, et qui sont si bien constituées que si elles se tendent et se dressent à la fois, elles bouchent tout l’orifice. Il y a pour toutes une utilité commune, qui consiste à s’opposer au retour des matières, et pour chacune une utilité spéciale : les unes font sortir les matières du cœur de manière à ce qu’elles n’y rentrent pas, les autres les y introduisent de façon qu’elles n’en puissent sortir. La nature ne voulait pas imposer au cœur un travail inutile, en le condamnant à envoyer le sang à une partie d’où il était préférable pour lui de le tirer, et au contraire à le tirer souvent d’un endroit où il fallait l’envoyer.

Il existe en tout quatre ouvertures, deux à chaque cavité (ventricules), l’une pour introduire (orifices auriculo-ventric.), l’autre pour expulser (orifices ventriculo-vasculaires)[44]. Nous en parlerons un peu plus loin (chap. xiv), quand nous exposerons toutes les parties du cœur, leur nature, celle des membranes, leur nombre, leur forme, quand nous montrerons qu’elles ne devaient être ni plus, ni moins nombreuses, ni plus grandes, ni plus petites, ni plus épaisses, ni plus minces, ni plus fortes, ni plus faibles. Jusqu’ici nous avons prouvé seulement que ces membranes (de l’art. pulm.) sont d’une utilité indispensable, qu’elles ne pouvaient pas naître de la veine cave, mais du cœur, comme cela est effectivement.

Si vous rassemblez toutes les explications que j’ai données ici et précédemment, mon but vous paraîtra atteint. En effet, le poumon ne pouvait être mieux nourri par une autre veine [que par la veine artérieuse ou artère pulmonaire], et une telle production de tuniques et de membranes ne pouvait être fournie par la veine cave. Il en résulte évidemment qu’il était de beaucoup préférable pour le poumon d’être nourri par le cœur[45]. Or, si des deux vaisseaux, l’un à tunique simple (veine cave), pénètre dans le cœur, tandis que l’autre, à double tunique (artère pulmonaire ou veine artérieuse), en sort, il était nécessaire qu’il y eût une région commune et comme un certain réservoir auquel ces deux vaisseaux aboutissent : par l’un le cœur attire le sang et par l’autre il le renvoie. Ce réservoir est le ventricule droit du cœur, créé comme nous venons de le démontrer, dans l’intérêt du poumon (voy. part. chap. ix, p. 404 et suiv.). Aussi, les animaux dépourvus de poumon n’ont pas les deux cavités du cœur, mais seulement celle qui préside au mouvement de toutes les artères (l. l., note 1). En effet, si les veines naissent du foie, les artères sortent du cœur ; nous en avons donné maintes preuves dans notre ouvrage Sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon, et toutes ces démonstrations se confirment l’une l’autre et témoignent de la vérité de mes assertions[46]. Il est temps de terminer ici cette dissertation sur la cavité droite du cœur, dont l’absence ou l’existence est liée à celle du poumon, dans toutes les espèces d’animaux.


Chapitre xii. — Galien se propose de combattre incidemment les erreurs commises par les autres médecins ou philosophes, et en particulier par Asclépiade au sujet des vaisseaux qui vont du cœur au poumon. — Comme préambule à cette réfutation il disserte à la suite de Platon sur ce qu’on peut appeler véritablement une cause, et surtout une cause première. — À ce propos Galien cite un passage d’Érasistrate.


Si quelqu’un désire apprendre la cause de l’ignorance des médecins et des philosophes, touchant le nombre des cavités du cœur, sur lesquelles ils ont énoncé de si fausses opinions, il trouvera toutes ces questions discutées dans mon traité Sur toute espèce de désaccord en matière de dissections[47]. Si l’exposition des fonctions doit précéder notre étude actuelle, celle-ci, à son tour, ne doit venir qu’après une étude sur la discordance en matière de dissections et après les dissections elles-mêmes. Il ne faut donc pas, dans ce livre, rappeler la controverse touchant le nombre de tuniques des artères ou des veines, ou toute autre question traitée déjà ou à traiter. Toutes ces questions, nous les avons exposées, et discutées séparément, afin que notre sujet actuel se renfermât dans ses limites, sans toucher aux autres questions litigieuses. En conséquence, dans ce livre, prenant pour base de nos études actuelles les solutions données ailleurs par nous-mêmes, nous exposons seulement les utilités de chacune des parties, sans réfuter ici, sinon en passant, les interprétations vicieuses présentées par d’autres auteurs, à moins que cette réfutation ne soit nécessaire pour établir plusieurs points de doctrine, ou qu’elle ne doive être d’une utilité générale. Ainsi, j’ai voulu relever les erreurs d’Asclépiade[48] au sujet des vaisseaux du poumon, et prouver que personne ne peut échapper à la loi d’Adrastée[49] ; fût-on doué d’une certaine éloquence pleine d’astuce, on confessera soi-même sa mauvaise foi, on rendra hommage à la vérité, on aura alors un témoin d’autant plus digne de confiance qu’il témoigne malgré lui.

La première cause de tout ce qui se forme, comme Platon le démontre quelque part[50], est le but de la fonction (σκοπὸς τῆς ἐνεργείας). Si donc l’on demande à quelqu’un pourquoi il est venu au marché, répondra-t-il mieux si, au lieu de la cause véritable, il en déclare une tout autre ? Ne sera-t-il pas ridicule si, au lieu de dire qu’il est venu au marché pour acheter un meuble, un esclave, pour trouver un ami, ou pour vendre ceci ou cela, il néglige de faire ces réponses et réplique : c’est que j’ai deux pieds, capables de se mouvoir aisément et de se poser solidement sur le sol, et, que m’appuyant tour à tour sur l’un ou sur l’autre des susdits pieds, je me suis acheminé au marché. Il aura peut-être énoncé une cause, mais non pas la cause véritable et première ; la sienne est une cause instrumentale (ὀργανική), une des causes sans lesquelles une chose ne peut pas se faire (ὧν οὐκ ἄνευ), ou mieux, ce n’est pas une cause. — C’est de cette façon que Platon (dans le Phædon, p. 98 c-e) raisonnait avec justesse sur la nature de la cause.

Pour nous, voulant éviter une dispute de mots, nous accordons qu’il y a plusieurs espèces de causes ; la première et la principale : pourquoi une chose existe (τὸ δι᾽ὅ τι) ; la seconde, par quoi elle existe (τὸ ὑφ ᾽οὗ) ; la troisième, de quoi elle vient (τὸ ἐξ οὗ, point de départ) ; la quatrième, par quel moyen (τὸ δι᾽ οὗ) ; la cinquième, si l’on veut, selon quoi elle est faite (τὸ καθ᾽ ὅ)[51]. Sur chaque espèce de cause et pour toutes les parties du corps, nous demanderons une réponse, si on a réellement étudié la nature. Quant à nous, si l’on nous demande pourquoi la nature des vaisseaux du poumon est intervertie, la veine offrant les caractères de l’artère et l’artère ceux de la veine, nous répondrons en alléguant la cause réelle et première, c’est que, dans ce seul viscère, il était préférable que la veine fût dense et l’artère poreuse. Telle n’est pas la réponse d’Érasistrate ; la voici : « La veine naît à l’endroit où les artères qui vont se distribuer dans tout le corps, ont leur principe, et s’ouvre dans la cavité sanguine ; l’artère, de son côté, née là où commencent les veines, s’ouvre ensuite dans la cavité pneumatique du cœur[52]. »

Chapitre xiii. — Réfutation des erreurs d’Asclépiade touchant les vaisseaux du poumon. — Galien cite d’abord un passage de ce médecin, d’où il résulte que ce n’est pas en vue des mouvements violents, mais par suite de ces mouvements que les artères diffèrent des veines eu égard à l’épaisseur. — Cette différence, répond Galien, tient au nombre et à la nature des tuniques, et non pas seulement à l’épaisseur ; autrement quand on fatigue beaucoup, on devrait avoir plus de cinq doigts aux mains, etc. — Asclépiade qui fait étalage de science pour expliquer la cause d’une disposition, paraît manifestement ignorer celle de toutes les autres, et surtout il ignore la cause du genre divin, la vraie caille, la cause finale. — Asclépiade est aussi ignorant en anatomie qu’inhabile en dialectique ; ainsi il ne sait pas que chez l’embryon les vaisseaux du poumon ont la même conformation que chez l’adulte, et s’il le sait, comment peut-il concilier ce fait avec les assertions sur la cause de la différence entre les deux ordres de vaisseaux pulmonaires. — Enfin ni le cerveau, ni le cœur, ni le thorax, bien qu’ils aient un mouvement considérable, n’ont des veines artérieuses et des artères veineuses.


Asclépiade, omettant les deux [vraies] causes, celle tirée de la prévoyance du Créateur, et que nous avons dit être la cause première, et la cause matérielle (c’est-à-dire la cause de la catégorie du τὸ δι᾽ οὗ), qui est la seconde ; revient au genre de cause le plus insignifiant de tous ; un dialecticien n’y verrait même pas une cause, je pense ; tout cela ne lui paraîtrait, au plus, qu’une cause accidentelle ; une cause conséquente (secondaire), et comme une sorte de fausse monnaie : quant à lui, il espère se faire croire, et se répute un sage, oubliant, je pense, la loi d’Adrastée (voy. p. 419, note 3), car aucun autre raisonnement ne saurait mieux convaincre d’absurdité ces opinions que celui qu’Asclépiade s’imagine avoir si savamment inventé.

« En effet, dit-il, de tous les organes, le poumon est le seul où les artères (v. pulmon.) soient douées d’un double mouvement, l’un qu’elles ont d’elles-mêmes, attendu qu’elles battent en vertu de leur propre substance ; l’autre, qui dépend de l’acte respiratoire et qui est dû à l’agitation perpétuelle du poumon ; elles diminuent donc de volume (mot à mot, s’amaigrissent), tandis que les artères des autres parties, exécutant avec modération un mouvement unique et propre, sont par cela même fortes et puissantes. Les veines du corps entier, ajoute-t-il, dénuées de mouvement, s’atrophient avec raison, comme un esclave paresseux qui ne prend pas d’exercice ; tandis que celles du poumon (art. pulmon.), qui obéissent au mouvement du viscère, acquièrent de l’épaisseur, comme les gens qui se livrent à un exercice modéré[53]. »

Mais, ô le plus sagace de tous les hommes ! si je voulais, Asclépiade, relever ainsi les autres vices de vos raisonnements, cela demanderait plus de temps que je n’en puis perdre. Mais ces erreurs qui n’échapperaient pas à un enfant, qui, à plus forte raison, ne devraient pas échapper à un homme si plein de lui-même, sont au nombre de deux : elles proviennent, l’une du dédain pour les dissections ; l’autre, de l’ignorance des principes du raisonnement. Si vous saviez l’anatomie, vous reconnaîtriez aisément avec nous, qu’une artère diffère d’une veine, non-seulement par l’épaisseur, mais encore par le nombre et par la texture des tuniques. En effet, la tunique intérieure, qui est épaisse et dure, qui est munie de fibres transversales, n’existe absolument pas dans les veines (voy. p. 387 note 1 medio). Pour vous, qui vous êtes peu inquiété de vérifier si elle existe ou non, vous osez faire parade de savoir sur des questions où vous manquez de notion précise, vous qui conspuez la science anatomique d’Hérophile, qui condamnez Érasistrate et qui faites peu de cas d’Hippocrate. Est-ce que véritablement vous ignorez que les veines (veines pulmon.) du poumon (ce qu’Asclépiade appelle les artères) n’ont pas cette dure tunique intérieure ? Ou bien, si vous le savez, penseriez-vous que quand une partie s’atrophie, c’est, non pas l’épaisseur, mais le nombre de ses tuniques qui diminue ? Ainsi l’estomac, chez les personnes excessivement maigres, présentera sans doute une seule tunique, et probablement quatre chez les personnes douées d’une bonne complexion. Ainsi encore, les yeux offriront trois tuniques, par exemple chez les gens attaqués de consomption (cette affection atrophie singulièrement les yeux), quatre dans les autres affections, cinq quand nous sommes bien portants, six, peut-être, chez les personnes d’une forte santé, sept chez les athlètes, un plus grand nombre encore chez les Milon et les Polydamas. Il serait beau de voir aussi le nombre des doigts augmenter dans la bonne santé et diminuer dans la mauvaise. Ce serait en effet un spectacle bien digne de la sagesse d’Asclépiade, que Thersite ayant trois doigts, par exemple, Ajax sept, Achille encore davantage, enfin qu’Orion et Talos en aient sans mesure, et plus, je pense, que les iules n’ont de pattes[54].

O illustre Asclépiade ! un homme qui appuie ses opinions sur des principes détestables, ne peut qu’être trouvé ridicule en tous points. En effet, c’est une Intelligence qui règle, qui ordonne toutes choses (voy. Phædon, p. 97 c-d), et non des atomes unis entre eux par le hasard. Si donc les artères du poumon offrent les caractères des veines, et les veines ceux des artères, c’est que cela était mieux ainsi. Si le cœur présente deux cavités (ventricules) chez les animaux pourvus d’un poumon, et une seule chez ceux qui n’en ont pas, c’est que cela était mieux aussi. Il existe des membranes (valvules) à chacun des orifices pour que le cœur ne se fatigue pas en vain, et un cinquième lobe du poumon (voy. chap. iv et x, et livre VII, chap. x,) pour que la veine cave ait un appui, et ainsi des autres parties. Pour aucune de ces dispositions, le savant Asclépiade n’indique la cause de son existence parce qu’il l’ignore ; il ne la donne que pour une seule entre toutes, muni, à ce qu’il croyait, d’un raisonnement convaincant ! Nous t’accordons que tu as trouvé une bonne explication des vaisseaux du poumon ; eh bien, cherches-en une aussi pour les autres parties de l’animal ?…

Pour nous, en toutes choses, ce n’est pas un seul genre de cause que nous énonçons ; nous les énumérons tous, d’abord le premier et le plus important, c’est-à—dire celui qui se rapporte à la catégorie du mieux. Au second rang, celui tiré des instruments et de la matière employés par le Créateur pour amener à la forme la plus parfaite chacune de ses œuvres, donnant, par exemple, aux artères du poumon un tissu lâche, aux veines un tissu serré pour la cause que nous avons indiquée (chap. x, p. 406 et suiv.). Il a fait naître les veines des parties artérielles du cœur et les artères des parties veineuses, et cela en vue du mieux. Pour donner aux vaisseaux une substance conforme à leur nature, il a abouché les artères avec le ventricule gauche qui contient le pneuma, et avec l’autre les veines[55]. Comme il était mieux de leur donner une forme moins exposée aux lésions, il les a faites rondes. Comme il fallait les créer avec une matière et au moyen d’instruments, ayant mêlé l’humide au sec et de ce mélange ayant formé une humeur susceptible d’être façonnée comme la cire, il en fit la base des futurs organes. Unissant le chaud et le froid, il les employa comme instruments à élaborer la matière, et grâce à eux, il sécha une partie de la substance par le chaud, en solidifia une autre par le froid, et de leur combinaison constitua un pneuma bien tempéré. Avec ce pneuma, ayant ensuite soufflé et étendu la matière, il a construit un vaisseau creux, allongé, rempli de liquide en plus ou moins grande abondance, selon que les parties devaient être plus denses ou plus ténues. — Voilà dans ce passage [imité du Timée de Platon] toutes les causes décrites, celles qui regardent le but, le Créateur, les moyens, la matière, enfin la forme.

Pour vous, Asclépiade, si vous voulez omettre les plus importantes, celle du but et celle du Créateur, du moins indiquez les autres pour chacune des parties ; mais telle n’est pas votre façon d’agir. On ne saurait en effet, je pense, apporter des arguments concluants pour aucun fait de détails, quand la base du raisonnement est vicieuse. C’était ce vice radical auquel je faisais tout à l’heure allusion, en disant que les erreurs d’Asclépiade naissaient de l’ignorance des principes du raisonnement. Mieux valait, pour toutes choses, omettre la cause en vertu de laquelle chacune d’elles est née ; on aurait supposé que si vous gardiez le silence, c’était volontairement. Mais on pousse l’absurdité au point de ne pas comprendre, qu’en exposant seulement une cause ou deux, on rend suspect son silence sur les autres. En effet, en tâchant d’expliquer la raison d’être des artères et des veines du poumon, on énonce, non pas l’espèce divine de cause, comme la nomme Platon (Phædon, p. 99 c), mais la cause nécessaire (matérielle), en omettant toutes les autres. Mais s’il s’agit d’expliquer qu’il était nécessaire que le cœur fut établi à tel endroit [plutôt qu’à tel autre], que certains animaux eussent deux cavités, d’autres une seule, que les êtres privés de poumon n’eussent point de cavité droite, on n’ose pas aborder ces questions, ni les autres analogues ; et si on a découvert quelque raison frivole, mais spécieuse, on nous oblige à perdre notre temps pour les réfuter. En effet, si Asclépiade (outre le grave soupçon auquel il s’est exposé, d’impuissance à expliquer les autres points, par là même que pour un, il s’est cru si riche d’arguments) ne fut pas descendu à un tel degré de puérilité, qu’il a encore été convaincu d’ignorance sur les résultats révélés par les dissections, je ne perdrais pas mon temps en cherchant à le réfuter, mais je resterais fidèle, comme je l’ai fait depuis le commencement, à mon dessein bien arrêté de laisser sans réfutation toutes les assertions erronées (cf. II, iii, p. 173, et note 1).

Maintenant, comme certains défenseurs de semblables systèmes s’enorgueillissent de choses dont ils devraient rougir, j’ai cru nécessaire de réfuter leur raisonnement pour qu’un plus grand nombre ne s’y laisse pas tromper. La réfutation, comme il a été dit précédemment, est double, étant tirée, l’une de l’anatomie, l’autre des principes du raisonnement. Il a bien paru que le savant Asclépiade ignorait l’un et l’autre, qu’il ne savait pas que les artères diffèrent des veines, non-seulement par l’épaisseur, mais encore par le nombre et la dureté des tuniques, et par la disposition des fibres ; que de plus, en traitant sans embarras de ces questions, il trahissait son ignorance sur celles à propos desquelles il garde un silence forcé. Pour qu’il en soit manifestement convaincu, revenons sur les faits que révèle la dissection.

Lui-même reconnaît qu’aucun embryon ne respire. Et moi j’affirme, bien qu’il ne le dise pas, que si l’on prend un animal nouveau-né ou encore dans le sein maternel, et qu’on le dissèque, on verra que les artères du poumon ont les caractères des veines, et les veines ceux des artères. Et certes, il y a désaccord entre ces faits et la théorie d’Asclépiade. Comment prétendrait-on encore que la cause de cette substitution des vaisseaux est le mouvement de la respiration, l’action fatigante des artères ou l’exercice modéré des veines, puisque de telles dispositions apparaissent dans les embryons même avant qu’ils respirent. Mais, au sujet des embryons, nous dirons un peu plus loin (chap. xx et xxi) quel spectacle admirable présente toute la base de leur cœur. Asclépiade n’a pas connu cela, ou s’il l’avait connu, il lui eût été impossible d’en découvrir les causes, lui qui rapporte aux atomes et au vide les principes de tous les phénomènes. Dans le livre actuel, j’ai voulu le railler un peu et lui montrer que je n’ignorais ni l’étendue, ni la nature de sa science anatomique, ni ses notions des conséquences et des contradictions.

Je rappellerai encore à cet homme le thorax et le cœur. Peut-être parce que l’encéphale est éloigné du poumon, a-t-il oublié ce viscère, perpétuellement agité et qui n’a cependant ni les veines artérielles, ni les artères veineuses[56]. Mais le thorax tout entier est mû beaucoup plus fortement que le poumon, au dire d’Asclépiade lui-même ; si le poumon, comme un entonnoir, est mis en mouvement par le passage de l’air, le thorax, indépendamment de cette action, éprouve encore une dilatation et une contraction considérable ; toutefois, il n’est pas pourvu de veines artérielles ni d’artères veineuses. Il fallait, je pense [suivant la théorie d’Asclépiade], que les unes, agitées d’un mouvement modéré, devinssent épaisses, que les autres, fatiguant excessivement, finissent par s’amincir. — Que dirai-je encore du cœur qui, mû plus fortement que tous les organes, a néanmoins des veines et des artères semblables à celles de toutes les parties du corps de l’animal, ainsi que le thorax entier, et l’encéphale, comme on l’a vu. Toutes les parties donc, celles qui fatiguent excessivement ou modérément, et celles qui sont entièrement oisives, ont des veines et des artères semblables les unes aux autres[57], parce que cela est mieux. Dans le poumon seul, parce que cela est mieux aussi, la forme de leurs tuniques est intervertie. C’est ainsi qu’en toutes choses notre Créateur n’a qu’un but dans la conformation qu’il donne aux parties : le choix du mieux. Mais en voilà sur Asclépiade plus peut-être qu’il ne faut.


Chapitre xiv. — Du nombre des orifices du cœur ; de la disposition et du nom des valvules qui se trouvent à ces orifices. — Les valvules les plus fortes devaient se trouver à l’entrée des vaisseaux qui apportent les matières, et les plus faibles à celle des vaisseaux qui les expulsent. — Du mode d’action des valvules. — Concours simultané des vaisseaux, des oreillettes et du cœur (principe du mouvement des deux autres parties) pour la progression du sang et du pneuma.


Donnons maintenant les explications qui font suite à ce que nous avons dit précédemment et que nous avons différées jusqu’ici (voy. chap. xi, p. 417). Les orifices du cœur étant au nombre de quatre, pour trois d’entre eux il existe trois membranes, et deux seulement pour l’artère veineuse (valvule bicuspide ou mitrale de l’orifice auriculo-ventriculaire gauche, que Galien considère comme celui des veines pulmonaires). Toutes naissent des orifices mêmes ; mais issues de ce point, les unes pénètrent dans les ventricules du cœur, de manière à s’y attacher même par de forts ligaments ; les autres sont tournées en dehors, à l’endroit où les deux vaisseaux s’élèvent du cœur[58]. Il existe à la veine artérielle (artère pulmonaire), qui, disions-nous (chap. x, p. 406 et suiv.), alimente le poumon, trois membranes inclinées de dedans en dehors, appelées, à cause de leur forme, sigmoïdes[59], par ceux qui ont pratiqué les dissections avec soin. À la veine qui amène le sang (veine cave), se trouvent aussi trois membranes tournées de dehors en dedans (valvule tricuspide de l’orifice auriculo-ventriculaire droit), mais dépassant beaucoup les précédentes par l’épaisseur, la force et la grandeur.

Il n’existe pas dans le ventricule droit un troisième orifice. En effet, la veine qui nourrit les parties inférieures du thorax (grande et petite azygos) et celle qui couronne le cœur, c’est ainsi qu’on la nomme (veine coronaire ou cardiaque), ont leur origine en dehors de la naissance des membranes[60]. Dans l’autre ventricule du cœur existe un orifice (orifice aortique), le plus grand de tous, par où débouche la grande artère (aorte), de laquelle naissent toutes les artères de l’animal. Il s’y trouve aussi trois membranes sigmoïdes tournées de dedans en dehors. L’autre orifice, celui de l’artère veineuse, laquelle se distribue dans le poumon, offre deux épiphyses membraneuses (valvule bicuspide ou mitrale, voy. plus haut) s’ouvrant de dehors en dedans, et dont aucun anatomiste n’a tenté de comparer la forme à un corps connu, comme on l’a fait pour les valvules sigmoïdes, car le nom de triglochines, qu’on leur a donné, se rapporte, non à la forme de chacune d’elles, mais à l’arrangement qu’elles offrent entre elles[61]. En effet, quand elles sont réunies, elles ressemblent exactement à des pointes de dards. Mais ce nom peut s’appliquer [principalement] aux trois membranes qui existent à l’orifice de la veine-cave. Il conviendrait mal à celles de l’orifice de l’artère veineuse (veine pulmonaire), lesquelles ne sont qu’au nombre de deux. Je dirai un peu plus loin (chap. xv, p. 437) pourquoi c’est le seul orifice pourvu de deux membranes : car la nature n’a pas, en cette occasion, montré de négligence.

C’est avec raison que pour les vaisseaux qui amènent les matières au cœur, il existe des membranes (valvules) grandes et fortes, et qu’elles sont moins robustes dans les vaisseaux qui les expulsent (voy. chap. xv, medio). Je vais essayer de démontrer ce fait ainsi que les autres moyens préparés par la nature pour que les matières soient attirées puis expulsées. Il est difficile, même en voyant les parties, d’expliquer clairement de telles choses ; mais, sans la vue, cela est presque impossible. Il faut s’efforcer néanmoins, de donner de ces faits une idée aussi nette que possible. Les membranes, disposées de dehors en dedans, lesquelles, disions-nous, sont grandes et fortes, ont, toutes, leurs extrémités attachées dans le cœur même, et retenues par des ligaments solides (colonnes charnues et leurs ligaments). Quand le cœur se dilate, chacun de ces ligaments, tendu par l’écartement même du viscère, tire à lui et renverse, pour ainsi dire, la membrane sur le corps même de ce viscère. Les membranes étant donc toutes trois repliées circulairement sur le cœur, les orifices des vaisseaux s’ouvrent, et le cœur attire facilement par une large voie les matières contenues dans ces vaisseaux. Le cœur, par ce mouvement, attire à lui et les matières et le vaisseau même, qui est tendu et entraîné au moyen des membranes. Il n’est pas possible, en effet, que les membranes soient attirées par le cœur, et que le vaisseau qui leur fait suite ne ressente rien de cette attraction. Ainsi, par un seul mouvement que fait le cœur en se contractant, les membranes, tirées par le ligament, se rabattent dans la cavité même du cœur, et quand elles sont repliées circulairement en arrière, l’orifice s’ouvre en même temps que les vaisseaux sont attirés par les membranes dans le cœur ; les matières qu’ils renferment pénètrent alors sans empêchement dans les cavités de ce viscère, puisque rien n’y fait obstacle, et qu’au contraire les causes capables d’accélérer le déplacement des matières conspirent toutes pour produire cet effet. Une substance qui change de place doit être, ou attirée, ou lancée par quelque corps, ou amenée[62]. Ces trois modes concourent à l’introduction des matières, quand le cœur se dilate. Le cœur attire ces matières, les cavités des oreillettes établies en avant les lancent, les vaisseaux les amènent. Le principe du mouvement de toutes ces parties réside dans la seule dilatation du cœur même.


Chapitre xv. — Le cœur est doué de toutes les puissances attractives qu’on peut imaginer. — Cette puissance d’action compromettante pour la sûreté des vaisseaux pulmonaires est heureusement contrebalancée par la création des oreillettes. — Les oreillettes contribuent aussi à la prompte réplétion du cœur. — Leur tissu les rend propres à remplir exactement leur fonction, et les met à l’abri des lésions. — De la prévoyance de la nature dans la disposition et le nombre des valvules pour chaque orifice.


Les oreilles, épiphyses[63] fibreuses et creuses, placées au devant des orifices, sont habituellement lâches et conséquemment creuses ; mais quand le cœur se dilate, elles se tendent et se contractent comme les membranes, et par là compriment les matières qu’elles poussent dans le cœur. Comme les orifices des vaisseaux eux-mêmes viennent à la suite et qu’ils sont tirés fortement en dedans par le cœur, ils amènent les matières poussées par les oreillettes. Le cœur même doué de toutes les facultés attractives qu’on peut imaginer[64], reçoit rapidement dans la profondeur de ses cavités les matières introduites qu’il saisit et qu’il aspire pour ainsi dire. En effet, soit que vous preniez pour terme de comparaison ou les soufflets distendus des forgerons qui se gonflent d’air attiré intérieurement (voy. note 1 de la p. 430), vous reconnaîtrez que la même puissance existe au plus haut degré dans le cœur ; ou la flamme des lampes qui attire l’huile, vous constaterez que cette faculté ne manque pas non plus au cœur, source de la chaleur naturelle ; ou encore la pierre d’Héraclée[65], qui, attire le fer, grâce à l’affinité de ses propriétés avec ce métal [vous trouverez que le cœur possède également cette manière d’attirer].

Quoi de mieux approprié au cœur que l’air pour le rafraîchir ? Quoi de plus utile que le sang pour servir d’aliment ? Il me semble que le cœur eût rompu quelqu’un des vaisseaux en usant à la fois de toutes ses puissances d’attraction, si le Créateur de l’homme n’eût, pour prévenir un semblable accident, imaginé dans cet endroit un expédient admirable en plaçant, au devant de l’un et de l’autre des orifices qui exercent la fonction d’introducteurs des matières, une cavité particulière en guise de réservoir de l’aliment, afin que le vaisseau ne coure pas risque d’être rompu, si parfois le cœur vient subitement à tirer avec force, puisque son étroitesse ne lui permet pas de fournir abondamment tout ce que demande le viscère. Emplissez d’air un vaisseau et videz-le en attirant l’air par la bouche à travers l’orifice, vous le briserez si vous y mettez de la violence. De même le cœur, qui a besoin de remplir rapidement sa cavité, beaucoup plus considérable que la capacité des deux vaisseaux, les aurait, en tirant violemment, déchirés et rompus, si une cavité extérieure n’eût été fixée au-devant de lui, telle qu’elle existe effectivement, grâce aux deux oreilles.

Les oreilles du cœur n’ont donc pas été créées inutilement, leur nom (ὦτα, oreillettes des modernes) seul est frivole[66] : car il semble qu’elles ne sont pas d’une médiocre utilité pour les animaux. En effet, il est de la plus haute importance qu’aucun dommage n’arrive à l’artère qui se distribue dans le poumon (veine pulmonaire) ou à la veine-cave ; il est certain que les oreillettes rendent aux animaux le plus grand service. Ces deux vaisseaux, pour ne pas parler des autres particularités de structure, ont des tuniques minces, l’un parce qu’il est tout à fait veine, l’autre, parce qu’il valait mieux, nous l’avons démontré (chap. x et note 2 de la p. 407), que l’artère du poumon fût veineuse. Mais un vaisseau mince et mou, s’il est plus propre à se contracter aisément, est aussi plus susceptible de se rompre s’il est tendu, Ainsi, les deux vaisseaux conducteurs des matières dans le cœur eussent été déchirés aisément, étant pourvus de tuniques minces et molles, et tirés violemment par la dilatation du cœur, si la nature n’eût pas imaginé l’expédient qu’offrent les deux cavités des oreilles.

La disposition de ces oreilles non seulement prévient tout danger pour les tuniques des vaisseaux, mais encore concourt à remplir promptement le cœur. En effet, les tuniques molles se contractant plus vite que les dures, le cœur se remplit naturellement dans la proportion de cette vitesse ; mais seules et dépourvues des cavités adjacentes, elles n’auraient pas suffi pour le remplir, et dans ce moment, tendues par le cœur, elles auraient été aisément rompues. Mais avec le secours de ces cavités, elles ont rapidement rempli le cœur avant d’être tendues excessivement, trouvant dans leur substance lâche une protection efficace contre les lésions. Ces détails vous ont démontré la nécessité pour l’artère pulmonaire (veine pulmonaire) d’être veineuse. C’est pour la même cause, je pense, que les deux oreilles ont une tunique mince et fibreuse. Leur ténuité contribue beaucoup à faciliter leur contraction, et la force de leur tissu, à les mettre à l’abri de toute lésion : car le tissu fibreux est très-résistant. — Leur nom ne dérive pas d’une utilité ou d’une fonction, mais d’une légère ressemblance, ces corps étant situés de chaque côté du cœur, comme les oreilles sur la tête de l’animal (voy. note 2 de la p. 433).

Quant aux membranes (valvules), celles qui appartiennent aux vaisseaux chargés d’introduire les matières doivent d’autant plus surpasser en force et en grandeur celles qui appartiennent aux vaisseaux chargés de porter les matières au dehors, que le mouvement de dilatation réclamait plus de force que celui de contraction (voy. chap. xiv, medio). En effet le cœur doit mettre plus d’énergie pour attirer en se dilatant que pour comprimer en se resserrant. Ces trois membranes (valvules), établies à chaque orifice pour le fermer et l’ouvrir exactement et rapidement, sont encore une admirable disposition de la prévoyante nature. S’il y en avait deux seulement, les replis de ces membranes, étant trop grands, ne seraient plus propres ni à fermer, ni à ouvrir les orifices avec exactitude et célérité ; s’il y en avait plus de trois, ces deux fonctions seraient accomplies plus exactement, il est vrai, et plus rapidement, vu la brièveté des replis ; mais aussi la facilité à être renversés, et la faiblesse, résulteraient nécessairement de cette petitesse. Il était donc indispensable, pour que les orifices s’ouvrissent et se fermassent en même temps avec célérité et aussi avec solidité et exactitude, qu’il existât trois membranes à chacun d’eux, puisqu’un autre nombre ne pouvait offrir toutes ces conditions ; inférieur à trois, il y avait moins d’exactitude et plus de lenteur dans l’occlusion ; supérieur à trois, la fonction s’accomplissait avec moins de vigueur. C’est donc avec raison qu’un seul orifice, celui de l’artère veineuse (veine pulmonaire, c’est-à-dire orifice auriculo-ventr. gauche), n’offre que deux épiphyses membraneuses[67]. Lui seul, en effet, avait avantage à ne pas être exactement fermé, puisque lui seul, de préférence, avait mission de laisser passer du cœur dans le poumon les résidus fuligineux que la chaleur naturelle au viscère y entretient nécessairement, et qui n’avaient pas de plus courte issue[68].

Nous avons donc évidemment eu raison de prétendre que les membranes (valvules) ont été disposées pour servir à la fois d’opercules aux orifices et d’organes de traction. En effet, tendues par le cœur, grâce à ces membranes, les tuniques des vaisseaux, comme nous le disions précédemment (chap. xiv et chap. xv, init.), se contractent plus promptement, et poussent plus aisément quand le cœur attire les matières. La tension du cœur lui-même tirant par leurs racines les membranes dirigées de dedans en dehors, les repliant vers la face intérieure du cœur et les redressant toutes, ferme les orifices des vaisseaux (voy. chap. xvi, medio). Ainsi cette faculté de dilatation du cœur, cause de plusieurs actes, nous le démontrions tout à l’heure (chap. xiv, fine), qui concourent à l’attraction des matières, sert aussi évidemment à fermer l’orifice de la veine artérieuse (artère pulmonaire) et de la grande artère (aorte). Aussi, une prévoyance, un art suprême, se manifestent dans toutes les parties du cœur.

Chapitre xvi. — Comparaison des deux ventricules eu égard à leur épaisseur ; avantages qui résultent pour l’équilibre du cœur de ce que le plus épais contient l’air, et le plus mince, le sang. — Le péricarde en éloignant le cœur à la fois du sternum et du poumon, et présentant lui-même une substance intermédiaire entre celle des os et celle du parenchyme pulmonaire, protège le cœur et les poumons, permet leurs libres mouvements et se trouve lui-même à l’abri des lésions. — Galien récapitule ce qu’il a dit au sujet des valvules ; il croit qu’à travers leurs orifices, un peu de sang arrive au ventricule gauche, et un peu d’air au ventricule droit. — Exemples de cette proposition d’Hippocrate que tout est dans tout.


En effet, toute la partie gauche du cœur est fort dure et fort épaisse, comme devant servir de parois à la cavité pneumatique ; la partie droite, au contraire, est mince et molle, afin que l’une et l’autre soient conformes aux matières qu’elles retiennent et que l’équilibre du cœur soit maintenu. Il était mieux, en effet, que l’air fût contenu dans une tunique plus épaisse, et que le poids du sang enfermé dans la cavité droite fît équilibre à la masse de la cavité gauche. Si la nature avait créé la même cavité à la fois pourvue d’une tunique (paroi) épaisse et remplie de sang, tout le cœur eût été entièrement renversé de ce coté. Mais dans l’état actuel, le corps plus lourd recouvrant la substance plus légère, et le corps plus léger la substance plus lourde, l’équilibre du cœur résulte de la pondération des deux parties. Et, bien qu’aucun ligament ne l’attache aux organes voisins, néanmoins il demeure toujours sans incliner, ni pencher, suspendu au centre de cette dure tunique appelée péricarde, qui naissant très-large de la tête (base) du cœur[69], puis se rétrécissant peu à peu, se termine comme le cœur même en sommet de cône attaché au sternum [par du tissu cellulaire]. Ce nom de tunique paraît mal choisi quand on s’inquiète de la justesse des désignations : c’est plutôt comme l’habitation, le rempart protecteur du cœur. De tous côtés il en est à une grande distance. Il existe entre lui et le cœur un intervalle assez considérable pour que ce dernier se dilate à son aise. Lui attribuer plus d’espace, c’était empiéter sur la largeur du thorax obligé de se conformer aux mouvements alternatifs d’inspiration et d’expiration.

Voici à coup sûr une nouvelle œuvre admirable de la nature ; ce péricarde, qu’on l’appelle tunique, membrane, habitation, ou de tout autre nom, a précisément la forme du viscère qu’il renferme ; il a la grandeur convenable pour ne pas gêner le thorax, ni mettre le cœur à l’étroit ; le premier ne perd pas de sa largeur plus qu’il ne fallait, et le cœur n’éprouve pas d’embarras dans ses mouvements. Mais ce parfait accord dans son épaisseur et sa force, comment ne l’admirerait-on pas ? Car il devait toucher d’un côté les os du thorax, os durs, de l’autre le poumon, le plus mou de tous les viscères. Il était exposé, s’il eût été plus dur qu’il n’est actuellement, à blesser ce viscère froissé et comprimé par lui ; s’il eût été plus mou, à être lésé par les os. En conséquence, de même qu’il est situé au milieu de corps de nature opposée, de même il possède une substance intermédiaire entre les extrêmes. Car autant cette substance est plus molle qu’un os, autant elle est plus dure que le poumon. Aussi le voisinage du péricarde avec l’un et l’autre, n’est-il cause d’aucune gêne ; il n’est pas incommodé par les os, et, à son tour, il ne blesse pas le poumon. Le péricarde a donc droit à notre admiration.

Mais l’art éclate dans les orifices du cœur avec d’autant plus d’évidence que leur action est plus puissante. Car presque toutes les fonctions du cœur s’accomplissent par leur intermédiaire. Revenons donc à elles pour éclaircir ce qui a pu manquer de précision dans nos explications et pour y ajouter les détails qui ont pu nous échapper. Le cœur, nous l’avons déjà dit et démontré (chap. xv, fine), pendant qu’il se dilate, en tirant les racines des membranes, ouvre les orifices des vaisseaux qui amènent le sang et ferme ceux des vaisseaux qui le renvoient. Nous avons dit aussi (cf. p. 414) que tous les corps plus légers obéissent plus aisément à l’attraction ; que dans tous les orifices il existe trois membranes (chap. xv, fine, p. 437) ; que dans l’orifice seul de l’artère veineuse (veine pulmonaire, ― ibidem) il n’en est pas ainsi, parce que seule elle doit livrer passage aux résidus brûlés transportés du cœur au poumon.

Peut-être conclurait-on de là que rien absolument ne repasse dans les trois autres orifices des vaisseaux. Telle n’est pas la vérité[70]. Au moment où il arrive aux membranes (valvules) de se fermer, le sang et le pneuma sont nécessairement attirés dans le cœur, et quand elles se contractent avant de se fermer, elles doivent les chasser en se fermant. Même ces membranes fermées, il est possible que dans un mouvement du cœur un peu violent, il s’échappe des particules non-seulement de vapeur et d’air, mais aussi de sang. À propos de la trachée artère, nous avons démontré qu’il était impossible qu’il n’y filtrât pas une goutte des liquides avalés[71], il faut se persuader qu’il en est de même ici ; car si la nature a su mettre obstacle à un transvasement considérable, elle n’a pu trouver un moyen pour prévenir complétement le plus petit écoulement possible. Nous avons démontré ailleurs que tout est dans tout comme disait Hippocrate[72], ainsi les artères renferment un sang ténu, pur et subtil, les veines un peu d’air vaporeux. De même nous avons démontré[73] que par l’œsophage il s’introduisait de l’air dans l’estomac quand nous avalons et que nous inspirons ; qu’ainsi aucune des parties constitutives du corps n’était absolument pure, et que tout participe à tout ; mais elles ne sont pas à un degré égal, les unes des organes spéciaux du sang ou de quelque autre liquide nourricier, et les autres les organes de la respiration. De la même façon quand le thorax est ouvert, on voit palpiter les deux cavités du cœur[74] et cependant toutes deux ne contiennent pas dans la même mesure le sang et le pneuma. La cavité droite renferme le sang et la cavité gauche le pneuma dans une proportion bien plus grande.


Chapitre xvii. — Galien établit contre Érasistrate que les artères contiennent du sang. — Dans la doctrine de ce dernier les anastomoses qui existent entre les veines et les artères, et qu’il admet lui-même, n’auraient servi qu’a produire les inflammations. — Les anastomoses ont une utilité réelle, car par l’échange qu’elles établissent entre le sang et le pneuma, elles permettent que chaque partie reçoive la nourriture qui lui convient. — Des pertuis existent à la cloison interventriculaire et établissent une communication entre les deux ventricules. — Volume proportionnel de la veine et de l’artère pulmonaires, de la veine cave et de l’aorte ; utilité de la différence qui existe sous ce rapport entre ces trois vaisseaux. — Que le cœur devait fournir l’aliment du poumon, et recevoir le sien de la veine cave. — L’artère coronaire par son volume vient en aide à la veine pulmonaire pour rafraîchir le cœur.


Si l’on vient à blesser en même temps plusieurs artères principales, elles laissent échapper du sang, c’est un fait reconnu de presque tout le monde. Aussi ceux qui n’attribuent absolument pas de sang aux artères[75], comme Érasistrate, n’en reconnaissent pas moins que les artères s’anastomosent avec les veines ; et, bien qu’ils pensent que toutes choses ont été disposées par la nature avec art, que rien n’a été fait en vain, ils ne comprennent pas qu’ils avouent par là que ces anastomoses existent sans cause. Que ces anastomoses fussent disposées sans but et ne rendissent aucun service à l’animal, cela seul serait peu de chose ; mais une faute plus grave et qui paraîtrait une erreur sérieuse de la nature, ce serait qu’une chose, non-seulement ne fût pas utile, mais devînt encore extrêmement nuisible, et c’est là la conséquence à laquelle ils arrivent.

Érasistrate lui-même nous apprend donc avec soin que l’inflammation ne saurait naître que d’un épanchement du sang des veines dans les artères. Et cependant, si une inflammation ne peut naître autrement, les animaux ne devraient être tourmentés ni de pleurésie, ni de frénésie, ni de péripneumonie, ces anastomoses étant supprimées ; il n’y aurait non plus ni ophtalmie ni esquinancie, ou cynanche, les anastomoses n’existant pas ; ni inflammation du foie, de l’estomac, de la rate et des autres parties. Qu’en résulterait-il, sinon que la plupart des maladies les plus graves n’existeraient pas sans ces anastomoses, auxquelles la prévoyante nature n’a accordé aucune utilité pour l’animal, et qu’elle aurait destinées à n’être que les instruments de la naissance de maladies mortelles[76]. En effet, sans les anastomoses, l’inflammation n’irriterait pas les blessures ; il n’y aurait ni fièvre produite par la pléthore, ni phlegmasie du foie, de l’estomac, du cœur (cf. p. 400, note 3), ou de quelque autre organe, maladies dont on meurt, et toujours si rapidement. Quant à l’opinion d’Érasistrate sur les artères, opinion qui contredit et combat l’évidence, comme je l’ai déjà discutée, non pas une fois ou deux, mais à plusieurs reprises, je crois inutile maintenant d’y revenir.

Les anastomoses des artères avec les veines, la nature ne les a pas créées inutilement ni en vain, mais pour que l’utilité de la respiration et des pulsations se répartisse, non pas sur le cœur et les artères seulement, mais encore sur les veines. Nous avons dit ailleurs (Facultés naturelles, III, XIII) quel genre d’utilité elles présentent. Ces notions suffisent pour le but que nous nous proposons dans ce traité. Nous parlions, il n’y a pas longtemps (chap. x, p. 411), de la nécessité que toutes les parties du corps ne reçussent pas la même nourriture ; cette nécessité démontre l’utilité d’une différence dans les vaisseaux. Car, s’il n’y avait pour le sang qu’un seul vaisseau, toutes les parties seraient nourries d’un aliment semblable. Et cependant y aurait-il quelque chose de plus déraisonnable et de plus absurde que de s’imaginer que le foie, par exemple, le plus pesant et le plus dense des viscères, ait besoin, pour se nourrir, du même sang que le poumon, organe le plus léger et le plus poreux.

Aussi la nature a-t-elle eu raison de créer dans le corps des animaux, non-seulement les artères, mais encore les veines. C’est pour cela que le foie est alimenté par des veines seules, veines très-fines et très-poreuses, et que le poumon l’est par des artères. En effet, les veines destinées à l’alimenter, ressemblent aux artères, comme nous l’avons dit plus haut (chap. x, p. 406 et suiv.). Il faut donc admirer ici encore la prévoyance de la nature, qui crée des vaisseaux de deux espèces, dont les extrémités les plus voisines s’anastomosent entre elles et qui, avant tout, fait communiquer entre elles les cavités mêmes du cœur, comme nous l’avons aussi établi ailleurs (chap. xvi, fine). Maintenant, en effet, nous ne nous proposons pas de montrer que telle chose a lieu dans le corps de l'animal, mais pourquoi elle a lieu. Comme la connaissance du fait précède nécessairement la cause de ce fait, ainsi que dit Aristote (Anal. post., II, i, ii), il est impossible d'exposer les utilités avant d’avoir rappelé les fonctions (cf, I, viii ; aussi p. 351, note 1.)

Les petites fosses (βόθυνοι) qui apparaissent, surtout vers le milieu de la séparation [des deux cavités] du cœur (cloison inter-ventric.) ont donc été créées en vue de la communication dont nous avons parlé plus haut (laquelle existe pour qu'il y ait échange mutuel de sang et de pneuma)[77] ; car outre les autres utilités communes indiquées, il valait mieux que le sang des veines passât tout élaboré dans les artères, de façon que les veines fussent pour les artères ce qu'est l'estomac pour les veines[78] ; car il n’est pas du tout déraisonnable d'imaginer que le pneuma vital, s’il est vrai qu'il existe, est une exhalation (ἀναθυμίασις) du sang, pourvu que le sang soit pur[79]. Nous avons développé ailleurs (Util. de la respir., chap. v, t. V, p. 501) cette proposition. Pour notre but actuel, il nous suffit d'indiquer seulement qu'il y a utilité à ce que les artères renferment un sang pur et léger, puisqu'il est destiné à alimenter l'air vital.

Tous ces faits sont donc une grande preuve que la nature a été sage de créer cette double espèce de vaisseaux, que de plus, les artères destinées à un mouvement incessant, ont besoin d’une certaine force et d’une certaine espèce de tunique, que celle-ci ne peut être à la fois forte et mince ; que, d’un autre côté, si elle était épaisse, beaucoup de parties du corps ne recevraient pas une nourriture convenable. La nature a donc bien disposé toutes ces choses dans tout le corps de l’animal, et particulièrement dans le cœur même, en imaginant de faire communiquer les veines avec les artères par de petits orifices (partuis inter-ventriculaires). Aussi le vaisseau qui s’insère sur le cœur (veine cave) est-il plus volumineux que celui qui en sort (artère pulmonaire), bien que ce dernier reçoive un sang déjà liquéfié [et par conséquent plus dilaté] par la chaleur naturelle du viscère. Mais comme une grande quantité de sang pénètre dans la cavité gauche par le milieu de la cloison des cavités (cloison inter-ventriculaire) et par les ouvertures qui s’y trouvent, il est naturel que le vaisseau qui pénètre dans le poumon (artère pulmonaire) soit moins volumineux que celui qui apporte le sang au cœur (veine cave). Semblablement l’artère qui, du poumon amène l’air dans le cœur (v. pulmon.), est elle-même beaucoup moins volumineuse que la grande artère (aorte), de laquelle prennent naissance toutes les artères du corps, parce que la grande artère enlève une partie du sang du ventricule droit, et qu’elle devait être l’origine de toutes les artères du corps entier de l’animal.

Comme la substance du cœur est épaisse, dense, et réclame un aliment épais, elle est alimentée par le sang de la veine cave avant qu’il ne pénètre dans le coeur[80]. En effet, arrivé dans ce viscère, il devait devenir chaud, léger et subtil. Par cette raison, il est donc en tous points raisonnable, bien que cela paraisse singulier à certaines gens, que le cœur fournisse des aliments au poumon et qu’il n’en fournisse pas à lui-même. En effet, le poumon avait besoin d’un sang ténu et vaporeux, le cœur n’avait pas besoin d’un pareil sang. Le cœur, mû en vertu de sa propre puissance, demandait une substance forte, épaisse et dense. Quant au poumon, qui est mû par le thorax, il valait mieux qu’il ne fût ni lourd, ni dense, mais léger et poreux. Chacun d’eux ainsi constitué, réclamant des aliments analogues à sa substance, le cœur, naturellement, voulait un sang épais, et le poumon un sang vaporeux. C’est pourquoi le cœur ne se nourrit pas lui-même ; mais avant que la veine cave pénètre dans le ventricule droit, un rameau assez fort (veine coronaire) pour nourrir le cœur, s’en détache, et s’enroulant extérieurement à la tête (base) de ce viscère, se distribue dans toutes ses parties. Avec cette veine, se déroule et se ramifie, comme cela est juste, une artère, branche issue de la grande artère, assez considérable pour rafraîchir cette même veine et entretenir dans les parties extérieures du cœur, le tempérament exact de la chaleur innée. En effet, il ne suffirait pas du vaisseau qui, partant du poumon, s’insère sur le cœur (veine pulmonaire) pour rafraîchir tout ce viscère, si épais et si dense. Car, ainsi que nous l’avons montré dans notre traité Sur les facultés naturelles (III, xv), si les matières peuvent bien traverser jusqu’à un certain point les corps mêmes, elles ne sauraient avancer très-loin, à moins qu’un large passage ne leur soit ouvert. C’est pour cela qu’à de courts intervalles, non-seulement dans le cœur, mais encore dans tout l’animal, ont été disposées des artères et des veines que jamais n’aurait établies la nature si elle avait pu, sans une large voie, faire cheminer les matières aussi loin qu’il convient.


Chapitre xviii. — Le cœur a de très-petits nerfs. — Cette disposition est en rapport avec la nature de son action. — Utilité générale des nerfs pour les viscères.


Une artère et une veine embrassent donc circulairement toute la substance du cœur, mais aucun nerf ne paraît y pénétrer, non plus que dans le foie, les reins ou la rate[81]. Seul, le péricarde, enveloppe du cœur, paraît recevoir des ramifications de petits nerfs ; ceux-ci se divisant, quelques filets visibles s’implantent manifestement sur le cœur même, du moins chez les grands animaux. Toutefois, il n’est pas encore possible de distinguer clairement, par les sens, comment ils se distribuent dans le viscère, mais le mode d’insertion des nerfs et leur volume est tout à fait le même que pour le foie, les reins et la rate. En effet, chez ces derniers, comme nous l’avons dit naguère, des nerfs visibles s’insèrent sur les tuniques (voy. note de la p. 446) ; mais il n’est pas non plus possible de les voir se ramifier plus avant dans la substance même des viscères.

Nous avons, dans le livre précédent (chap. viii, ix, x), assez longuement traité de la distribution des nerfs dans tous les viscères, pour qu’en le lisant avec attention, il vous soit inutile d’entendre dire pourquoi le cœur, ayant une action naturelle[82], avait besoin de très-peu de nerfs ; car si les muscles, organes d’une action physique, réclament tous de grands nerfs, le cœur, à qui aucune action de ce genre n’est confiée, avait besoin de nerfs semblables à ceux des viscères précités et aussi à ceux du poumon. Généralement, tous ces viscères ont reçu des nerfs pour participer à la sensibilité et pour ne pas être complétement des plantes. Le foie et le cœur ont spécialement reçu un nerf, parce qu’ils sont les principes de certaines facultés, l’un des facultés de l’âme concupiscente, l’autre de celles de l’âme énergique[83]. J’ai dit, dans mes Commentaires sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon, qu’il faut que les principes (δόγματα) s’obéissent mutuellement, s’accordent entre eux et se rattachent par quelque lien commun.


Chapitre xix. — De l’os du cœur chez les grands animaux. — Raisons données par Aristote pour expliquer la présence de cet os. — Autre raison plus générale alléguée par Galien : tout corps ligamenteux s’attache à un cartilage ou à un os. — Pour les valvules et pour l’origine des tuniques vasculaires, il fallait un os chez les grands animaux, et chez les petits un neuro-cartilage (fibro-cartilage).


Comme on trouve aussi un os à la tête (base) du cœur dans les gros animaux, il convient de ne pas omettre l’utilité qu’il présente[84]. Celle qu’indique Aristote est peut-être raisonnable. Il dit (Part. des anim., III, iv) que cet os est le soutien et comme le fondement du cœur, et que c’est pour cela qu’on le trouve dans les gros animaux. Il est évident qu’un grand cœur, suspendu dans un large thorax, avait naturellement besoin d’une telle partie ; mais il eût été mieux de dire que partout la nature attache les extrémités des ligaments à un cartilage ou à un os cartilagineux. Elle ne devait donc pas non plus négliger ni les ligaments du cœur, car les membranes (valvules) situées aux orifices des vaisseaux sont de cette espèce, ni la tunique des artères, dont la substance est semblable à celle du ligament ; loin de là, elle a attaché toutes leurs extrémités à cet os cartilagineux, comme nous le démontrions dans le Manuel des dissections (VII, x). Il existe donc un os cartilagineux dans les gros animaux, et dans les très-petits animaux, un corps neuro-cartilagineux (fibro-cartilage). Donc tout cœur, chez tous les animaux, possède au même endroit une substance dure, créée pour les mêmes utilités.

Que les cœurs les plus volumineux aient besoin d’une semblable substance, plus dure, cela n’a rien d’étonnant. En effet, pour rattacher plus solidement les extrémités des ligaments, et pour affermir le cœur entier quand il est volumineux, la plus dure substance est la plus convenable dans un grand cœur.


Chapitre xx. — Que la disposition des vaisseaux du poumon et du cœur chez le fœtus n’est pas en contradiction avec ce qui a été démontré plus haut sur l’utilité d’une veine artérieuse et d’une artère veineuse chez l’animal adulte. — Invectives contre ceux qui ont émis à cet égard des opinions erronées et de plus malveillantes pour la nature. — Cf. aussi liv. XV, chap. vi.


Telles sont donc les parties du cœur qui existent dans les êtres déjà formés. Chez ceux qui sont encore dans le sein maternel, on voit certaines anastomoses des vaisseaux du cœur. J’avais promis plus haut (chap. xiii, p. 428) d’en parler, je n’en ai rien dit encore, pensant qu’il valait mieux terminer d’abord ce que j’avais à dire sur les êtres déjà formés. Ce but paraissant atteint, il nous faut remplir notre promesse.

Nous avons démontré (voy. particul. VI, x) que le poumon possédait des artères veineuses et des veines artérielles, d’abord pour être nourri d’aliments convenables, ensuite pour avoir des artères (veines pulmonaires) qui se contractent aisément, et des veines (artère pulmonaire) qui se contractent difficilement. Au sujet des membranes (valvules) qui sont fixées à chaque orifice du cœur, nous avons aussi montré (x, xi, et surtout xiv) que celles qui sont tournées de dedans en dehors (valv. sigmoïdes) ont pour but de prévenir le retour des matières, et que celles qui s’ouvrent de dehors en dedans (v. auriculo-ventricul.), n’ont pas été créés pour cette destination, mais pour être des organes de traction. Toutes ces dispositions, si bien appropriées à des êtres formés, semblent mal convenir à ceux qui sont encore renfermés dans l’utérus. Aussi nos contradicteurs, qui estiment que la nature n’a rien fait avec art, s’emparent précisément de cette particularité et s’en font une arme avec laquelle ils pensent renverser complètement notre opinion. Ils disent, en effet, que, dans les embryons, le pneuma vient non du poumon au cœur, mais du cœur au poumon. En effet, comme l’animal ne respire pas encore par la bouche, et que l’aliment aussi bien que l’air lui est fourni par la matrice au moyen des vaisseaux de l’ombilic, il est probable que l’air vient, non du cœur à la grande artère de l’épine (aorte), mais de cette artère au cœur, et qu’il est transmis du cœur au poumon même, non du poumon au cœur. Or, disent-ils, si l’épiphyse membraneuse (valvule sigmoïde), placée à l’orifice de la grande artère (aorte), est disposée de telle sorte que rien ou presque rien ne revient par elle dans le cœur, et que, d’un autre côté aussi, par l’orifice de l’artère veineuse (veines pulmonaires), il n’arrive du cœur au poumon que très-peu de matière, il est évident que ni le cœur, ni le poumon ne recevront d’air.

Ils prétendent également que ce qu’on dit des vaisseaux du poumon, n’est que bavardage et mensonge. Ces vaisseaux, disent-ils, présentent la même nature, que les animaux soient renfermés dans l’utérus ou venus au monde, bien que dans le premier cas ils ne respirent pas encore par la bouche. Or, ajoutent-ils, le raisonnement qui explique l’utilité de la substitution opérée dans ces vaisseaux se basait sur ce que les animaux respiraient déjà par la bouche. Il résulte donc de là, pensent-ils, que la nature n’a pas montré de prévoyance dans la création des animaux, et que nos assertions à cet égard, quoique plausibles, n’ont pas de fondement.

Il faut en partie pardonner aux hommes qui attaquent ainsi nous et les œuvres de la nature, et en partie les blâmer ; leur pardonner parce qu’ils ne subtilisent pas, qu’ils ne se trompent pas dans le raisonnement en tant que raisonnement, comme cela leur arrive si souvent ; les blâmer de leur indifférence pour l’anatomie, car c’est l’ignorance de cette science qui leur donne l’audace d’avancer de si graves erreurs. Ils agissent de la même façon que cet homme qui, comptant ses ânes, oubliait celui sur lequel il était monté et accusait ses voisins de l’avoir volé, ou que cet autre qui réclamait ce qu’il avait dans la main. Assistant un jour à un pareil spectacle, je ris beaucoup en voyant un homme plein de trouble ; il mettait en désordre et bouleversait tout dans sa maison, cherchant des pièces d’or que lui-même portait à une main, renfermées dans un morceau de papyrus. En face de ces cris exagérés, un homme calme, parlant peu, je pense, montrerait à l’un, l’âne sur lequel il est monté, et pour l’autre, il lui ferait toucher sa main gauche avec sa main droite ; j’agirai de même, je crois, vis-à-vis de mes adversaires ; s’ils ont des yeux, je leur montrerai la branche de la grande artère (aorte) et l’orifice de la veine cave (voy. p. 452, n. 2) se portant au poumon chez les animaux encore enfermés dans l’utérus ; s’ils sont aveugles, je leur mettrai dans les mains et je leur ferai toucher les vaisseaux. En effet, loin d’être petits et disposés au hasard, ils sont très-larges l’un et l’autre, et présentent intérieurement un canal considérable, dont l’existence peut être constatée, non-seulement par celui qui a des yeux, mais par quiconque possède l’organe du toucher, si l’on veut seulement s’occuper de dissection. Ces raisonneurs méritent donc plus que la nature d’être condamnés pour paresse[85]. En effet, la nature n’a montré ni paresse, ni imprévoyance ; mais (eux-mêmes l’accordent)[86], ayant raisonné, elle a su d’avance que le poumon du fœtus, poumon encore contenu dans l’utérus, en train de se former, exempt d’agitation, n’a pas besoin de la même organisation qu’un poumon parfait et déjà doué de mouvement ; elle a donc anastomosé le vaisseau fort, épais et dense (artère pulmonaire) avec la grande artère (aorte) et le vaisseau faible, mince et poreux (veines pulmonaires) avec la veine cave[87].

Mais ces gens ignorent complètement, et par paresse ne cherchent pas à connaître les œuvres de la nature ; car il ne faut que voir ces œuvres pour admirer aussitôt l’art qui s’y manifeste. Qui, en effet, après avoir entendu les raisonnements qu’ils emploient pour attaquer la nature, voyant de telles absurdités prévenues par un si petit expédient qu’a imaginé la nature, n’admirerait pas son habileté ? Ceux-ci vont criant que le poumon est très-maltraité si, dans l’utérus, il est régi comme à l’état parfait, ou si, étant parfait, il est régi comme dans l’utérus. Car il faut, disent-ils, au poumon respirant et doué de mouvement, une autre organisation qu’au poumon à l’état de repos. Mais la nature, sans bruit et sans fracas, montre son équité par ses œuvres mêmes. On l’admire déjà, nous le savons, à la simple audition ; mais l’admiration est moins grande lorsqu’on entend que lorsqu’on voit ; aussi faut-il examiner de soi-même ces faits et les autres rapportés ailleurs[88].

Chapitre xxi. — Chez le fœtus le cœur n’est pas moins bien partagé que le poumon. — Admirables dispositions prises par la nature pour la création des vaisseaux ombilicaux pendant la vie fœtale, et pour leur annihilation après la naissance.


La nature a donc disposé les parties du poumon avec la même équité dans le fœtus que dans l’animal qui respire. Je dirai aussi comment, avec la même industrie, elle a rétabli l’équilibre dans celles du cœur. En effet, en anastomosant la grande artère (aorte) avec le vaisseau épais et dense du poumon (artère pulmonaire) et la veine cave avec le vaisseau mince et poreux (veines pulmonaires, voy. p. 452, n. 2), elle a, comme nous l’avons dit (chap. x et xx), donné au poumon une juste part des deux matières (sang et pneuma), et n’en a pas moins affranchi le cœur de sa servitude à l’égard du poumon ; en sorte qu’il n’y a plus lieu de s’étonner, si, n’envoyant au poumon ni sang ni pneuma, et n’en fournissant pas aux artères de l’animal entier, comme dans les animaux parfaits, le cœur [chez le fœtus] n’a besoin, pour son existence propre, que d’une très-petite quantité de pneuma. Et ce pneuma, il pouvait, je pense, le tirer de la grande artère même, car les épiphyses membraneuses (valvules) ont été inventées, non pas pour qu’il ne pénètre rien absolument dans le cœur, mais pour que la matière n’y entre ni en trop grande abondance, ni trop précipitamment (voy. chap. xvi, in fine). Le cœur pouvait même prendre au poumon du sang et du pneuma mélangés (cf. chap. xvi), au moyen de l’orifice sur lequel seul, disions-nous (chap. xiv), s’implantent uniquement deux tuniques (valvule bicuspide) dirigées de dehors en dedans. En effet, ce vaisseau, chez les animaux enfermés dans l’utérus, reçoit le sang de la veine cave par une anastomose (ouverture) d’une grandeur remarquable (trou de Botal).

Nous avons démontré précédemment que chez les animaux parfaits, le sang vient d’organes qui sont chez eux des organes sanguins, et chez le fœtus des organes pneumatiques, au moyen d’anastomoses nombreuses et d’une finesse qui échappe à l’œil ; mais le sang participe plus facilement au pneuma chez le fœtus, car il faut encore ajouter ce fait évident chez les fœtus ; or c’est là une preuve non médiocre que les deux genres de vaisseaux s’anastomosent entre eux[89], et que les veines contiennent aussi des particules de pneuma. En effet, quand l’animal n’est pas encore né, si vous ouvrez l’épigastre, puis l’utérus de la mère en suivant le procédé qui a été indiqué dans le Manuel des dissections[90], et si vous liez les artères de l’ombilic, toutes celles du chorion seront privées de pulsation, tandis que celles de l’embryon battront encore. Mais si vous liez les veines de l’ombilic, les artères de l’embryon ne battront plus. Cela prouve que la faculté qui fait mouvoir les artères du chorion vient du cœur du fœtus, et aussi qu’au moyen des anastomoses avec les veines, les artères sont pourvues de pneuma, à l’aide duquel la chaleur naturelle peut être conservée pendant quelque temps.

Il n’est donc pas impossible que pour le cœur lui-même, le vaisseau qui renferme le sang favorise la chaleur innée de la cavité gauche, chaleur qui, nous l’avons démontré (cf. Utilité de la respir., chap. iv, et Utilité du pouls, chap. iii), rend nécessaires, chez les animaux, la respiration et le pouls. Cela établit clairement que la nature a tout disposé avec prévoyance, que la vérité est partout d’accord avec elle-même, et que les assertions d’Érasistrate sur l’absence complète du mélange des matières ne sont en rapport ni avec les faits, ni avec elles-mêmes.

Ce que nous avons dit tout à l’heure prouve simultanément les trois faits suivants : Les artères ne se dilatent que parce qu’elles se remplissent du pneuma fourni par le cœur ; à chaque dilatation elles attirent quelque chose des veines ; enfin, chez les embryons, il est nécessaire, comme l’artère veineuse (veines pulmonaires) tire du sang de la veine cave [par le trou de Botal], que le cœur, en se dilatant, fasse pénétrer dans la cavité (ventricule) gauche une quantité de sang assez considérable, lequel ne trouve pas d’obstacles dans les épiphyses membraneuses (valvules) qui sont dirigées de dehors en dedans. Ainsi, l’on voit clairement que le cœur communique cette faculté d’impulsion aux artères, non-seulement chez les animaux déjà parfaits, mais encore aux fœtus ; elle ne les gonfle ni ne les remplit à la façon des outres. Ce que nous avons dit suffit pour le prouver.

Si, loin qu’elles se dilatent comme des outres, parce qu’elles se remplissent, les artères se remplissent parce qu’elles se dilatent comme les soufflets des forgerons (voy. Dissert. sur la physiol.), elles doivent nécessairement tirer quelques particules des veines, puisque les anastomoses réciproques entre les veines et les artères sont admises par Érasistrate lui-même ; ce que je dis là est, je pense, un fait évident pour tous. Du reste, si on le nie, je l’ai démontré ailleurs[91] ; il est donc inutile d’en parler plus longuement, mais pensant que les anastomoses entre les vaisseaux du cœur ont été faites pour les résultats énumérés par nous, nous y trouverons des preuves considérables en faveur des démonstrations que nous avons données ailleurs.

Si les utilités de beaucoup de parties étaient inexplicables pour Érasistrate, celles-ci, je pense, étaient dans le même cas. En effet, que ces anastomoses existassent ou non, il lui était difficile d’en rendre compte ; car si elles existent, nécessairement les matières se mêlent dans le ventricule droit du cœur ; si elles n’existent pas, il est difficile de dire comment le cœur recevra le pneuma, et surtout comment il ne serait pas injuste de soumettre le poumon au même régime chez les adultes et chez le fœtus. Mais dans la réalité, ni cette partie du corps, ni les autres n’offrent de problème insoluble ; toutes choses sont claires, faciles à expliquer, concordantes, lorsque du moins, dans la recherche des fonctions, on n’est pas parti, au début, d’un principe faux. Mais le développement de cette question sera mieux placé ailleurs.

La nature qui, avec l’âge, dessèche et réduit pour ainsi dire à l’état de cordes la veine qui de l’ombilic s’étend au foie (veine ombilicale) et les artères (artère ombil.) qui vont vers le rachis (à l’art. hypogastrique), fait aussi disparaître chez les animaux, une fois nés, les susdites anastomoses des vaisseaux du cœur ; et ceci est, je pense, la chose la plus admirable. Ces parties, dénuées de toute utilité pour des êtres qui ne sont plus renfermés dans l’utérus, elle ne supporte pas même leur existence. La nature, qui donne une partie plus compliquée aux embryons qu’aux animaux parfaits, me semble moins grande en la créant qu’en la détruisant lorsqu’elle n’est plus utile.

Du reste, les parties qui se trouvent chez le fœtus différentes de ce qu’elles sont dans les animaux parfaits, seront toutes décrites par nous en parlant de l’utilité des parties contenues dans la matrice, et cela quand nous aurons d’abord terminé notre sujet actuel (voy. livre XIV et partie du livre XV, chap. iv-vi). Nous n’en aurions même pas fait ici la mention, si l’on n’avait pas attaqué nos explications sur les membranes du cœur et sur la substitution des vaisseaux du poumon. Revenant à mon sujet, je vais achever de l’expliquer. Il ne me reste, je pense, rien à dire sur le cœur ; mais le poumon et le thorax exigent encore des développements considérables. Nous les donnerons tous dans le livre suivant, en ajoutant à ce qui regarde le poumon les explications sur le larynx, lequel se trouve à l’extrémité supérieure de la trachée-artère.



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  1. C’est-à-dire le trajet de la veine cave et de l’œsophage dans le thorax, à partir du diaphragme.
  2. On sait que les poumons proprement dits n’existent que dans les trois premières classes des vertébrés (mammifères, oiseaux et reptiles), Les oiseaux ont, outre les poumons, des cellules aériennes qui sont, pour ainsi dire, des poumons accessoires, et parmi les reptiles, quelques genres de l’ordre des batraciens ont, à la fois, des poumons et des branchies ; mais les poissons n’ont que des branchies. Voy. Cuvier, Anat. comp., 2e édit., t. VII, p. 19 et 172. Cf. Aristote, Hist. anim., II, xv, 4, qui refuse absolument (mais on ne saurait lui en faire un reproche) les poumons à tout animal pourvu de branchies.
  3. Galien renvoie ici à son traité Des causes de la respiration, en deux livres, traité qui, malheureusement, n’est pas arrivé jusqu’à nous, et dont il ne reste qu’un fragment cité par Galien lui-même, dans son ouvrage Sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon (II, iv). Nous avons également perdu le traité en quatre livres Sur la voix, mentionné deux lignes plus bas, ou du moins il n’en reste que d’assez longs fragments dans un livre inédit d’Oribase, fragments que nous ferons connaître dans notre Appendice et dans la Dissert. sur la physiologie.
  4. De l’utilité de la respiration, ouvrage que nous possédons encore et dont on trouvera une analyse et des extraits dans la Dissertation sur la physiologie de Galien.
  5. Dans le traité De l’utilité de la respiration (voy. note précédente).
  6. Galien prend tantôt le mot pharynx dans le sens de vestibule commun des voies aériennes et respiratoires, tantôt comme synonyme de larynx. Voy. du reste la Dissertation sur les termes anatomiques.
  7. Voici le passage de Platon (Timée, p. 70 c.), auquel Galien fait allusion : « En vue des palpitations violentes du cœur (πηδήσει τῆς καρδίας) qui se manifestent dans l’attente du danger et dans la surexcitation de l’âme énergique, les Dieux (sachant d’avance que tout ce gonflement causé par les passions devait se produire par le feu), pour porter secours au cœur, imaginèrent la forme du poumon, d’une part, molle et exsangue, de l’autre, percée à l’intérieur d’une multitude de trous comme une éponge ; ils y implantèrent le cœur afin que, le poumon en le refroidissant par l’admission de l’air et de la boisson (voy. mon édit. des Frag. du comment, de Galien sur le Timée, note 53, p. 48, et la Dissert. sur la physiol. de Galien), permette l’aspiration de l’air (ἀναπνοήν) et procure du soulagement dans la chaleur brûlante. C’est pourquoi ils distribuèrent dans le poumon les conduits de l’artère (la trachée artère) et ils étendirent le poumon autour du cœur comme un coussin mollet (ἄγμα μαλακόν, vulg : ἅλμα μ. Galien ; μάλαγμα, Hermann, dans son édit de Platon ; Collect. Teubner, t. IV, p. 25), afin que le cœur, lorsque l’âme énergique est fortement agitée en lui, frappant contre un corps qui cède et qui rafraîchit, en éprouve moins de souffrance, et puisse mieux obéir à la raison unie à l’âme énergique. »
  8. On a beaucoup disputé sur la position du cœur ; mais toutes ces disputes tiennent, soit à un malentendu, soit à cette circonstance qui se représente à chaque instant dans l’histoire de l’anatomie, qu’on a voulu rapporter à l’homme les particularités de l’histoire des animaux. Voyons d’abord ce que l’observation moderne nous apprend sur cette question : « La situation du cœur des mammifères est peut-être la circonstance par laquelle il s’éloigne le plus souvent de celui de l’homme, ce qui tient à la marche horizontale de la plupart de ces animaux. Sa position est généralement moins oblique et plus directe d’avant en arrière. Dans les orangs, il présente encore cette obliquité d’une manière marquée, et il touche au diaphragme par une aussi grande étendue que chez l’homme. Dans les autres singes, il ne répond à ce muscle que par sa pointe, qui conserve un peu d’obliquité à gauche ; et, dans la très-grande partie des autres mammifères, cette pointe n’atteint même pas jusqu’à ce muscle ; elle vient se poser, ainsi qu’une portion de la face inférieure du cœur, sur la partie moyenne du sternum. De sorte que chez ces animaux le cœur est placé sur la ligne médiane du corps [cependant, ajoute le nouvel éditeur, M. Duvernoy, dans une situation plus ou moins oblique d’avant en arrière, de haut en bas et de droite à gauche, voy. p. 279, note 1] et à une certaine distance du diaphragme. Comme dans l’homme, il n’est assujetti dans la poitrine que par les gros vaisseaux et le sac qui le contient. » Cuvier, Anat. comp., 2e éd. t. VI, p. 278. — Suivant Aristote (Hist. anim., II, xvii, init.) et en cela il est d’accord avec Cuvier, le cœur, chez l’homme, dévie sensiblement vers la gauche, tandis que chez les autres animaux il est situé au milieu du thorax. — Dans le traité Des parties des animaux (II, iv, p. 258, l. 21, éd. Busem.), il dit : « Le cœur a, dans le thorax, la place la plus noble ; il est, en effet, situé vers le milieu, mais plutôt en haut qu’en bas, et plutôt en avant qu’en arrière. » — Dans ses propositions sur la situation du cœur, Galien se montre plus sophiste qu’observateur, et l’on voit évidemment, du teste, qu’il veut rapporter à l’homme ce qui est propre aux animaux. L’opinion du vulgaire, qu’il combat et qui est aussi celle d’Aristote et de tous les modernes, est la seule vraie pour l’homme. Dans le Manuel des dissections (VII, vii, init.) il se montre Un peu plus exact, surtout pour ce qui regarde les animaux, quand il dit : « Le cœur occupe le milieu entre les cavités droite et gauche du thorax ; s’il paraît situé plutôt à gauche qu’à droite, cela tient à deux causes : c’est que le ventricule pneumatique est situé de ce côté, et qu’il se porte surtout à gauche, car la pointe du cœur n’est pas comme la base, située exactement entre les parties droites et gauches du thorax. » Ainsi, un plan divisant le thorax en deux moitiés égales, ne couperait pas en même temps le cœur en deux moitiés parfaitement égales, mais laisserait une partie plus considérable à gauche qu’à droite, la base seule serait atteinte sur la ligne médiane ; tel est, si je ne me trompe, le sens de la phrase soulignée de Galien. On peut aussi le trouver jusqu’à un certain point dans le passage du traité de l’Utilité des parties, qui est le sujet de cette note. C’est de la même façon que, suivant Galien (voy. plus loin, chap. vi, p. 395, note 1), l’œsophage occupe le milieu de la colonne vertébrale. — L’anecdote suivante, que C. Hoffmann (p. 98) tenait de l’illustre Bauhin, montrera mieux que ne sauraient le faire les plus longues discussions, comment encore, au XVIIe siècle, on résolvait les problèmes d’anatomie ; cette anecdote nous fournit, en outre, quelques traits de mœurs intéressants à recueillir : « Palpitatione cordis laborabat illustrissimus Ernestus-Fridericus Marchio Badensis, vocabatque Heidelberga Theophilum Maderum et Lubertum Esthium, qui medico suo aulico, dicto Matthaeo, subsidio essent. Quid fit ? Applicabat tonsor, absentibus medicis omnibus, epithema, et applicabat medio pectori. Princeps cui persuasum erat id, quod vulgo, increpat tonsorem, qui provocat ad Doctorem. Is interrogatus ubi situm esset cor ? In medio thorace, respondit. Commotus princeps jubet interrogare hidelbergenses. Respondit Esthius, in sinistro latere esse. Ibi commotior ille, jubet Matthaeum facessere ex aula. Is postridie expostulat cum Esthio, praetensa Galeni auctoritate, omniumque Anatomicorum. At Esthius, secto in conspectu principis porcello, persuadet, in sinistro esse. Igitur rata est dimissio. Matthaeus corrogatis aliquot Anatomicorum vivorum testimoniis, impetrat iterum gratiam Principis sed cum multo minore stipendio. Tum verò nata est Matthaeo enodatio ila scholastica ut vocat, quæstionum medicarum [voy. ses Quæst. medicin., no 18, où il donne un long catalogue des anatomistes qui sont d’accord avec Galien]. Non tamen quievit etiam Esthius. Primo enim thesibus quibusdam addidit hoc ἐπίμετρον contra veritatem et αὐτοψίαν esse dictum cor esse in medio thorace. Mox integras conscripsit theses, principique dicavit, in quibus idipsum agit. »
  9. C’est là encore un traité perdu et dont il reste seulement un court fragment en latin (voy. éd. Des Juntes, Fragm. fo 27b). — Dans le Manuel des dissections (VII, ii), Galien a consacré un chapitre spécial à la plèvre et aux médiastins ; en voici le résumé : Il compare la plèvre, pour la substance et pour les usages, au péritoine ; elle s’appelle ὕμην ὑπεζωκώς (membrana succingens), parce qu’elle tapisse à l’intérieur les parois de la poitrine ; les uns l’appellent tunique, à cause de ses usages, les autres, membrane eu égard à sa substance (voy. IV, ix, p. 300 et la note 1 ; voy. aussi la Dissert. sur les termes anat.). C’est d’elle que naissent les cloisons qui séparent la poitrine en plusieurs cavités. Aussi est-elle exactement double (plèvre droite et plèvre gauche), et non- pas unique comme le péritoine. Pour bien étudier les deux plèvres, on coupe le sternum sur la ligne médiane, et on sépare les deux sacs pleuraux jusqu’au rachis. Cette opération est encore plus facile quand on a relevé sur les côtés les deux moitiés du sternum ; par ce procédé, on découvre aussi le péricarde uni au sternum par le sommet et par les parties qui sont situées de chaque côté du sommet ; il faut tâcher de ne pas ouvrir le péricarde, bien que cela n’ait pas un bien grand inconvénient, si les cloisons du thorax restent intactes. — Voici comment Galien décrit le trajet des plèvres ; il paraît évident d’après ce passage, qu’il a bien connu les deux feuillets, dont l’un tapisse le poumon et l’autre les côtes ; mais il n’a pas fait la distinction, factice du reste, des deux médiastins : « Chacune des deux cloisons est contiguë l’une par rapport à l’autre dans toute son étendue ; celle qui est à droite du thorax et celle qui est à gauche revêtent toute la région interne des côtes et toute la face supérieure du diaphragme qui lui correspond s’étendant aussi sur le poumon, comme le péritoine, ainsi que nous l’avons dit, s’étend sur tous les viscères sous-diaphragmatiques. Comme lui, la plèvre enveloppe les vaisseaux, aussi bien les grands vaisseaux qui longent le rachis (aorte et veine cave), que ceux qui sont suspendus dans la cavité thoracique ; elle entoure aussi l’œsophage, de là, s’étendant jusqu’au sternum, elle est bien double, ainsi que je l’ai avancé plus haut » — Voy. aussi De la saignée contre les Érasistrat., chap. vi.
  10. Pour bien comprendre ce que dit Galien du trajet de la veine cave à travers la poitrine et de ses moyens d’attache, il ne faut pas oublier que dans son système, cette veine est supérieure ou ascendante (voy. IV, v, p. 284, note 1), à partir du foie jusqu’à sa division en troncs brachio-céphaliques ; par conséquent l’oreillette droite n’est qu’une sorte d’ampoule, un diverticulum, une apophyse membraneuse du cœur (voy. plus loin, chap. ix, xi, xv, et Manuel des dissections, VII, ix), qui se rencontre le long de son trajet, dans le but de faire arriver le sang au ventricule droit, d’où il doit aller nourrir le poumon. Il semble, au premier abord, que l’abouchement isolé des deux veines caves (la supérieure et l’inférieure) dans l’oreillette, soit un obstacle à cette manière de voir, liée essentiellement, du reste, à la théorie ancienne du cours du sang dans les veines ; mais évidemment Galien considérait le canal de ce que nous appelons la veine cave descendante, comme la continuation de celui de la veine cave ascendante à travers la cavité de l’oreillette ; de telle sorte que le sang, en partie continuait directement sa marche, et en partie se rendait dans le ventricule droit. — Maintenant quelles sont ces tuniques communes qui servent à fixer la veine cave ? Galien l’indique lui-même : ce sont les plèvres. En effet, la portion de la veine cave qui représente pour nous la veine cave supérieure dans la partie libre, c’est-à-dire celle qui n’est pas renfermée dans le péricarde, est recouverte à droite et en arrière par le feuillet séreux droit du médiastin. Quant à la portion de la veine cave inférieure contenue dans la cavité thoracique, chez l’homme elle pénètre immédiatement dans le péricarde après avoir traversé le diaphragme ; mais chez la plupart des mammifères (voy. p. 438, note 1) la veine cave inférieure a un véritable trajet intra-thoracique avant de pénétrer dans le péricarde, à cause de la situation même de ce sac qui est plus ou moins distant du diaphragme. C’est ainsi qu’on peut s’expliquer le sens de cette expression : Les moyens de fixité communs, non-seulement à toutes les parties de la veine, mais même à ses rameaux (αἱ μηχαναὶ… αἱ μὲν κοιναὶ πάντων αὐτῆς, οὐ μόνον τῶν μερῶν, ἀλλὰ καὶ τῶν ἐκφύσεων). Galien prolongeait donc la plèvre, sur la veine cave supérieure et inférieure, sur les troncs brachio-céphaliques, enfin sur les veines qui aboutissent directement à la veine cave supérieure, c’est-à —dire qui en partent, d’après sa théorie. — À la fin du chapitre iii, p. 386, il dit que la plèvre contribue à former une des tuniques des veines contenues dans le thorax, et particulièrement de la veine cave ; dans le Manuel des dissections (VII, v), il est encore beaucoup plus explicite sur ce point : « Les veines de tout le corps, dit-il, sont formées par une seule tunique propre, car la membrane qui les entoure quelquefois extérieurement, n’existe que là où il y a nécessité d’unir les veines à quelque corps voisin, de les fixer, ou de les recouvrir [pour les protéger]. Quant aux artères, elles ont deux tuniques propres, une externe (tunique celluleuse), semblable à la tunique [propre] des veines, une interne à peu près cinq fois plus épaisse (tunique moyenne) ; elle est aussi plus dure et formée de fibres transversales, tandis que la tunique externe [la seule propre] que possèdent aussi les veines, n’a que des fibres longitudinales et aucune transversale (les anatomistes allemands admettent, dans la tunique moyenne, des rudiments de fibres annulaires). La tunique interne de l’artère, celle qui est épaisse et dure, présente à la surface interne une espèce de peau qui ressemble manifestement à une toile d’araignée, qui est surtout visible sur les grosses artères, et que quelques-uns regardent comme la troisième tunique des artères (tunique séreuse). Il n’existe pas une quatrième tunique propre, mais pour les artères comme pour certaines veines, on trouve une membrane mince, qui recouvre, fixe et rattache aux corps voisins certaines portions de ces artères. Pour les vaisseaux veineux et artériels situés sous le diaphragme, cette tunique est surtout fournie par le péritoine (les anatomistes modernes ne considèrent point comme une tunique le revêtement des vaisseaux par le péritoine, la plèvre ou le péricarde, ainsi qu’ils le font pour les viscères abdominaux eu égard au péritoine, et c’est avec raison, car pour les vaisseaux, ce revêtement est très-incomplet et très-limité) ; pour les vaisseaux que renferme la poitrine, cet office est rempli par la membrane qui tapisse les côtes. » — En rapprochant ces divers passages, on voit que Galien a vu presque aussi bien que les modernes les rapports de la veine cave avec la plèvre pariétale ; mais il faut ajouter que, ne distinguant pas très-nettement le tissu cellulaire amorphe du tissu cellulaire étalé en membrane, il a regardé comme étant aussi une expansion de la plèvre le tissu cellulaire assez dense, qui environne les troncs brachio-céphaliques et les rameaux qui se rendent directement à la veine cave supérieure (voy. dans l’Encyclop. anatomique le Traité d’angéiologie de Theile, p. 628). De cette façon, il a pu dire que toutes les parties de la veine cave et ses ramifications étaient soutenues par la plèvre, qui servait à la fois de tunique et de ligament suspenseur. — Il est bon d’ajouter encore que cette tunique accessoire qui, suivant Galien, vient renforcer la tunique propre des veines, ne répond en aucune façon à la tunique cellulaire ou adventive. Cette tunique cellulaire est, suivant les uns, distincte de la tunique moyenne ou fibreuse, et suivant les autres, ces deux tuniques n’en forment qu’une seule inextricable. Galien ne paraît pas avoir reconnu la tunique séreuse des veines, tandis qu’il la décrit avec assez d’exactitude pour les artères, bien qu’il ne croie pas devoir la regarder comme une tunique propre.
  11. Galien désigne de cette façon, un peu obscure pour des anatomistes modernes, l’oreillette droite, qu’il ne regarde pas comme une partie constitutive du cœur, mais comme une apophyse qui sert à fixer la veine cave (voy. la note précédente, init.). Mon interprétation est confirmée par la fin même de ce paragraphe et aussi par le chapitre xv. J’avais d’abord cru qu’il s’agissait du prolongement du péricarde sur la veine cave supérieure, mais dans le Manuel des dissections, VII, vi, medio, viii, init. Galien fait partir le péricarde des vaisseaux eux-mêmes et non du cœur. Cf. aussi VII, fine.
  12. Voy. IV, xix, p. 334 ; cf. V, ii, p. 336 ; et Man. des dissect., VII, ix, fine.
  13. Galien fait cesser la veine cave à la fourchette, c’est-à-dire au moment où elle produit les deux troncs brachio-céphaliques ; par conséquent les ἀποβλαστήματα des grandes veines, qui vont se distribuer à l’épaule et au bras, sont les troncs brachio-céphaliques eux-mêmes, dont la sous-clavière est la continuation la plus directe, et qui est continuée à son tour par l’axillaire, laquelle, toujours en suivant le système de Galien, se ramifie dans le bras et dans une partie de l’épaule. On voit que Galien ne tient pas compte ici des jugulaires, et qu’il ne distingue pas, comme les modernes, diverses parties dans le segment vasculaire volumineux qui s’étend de la terminaison de la veine cave au bras. Quand notre auteur dit ensuite qu’avant cela (πρὸ τούτων), c’est-à-dire avant les ἀποβλαστήματα, il y a les racines d’autres veines, de celles qui se distribuent aux parties supérieures du thorax, et de celles qui alimentent les parties inférieures et antérieures, et quand on sait que dans d’autres traités il montre une connaissance vraiment étonnante de l’origine, soit sur la veine cave elle-même, soit sur le tronc brachio-céphalique, des veines thoraciques ; quand on le voit enfin signaler les différences que ces veines présentent à droite et à gauche, et les anomalies mêmes qu’on rencontre dans leur point d’insertion, il est évident que πρὸ τούτων ne doit pas être pris dans un sens trop restreint. Cette expression ne signifie pas exclusivement avant la naissance des troncs brachio-céphaliques ; mais il faut, suivant moi, l’interpréter ainsi : Dans la région du thymus, avant la division de la veine cave, et avant le prolongement direct des veines qui se portent au bras, se détachent les veines qui nourrissent le thorax. — Voy. du reste la Dissertation sur l’anatomie.
  14. Le texte vulgaire porte ὑπογάστριον mais avec le manuscrit 2154, il faut lire ἐπιγάστριον. Les faits anatomiques commandent cette leçon, car la mammaire interne, dont il s’agit évidemment ici, ne descend pas plus bas que l’épigastre. Du reste, cette leçon est encore confirmée par d’autres passages parallèles de Galien lui-même ; voyez par exemple le livre XIII du Manuel des dissections, encore inédit, et l’opuscule Sur la dissection des veines, chapitre ii, fine, où Galien fait venir cette veine seulement jusqu’aux hypocondres (μέχρι τῶν ὑποχονδρίων).
  15. Le texte vulgaire porte ταύταις πάσαις… τὸν προειρημένον ἀδένα μέγιστον ὄφελος ἡ φύσις ἐτεχνήσατο διάφραγμά τε ἅμα τῶν πλησίον ὀστῶν εἵμασι καταθεῖσα τοῖς ἐν τοῖς πιλητικοῖς κτίσμασιν ὁμοιότατον, ἕδραν τε παρέξοντα (sous-entendu τὸν πρ. ἀδένα) καὶ πολλὴν ἅπασιν αὐτοῖς ἀσφάλειαν ἐκποριοῦντα. Cette phrase a beaucoup souffert de la part des copistes, d’abord il m’a paru que le mot εἵμασι devait disparaître comme étant une glose de κτήμασι (car il faut lire ainsi, et non κτίσμασι, voy. Platon, Timée, p. 74 bc ; cf. Utilité des parties, I, xiii, p. 134), maladroitement insérée dans le texte. Cette conjecture a été heureusement confirmée par le manuscrit 2154, qui a κτήμασι seulement, et à sa véritable place. Secondement, on doit, toujours conformément au passage précité du Timée, lire πιλητοῖς au lieu de πιλητικοῖς (des objets foulés ou propres à être foulés, et non des objets servant à fouler) ; en troisième lieu, les mots ἐν τοῖς, qui manquent dans le manuscrit, doivent en effet disparaître ; enfin, à ἅπασιν αὐτοῖς, je préfère ἅπασιν αὐτῆς (sous-entendu κοιλῆς) de 2154. Avec toutes ces corrections, ἅμα reste encore embarrassant, sinon pour le sens, au moins pour la syntaxe.
  16. L’œsophage est uni par un tissu cellulaire lâche aux parties qui l’avoisinent. Les auteurs signalent ses points d’attache avec la trachée, la glande thyréoïde, les deux dernières vertèbres cervicales (il semble que Galien a en vue ici, non-seulement ces vertèbres, mais toutes celles le long desquelles descend l’œsophage), à la plèvre, à l’aorte, au canal thoracique, à la veine azygos, au péricarde et au trou œsophagien du diaphragme. De cette façon, il se trouve maintenu, sans être pour cela gêné dans ses mouvements de dilatation et de resserrement.
  17. C’est de la même façon qu’il faut concevoir aussi que le cœur est placé au centre et non pas à gauche dans la poitrine, ainsi que Galien le répète encore dans le Manuel des dissections, VII, vi, init., voy. p. 383, note 1. — Du reste, chez le magot aussi bien que chez l’homme c’est plutôt encore l’œsophage que l’aorte qui repose sur la partie médiane du corps des vertèbres. Je crains que la théorie n’ait encore ici détourné Galien de l’observation rigoureuse. Quoi qu’il en soit, il a très-bien vu les divers sens d’obliquité de l’œsophage à partir des vertèbres dorsales, mais il ne dit rien de sa première inflexion à gauche, ni de la position qu’il occupe d’abord au-devant et à droite de l’aorte ; il ne mentionne que la position à droite de ce vaisseau.
  18. Galien ne regarde pas l’aorte comme un organe direct de la respiration, mais il croit qu’elle sert indirectement à cette fonction par le pneuma qu’elle contient et qu’elle attire du cœur.
  19. L’œsophage traverse le diaphragme au niveau de la neuvième vertèbre dorsale, chez le magot aussi bien que chez l’homme. Mais comme à partir de ce point il est difficile de dire où finit ce canal, et où commence l’estomac, vu l’infundibulum que présente ce dernier, on ne saurait préciser la limite fixe où se termine l’œsophage. — Galien a négligé d’indiquer où commence ce conduit, à peu près au niveau de la cinquième vertèbre cervicale.
  20. « Quand le cœur est mis à nu, Manuel des dissect. (VII, xi initio) vous verrez que le ventricule gauche descend jusqu’au sommet du cœur, mais que le droit finit beaucoup plus tôt et qu’il a souvent une circonspection propre, plus chez les grands animaux, bien qu’on le remarque aussi chez les petits. Quelqu’un sacrifiant un jour un coq aux Dieux, trouvant que le cœur avait deux sommets, et croyant que c’était là un augure, interrogeait à ce sujet les interprètes. Quant à moi je reconnus bien qu’il n’y avait pas deux cœurs, mais que le sommet du ventricule droit avait une circonscription propre, car chez tout animal, grand ou petit, qui respire dans l’air, le cœur a une structure semblable, ou plutôt une structure qui est la même quant à la forme. »
  21. Même remarque que pour l’orifice auriculo-ventriculaire gauche.
  22. Pour Galien le cœur est essentiellement constitué par les deux ventricules, les oreillettes et surtout la droite ne sont que des appendices ; aussi quand il se sert du mot cavités du cœur, il faut toujours entendre qu’il s’agit des ventricules. — C’est donc à dessein que j’ai employé le mot cavité, qui est une expression caractéristique de la doctrine anatomique de Galien ; tandis que, dans le langage actuel, ce mot n’aurait aucun sens déterminé, et se rapporterait aussi bien aux oreillettes qu’aux ventricules.
  23. Dans le traité Des maladies, liv. IV, § 40, t. VII, p. 560 ; cf. aussi § 38, p. 554, on lit que la substance du cœur est dure et dense, de telle sorte qu’elle n’est pas lésée par l’humeur, et que le cœur n’est pas sujet aux maladies. — Aristote (Part. anim., III, iv, fine) développe ainsi cette proposition : « Seul de tous les viscères, et en général de toutes les parties du corps, le cœur n’est pas sujet à des maladies qui aient le temps de devenir graves ; et ce n’est pas sans cause, car si le principe est lésé, quel moyen a-t-il de venir en aide (entretenir la vie) aux autres parties qui sont sous sa dépendance. La preuve que le cœur ne contracte aucune affection, c’est que sur aucun des animaux immolés pour les sacrifices on ne voit dans ce viscère nulle trace des maladies qui attaquent les autres. Les reins et le foie sont souvent farcis de calculs, de tubercules (φυμάτων) et de petites pustules (δοθιήνων) ; il en est de même du poumon et surtout de la rate. Beaucoup d’autres affections se rencontrent dans ces organes ; mais elles sont plus rares pour le poumon au voisinage de l’artère et pour le foie à son point de jonction avec la grande veine, et cela avec raison, car c’est par ces points que ces deux viscères sont le plus en rapport avec le cœur. Mais chez tous les animaux qui meurent de maladies et chez qui se présentent ces affections, nous avons trouvé, en les disséquant, des états morbides du côté du cœur. » — Ces notions si grossières sur les maladies du cœur, malgré quelques essais déjà fort anciens, comme on le voit, d’anatomie pathologique, nous expliquent assez comment cette partie de la pathologie a été si peu avancée dans l’antiquité. Il faut reconnaître, du reste, que les altérations que les affections du cœur et des gros vaisseaux laissent sur le cadavre sont beaucoup plus difficiles à constater que celles des autres viscères. Ajoutez enfin, pour excuser les anciens qu’ils étaient privés d’un des moyens les plus puissants créés par les modernes, l’auscultation. Toutefois, s’il leur était permis de ne pas distinguer les unes des autres les nombreuses affections du cœur, on ne peut guère s’expliquer comment les palpitations violentes, ou certains autres symptômes ne les ont pas mis sur la voie et ne leur ont pas inspiré quelques scrupules, lorsqu’ils répétaient à l’envi que le cœur, ou n’est pas du tout sujet aux maladies, ou du moins y est moins sujet qu’aucun autre organe. — Cf. toutefois VI, xvii, p. 442, l. 26-27.
  24. Galien revient sur cette proposition en plusieurs de ses livres et particulièrement dans le chap. viii du livre VII du Manuel des dissections ; j’ai traduit ce chapitre important dans l’Appendice, et je renvoie aussi aux Dissertations sur l’anatomie et sur la physiologie pour l’historique de cette question de la nature du cœur. — Voy. aussi Hoffmann, l. l., p. 103.
  25. Cette proposition est vraie pour les muscles de la vie de relation ; toutefois il faut remarquer que ce n’est pas la direction des fibres, mais la nature même de la fibre élémentaire qui constitue essentiellement le muscle. Galien s’est donc complètement trompé quand il refuse au cœur la qualité de muscle. Comme la même question se représente pour l’utérus, la vessie, le canal intestinal, etc., je la traiterai plus en détail dans la Dissertation sur l’anatomie.
  26. Ce n’est pas dans une note que je pourrais même esquisser l’histoire de la structure du cœur ; je traite cette question dans la Dissertation sur l’anatomie de Galien.
  27. Soit dans l’Appendice, soit dans la Dissertation sur la physiologie, on trouvera la traduction ou les extraits des chapitres du Manuel des dissections auxquels Galien renvoie.
  28. Galien (voy. particul. Des dogmes d’Hippocrate et de Platon, I, viii et x), ainsi que nous le verrons dans la Dissertation sur l’anatomie, reprend très-vivement Aristote d’avoir considéré comme des nerfs les tendons de ces colonnes charnues.
  29. Voy. la Dissertat. sur la physiologie.
  30. Ainsi, parmi les vertébrés, les poissons n’ont qu’un ventricule et qu’une oreillette, et sont parfaitement muets ; parmi les reptiles quelques ordres ont un cœur qui se rapproche beaucoup par la simplicité de sa structure de celui des poissons. Voy. Cuvier, Anat. comp., 2e éd., t. VI, p. 301 suiv., et p. 335 suiv. — Cf. aussi Müller, Manuel de physiologie, 2e éd. française, Paris, 1851, t. II, p. 244 ; Organes vocaux.
  31. Il est peu de points aussi obscurs dans l’histoire de l’anatomie que la doctrine d’Aristote sur le nombre des ventricules du cœur ; dans l’impossibilité où je suis de rassembler et de discuter dans une note les divers passages qui se rapportent à cette question, je renvoie à la Dissertation sur l’anatomie ; on y trouvera aussi ce que les hippocratistes ont dit de la forme et de la structure du cœur.
  32. On a beaucoup discuté dans l’antiquité, à la renaissance et même à une époque plus rapprochée de nous, sur le mécanisme de la respiration des poissons, mais comme l’exposé de cette discussion dépasserait les limites d’une note, et que d’un autre côté l’histoire générale de la respiration trouve place dans la Dissertation sur la physiologie, je renvoie à cette Dissertation pour tout ce paragraphe. On remarquera seulement en passant que Galien a très-bien vu que les poissons respirent l’air contenu dans l’eau.
  33. C’est là une proposition erronée qu’on trouvera discutée dans la Dissertation sur la physiologie de Galien.
  34. Les modernes ont aussi constaté une différence d’épaisseur entre les veines et les artères ; mais je ne sache pas qu’ils aient établi une proportion déterminée ; car les variations sont trop grandes d’un vaisseau à un autre, ou dans les parties d’un même vaisseau. Dans son Commentaire sur le Timée de Platon (voy. les fragments que j’en ai publiés, Paris, 1848, in-8o, p. 14), Galien dit, mais sans nommer Hérophile, que les artères sont cinq à six fois plus épaisses que les veines.
  35. Dès les premières recherches anatomiques sur les vaisseaux cardiaco-pulmonaires, on s’était aperçu de cette particularité que le vaisseau qui devait naturellement être, eu égard au contenu, une veine par rapport au système veineux général, et une artère par rapport au système artériel général, avait précisément l’apparence ou le caractère, le premier d’une artère et le second d’une veine. Mais pour cette espèce de substitution les anciens et les modernes sont partis de considérations d’un ordre différent. Au dire de Rufus (Du nom des parties du corps, p. 42, éd. de Clinch), Hérophile appelait veine artérieuse ce que nous nommons aujourd’hui artère pulmonaire, et, sans doute aussi, artères veineuses les veines pulmonaires. Dans le Manuel des Dissections (VII, iv), Galien a longuement discuté sur ces dénominations. Voici le résumé de cette discussion : Tout le monde, dit-il, appelle cœur le viscère qui bat (σφύξον σπλάγχον), et artères les vaisseaux qui battent ; mais comme on ne saurait saisir à l’extérieur par les sens les mouvements des vaisseaux du poumon, on cherche, en prenant pour point de départ leur connexion avec le ventricule gauche, à arriver par conjecture, et même de science certaine (c’est-à-dire par des vivisections que je rapporte dans la Dissert. sur la physiol.), à reconnaître quelle est la fonction de ces vaisseaux ; mais on n’y arrive pas de la même manière, parce qu’on ne part pas des mêmes principes. Ainsi les sectateurs d’Érasistrate pensent qu’à chaque diastole du cœur le pneuma est attiré du poumon à travers ces vaisseaux, d’où résulte un battement passif (voy. la Dissert. sur la physiol.). Les autres donnent aux artères du poumon comme aux autres artères, comme au cœur lui-même une force pulsative propre à l’artère. Après avoir indiqué les vivisections mentionnées plus haut, Galien ajoute : Tout vaisseau qui bat, appelez-le artère ; mais ne vous hâtez pas de dénommer soit le vaisseau du ventricule droit, soit celui du ventricule gauche, avant d’avoir contrôlé manifestement son mouvement, afin de ne pas faire comme certains anatomistes qui donnent le nom d’artère et de veine soit au vaisseau droit, soit au gauche. Galien approuve ceux qui ont fait un compromis en réunissant les deux noms pour chaque vaisseau, et en tenant plutôt compte de la nature des tuniques qui est un caractère visible, que du mouvement qui est difficile à observer. Le nom principal se tirera donc de la connexion des vaisseaux avec l’un ou l’autre ventricule, et le nom accessoire de la substance même du vaisseau. — Considérant particulièrement la fonction de ces deux ordres de vaisseaux, nous appelons veines les vaisseaux qui ramènent le sang hématosé du poumon dans l’oreillette gauche du cœur, parce que nous sommes convenus de donner le nom de veine à tout vaisseau qui rapporte le sang de la circonférence au centre, de même nous appelons artère le vaisseau qui conduit aux poumons le sang venu de toutes les parties du corps, après qu’il a traversé les cavités droites du cœur, quoique en réalité, par leur contenu, ces deux vaisseaux répondent, très-bien, le premier à une artère et le second à une veine, d’où il me semble que les dénominations adoptées par les anatomistes modernes ne sont pas parfaitement régulières, bien qu’elles aient pour l’esprit une signification réelle. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas sur des raisons de ce genre que les anciens ont distingué des autres veines le vaisseau qui va du cœur au poumon, et des autres artères ceux qui reviennent du poumon au cœur. L’idée de cercle pour le mouvement des liquides et des fluides dans les vaisseaux leur était complétement étrangère, bien qu’ils reconnussent qu’un peu de sang passe de la veine artérieuse dans l’artère veineuse. Ils admettaient tout aussi bien pour les veines que pour les artères un mouvement du centre à la circonférence, dans le but de la nutrition des parties. Ce qui les avait frappés dans les vaisseaux cardiaco-pulmonaires, ce qui paraissait à leurs yeux les distinguer des vaisseaux de même nature dans le reste du corps, c’est la différence d’épaisseur et l’apparence des tuniques. Il ne s’agissait pour eux que du plus ou moins dans la structure ; mais le caractère fondamental n’en subsistait pas moins puisque le contenu était le même, le mouvement centripète ou centrifuge n’étant d’ailleurs pris en aucune considération. Ainsi Hérophile et avec lui Rufus et Galien appellent veine artérieuse l’artère pulmonaire parce que le vaisseau a l’épaisseur des artères, tandis qu’ils appelaient artère veineuse la veine pulmonaire, parce que les tuniques ont la ténuité de celles des veines ; mais l’une est toujours veine puisqu’elle contient du sang, et l’autre toujours artère puisqu’elle renferme surtout du pneuma. Quelques auteurs modernes, et en particulier Haller (Éléments physiol…), ont tenu aussi quelque compte de ces deux caractères extérieurs, épaisseur et apparence ; mais ainsi que je l’ai dit ce n’est pas sur cette considération qu’ils se sont principalement appuyés pour distinguer ces deux vaisseaux d’une manière beaucoup plus absolue que les anciens. — En résumé, pour Galien, l’artère pulmonaire est essentiellement une veine puisqu’elle sert à alimenter le poumon, et la veine pulmonaire est une artère puisqu’elle rapporte de l’air au cœur, seulement l’artère a une tunique de veine et réciproquement, et c’est dans la théorie galénique un fait capital. Pour les modernes, l’artère pulmonaire est une veine, eu égard à son contenu ; de même et pour la même raison, la veine pulmonaire est une artère ; mais il y a substitution dans le sens du courant, et par conséquent dans celui de l’organisation, et de l’essence de la fonction. Peut-être, ainsi que je le disais plus haut, les dénominations sont plus justes et plus rationnelles chez les anciens que chez les modernes, puisqu’elles tiennent compte à la fois du contenu et du contenant.
  36. Dans la Dissertation sur la physiologie, j’expose la théorie de Galien sur les mouvements du thorax et du poumon, et je la compare aux théories actuelles. Nous n’avons plus qu’un fragment du Traité sur le mouvement du thorax.
  37. Voy. pour cette proposition la Dissertation précitée. — Cf. aussi liv. IV, chap. xv, fine, et Hoffman, l. l., p. 108-109.
  38. C’est là en réalité tout ce que Galien savait de la petite circulation, ainsi qu’on le verra dans la Dissertation sur la physiologie. Sa théorie ne lui permettait même pas d’en savoir davantage. — Cf. p. 437, note 1.
  39. Ce sont les artères veineuses (veines pulmonaires) qui dans la théorie ancienne transmettent par le moyen du cœur et des artères le pneuma à tout le reste du corps.
  40. Il paraît que Galien a trouvé tout le monde parfaitement convaincu, car il ne revient qu’indirectement sur ce sujet dans le chap. xvii.
  41. Des ventricules partent d’une part l’artère pulmonaire (veine artérieuse) et de l’autre l’aorte. Le ventricule droit est la partie la plus molle, et le ventricule gauche la plus dure du cœur proprement dit. — En admettant que le cœur est le point d’émergence de la veine artérieuse, Galien est évidemment infidèle à sa théorie sur l’origine des veines, qu’il fait toutes procéder du foie. Mais il a dû, quoiqu’il ne le dise pas, se donner à lui-même pour excuse la nature toute particulière de ce vaisseau.
  42. Galien a très-bien vu la direction, et très-bien compris le mécanisme des valvules sigmoïdes de l’artère pulmonaire, car c’est évidemment de ces valvules qu’il s’agit ici. Les modernes disent, presque comme Galien, que ces valvules s’abaissent à la manière d’une écluse sur l’orifice artériel, au moment où le sang tend à refluer des poumons vers le cœur.
  43. Ἐκ τῆς καρδίας ὁρμωμένων ἀγγείων. Cette expression ὁρμωμένων est assez mal choisie, car on voit en lisant tout le paragraphe que Galien entend non-seulement l’aorte et l’artère pulmonaire, mais aussi les orifices auriculo-ventriculaires gauche et droit, qui sont pour lui les orifices par où la veine cave et les veines pulmonaires débouchent dans le cœur. Voy. p. 387, note 1, et p. 417, note 1.
  44. Cette phrase est une nouvelle preuve que, pour Galien, le cœur est essentiellement constitué par les ventricules. Ce sont les ventricules qu’il appelle le corps, la substance du cœur (τὸ σῶμα τῆς καρδίας) dans le Manuel des dissections (VII, ix, medio). Dans le chapitre xi du même livre, il dit que si, avec Hérophile, on considère les oreillettes comme faisant partie du cœur, on comptera un plus grand nombre d’orifices, c’est-à-dire six au lieu de quatre. On voit aussi qu’Érasistrate était du même avis que Galien ; ce dernier renvoie, du reste, pour plus de détails sur cette question à son traité Περὶ τῆς ἀνατομικῆς διαφωνίας (De dissent. anatomica en deux livres) que nous avons perdu (voy. plus bas, note 1, p. 419). Galien (considérant l’oreillette gauche comme faisant partie des veines pulmonaires) ajoute enfin que l’artère veineuse (veine pulmonaire) ne reste pas longtemps un tronc unique, mais qu’elle se divise en quatre branches qui vont se ramifier dans les lobes du poumon. Ici donc, car il n’en est pas toujours ainsi, Galien fait partir ce vaisseau, non du poumon pour arriver au cœur, mais du cœur pour arriver au poumon, cependant il sait très-bien que les matières marchent dans un sens inverse. J’ai fait la même remarque pour la veine porte (voy. IV, v, note l de la p. 284). Du reste il n’est pas encore bien sur que le sens même du courant réponde à celui de la génération des vaisseaux.
  45. Voy. la Dissertation sur la physiologie de Galien.
  46. Voy. l’historique de cette question dans la Dissertation sur l’anatomie.
  47. Dans son traité De ordine librorum suorum, Galien recommande de lire cet ouvrage après le Manuel des dissections, car après avoir appris la structure de l’estomac, du foie, etc., il est bon de connaître les controverses qui ont eu lieu sur ces parties. Hoffmann (l. l., p. 113) fait à ce propos une réflexion qu’il importe de consigner : « Hodie fere omnis nostra scientia consistit in quæstionibus ejusmodi. Qua de re audivi etiam querelas gravissimorum jurisconsultorum, dicentium, quæstionarios tales aperire adolescentibus impudentiæ ludum. »
  48. Voy. sur les doctrines anatomiques et physiologiques d’Asclépiade les deux dissertations précitées, et Gumpert Asclepiadis Bithyni fragmenta, Jenae, 1794, 8o.
  49. « Hæc lex (meminit ejus paulo post iterum [cap. xiii init.] quemadmodum etiam Diss. puls., II, x, De sem., II, iv ubi Deam ipsum nominat) qualis fuerit, valde obscurum est… Docet τὸν Ἀδραστείας θεσμόν esse lumen et splendorem veritatis quo perstricti adversarii cogantur tandem veritati palmam dare et hæc est Adrastea platonica in Phædro [p. 803, lig. 14, éd. Orelli], item De republ., V [p. 473, lig. 2, et Schol. in hunc locum], cujus Plotinus meminit libro De uniuscujusque Dæmone. Est autem (ut Ficinus apud Platonem interpretatur) ordo causarum fatalium seu naturalium, a providentia divina institutus… caussa prima, caussa causarum…, hoc est, cujus vim et efficaciam nemo hominum, imo nihil in his sublunaribus, possit effugere aut evitare. Hoc igitur vult Galenus : In natura omnia tam bene sunt apta suis causis, ut qui studio velit premere veram alicujus rei causam, non possit id facere perpetuo, sed vel denuo cogatur dicere, quod ipsa natura disceret, si voce posset uti. » Hoffmann, l. l., p. 113-114. Je crois que c’est aller bien loin chercher des explications qui sont très-près : Adrastée était un des noms de Némésis, et dire qu’on est soumis à la loi d’Adrastée, c’est dire qu’on est soumis à cette loi, fatale, inévitable de la justice qui toujours découvre la vérité et confond les faux témoins. — Voy. du reste le Trésor grec, voce Ἀδραστεῖα.
  50. Dans le Phœdon, p. 97, là où à propos de l’opinion d’Anaxagore sur la cause première de toute chose, il discute sur l’essence des causes, et en particulier sur cette espèce divine de cause dont Galien parle dans le chapitre suivant, p. 425, et qui est l’Intelligence suprême, ou Dieu.
  51. Examinons jusqu’à quel point l’énumération des diverses espèces de causes, que Galien fait ici dans ce chapitre et ensuite dans le chapitre suivant (p. 426-7) diffère de la classification des causes établie par Aristote, tant sous le rapport du fond de la question que sous celui des expressions. Au premier abord on croit remarquer une contradiction dans les deux énumérations de Galien, mais en y regardant de plus près, on reconnaît qu’elles sont parfaitement identiques : la seule différence qui existe entre elles, c’est que dans la première il place la cause matérielle (τὸ ἐξ οὗ) avant la cause instrumentale (τὸ δι᾽ οὗ), tandis que dans la seconde énumération il suit l’ordre inverse. Passons maintenant à Aristote. Il distingue (Phys. auscult.. II, 3, Metaph., IV, 2 ; cf. De somno et vig., 2) la cause matérielle (ἐξ οὗ γίνεταί τι ἐνυπάρχοντος), la cause formelle (τὸ εἰδος καὶ τὸ παράδειγμα), la cause motrice (ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως, ou ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς μεταβολῆς ἢ τῆς ἠρεμήσεως), et la cause finale (τὸ τέλος, τὸ οὗ ἔνεκα). — Ces quatre causes se retrouvent intégralement dans les énumérations de Galien ; seulement il a coupé la cause matérielle en deux, conservant à la cause matérielle éloignée son nom primitif et donnant à la cause matérielle plus rapprochée celle de cause instrumentale (τὸ δι᾽ οὗ, τὴν ἐκ τῶν ὀργάνων). Galien désigne la cause finale, qu’il appelle la principale, la première et la plus parfaite des causes (p. 422 et 426, l. 9-12), par le terme δι᾽ὅ, expression qui sert chez Aristote à désigner la relation causale en général (voy. Physicæ. ausc., II, III et VII ; Metaph., I, III). Pour désigner la cause motrice Galien se sert du terme ὑφ ᾽οὗ qui est également quelquefois employé par Aristote dans le même sens (voy. par exemple Métaph., VI, vii, p. 544, l.  10 et 15). Galien prend ce terme comme synonyme de ἡ ἐκ τοῦ δημιουργοῦ (le Créateur) et nous voyons par là qu’en parlant de la cause motrice, il a principalement en vue la cause motrice éloignée et universelle de tous les êtres, c’est-à-dire Dieu ; Aristote au contraire parle ordinairement sous cette rubrique d’une cause plus rapprochée, car, dit-il (Metaph., VII, iv, p. 561, l. 49) δεῖ δὲ τὰ ἐγγύτατα αἴτια λέγειν (il faut parler des causes les plus prochaines). Ainsi dans le même endroit il dit que la cause motrice de l’homme est le sperme et dans d’autres endroits (Phys. auscult., II, iii, Metaph., IV, ii) il dit que le père est la cause motrice de la progéniture. Cette manière de voir ressort encore très-manifestement du commencement du traité De la génération des animaux. Il annonce en effet qu’ayant déjà exposé (dans le traité Des parties des animaux et dans celui De la marche des animaux) la cause matérielle et la cause finale (laquelle, ainsi que nous allons le voir, est pour les corps naturels, identique avec la cause formelle) de toutes les parties excepté celle des organes de la génération, le sujet du traité qu’il va maintenant commencer, consiste à étudier la cause motrice de toutes les parties, et toutes les causes des parties destinées à la génération. Aristote ne mentionne que rarement (par exemple Phys. auscult., II, vii, p. 270, l. 1, et Metaph., XI, iv, p. 602, l. 45) une cause motrice première et éloignée sous le nom de τὸ πρῶτον πάντων. — Si j’ai bien saisi la distinction de Galien entre cause instrumentale et cause finale, la première comprend toutes les circonstances qui se rapportent à la disposition des organes : ainsi, si je ne me trompe, l’endroit cité d’Érasistrate, p. 422, fournit l’exemple d’une cause instrumentale. La cause matérielle, dans le sens de Galien, comprend tout ce qui se rapporte aux éléments et aux qualités primitives ou secondaires de la matière, et je crois trouver une exposition d’une cause matérielle dans ce que Galien rapporte d’après Platon, p. 426-7. Ces deux causes rentrent évidemment dans la cause matérielle d’Aristote ; seulement l’une est plus éloignée que l’autre. Cela ressort clairement entre autres du commencement du traité Sur la génération des animaux, où il est dit : « La matière pour les animaux, ce sont les parties, pour le tout et l’ensemble, ce sont les parties dissimilaires, pour celles-ci les similaires et pour les similaires les éléments. » Du reste Aristote lui-même se sert aussi quelquefois de l’expression ἐξ οὗ pour désigner la cause matérielle (voy. Metaph., VI, vii). Galien d’ailleurs ne semble pas s’en tenir très-rigoureusement à cette distinction entre cause matérielle et instrumentale (p. 426, l. 12-17 et p. 426, l. 24) qui ne nous paraît pas très-logique ; en faisant ainsi des genres spéciaux de causes des diverses causes appartenant à la même classe d’Aristote, suivant qu’elles sont plus ou moins éloignées, on pourrait multiplier à l’infini le nombre des causes. - La forme dubitative sous laquelle Galien parle de la cause formelle (πέμπτον, εἰ βούλει, τὸ καθ᾽ ὅ) tient probablement à ce que, suivant Aristote, pour les corps naturels la cause formelle et la cause finale sont identiques. Ainsi nous lisons Metaph., VI, iv : Τί δ᾽ὡς τὸ εἴδος (αἰτία ἀνθρώπου) ; τὸ τὸ ἦν εἶναι. Τί δ᾽ὡς οὗ ἕνεκα ; τὸ τέλος· ἴσως δὲ ταῦτα ἄμφω τὸ αὐτό. — De gener. anim., I, i : Ὑπόκειντναι γὰρ αἰτίαι τέτταρες, τό τε οὗ ἕνεκα, ὡς τέλος, καὶ ὁ λόγος τῆς οὐσίας. Ταῦτα μὲν οὖν ὡς ἕν τι σχεδὸν ὑπολαβεῖν δεῖ, κ. τ. λ.Phys. auscult., II, vii, p. 27, l/ 22 : Καὶ ἐπεὶ ἡ φύσις διττὴ, ἡ μὲν ὡς ὕλη, ἡ δ᾽ὡς μορφὴ, τέλος δ᾽ αὔτη, τοῦ τέλους δ᾽ ἕνεκα τὰ ἄλλα, αὕτη ἂν εἴν ἡ αἰτία ἡ οὗ ἕνεκα. — De gener et corr., II, ix, p. 463, l. 36 : Διὸ, καὶ ὡς μὲν ὕλη τοῦτ᾽ (τὸ δυνατὸν εἶναι καὶ μὴ εἶναι) ἐστὶν αἴτιον τοῖς γενητοῖς, ὡς δὲ τὸ οὗ ἕνεκεν ἡ μορφὴ καὶ τὸ εἴδος, τοῦτο δ᾽ἐστὶν ὁ λόγος ὁ τῆς ἑκάστου οὐσίας. — Hoffmann (l. l., p. 114-115) assimile aussi le καθ᾽ ὅ de Galien au τὸ εἴδος d’Aristote. — Cf. aussi Theses Piccarti De Causis, anno 1603, si toutefois on a le courage de les lire.
  52. M. Littré, qui cite ce passage dans son Introduction aux œuvres d’Hippocrate, p. 221-2, pense qu’il s’agit de la naissance de tous les vaisseaux artériels et veineux du corps, mais, si je ne me trompe, ni le contexte, ni les doctrines d’Érasistrate ne permettent une pareille interprétation. On voit manifestement en lisant tout ce chapitre et en considérant comment la citation d’Érasistrate est amenée qu’il s’agit des vaisseaux cardiaco-pulmonaires. — Voici quelle doit être, à mon avis, l’interprétation de ce passage : D’après Érasistrate les artères aussi bien que les veines partent du cœur qui est pour elles un principe médiat, car, suivant Galien (Dogm. Hipp. et Plat., VI, vi, p. 550), Érasistrate tire les artères, non pas directement du cœur, mais des dernières ramifications de la trachée, d’où elles se rendent d’abord au cœur, pour de là se distribuer dans le reste du corps. Érasistrate paraît être, en effet, un de ces anatomistes qui n’ont pas pris en considération la substitution des tuniques dans les vaisseaux cardiaco-pulmonaires. (Voy. note 2 de la p. 407). Ce qu’il appelle l’artère, est l’artère veineuse de Galien, la veine pulmonaire des modernes. Ce vaisseau doit être considéré, à son origine dans le poumon, comme la racine de toutes les artères du corps. À son tour la veine (veine artérieuse, artère pulmon.) naît là où se trouvent les racines de l’artère, d’où procèdent médiatement toutes celles du corps. Veine et artère du poumon viennent de ce point commun d’origine aboutir aux ventricules droit et gauche du cœur qui semble être un nœud pour ces deux ordres de vaisseaux. — Voy. du reste les Dissertations sur l’anat. et la physiol.
  53. On a vu dans les chap. xxi et xxii du livre I qu’Asclépiade avait émis la même opinion au sujet des tendons. L’histoire de la doctrine des causes finales me conduira tout naturellement à l’appréciation de cette opinion considérée dans sa plus grande généralité et dans ses applications de détail.
  54. Les éditions portent Αἴας τέτταρας (sc. δακτύλους). J’ai pensé qu’il valait mieux lire ἑπτά avec le manuscrit 2154 qui ajoute aussi le mot encore (ἔτι) après πλείους. — Pour les autres noms cités voyez Pape et Quicherat, Vocabul. des noms propres grecs et latins, et surtout Pauly, Real Encyclopædie der class. Alterthumswissenschaft,voc. — Le nom de Talos, a beaucoup préoccupé les commentateurs de Galien ; quelques-uns même, entre autres Alexandrinus, ont voulu le changer en celui d’Ephialtes, mais déjà Hoffmann (l. l., p. 116) a montré qu’il fallait conserver Τάλως qui est le nom d’un géant. Il en est de même pour Orion, qu’Alexandrinus changeait aussi en Otus, Ephialtes et Otus (Aloïdes) étant nommés par Homère.
  55. Si je ne me trompe, Galien abandonne ici les vaisseaux cardiaco-pulmonaires pour passer au système vasculaire général. La suite du paragraphe s’accorderait mal avec une autre interprétation. Du reste il y aurait ici, non pas simplement artère ou veine, mais artère veineuse et veine artérieuse.
  56. Hoffmann (p. 117) trouve contrairement à l’opinion de Galien que les sinus de la dure-mère tiennent à la fois de la nature des veines et de celle des artères, et qu’on pourrait les appeler veines artérieuses ou artères veineuses. Les anatomistes modernes ont aussi remarqué, quoiqu’en se plaçant à un autre point de vue, la différence que présentent les sinus avec le reste du système veineux. Cf. la Dissert. sur l’anatomie.
  57. Ὁμοίας ἀλλήλαις, c’est-à-dire que les veines et les artères sont toujours semblables à elles-mêmes dans toutes leurs divisions depuis leur origine jusqu’à leur terminaison. — Quant aux vaisseaux du poumon, c’est surtout en vue de l’alimentation de ce viscère qu’il y a eu substitution dans leurs tuniques.
  58. Les valvules du cœur ont été décrites avec assez de soin par l’auteur hippocratique du traité De corde (voy. la Dissert. sur l’anat.). — Hérophile en a parlé avec peu d’exactitude au dire de Galien, mais Érasistrate les a si bien décrites, que Galien avoue lui-même n’avoir rien à ajouter à sa description. Dogm. Hipp. et Gal., I, x, init. — Hérophile appelait productions nerveuses (tendineuses) les tendons qui vont de ces valvules au cœur (pour les modernes ce sont les tendons des colonnes charnues qui vont se fixer aux valvules), c’est ce qu’Aristote avait pris pour des nerfs (voy. pour cette question la Dissert. sur l’anat.). Galien déclare (l. l., t. V, p. 207) que ces productions ont précisément l’office des tendons. Il ne nous a pas conservé ce qu’Érasistrate a écrit sur l’anatomie des valvules, nous savons du moins par lui les opinions du médecin d’Alexandrie sur le rôle de ces membranes et il semble que cette théorie est trouvée d’hier. Pour en faire comprendre toute l’importance il me suffira de traduire en abrégeant un peu (l. l., VI, vi, p. 548 et suiv.). — Il y a, disait Érasistrate dans son traité des Fièvres, certaines membranes insérées aux orifices des vaisseaux du cœur, membranes dont ce viscère se sert, soit pour recevoir, soit pour expulser les matières qui y entrent ou qui en sortent. — Quelques-uns, interrompt ici Galien, ont osé nier qu’il y eût de pareilles membranes et les ont regardées comme une fiction d’Érasistrate, ou comme une chose inventée pour appuyer son système, mais elles sont si connues des anatomistes, qu’il faut être bien novice pour ignorer ce que c’est. — Il y a, poursuit Galien, trois de ces membranes à l’orifice de la veine cave (valvules tricuspides de l’orifice auriculo-ventriculaire droit) qui ressemblent aux pointes de fer des flèches ou des dards, d’où vient que quelques-uns des disciples d’Érasistrate les ont appelées triglochines. Il y en a aussi à l’orifice de l’artère veineuse (j’appelle ainsi celle qui partant du ventricule gauche se ramifie dans le poumon) de semblables pour la forme, mais le nom n’en est pas le même, car de tous les orifices celui-là seul n’a que deux de ces membranes. — Dans le Manuel des dissect., VII, ix, comme dans le traité De l’utilité des parties (voy. plus loin, p. 431), Galien dit également que le nom de triglochine se rapporte à la disposition de ces membranes (τὸ σχῆμα τῆς συνθέσεως) et qu’on l’avait appliqué à celles des deux orifices auriculo-ventriculaires. Voy. la Dissert. sur les termes anatom. — Les deux autres orifices, continue Galien (celui de la veine artérieuse et celui de l’aorte) en ont aussi chacun trois qui ont la figure de la lettre sigma Ϲ — Suivant Érasistrateces deux derniers orifices sont chacun également disposés pour porter les matières hors du cœur ; par le premier [artère pulmon.) il sort du sang pour aller au poumon, et par le second (aorte) de l’esprit pour être répandu dans tout le corps ; en sorte que ces membranes rendent alternativement au cœur des offices opposés. Celles qui sont attachées aux vaisseaux introducteurs des matières dans le cœur (orifices auriculo-ventricul.), regardent de dehors en dedans afin qu’elles puissent s’abaisser étant poussées par l’impétuosité des matières qui abordent, et que, se couchant jusque dans les ventricules du cœur, elles en ouvrent l’entrée par l’introduction des matières qui y sont attirées. Il ne faut pas croire, en effet, que ces matières y entrent d’elles-mêmes comme dans un réceptacle inanimé, mais le cœur, par sa diastole (ou lorsqu’il se dilate) les attire, comme les soufflets des forgerons attirent l’air et c’est là la manière dont le cœur se remplit. Les membranes des vaisseaux qui servent à expulser les matières, sont tournées tout au rebours ; c’est-à-dire qu’elles regardent de dedans au dehors, en sorte qu’étant aisément couchées ou renversées par les matières qui sortent, elles ouvrent les orifices dans le temps que le cœur fournit ou pousse ces matières ; dans les autres moments elles ferment exactement les mêmes orifices, et ne laissent rien retourner en arrière de ce qui est une fois sorti. De même les membranes des vaisseaux qui servent à introduire les matières, ferment les orifices de ces vaisseaux, lors de la systole du cœur ne laissant rien sortir derechef de ce qui y a été une fois attiré. — On verra dans la Dissertation sur la physiologie que Galien ne croit pas avec Érasistrate que tout retour ou tout reflux soit interdit aux matières qui sont sorties du cœur ou qui y entrent. Cf. Utilité des parties, VI, xvi, p. 440, Utilité du pouls, t. V, chap. v, p. 166.
  59. Voy. la note précitée et les Dissertations sur l’anatomie et sur les termes anatomiques.
  60. Voy., pour ces deux vaisseaux, la partie de la Dissertation sur l’anatomie, consacrée aux veines. Cf. Manuel des dissect., VII, ix, fine, et x, init. et fine.
  61. Voy. note 1, p. 430.
  62. C’est là le mouvement κατὰ τόπον ou φορά d’Aristote. Je reviens sur les catégories du mouvement dans la Dissertation sur la physiologie.
  63. Galien s’étend un peu plus sur la description des oreillettes dans le Manuel des dissections, VII, ix, init. : « Les oreilles, dit-il, ont été appelées ainsi par les anciens (οἱ πρόσθεν, voy. la Dissertation sur les termes anatomiques), à cause de leur ressemblance avec les oreilles des animaux ; en effet, les oreilles du cœur sont disposées sur ce viscère comme les oreilles sont placées de chaque côté de la tête. Elles sont, cela apparaît manifestement, plus fibreuses et plus membraneuses que la substance du cœur. C’est là toute l’idée qu’on peut donner de leur nature par une description, car il vaut mieux demander une connaissance plus complète au toucher et à la vue, qui seuls nous permettent d’apprécier la couleur et la consistance d’une partie. Les oreillettes sont en quelque sorte plus noires que le cœur, elles ressemblent évidemment à des épiphyses membraneuses, et cela dans le but de former une cavité à l’entrée du cœur… une en avant du ventricule droit, une autre en avant du ventricule gauche… Quand on les ouvre on voit la substance du cœur (voy. p. 417, note 1). » — J’ai déjà dit (voy. note 1 de la p. 417) qu’Hérophile regardait les oreillettes comme faisant partie du cœur, et c’est là l’opinion généralement reçue. Toutefois l’anatomie philosophique permet de considérer les oreillettes comme une ampliation des tuniques de la veine cave et de la veine pulmonaire ; mais comme il est plus que douteux que cette conception ait été dans l’esprit de Galien, car dans le chap. iv, p. 389, il appelle l’oreille droite une apophyse du cœur, et comme une main que tend ce viscère, sa manière de voir est anatomiquement inférieure à celle d’Hérophile. — Galien appelle les oreillettes tantôt ἀπόφυσις (voy. chap. iv, p. 389) et tantôt ἐπίφυσις, comme dans le passage qui nous occupe. Hoffmann (l. l., p. 118) voudrait lire partout ἐπίφ. Mais cela n’est pas nécessaire, l’un ou l’autre mot représente bien l’idée que se faisait Galien des oreillettes, qui pour lui ne sont que des appendices, des parties accessoires, et comme les vestibules du cœur. — Il semble que c’est surtout à cause des appendices coniques (auricules) qui font partie des oreillettes, que les modernes ont créé le mot oreillette, voy.. Cuvier, Anat. comp., 2e édit., t. VI, p. 280.
  64. Voy. Facult. nat., III, xv, Problèmes d’Alexandre d’Aphrod., II, 60, et Alexandrinus in hunc loc.
  65. Voy. dans les Œuvres d’Oribase, t. II, la note de la p. 131, l. 13 (livre VII, chap. xxvi) sur l’histoire archéologique de l’aimant.
  66. Voy. note 2, de la p. 433.
  67. Voy. pour cette question la Dissertation sur la physiol., et Hoffman, l. l., p. 120-121. — On a déjà vu, par la note 1 de la p. 430, et l’on verra, par ce qui est dit aux pages 440 et 444 que cette occlusion opérée par les valvules n’est pas assez complète, pour qu’il n’y ait pas un léger reflux, et pour que le sang et le pneuma, que Galien fait passer d’un ventricule à l’autre par les pertuis de la cloison, ne puissent pénétrer, le pneuma dans l’artère pulmonaire et le sang dans les veines pulmonaires. Il en résulte que l’échange de deux matières se fait à la fois au cœur, dans l’intérieur du pneuma (voy. p. 414) et aux extrémités du système vasculaire général.
  68. Ici comme en plusieurs autres passages (voy. par exemple, IV, iv ; et la note 1 de la p. 283), Galien admet que certains vaisseaux sont le siège d’un double courant. On trouvera cette question développée dans la Dissertation sur la physiologie.
  69. C’est là une façon inexacte de parler, si Galien entend par la tête du cœur la naissance même des ventricules ; mais en plusieurs autres endroits (voy. note 1 de la p. 389) il fait partir le péricarde des gros troncs vasculaires qui sont en connexion avec le cœur ; on doit donc admettre qu’il ne s’en est pas tenu rigoureusement ici à son système sur les oreillettes, et qu’en disant la tête du cœur, il entend particulièrement ce que les anatomistes appellent base des ventricules et face supérieure des oreillettes, là précisément où l’on voit les gros troncs des vaisseaux. — Dans le Manuel des dissect. (VII, iii) Galien nous montre le péricarde placé entre les deux sacs pleuraux droit et gauche (ailleurs, Dogmes d’Hipp. et de Platon, VI, vii, il appelle le péricarde la troisième cavité de la poitrine) ; d’abord accolés l’un à l’autre au niveau des clavicules, ces sacs pleuraux s’accolent ensuite au niveau de la base (βάσις) du cœur que quelques-uns appellent tête (κεφαλή) pour envelopper le péricarde auquel ils sont unis [par un tissu cellulaire très-lâche] et qu’ils accompagnent jusqu’à son sommet lequel est conoïde comme celui du cœur. La base du péricarde environne comme d’une couronne la base du cœur, et son sommet qui touche celui du cœur est uni aux parties inférieures du sternum (v. p. 384). — Galien ne mentionne pas les adhérences de cette tunique au diaphragme ; mais cela n’a rien d’étonnant, car chez les singes ainsi que le remarque Cuvier (Anatomie comp., 2e édit., t. VI, p. 279) et comme je l’ai moi-même vérifié sur le magot, l’adhérence du péricarde au diaphragme est nulle ou presque nulle (v. p. 387, note 1). Cuvier dit encore que les prolongements du médiastin qui s’avancent à partir du diaphragme sur les côtés du péricarde suppléent aux adhérences de cette enveloppe avec le muscle. On a vu plus haut que cette particularité n’a pas tout à fait échappé à Galien. — Le péricarde, continue Galien, n’adhère pas au cœur, mais il en est séparé par un intervalle assez considérable. À sa base le péricarde est uni avec les vaisseaux qui partent du cœur. — Galien ne parle nulle part du feuillet séreux viscéral, et il ne paraît pas avoir une idée bien exacte du liquide intra-péricardique dont l’existence ne lui semble pas constante. Cf. Lieux affectés, V, ii, Hoffmann, l. l., p. 121-122, et la Dissertation sur l’anatomie.
  70. Voy. note 1 de la p. 430, in fine, Hoffmann, l. l., p. 122, et la Dissertation sur la physiologie.
  71. Voy. livre VII, chap. xvii, Dogmes d’Hipp et de Platon, VIII, ix, Méthod. thérap., IV, vii, Médic. simpl., II, v, et surtout la Dissert. sur la physiologie, où j’ai exposé cette théorie ancienne sur le passage des liquides dans la trachée artère.
  72. Dans le Traité De l’aliment. Voy. aussi la Dissert. précitée.
  73. Voy. Hoffmann, l. l., p. 122-123, et la Dissert. précitée.
  74. Voy. la Dissertation précitée et dans l’Appendice les extraits du livre VII du Manuel des dissections et particulièrement le chap. xv.
  75. Voy. pour cette importante question, qui a tant occupé Galien, la Dissert. sur la physiologie.
  76. Voy. dans la Dissert. précitée l’indication de tous les passages où Galien réfute cette opinion d’Érasistrate. — Suivant la doctrine d’Érasistrate, dit Galien, les anastomoses n’existeraient que pour produire les maladies les plus dangereuses ; la nature en les créant aurait donc commis la faute la plus grave, mais ce n’est pas pour une aussi détestable fin qu’elles existent, c’est pour un échange mutuel de sang et de pneuma entre les deux ordres de vaisseaux. Jusqu’ici le raisonnement est irréprochable ; mais en rétablissant ce qu’il croit être la vérité sur les anastomoses, Galien ne supprime ni les inflammations, ni les funestes maladies qui en sont la conséquence, en sorte que la nature justifiée sur un point doit être attaquée sur un autre, puisqu’elle n’a pas su prendre ses précautions contre l’inflammation et contre mille autres maladies, puisqu’en un mot elle n’a su nous rendre ni invulnérables, ni immortels ! La question n’est donc que reculée et nous voilà conduit ad absurdum. Mais Galien s’arrête à temps, ne voyant pas ou ne voulant pas voir où l’entraîne sa logique.
  77. Voy. pour cette prétendue communication chez l’homme entre les deux ventricules, les Dissert. sur l'anatomie et la physiologie. — Galien parle aussi de ces fosses qui s’avancent le plus possible dans chacun des ventricules (ἐπὶ πλεῖστον βάθος προήκοντας) à la fin du chap. x du livre VII, du Manuel des dissect. — Galien qui dans ce chapitre se moque si bien des médecins qui n'avaient pas su trouver l’os du cœur sur un éléphant mériterait bien d’être raillé pour avoir vu ce qui n’existe pas et s'être laissé tromper par les apparences. Cf. Hoffmann, p. 212.
  78. Voici comment Hoffmann, l. l., p. 124, s'exprime à ce sujet : « Si bene habet comparatio, ut habet : utique dicere etiam licet ! Quod hepar est venis, id cor est arteriis. Ut enim ventriculus præparat materiam, quam venæ deinde elaborare debent ; et venæ præparant materiam, quam arteriæ denique ad ultimam perfectionem deducere debent : ita hepar præparat materiam, cui cor imponit ultimam manum. Jam igitur cadit hoc, quod Galenus alicubi tantopere negat, hepar non laborare pro corde. Nempe non distinguit publicas actiones a privatis. » — Voy. la Dissert. sur la physiologie.
  79. Cf. Hoffmann, l. l., p. 124, et la Dissert. précitée.
  80. On sait que les veines cardiaques ou coronaires s’ouvrent directement dans l’oreillette droite qui pour Galien fait partie de la veine cave. — Voy., pour la description de ces veines, la Dissert. sur l’anatomie.
  81. Cf. IV, xiii, p. 313 ; V, viii, ix, x, et particulièrement p. 364 ; XVI, iii. — Voyez aussi, pour cette proposition la Dissert. sur l’anatomie.
  82. Cf. VII, viii ; X, ix ; XI, xvii ; Mouvem. des muscles, I, i ; Dissert. du pouls, IV, ii, et la Dissert. sur la physiologie.
  83. Voy. la Dissert. sur la philosophie de Galien ; les extraits du traité des Dogmes d’Hippocrate et de Platon, et dans ce volume le traité Que les mœurs de l’âme suivent les tempéraments du corps.
  84. Galien a longuement discuté sur l’os du cœur dans le chap. x du livre VII, du Manuel des dissections. Voici les passages les plus curieux de ce chapitre : L’os qu’on croit exister chez les grands animaux n’existe pas chez tous ; mais chez tous et chez les autres animaux il y a non pas un os parfait, mais un cartilage. Les choses se passent ainsi en général chez tous les animaux : Les membranes triglochines (valvules des orifices auriculo-ventriculaires, voy. note 1 de la p. 430) et la racine des vaisseaux artériels (aorte et artère pulmonaire) sont appendues à une substance, toujours dure, mais non pas également dure chez tous les animaux : chez les petits animaux, elle est médiocrement cartilagineuse, chez les plus gros c’est un cartilage parfait, chez ceux qui sont tout à fait gros c’est un cartilage osseux ; plus l’animal est gros plus ce cartilage participe à la nature de l’os. Aussi chez ces derniers faut-il l’appeler un os cartilagineux et non un cartilage osseux, dans ces animaux ce qui naît autour de cette substance n’est pas encore exactement cartilage mais un neuro-cartilage. Il n’est pas étonnant que les gens inexpérimentés dans les dissections, ignorent cette particularité sur les petits animaux puisqu’ils ne la reconnaissent pas sur les gros. Que dis-je sur les gros ? sur les très-gros, même sur un éléphant ! — Ici Galien raconte avec sa modestie ordinaire l’anecdote suivante : Un éléphant est égorgé à Rome, les médecins se rassemblent aussitôt pour constater par l’anatomie si le cœur à deux sommets (Cf. p. 398, note 1), s’il a deux ou trois ventricules ; avant toute dissection Galien affirme que le cœur est conformé comme chez tous les animaux qui respirent dans l’air, ce que la dissection vérifia aussitôt ; il trouve très-facilement l’os du cœur. Mais les médecins inexpérimentés ne sont pas aussi heureux ; le charitable Galien allait le leur montrer, quand ses élèves riant sous cape lui font remarquer que les confrères cherchent où l’os n’est pas, et l’engagent à les laisser dans leur ignorance, ce à quoi Galien finit par consentir. Les cuisiniers de l’empereur ayant enlevé le cœur, il envoie un de ses élèves demander qu’on lui permît d’ôter l’os, ce qui fut accordé. Cet os qui était très-grand fut conservé par Galien, et quiconque le voyait ne pouvait comprendre comment il avait pu échapper à des anatomistes. — Qu’y a-t-il d’étonnant, s’écrie ensuite Galien, qu’Aristote se soit si souvent trompé en anatomie ! Le rapprochement est, on en conviendra, peu flatteur pour Aristote. Heureusement Galien ajoute aussitôt que Marinus très-versé dans les dissections s’était aussi souvent trompé, et que lui-même, en commençant l’anatomie avait été maintes fois fort embarrassé particulièrement pour trouver l’os du cœur (il coupait ce viscère en petits morceaux !), mais familiarisé avec la recherche de cet os il finit par être fort habile, surtout lorsqu’il eut remarqué que les valvules y étaient attachées. Voici le procédé qu’il indique pour le découvrir : « Enlever le cœur, découvrir le ventricule gauche ; ouvrir dans sa longueur le prolongement de l’aorte, descendre ainsi jusqu’aux valvules, et de cette façon on arrivera sûrement à l’os. » — Voici maintenant ce qu’il faut penser de cet os qui a tant occupé les anatomistes anciens. « L’existence d’un os ou de deux au plus, dans la cloison qui sépare les deux ventricules près de l’origine de l’aorte est une circonstance accidentelle. Elle paraît plus fréquente chez les mâles que chez les femelles ; dans les herbivores et particulièrement les pachydermes, les solipèdes et les ruminants que dans les carnassiers. Mais ces os ou cet os ne se rencontrent pas dans tous les individus du même sexe et d’une seule espèce. Ce n’est donc qu’un accident organique, qui devient une règle, une organisation normale dans d’autres classes, aussi qu’on le voit pour le cœur des chéloniens. » M. Duvernoy, dans Cuvier, Anat. comp., 2e éd., t. VI, p. 292 ; cf. p. 308. — On voit précisément que Galien ne connaissait que l’accident, et qu’il ne dit absolument rien des animaux chez qui l’existence de l’os cardiaque est une disposition normale.
  85. Voy. Hoffmann, l. l., p. 126-127, sur les lois portées dans l’antiquité contre la paresse.
  86. Les textes imprimés, et le manuscrit 2154 portent ἡ μὲν γὰρ (φύσις) οὔτε ἀργῶς οὐτ᾽ ἀπρονοήτως· ἀλλὰ, ἅπερ οὗτοι λέγουσι, προτέρα λελογισμένη κ. τ. λ. — Ou bien il faut admettre que les mots ἅπερ οὗτ. λέγ. se rapportent maintenant au membre de phrase précédent et qu’il a été déplacé (La nature n’a montré… ni imprévoyance, comme ils le prétendent) ce qui donnerait un sens très-naturel ; ou bien on doit entendre que Galien rappelle ici ce qu’il a dit déjà très-souvent que beaucoup de gens tout en reconnaissant que la nature raisonne et n’agit pas au hasard, professent qu’elle commet cependant des fautes, ou qu’elle crée des parties inutiles ; c’est un moyen de mettre ses adversaires en contradiction avec eux-mêmes. Ce sens étant très-plausible aussi, je n’ai rien changé au texte.
  87. Il ne me paraît guère douteux qu’il ne faille trouver dans ce passage (voy. aussi p. 451) la mention du canal artériel et du trou de Botal. On ne doit pas oublier que, pour Galien, les oreillettes font partie des vaisseaux et non du cœur. Voy. du reste pour l’histoire de la circulation du fœtus, la Dissert. sur la physiologie.
  88. C’est là un des principes favoris de Galien ; mais comme certains philosophes qui prêchent la liberté des opinions, et qui ne souffrent pas qu’on s’écarte de leur doctrine, il engage sans cesse à voir par ses propres yeux, pourvu qu’on ne s’avise pas de voir autrement que lui, et trop souvent aussi la théorie lui met un bandeau sur les yeux. — Cf. note 2 de la p. 149, livre I, chap. xvii.
  89. Voy. Hoffmann, l. l., p. 128-129, et la Dissert. sur la physiologie.
  90. Ce procédé se trouve dans les livres encore inédits, livres qu’on trouvera à la suite du traité de l’Utilité des parties. Voy. la Bibliographie, dans le volume qui comprend mes Études sur Galien.
  91. Cf. surtout Facultés natur., III, xv, et Utilité du pouls, chap. v. — Ici Hoffmann, l. l., p. 129-130, raconte gravement, pour appuyer la proposition de Galien, les histoires rapportées par Tacite sur les morts tragiques arrivées à la suite de l’ouverture des veines !