Gaite de la tor (1842)
Slatkine reprints 1969, réimpression de l’édition de Paris 1841-1842 (1p. 191-195).


Manuscrit de la Bibliothèque Royale, 1989. S. Germ f° LXXX
— Romancero français, p. 66.


1.[1]
(La première gaite.)

 
 « Gaite de la tor !
 » Gardez entor
» Les murs, se Deus vos voie ;
 » C’or sont à séjor
 » Dame et seignor,
» Et larron vont en proie. »
 

(La gaite corne.)

 
— « Hu et hu et hu et hu !
 » Je l’ai véu,
 » Là jus soz la coudroie. 
» Hu et hu et hu et hu !
 » A bien près l’ocirroie. »


2.


 « D’un douz lai d’amor
 » De Blancheflor,
» Compains, vos chanteroie,
 » Ne fust la poor
 » Del traïtor
» Cui je redotteroie. »

— « Hu et hu etc.


3.


(La seconde gaite.)


 — « Compainz en error
  » Sui, qu’en cest tor
» Volentiers dormiroie. »
 — « N’aient pas péor,
  » Voist à loisor
» Qui aler vuet par voie. »

— « Hu et hu et hu et hu ! »
 — « Or soit téu

 
 » Compains à ceste voie. »
— « Hu et hu et hu et hu ! »
 « Bien ai séu
» Que nous en aurons joie »


4.


 « Ne sont pas plusor
 » Li robéor,
» N’i a c’un que je voie,
 » Qui gist en la flor
 »Soz covertor,
» Cui nomer n’oseroie.

— « Hu et hu etc.


5.


 « Cortois, ameor,
 » Qui a séjor
» Gisez en chambre coie,

 
 » N’aiez pas fréor
 » Que tresqu’à jor
» Poés demener joie. »


6.


(L’amant à la gaite.)


 « Gaite de la tor,
 » Vez mon retor
» De là où vos ooie.
 » D’amie et d’amor,
 » A cestui jor,
» Ai ceu que plus amoie. »

— « Hu et hu et hu et hu !
 » Pou ai géu
 » En la chambre de joie,
» Hu et hu et hu et hu !
 » Trop m’a néu
 » L’aube qui me guerroie. »

 

7.


 « Se salve l’onor
 » Au créator
» Estois, tot tens voudroie
 » Nuit féist del jor ;
 » Jamais dolor
» Ne pésance n’auroie.

— « Hu et hu et hu et hu !
 » Bien ai véu
 » De biauté la monjoie,
» Hu et hu et hu et hu !
 » C’est bien séu.
 » Gaite à Dieu ! tote voi. »

  1. 1. Guette de la tour, veillez autour des murs et que Dieu vous protège ; car à cette heure sont enfermés dames et seigneurs, et les voleurs cherchent leur proie.

    Hu et hu et hu et hu, je l’ai vu là-bas sous la coudrette.
    Hu et hu et hu et hu, je pourrais bien le tuer.

    2. D’un doux lai d’amour, sur Blanchefleur, ami, je chanterais, mais j’ai peur d’une surprise que je redoute.
    Hu et hu etc.

    3. Ami, je suis si tranquille que volontiers je dormirais dans cette tour. — Qu’on n’ait pas de crainte ; et aille à loisir celui qui veut aller par voie.

    Hu et hu et hu et hu, Tais-toi, compagnon, tais-toi. Hu et hu et hu et hu, car il est bien sûr que nous en serons récompensés.

    4. Les voleurs ne sont pas nombreux ; il en est un seul que je vois couché dans les fleurs et sous la couverture de celle que je n’oserais pas nommer
    Hu et hu etc.

    5. Amans courtois qui reposez tranquilles en chambre close, n’ayez pas de crainte, vous pouvez jusqu’au jour prendre vos ébats
    Hu et hu, etc.

    6. Guette de la tour, protégez ma retraite de là-haut, où je vous entends. J’ai obtenu ce jour l’amour de mon amie, l'objet de tout mes vœux.

    Hu et hu et hu et hu, je suis resté bien peu dans la chambre de joie. Hu et hu et hu et hu, trop m’a nui l’aube qui me fait la guerre.

    7. N’en déplaise au créateur ; si j’étais le maître, je ferais du jour la nuit, et je n’aurais ni peine ni tourments.

    Hu et hu et hu et hu, j’ai bien vu le chef-d’œuvre de la beauté. Hu et hu et hu et hu, c’est bien reconnu, guette, adieu, toutefois.