Foucart - Éléments de droit public et administratif/Partie I/Livre I/Chapitre 4

A. Marescq et E. Dujardin (1p. 148-184).

CHAPITRE IV.

subdivision et organisation du pouvoir exécutif. — obligations spéciales aux fonctionnaires publics.

section Ire. — subdivision et organisation du pouvoir exécutif.

Sommaire.
116. Le pouvoir exécutif se subdivise en politique, administratif et judiciaire.
117. L’autorité judiciaire n’est qu’un démembrement du pouvoir exécutif.
118. Des ministres, — De leurs attributions. — De leurs actes.
118 bis. Des ministères et des directions générales.
119. Du Conseil d’État.
120. Organisation du Conseil d’État.
131. Subdivision en sections. — Mode de délibération.
122. Assemblée générale. — Mode de délibération.
123. Répartition des organes du pouvoir exécutif. — Division territoriale.
124. Départements. — Préfots. — Conseils généraux. — Conseils de préfecture.
125. Arrondissements. — Sous-préfets. — Conseils d’arrondissement.
126. Communes. — Maires. — Adjoints. — Conseils municipaux.
127. Tribunaux. — Ministère public.
128. Tribunaux spéciaux.
129. Organisation judiciaire.
130. Haute cour de justice.
131. Le chef de l’Etat ne peut créer des tribunaux à volonté.
132. Autorité militaire.
133. Circonscriptions militaires. — Gendarmerie.
134. Circonscriptions maritimes.

116. Le pouvoir exécutif a une triple mission :

1o À l’extérieur, il règle les rapports de l’Etat avec les nations étrangères ; à l’intérieur, il dirige la marche générale des affaires publiques ; il a alors un caractère politique.

2o Il procure l’exécution des lois d’intérêt général, assure la tranquillité publique et pourvoit à tous les besoins et à tous les services publics ; il fait la répartition des charges qui pèsent sur les personnes et sur les propriétés, gère la fortune publique, règle la jouissance des choses laissées dans la communauté, surveille la gestion des intérêts collectifs, etc.

3o Il fait l’application des lois de droit privé aux différends qui s’élèvent entre les particuliers, et l’application des lois de droit pénal aux individus qui les ont violées.

Ainsi le pouvoir exécutif peut se diviser en

Pouvoir politique,

Pouvoir administratif,

Pouvoir judiciaire.

Le pouvoir politique est exercé par l’Empereur.

Le pouvoir administratif a pour organe une hiérarchie d’agents responsables et révocables, à la tête de laquelle se trouvent les ministres.

Le pouvoir judiciaire est attribué à des magistrats inamovibles et irresponsables nommés par l’Empereur, au nom duquel se rend la justice[1].

117. Quelques publicistes ont cru voir dans l’autorité judiciaire un troisième pouvoir de l’Etat, parallèle et peut-être même supérieur au pouvoir exécutif. Nous n’adoptons pas cette opinion. La réflexion nous montre, en effet, que les deux idées, confection de la loi, exécution de la loi, comprennent la vie sociale tout entière, de même que la résolution et l’action expriment toute la vie humaine. L’exécution de la loi est un acte complexe qui se décompose en plusieurs actes ; il comprend l’intelligence des textes, la connaissance des faits, l’application de la loi aux faits, l’ordre et l’exécution de l’ordre. Il n’est pas nécessaire que tous ces actes émanent du même organe ; il peut même être avantageux de les séparer et de les répartir entre des organes différents ; c’est ce qui a lieu chez nous lorsqu’il s’agit de faire exécuter les lois qui règlent l’état des personnes, les intérêts des particuliers entre eux, ou qui répriment les crimes et les délits. Comme l’intelligence de ces lois exige des études spéciales, que l’examen des faits articulés par les parties, des pièces sur lesquelles s’appuient leurs prétentions, emporte un temps considérable, on a confié tout le travail qui précède et prépare l’exécution à des hommes qui se dévouent à ces nobles fonctions et qui en font l’occupation de toute leur vie ; on leur a donné l’inamovibilité afin de les placer plus haut dans l’opinion publique, et d’ajouter l’indépendance de la position à l’indépendance du caractère ; mais on n’a pas créé un troisième pouvoir principal, étranger au pouvoir exécutif, parce que la loi positive ne peut pas changer la nature des choses.

La pensée que l’autorité judiciaire constitue un troisième pouvoir de l’Etat a pu venir aux anciens publicistes à une époque où l’on n’avait encore que des idées très-confuses sur les véritables principes du droit public, et lorsque les parlements s’attribuaient une participation au pouvoir législatif par l’enregistrement, rendaient des arrêts réglementaires qui avaient force de loi, rédigeaient et faisaient exécuter des ordonnances de police ; mais, depuis que le principe de la distinction des pouvoirs a été posé, on doit repousser un système qui n’est pas seulement contraire à la vérité, mais qui est encore dangereux dans ses conséquences.

En effet, l’autorité judiciaire, si elle était un troisième pouvoir analogue aux pouvoirs législatif et exécutif, devrait comme eux être conférée par le choix de la nation ; c’est la conséquence à laquelle était arrivée la première Assemblée constituante, qui partait du faux principe que nous combattons. La Constitution du 3 sept. 1791, dans son titre III, art. 5, place le pouvoir judiciaire au nombre des pouvoirs publics, à la suite des pouvoirs législatif et exécutif, et dit qu’il est délégué à des juges élus à temps par le peuple. S’il en était ainsi, ce serait en vain que la loi déterminerait ses attributions avec soin ; il pourrait toujours en sortir, et attirer à lui, sur les réclamations des particuliers, le jugement de toutes les mesures que prendrait le gouvernement pour la défense de l’Etat, le maintien de l’ordre ou l’amélioration des choses du domaine public ; aucune autorité supérieure ne pourrait le refouler dans ses limites ; l’action gouvernementale et l’action administrative passeraient dans ses mains, et il absorberait ainsi tout le pouvoir exécutif. Il ne serait pas possible d’appliquer le principe de la responsabilité aux agents administratifs, car ils ne seraient plus libres, ni aux membres de la magistrature, car ils sont et doivent être irresponsables.

Dans le système contraire, tout se coordonne et s’harmonise. S’agit-il de résoudre des questions d’intérêt privé, de réprimer des crimes et délits, c’est l’autorité judiciaire qui déclare le droit et l’applique au fait reconnu constant. Mais s’agit-il de statuer sur des réclamations qui touchent à l’intérêt public, dont la solution peut avoir de l’influence sur l’action gouvernementale ou administrative, ce sont les organes de cette autorité qui prononcent. Dans le premier cas, la juridiction a été déléguée par la loi ; dans le second cas, la juridiction du pouvoir exécutif est restée entière. Enfin, si les deux juridictions sont en lutte, il existe un pouvoir supérieur à l’un et à l’autre qui statue sur la compétence. Ainsi la juridiction administrative marche parallèlement à la juridiction judiciaire, et dans le cas où l’une d’elles sortirait de ses limites, elle y serait ramenée par le pouvoir exécutif, responsable de ses actes devant la nation.

Occupons-nous maintenant des différents organes du pouvoir exécutif.

118. Au premier rang de la hiérarchie se trouvent les ministres entre lesquels sont répartis, sous le nom de départements ministériels, tous les grands services de l’Etat. L’organisation ministérielle moderne remonte à la loi des 27 avril et 25 mai 1791. D’après l’article 2 de cette loi, la détermination du nombre et des attributions des ministres, la répartition des services entre eux appartenaient au pouvoir législatif. La Constitution de 1852 pose implicitement le principe contraire, qui d’ailleurs avait été en vigueur depuis l’an VIII jusqu’à 1848, en disant dans son article 43 que les ministres ne dépendent que du chef de l’Etat.

Nous avons déjà dit que les ministres n’ont plus le même caractère que sous l’empire des Chartes de 1814 et 1830 (no 92). Ils étaient alors l’expression de la politique de la majorité des Chambres ; seuls responsables des actes de la couronne, ils imposaient leur volonté au Roi, qui était obligé de se soumettre à l’opinion de son Conseil ou de renvoyer son ministère, au risque de ne pouvoir en former un autre. Aujourd’hui les ministres ne forment plus « un Conseil responsable, composé de ministres solidaires, obstacle journalier à l’impulsion particulière du chef de l’Etat. » Ils ne sont plus que « les auxiliaires honorés et puissants de sa pensée » (préambule de la Constitution). Le contre-seing des ministres, qui était obligatoire depuis 1789 pour rendre exécutoire un acte du souverain, ne l’est plus aujourd’hui ; cependant en fait tous les actes du gouvernement portent le contre-seing d’un ministre, et le décret du 22 janvier 1852, en déterminant les actes qui doivent être contre-signés par le ministre d’Etat, montre que c’est encore la règle générale. Mais la signature du ministre n’a plus d’autre effet que celui qu’elle avait dans l’ancienne monarchie, de certifier la signature du souverain.

Les ministres participent à l’exercice du pouvoir par les rapports qu’ils font à l’Empereur, les avis qu’ils donnent dans le Conseil, le contre-seing qu’ils apposent aux décrets ; ils ont en outre, chacun dans son département, la délégation d’une partie du pouvoir, qu’ils exercent sous les ordres de l’Empereur ; leur autorité s’étend sur tout le territoire, et même, pour quelques uns, hors de l’empire (tels sont les ministres des affaires étrangères et de la marine). Ils procurent l’exécution des lois et des règlements d’administration publique ; pour cela ils correspondent, chacun en ce qui le concerne, avec les fonctionnaires placés sous leurs ordres ; ils approuvent ou réforment les actes de leurs subordonnés en cas de recours ; et même, dans certaines circonstances déterminées par la loi, ces actes n’ont d’effet que par leur approbation. Ils pourvoient aux services publics qui leur sont confiés, non-seulement par les ordres qu’ils donnent et dont ils surveillent l’exécution, mais aussi par des contrats d’achat, de vente, de louage, de services, de fournitures, etc., dont les principes généraux sont empruntés au droit privé, mais qui reçoivent dans leurs effets des modifications nécessitées par leur caractère d’intérêt public. Ils sont ordonnateurs des dépenses de leur ministère et rendent leurs comptes, qui sont vérifiés par la Cour des comptes et approuvés par le Corps législatif. Ils nomment et révoquent une partie des fonctionnaires placés sous leurs ordres ; ils proposent à l’Empereur la nomination et la révocation des autres. Les ministres, pour accomplir leur mission, donnent des ordres, font des instructions et prennent des décisions.

Les ordres adressés aux subordonnés ont pour but l’exécution des services qui leur sont confiés. Les instructions leur expliquent le sens des lois et décrets qu’ils sont chargés d’appliquer, des ordres qu’ils doivent exécuter. Elles prennent un caractère réglementaire quand elles disposent d’une manière générale, qu’elles contiennent une série de prescriptions pour le service intérieur de l’administration, pour l’instruction des affaires administratives. Lorsque les instructions sont adressées à une généralité de fonctionnaires, on leur donne le nom de circulaires. Les décisions sont les résolutions spéciales prises par les ministres, soit spontanément, soit sur une difficulté qui leur est soumise, soit sur une réclamation qui leur est adressée.

Les actes par lesquels les ministres dirigent l’action des fonctionnaires soumis à leurs ordres ne peuvent donner lieu à aucun recours de la part des particuliers : ce sont, en effet, des dispositions générales qu’ils n’ont pas intérêt à attaquer ; mais, lorsqu’on veut leur en faire l’application, leur droit naît avec leur intérêt, et ils attaquent alors non pas la décision générale, mais la décision qui les concerne (V. C. d’État, 26 juin 1835. Héritiers du duc de Bourbon). Supposons que le ministre des finances résolve dans le sens le plus favorable au fisc une question relative à la perception d’un droit d’enregistrement, et enjoigne par une circulaire à tous les receveurs d’exiger le droit conformément à sa solution ; cette circulaire, obligatoire pour les receveurs, ne pourra être attaquée par personne ; mais le redevable auquel le receveur en fera l’application aura le droit de se pourvoir devant le tribunal civil, qui, d’après la loi du 22 frimaire an VII, est compétent pour statuer sur ces questions. Le tribunal, prenant uniquement la loi en considération, statuera sur l’espèce qui lui sera soumise, et non sur la circulaire, qui n’aura pour lui que l’autorité d’une simple opinion. Dans d’autres cas, ce sera devant le ministre lui-même et ensuite devant le Conseil d’État qu’on portera le recours.

L’action des ministres s’exerce aussi directement sur les administrés. Ils statuent alors quelquefois par des dispositions réglementaires et générales, et le plus ordinairement par des décisions individuelles. En thèse générale, les dispositions de la première classe sont du domaine des décrets impériaux ; elles ne peuvent donc être prises par les ministres qu’en vertu d’une délégation spéciale qui est assez rare. On peut en citer comme exemple l’art. 27 du décret du 4 juillet 4804, qui donne au ministre de l’intérieur le droit de publier des règlements pour la police des courses. Les décisions individuelles font application des lois, des décrets, des contrats administratifs. Elles peuvent être attaquées par ceux qu’elles concernent, soit devant le ministre lui-même mieux éclairé, soit même devant l’Empereur, qui a incontestablement le droit de réformer les actes de ses ministres. Quelquefois la décision du ministre touche à des droits au nom desquels on peut réclamer dans la forme contentieuse. (V. no 466.) Si, par exemple, le ministre de l’intérieur devant lequel on s’est pourvu contre une décision d’un préfet qui refuse une indemnité réclamée pour préjudice causé par un travail d’utilité publique, refuse également cette indemnité, ce refus n’empêche pas de la demander au Conseil de préfecture. D’autres fois enfin les ministres sont appelés à rendre de véritables jugements qui donnent lieu aussi à un recours devant le Conseil d’État, par exemple quand ils liquident une créance.

118 bis. La formation des départements ministériels et la répartition des affaires entre eux, l’organisation centrale de chaque ministère, sont de la compétence du pouvoir exécutif, et ont lieu dès lors par des décrets impériaux. (L. du 24 juill. 1843, 7.) Depuis la loi du 27 août 1791, qui l’a déterminé pour la première fois, le nombre des ministères a varié à plusieurs reprises. Il y en a neuf aujourd’hui, et comme leurs attributions ont été fixées récemment, nous indiquerons, après chacun d’eux, la date du décret qui l’a reconstitué. Ce sont ceux des finances (décr. du 30 déc. 1851) ; de l’instruction publique et des cultes[2] (décr. du 7 mai 1852) ; de l’intérieur et de la police générale (décr. du 15 déc. 1851, du 21 juin 1853) ; de l’agriculture, du commerce et des travaux publics (décr. du 23 juin 1853) ; de la marine et des colonies (décr. du 3 mars 1852) ; de la guerre (décr. du 7 janv. 1852) ; de la justice, des affaires étrangères (décr. du 3 janv. 1853) ; enfin le ministère d’État (décr. des 22 janv. et 14 fév. 1852, et 14 fév. 1853).

Nous n’indiquerons pas la répartition des affaires entre les différents ministères ; ce serait faire une nomenclature inutile, parce que le titre donnée à chacun d’eux indique suffisamment ses attributions générales, et que d’ailleurs les pièces qui sont mal à propos adressées à un ministre sont toujours renvoyées à celui dans les attributions duquel se trouve l’affaire qu’elles concernent. Nous dirons seulement quelques mots du ministère d’État, qui est de création nouvelle.

Le ministère d’État a été créé comme un intermédiaire entre l’Empereur et les rouages supérieurs de l’organisation gouvernementale et administrative. Le ministre d’État a d’abord dans ses attributions les rapports du gouvernement avec le Corps législatif, le Sénat et le Conseil d’État ; c’est par son intermédiaire que l’Empereur correspond avec les divers ministères ; il contre-signe les décrets qui portent nomination des hauts dignitaires de l’État, des ministres, des présidents du Sénat et du Corps législatif, des conseillers d’État, des sénateurs ; il contre-signe encore les décrets qui convoquent ou prorogent le Sénat et le Corps législatif, qui sanctionnent et ordonnent la promulgation des sénatus-consultes, qui convoquent et saisissent la haute Cour de justice, etc. La direction exclusive de la partie officielle du Moniteur lui est confiée. Lorsque les ministres s’assemblent chez l’Empereur, il rédige les procès-verbaux de leurs réunions et les conserve. Le service des beaux-arts en général et l’administration des archives impériales lui appartiennent (décr. des 22 janv. 1852 et 14 fév. 1853.) L’administration de la liste civile et du domaine de la couronne a été réunie par un décret du 14 décembre 1852 à ce ministère, qui prend en conséquence le nom de ministère d’État et de la maison de l’Empereur. Enfin le sénatus-consulte du 25 décembre 1852, art. 8, a investi le ministère d’État des fonctions d’officier d’état civil de la couronne.

Les ministres sont aidés dans l’exercice de leurs fonctions par de nombreux auxiliaires, dont la réunion constitue ce qu’on appelle l’administration centrale ; ils forment des divisions, des sections, des bureaux, entre lesquels sont réparties les affaires. L’organisation de l’administration centrale de chaque ministère a dû être réglée par une ordonnance royale avant le 1er janvier 1845 ; il ne peut y être fait de modification que par un décret impérial[3].

L’action administrative s’exerce dans les départements par des agents que nous ferons connaître plus loin.

Les branches les plus importantes du service sont confiées à des agents spéciaux organisés hiérarchiquement, et formant des administrations particulières qualifiées de directions, qui se rattachent aux différents ministères : ce sont les administrations de l’enregistrement et des domaines, des contributions directes, des contributions indirectes, des tabacs, des douanes, des postes, des forêts, des monnaies, de la caisse d’amortissement et de celle des dépôts et consignations, qui dépendent du ministère des finances ; l’administration des ponts et chaussées, qui dépend du ministère des travaux publics : elles ont à leur tête un directeur et un conseil ; les trois premières ont un directeur dans chaque département, un sous-directeur dans chaque arrondissement, des receveurs, des inspecteurs, etc. Nous croyons devoir pour le moment nous contenter de ces simples indications, sauf, quand nous traiterons les matières spéciales, à entrer dans de plus grands développements.

En dehors de l’administration proprement dite se trouvent les institutions religieuses et universitaires, dont nous ferons connaître l’organisation en nous occupant des cultes et de l’enseignement.

119. À côté de l’Empereur, chef du pouvoir exécutif, se trouve, comme à chacun des degrés de la hiérarchie administrative, un conseil qui coopère à l’administration et prend le nom de Conseil d’Etat. Le pouvoir, lors même qu’il est absolu, sent le besoin de s’entourer de conseillers qui éclairent sa marche et qui allègent pour lui le poids des affaires. Aussi, dans tous les temps, trouve-t-on chez les peuples régis par le gouvernement monarchique, auprès du monarque, un conseil qui prépare les actes qu’il s’approprie ensuite. L’ancien conseil des rois de France, dont les parlements ont été un démembrement, a joué un rôle important qu’il appartient à l’histoire du droit public de retracer. Ce conseil fut supprimé par la Constitution de 1791, qui, enlevant presque toute attribution à l’autorité royale, avait transporté le pouvoir dans l’Assemblée législative et n’avait laissé au Roi pour conseillers que les ministres qu’elle lui imposait[4].

Le Conseil d’État a dû renaître avec le gouvernement monarchique. La Constitution de l’an VIII, qui contenait ce gouvernement en germe, l’a créé en ces termes : « Sous la direction des Consuls, un Conseil d’Etat est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative (art. 52). C’est parmi les membres du Conseil d’Etat que sont toujours pris les orateurs chargés De porter la parole au nom du gouvernement devant le Corps législatif (art. 53)[5].

Le Conseil d’Etat de l’an VIII avait reçu de la Constitution des attributions politiques et administratives étendues encore par les règlements et les décrets qui l’avaient successivement organisé, et par des lois spéciales. Il concourait nécessairement à l’exercice du pouvoir législatif par la rédaction des projets de loi, qu’il était chargé de défendre devant le Corps législatif ; à l’exercice du pouvoir exécutif proprement dit par la rédaction des règlements d’administration publique, par la solution de toutes les difficultés administratives, ce qui s’étendait jusqu’au jugement des questions contentieuses et des conflits. II imprimait à l’administration une marche uniforme ; il préparait, en vertu de lois spéciales, les mesures administratives qui touchaient a des intérêts privés ; il avait des attributions de haute police administrative. Placé auprès de l’Empereur comme un utile auxiliaire, il exerçait sous son autorité et avec son approbation une portion du pouvoir impérial, dominant ainsi l’administration tout entière et les ministres eux-mêmes.

La Charte de 1814, en posant le principe de la responsabilité ministérielle, ne pouvait laisser subsister dans la Constitution un corps qui gênait l’indépendance des ministres : elle le passa sous silence. Un Conseil d’Etat cependant fut créé et organisé par les ordonnances du 9 juin 1814, 23 août 1815, 19 avril 1817. Mais il ne pouvait plus avoir une participation nécessaire au pouvoir législatif ; le ministère dut être libre dans la préparation et la discussion des lois. Par la même raison il ne fut plus appelé à rédiger les règlements d’administration publique, mais seulement à donner son avis sur les projets de règlement. Au lieu de dominer les ministres, il fut seulement chargé de les éclairer ; ses différentes sections furent placées sous leur présidence et saisies des affaires sur leur renvoi. Cependant le nouveau Conseil d’Etat héritait naturellement des attributions conférées à l’ancien par des lois spéciales non abrogées : telles sont notamment les lois du 21 avril sur les mines, du 16 sept. 1807 sur les dessèchements de marais, du 15 octobre 1810 sur les ateliers insalubres, etc., etc. Il avait aussi le jugement des questions contentieuses et des conflits, et l’autorisation des poursuites à exercer contre les fonctionnaires publics, etc., etc. Enfin les membres du nouveau Conseil avaient conservé les traditions de l’ancien, et les ministres eux-mêmes trouvaient bon d’abriter leur responsabilité derrière l’autorité de leurs décisions.

La Charte de 1830 garda le même silence que celle de 1814 sur le Conseil d’Etat, qui continua à subsister dans les mêmes conditions qu’avant la révolution. Cependant des ordonnances des 2 février et 12 mars 1834 donnèrent aux audiences du Conseil d’Etat en matière contentieuse la publicité, autorisèrent de la part des avocats des observations orales, et établirent un ministère public, ce Conseil d’Etat fut réorganisé d’abord par une ordonnance des 18-25 sept. 1833, et plus tard par une loi du 19 juillet 1845.

Un caractère commun aux différents Conseils d’État de la monarchie et de ne donner que des avis ou de faire des propositions qui n’acquièrent de force que par l’approbation du monarque[6]. C’est un corps auxiliaire qui en fait exerce une très-grande autorité, a une grande influence sur l’administration, mais qui en droit n’a aucune autorité propre. Sous le gouvernement républicain, ce caractère a dû changer. La Constitution de 1848 fit du Conseil d’Etat un corps politique composé de membres élus à temps par l’Assemblée législative, qui coopérait nécessairement, sauf quelques exceptions, au pouvoir législatif par la préparation de la loi, suppléant ainsi en partie une seconde Chambre qui n’existait pas. Comme auxiliaire du pouvoir exécutif, le Conseil d’Etat rédigeait les règlements d’administration publique, dévidait s’il y avait lieu de dissoudre les conseils généraux et municipaux et de révoquer les maires ; il prononçait sur les actes des fonctionnaires publics et des ministres eux-mêmes, dont l’examen lui était déféré par l’Assemblée ou le gouvernement ; il exerçait enfin les autres attributions administratives des Conseils précédents, et statuait, en vertu de sa propre juridiction, sur le contentieux administratif. (V. Constitution du 4 nov. 1848. L. 3 mars 1839, 4 février 4850.) Mais le jugement des conflits avait été attribué à un tribunal composé de conseillers d’Etat et de conseillers à la Cour de cassation. (L. du 4 février 1850.)

Le Conseil d’Etat actuel, comme celui de l’an VIII, réunit dans l’organisation gouvernementale et administrative trois caractères saillants : auxiliaire de l’Empereur dans l’exercice du pouvoir législatif, il rédige les projets de loi, statue sur les amendements adoptés par les commissions du Corps législatif, et représente devant les deux grands corps de l’Etat la pensée du gouvernement ; auxiliaire de l’Empereur dans l’exercice du pouvoir exécutif, il est le premier rouage de l’administration, dont il facilite la marche en résolvant les difficultés qui peuvent l’arrêter, en donnant son avis sur les questions qui lui sont soumises par le gouvernement, en rédigeant les projets de règlements et de décrets, en exerçant enfin sur l’ensemble des fonctionnaires une haute police administrative ; tribunal administratif supérieur, il juge, sous l’approbation de l’Empereur, les différends qui rentrent dans la compétence administrative, et tranche les conflits d’attribution qui s’élèvent entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire. (Const., art. 50-54, — Décr. du 25 janv. 1852, art. 4.) Nous avons étudié déjà le premier de ces caractères (v. no 70) ; l’examen du troisième doit être renvoyé, pour une étude complète, au moment où nous nous occuperons des tribunaux administratifs. Comme auxiliaire de l’administration, nous le verrons agir en traitant des matières administratives. Occupons-nous ici de son organisation telle qu’elle a été réglée par le décret organique du 25 janvier 1852.

120. Le Conseil d’Etat se compose des conseillers en titre, des maîtres des requêtes, des auditeurs et d’un secrétaire général ayant titre et rang de maître des requêtes ; les ministres ont rang, séance et voix délibérative au Conseil d’Etat.

Les conseillers en titre se distinguent en trois catégories : 1o les conseillers en service ordinaire, dont le nombre varie de 30 à 40 ; 2o les conseillers en service ordinaire hors sections, dont le nombre ne peut excéder quinze ; 3o les conseillers en service extraordinaire, dont le nombre ne peut s’élever au delà de vingt.

Les conseillers en service ordinaire prennent part aux travaux et aux délibérations du Conseil d’Etat dans toutes les affaires qui lui sont soumises, soit qu’il délibère par sections ou en assemblée générale. Leurs fonctions sont incompatibles avec toutes autres fonctions publiques salariées ; une seule exception est faite en faveur des officiers généraux de l’armée de terre ou de mer.

Les conseillers en service ordinaire hors sections sont choisis parmi les hauts fonctionnaires publics même judiciaires, dont l’expérience et les connaissances spéciales sont de nature à éclairer les délibérations du Conseil d’Etat. À la différence des précédents, ils ne sont point attachés au service d’une section en particulier ; ils prennent part seulement aux assemblées générales, où ils ont voix délibérative ; les travaux de leurs fonctions particulières seraient inconciliables avec un service assidu et réglé. Ils ne reçoivent, comme conseillers d’Etat, aucune indemnité.

Le titre de conseiller en service extraordinaire est purement honorifique ; il peut être conféré aux conseillers d’Etat en service ordinaire qui sortent de fonctions. Les conseillers en service extraordinaire n’assistent qu’aux assemblées générales, et dans le cas seulement où ils sont convoqués par un ordre spécial de l’Empereur ; ils y ont voix délibérative.

Les maîtres des requêtes sont au nombre de 40 ; ils sont divisés en deux classes de 20 chacune ; ils font le rapport des affaires ; ils assistent aux séances des sections dont ils font partie, et à l’assemblée générale ; mais, dans cette dernière assemblée, ils n’ont voix délibérative que dans les affaires dont ils font le rapport.

Le titre de maître des requêtes en service extraordinaire peut être conféré aux maîtres des requêtes qui sont appelés à une fonction permanente les obligeant de quitter Paris, ou qui cessent pour toute autre cause d’appartenir au service ordinaire du Conseil d’Etat.

Le corps des auditeurs forme un noviciat pour les hautes fonctions administratives. Il se compose de 80 membres répartis en deux classes, savoir : 20 de la première et 60 de la seconde. Les auditeurs assistent aux séances des sections dont ils font partie et à l’assemblée générale ; dans les sections, ils ont voix délibérative pour les affaires dont ils font le rapport ; à l’assemblée générale, ils ne sont jamais consultés. Les auditeurs de seconde classe n’assistent pas à l’assemblée générale quand elle est présidée par l’Empereur ; les auditeurs de première classe n’y assistent alors qu’en vertu d’une autorisation spéciale. Pour être nommé auditeur, il faut avoir 20 ans au moins et avoir été reçu docteur ou licencié dans une des Facultés ou admis aux Écoles polytechniques de Saint-Cyr et navale, ou avoir été jugé admissible par une commission d’examen composée de trois membres du Conseil d’Etat. Les candidats qui ont été préalablement portés sur une liste agréée par l’Empereur sont seuls admis à subir cet examen.

Indépendamment de leur participation aux travaux du Conseil, les auditeurs peuvent être attachés au ministère auquel correspond la section à laquelle ils appartiennent. Ils peuvent aussi être attachés aux préfectures désignées par l’Empereur, Ils sont à la disposition des préfets, qui peuvent les charger de remplacer provisoirement les sous-préfets des départements absents ou empêchés, leur confier l’instruction d’affaires administratives ou contentieuses, leur donner des missions dans le département, ou leur déléguer dans l’arrondissement chef-lieu quelques-unes des attributions déférées aux sous-préfets. Ils assistent aux séances du conseil de préfecture avec voix consultative ; ils peuvent dans les affaires non contentieuses remplir les fonctions de rapporteur.

Les auditeurs placés auprès des préfets sont considérés comme étant en mission et continuent d’appartenir au service ordinaire du Conseil d’Etat. S’ils ne font partie que de la deuxième classe, ils recevront une indemnité annuelle égale au traitement des auditeurs de première classe.

Les auditeurs qui sont nommés secrétaires généraux de préfecture, sous-préfecture, attachés de légation, ou qui sont appelés à toute autre fonction permanente qui les oblige à résider hors Paris, peuvent être autorisés par l’Empereur à conserver le titre d’auditeur en service extraordinaire. Chaque année un rapport est fait à l’Empereur par le président du Conseil d’Etat sur les services et les travaux des auditeurs. Ce rapport est remis au ministre d’Etat qui le présente à l’Empereur avec ses observations[7].

121. Le Conseil d’Etat délibère soit par sections, soit en assemblée générale.

Les sections préparent les affaires qui doivent être soumises à l’assemblée générale, et prononcent définitivement sur les autres. Elles sont au nombre de six : 1o de législation, justice et affaires étrangères ; 2o du contentieux ; 3o de l’intérieur, de l’instruction publique et des cultes ; 4o des travaux publics, de l’agriculture et du commerce ; 5o de la guerre et de la marine ; 6o des finances.

Les membres du Conseil qui sont appelés à les composer, conseillers en service ordinaire, maîtres des requêtes et auditeurs, sont répartis entre elles per un décret impérial.

Il y a dans chaque section deux rôles d’affaires, l’un pour les affaires urgentes, l’autre pour les affaires ordinaires. Lorsqu’une affaire est renvoyée à une section, le président de la section fixe son caractère, et peut la déclarer urgente, soit à raison de sa nature, soit à raison de circonstances spéciales ; il désigne ensuite un rapporteur.

Le rapport a lieu, pour les affaires ordinaires, dans le plus bref délai, et selon l’ordre fixé par le président ; les affaires urgentes sont toujours à l’ordre du jour. La section ne peut délibérer qu’autant que trois conseillers d’État au moins sont présents ; elle prononce à la majorité des voix, et les décrets qui sont rendus sur sa délibération portent qu’elle a été entendue.

Les attributions de chaque section comprennent, nous l’avons vu déjà, les affaires qui dépendent des ministères auxquels elles correspondent. Toutefois, par une disposition spéciale, la section de législation, de justice et des affaires étrangères est exclusivement chargée de la préparation des décrets relatifs à l’autorisation des poursuites exercées contre les agents du gouvernement et aux prises maritimes. De même, la section des finances révise seule toutes les liquidations de pension, et prépare seule les règlements relatifs aux caisses de retraite des administrations publiques[8].

122. Lorsque les sections ne font que préparer les affaires pour la discussion devant l’assemblée générale du Conseil d’Etat, après avoir pris leur décision, elles désignent pour la soutenir un de leurs membres, qui doit être conseiller en titre, si affaire est importante, et peut n’être que maître des requêtes, dans les cas contraires.

Après avoir entendu le rapport, l’assemblée générale statue à la majorité des voix par assis et levé ou par appel nominal. Elle ne peut délibérer qu’autant que vingt membres du Conseil d’Etat ayant tous voix délibérative, non compris les ministres, sont présents ; en cas de partage, la voix du président l’emporte. Le décret rendu après délibération de l’assemblée générale mentionne ce fait en ces termes : le Conseil d’Etat entendu.

On peut ranger en trois classes les affaires qui sont portées à l’assemblée générale du Conseil d’Etat. Les unes y sont portées de plein droit, à raison de leur nature ; tels sont les projets de règlements d’administration publique et les projets de décrets ayant pour objet l’enregistrement des bulles, les recours comme d’abus, les prises maritimes, les concessions de desséchements, etc. La seconde classe comprend les affaires qui, étant par leur nature du ressort des sections seules, sont renvoyées à l’assemblée générale par un ordre spécial de l’Empereur. La troisième enfin se compose des affaires qui, appartenant également de plein droit aux sections seules, sont, à raison de leur importance, renvoyées par le président de section à l’assemblée générale, soit d’office, soit sur la demande de la section elle-même. Le secrétaire général signe seul et certifie les expéditions des actes, décrets, avis du Conseil d’Etat, délivrés aux personnes qui ont qualité pour les réclamer[9].

Rappelons ici que le Conseil d’Etat n’a que des fonctions consultatives, et que ses actes n’ont de valeur qu’autant qu’ils sont approuvés par l’Empereur qui se les approprie ; sauf quand il approuve les amendements proposés par le Corps législatif. (V. no 81.) Il en est de même des solutions données par les sections aux ministres qui usent de la faculté qu’ils ont de les consulter dans les matières de leur compétence. Ces solutions n’ont par elles-mêmes aucune autorité, elles empruntent celle du ministre qui les adopte.

Les lois, sénatus-consultes, règlements et décrets qui sont préparés par le Conseil d’État, prennent le nom de projets. Les solutions qu’il donne aux questions sur lesquelles il est consulté par l’Empereur ou par les ministres reçoivent la qualification d’avis. (V. no 105.)

123. Les ministres et le Conseil d’Etat, tels sont les organes du pouvoir exécutif s’exerçant dans la sphère politique ou dans la région supérieure de l’administration. Nous devons maintenant faire connaître les agents du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, et indiquer leur répartition sur la surface du territoire ; nous nous occuperons ensuite de leurs attributions et des rapports qui existent entre ces deux branches du pouvoir exécutif. La répartition des agents du pouvoir est faite aujourd’hui d’une manière uniforme, d’après la circonscription territoriale adoptée par l’Assemblée constituante de 1789 et légèrement modifiée depuis. Le territoire de la France se divise en départements, les départements en arrondissements, les arrondissements en cantons, les cantons en communes. Il y a 86 départements, 363 arrondissements, 2,847 cantons et 86,835 communes.

On peut diviser l’administration, par rapport à son mode d’action, en administration active, administration consultative, administration contentieuse ; la première est confiée à des agents uniques, la seconde à des conseils, la troisième tantôt à des juges uniques, tantôt à des conseils.

124. À la tête de chaque département est un préfet nommé par l’Empereur, qui est à la fois l’agent de la haute administration pour l’application à son département des mesures qui s’étendent à tout l’empire, et l’administrateur chargé de pourvoir aux besoins locaux et aux intérêts économiques de ce département. Tous les chefs des services civils sont placés sous ses ordres immédiats. À côté du préfet sont le conseil de préfecture et le conseil général du département. Le premier, composé de membres nommés par l’Empereur, prononce tantôt comme tribunal sur certaines questions du contentieux administratif, et tantôt comme conseil ; il est présidé par le préfet, qui a voix prépondérante en cas de partage. (L. 28 pluv. an VIII, 2, 3.)

Le conseil général du département, composé de membres électifs, est appelé à concourir à la répartition des charges locales, à voter une partie de ces charges et une portion des dépenses auxquelles elles sont affectées, à donner son avis et à délibérer sur certaines matières déterminées par les lois, enfin à émettre des vœux sur des améliorations administratives. Ce conseil n’est pas permanent comme le précédent ; il se réunit aux époques déterminées par l’Empereur. (L. 22 juin 1833.)

125. Il y a dans chaque arrondissement un sous-préfet nommé par l’Empereur. C’est l’intermédiaire légal entre le préfet et les maires de l’arrondissement. C’est un organe d’information, de transmission, de surveillance ; il n’exerce d’autorité propre que dans un très-petit nombre de circonstances. À côté du sous-préfet est un conseil d’arrondissement, composé de membres électifs ; il s’assemble chaque année, aux époques déterminées par l’Empereur, et il exerce des fonctions analogues à celles du conseil général. (L. du 28 pluv. an VIII, 9, et du 22 juin 1833.)

La Constitution de 1848, dans une pensée de décentralisation administrative, avait substitué aux conseils d’arrondissement des conseils cantonaux (art. 7). Cette institution, posée en principe seulement dans la Constitution, n’a pas reçu plus tard de la loi l’organisation dont elle avait besoin pour fonctionner ; les conseils d’arrondissement sont restés, et une loi récente en consacre implicitement l’existence. (L. du 7 juill. 1852.)

126. Chaque commune est administrée par un maire et des adjoints dont le nombre varie selon l’importance de la commune. Ils sont nommés par l’Empereur et peuvent être pris en dehors du conseil municipal (Const, art. 57). Le conseil municipal est composé de membres électifs, et se réunit habituellement quatre fois l’année pour délibérer sur certaines matières déterminées par la loi. (L. du 21 mars 1834 et du 7 juill. 1852.)

Nous nous contentons ici de cet aperçu, nécessaire pour qu’on nous comprenne quand nous parlerons de ces différents fonctionnaires et de ces différents corps ; leurs attributions seront suffisamment développées dans des titres spéciaux. (V. t. 3.)

127. L’autorité judiciaire est confiée à des juges nommés par l’Empereur et qui jouissent de l’inamovibilité, sauf les exceptions exposées dans le no suivant. À côté de cette magistrature entourée de tout ce qui peut la rendre indépendante, est placé le ministère public, organe de la société, chargé en son nom de protéger les êtres faibles, tels que les femmes et les mineurs, de défendre les intérêts communs contre la cupidité individuelle, de constater, poursuivre et faire punir les délits et les crimes : magistrature que ne connaissaient ni l’antiquité, où les accusations publiques étaient laissées aux simples particuliers, ni les premiers temps de notre monarchie, où la punition des crimes se résolvait en dommages et intérêts réglés d’avance par un tarif[10], mais qui apparaît comme l’un des éléments essentiels des parlements. Les membres du ministère public constituent ce qu’on appelle le parquet ; ils sont nommés et révoqués par le chef de l’Etat, dont ils ne sont que les mandataires, comme l’indique leur titre de procureurs.

128. On distingue deux sortes de juges, les juges ordinaires ou du droit commun, dont la juridiction s’étend sur toutes espèces de personnes en général et s’applique à toutes sortes de choses, et les tribunaux exceptionnels ou spéciaux, dont la juridiction ne s’exerce qu’à l’égard de certaines personnes et ne comprend qu’un certain genre d’affaires. Dans cette seconde classe se placent les tribunaux de commerce, les juges de paix, les conseils de guerre terrestres et maritimes, les conseils de prud’hommes. Les juges de ces différents tribunaux ne sont point inamovibles : les juges de commerce sont élus pour deux années par les notables commerçants[11] ; les conseils le guerre et les conseils de révision sont des commissions temporaires ; les conseils de prud’hommes doivent leur existence à l’élection, et sont renouvelés par tiers tous les ans.

129. Chaque canton possède un tribunal de justice de paix ; chaque arrondissement un tribunal de première instance, qui est en même temps juge d’appel des justices de paix. Il existe vingt-sept Cours impériales, non compris celles des colonies, jugeant les appels des tribunaux de première instance ; le ressort de chacune de ces Cours comprend plusieurs départements, à l’exception de celui de la Cour impériale de Corse, qui ne s’étend pas hors de l’île. Le tribunal du chef-lieu judiciaire, qui est ordinairement le tribunal du chef-lieu du département, est juge d’appel en matière de police correctionnelle dans les départements où ne siège pas la Cour impériale ; c’est lui qui, avec le concours des jurés, et sous la présidence d’un conseiller de Cour impériale délégué, compose la Cour d’assises, quand il s’agit de juger au grand criminel. Au-dessus de tous les tribunaux et de toutes les Cours, se trouve une Cour de cassation, unique pour tout l’empire, dont la mission consiste à casser les jugements et arrêts qui contiennent une violation de la loi. Le ministère public est exercé, auprès de la Cour de cassation et de chaque Cour impériale, par un procureur général impérial ; au-dessous de lui sont des avocats généraux. Il y a de plus, dans les Cours impériales, des substituts du procureur général. Auprès de chaque tribunal de première instance se trouvent un procureur impérial et un ou plusieurs substituts.

130. Enfin la Constitution de 1852, en refusant au Sénat les attributions judiciaires de la Chambre des Pairs, a institué une haute Cour de justice pour juger les crimes, attentats ou complots contre la personne de l’Empereur et contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat. La haute Cour de justice se compose de membres de la Cour de cassation qui sont nommés chaque année par l’Empereur, et d’un haut jury pris parmi les membres des conseils généraux de département, par la voie du sort et pour chaque affaire. Le procureur général près la haute Cour et les autres magistrats du ministère public sont nommés pour chaque affaire par décret impérial. La mise en accusation et la direction des débats appartiennent aux membres de la Cour de cassation qui composent la haute Cour ; ils sont à cet effet partagés en deux chambres : chambre des mises en accusation, Chambre de jugement. Par une disposition spéciale, les ministres ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat. (Const., 13, 54, 55. — S.-C. 10 juil. 4852, 1 à 7.)

131. Le chef de l’Etat ne peut créer des tribunaux à volonté ; autrement la garantie résultant de l’inamovibilité des juges deviendrait illusoire. Aussi regarde-t-on comme des principes fondamentaux dans le droit public français que personne ne peut être distrait de ses juges naturels, qu’il ne peut être créé de tribunaux ou de commissions extraordinaires, et qu’il ne peut, en un mot, rien être changé à l’organisation judiciaire, si ce n’est par une loi. Si un tribunal de première instance ne peut suffire à l’expédition des affaires, un décret impérial, rendu dans la forme des règlements d’administration publique, peut créer une chambre temporaire ; mais cette création nouvelle ne peut devenir définitive que par une loi. (L. 20 avril 1810, 39.)

432. La tranquillité publique est maintenue, les ordres émanés des autorités compétentes sont exécutés à l’aide de la force armée. D’après l’article 6 de la Constitution, l’armée est placée sous les ordres de l’Empereur et des chefs qu’il choisit ; elle a une organisation, une discipline, des tribunaux exceptionnels, même dans les temps de paix. L’Empereur, qui commande l’armée, a seul le droit de lui donner ou de lui faire donner des ordres ; aucun agent de l’autorité judiciaire ou administrative ne peut s’opposer à l’exécution de ces ordres. On conçoit, en effet, que si l’armée n’était pas soumise à une rigoureuse obéissance pour tout ce qui est relatif au service, l’Empereur ne pourrait remplir la mission qui lui a été donnée de défendre la France contre les agressions étrangères, et de maintenir l’ordre au dedans. Il est cependant des cas où l’autorité militaire doit obéir aux injonctions de l’autorité judiciaire ou administrative : c’est lorsqu’elle est requise par des officiers publics compétents, pour faire exécuter les arrêts de l’autorité Judiciaire, les mandats émanés des magistrats, prêter main-forte pour l’exécution des lois, le maintien de l’ordre, la dispersion des rassemblements tumultueux ou séditieux. Nous verrons plus tard quels sont les fonctionnaires qui ont le droit de requérir la force publique, et dans quelle forme cette réquisition a lieu. (Lois des 26-27 juillet 1791 et 18 avril 1831.)

133. Sous le rapport militaire, la France est partagée en vingt et une divisions, à la tête de chacune desquelles est un lieutenant général[12]. Chaque département est commandé par un général de brigade, sous l’autorité du général de division commandant la division dont ce département fait partie. On doit placer en première ligne, comme force publique spécialement consacrée au maintien de l’ordre, le corps de la gendarmerie impériale, institué pour veiller à la sûreté publique, et pour assurer, dans toute l’étendue de l’empire, le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. Ce corps est dans les attributions du ministre de la guerre, pour ce qui concerne l’organisation, le personnel, la discipline et le matériel ; du ministre de l’intérieur, pour ce qui concerne l’ordre public et les dépenses du casernement ; du ministre de la justice, pour ce qui est relatif à la police judiciaire et à l’exécution des mandements de justice[13]. Nous parlerons plus loin de la garde nationale et de son organisation.

134. L’organisation de l’armée navale donne lieu à une circonscription particulière. Le territoire maritime est divisé en six arrondissements, dans chacun desquels est un préfet maritime qui reçoit directement les ordres du ministre et les fait exécuter. Chaque arrondissement maritime est divisé en quartiers, syndicats et communes[14].


section II. — obligations et garanties spéciales aux fonctionnaires publics.
135. Exercice anticipé ou illégalement prolongé de l’autorité publique.
136. De la forfaiture. — Aggravation des peines pour crimes et délits commis par des fonctionnaires publics.
137. Divulgation des secrets du gouvernement. — Livraison de plans aux agents de l’étranger. — Soustraction, détournements d’actes par les dépositaires.
138. Corruption de fonctionnaires publics.
139. Défense aux fonctionnaires de prendre des intérêts dans les affaires dont ils ont l’administration ou la surveillance.
140. Défense aux préfets, sous-préfets, gouverneurs militaires, de faire le commerce de certaines denrées dans les lieux soumis à leur autorité.
141. Peines du déni de justice.
142. Résistance combinée de fonctionnaires publics.
143. Peine des empiétements d’autorité.
144. Autorité disciplinaire du Conseil d’Etat.
145. Protection spéciale des fonctionnaires publics. — Garantie. (Renvoi.) — Pensions de retraite. (Renvoi.)

135. Les fonctionnaires publics sont assujettis, par la nature de leurs fonctions, à certaines obligations toutes spéciales. Ils doivent être punis quand ils abusent de l’autorité qui leur a été confiée ; les crimes qu’ils commettent alors sont plus graves que ceux des autres citoyens, et doivent être réprimés plus sévèrement. Nous allons faire connaître les principales dispositions du Code pénal qui des concernent ; il en est d’autres qui trouveront leur place dans le cours de cet ouvrage, parce qu’elles se rapportent à quelques-unes des matières qui y sont traitées.

L’autorité des fonctionnaires publics, étant essentiellement déléguée, ne peut être exercée par eux qu’à partir du moment où ils ont été institués, et jusqu’au jour où ils sont révoqués, destitués, suspendus ou interdits. L’exercice anticipé de l’autorité publique peut être puni d’une amende de 16 à 150 fr. L’installation d’un fonctionnaire public consiste dans la prestation de serment de fidélité à l’Empereur, d’obéissance à la Constitution. C’est seulement à partir du moment où il a prêté ce serment qu’il a le droit d’exercer ses fonctions. Le fonctionnaire public qui a eu connaissance officielle de sa révocation, destitution, suspension ou interdiction, et qui cependant a continué ses fonctions, et celui qui, étant électif et temporaire, les a exercées après avoir été remplacé, sont punis d’un emprisonnement de six mois au moins, de deux ans au plus, et d’une amende de 400 à 500 francs. Ils sont interdits de l’exercice de toute fonction publique pour cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils ont subi leur peine, sans préjudice des peines plus fortes prononcées contre les commandants militaires par l’art. 93 du Code pénal (C. P. 196, 197).

136. Les art. 166, 167 et 168 du Code pénal qualifient de forfaiture tout crime, c’est-à-dire tout acte emportant peine afflictive ou infamante, commis par un fonctionnaire public dans l’exercice de ses fonctions, et punissent de la dégradation civique toute forfaiture que la loi ne frappe pas d’une peine plus grave.

Comme les fonctionnaires publics qui participent aux crimes ou délits qu’ils étaient chargés de surveiller sont plus coupables que de simples citoyens, la peine est augmentée à leur égard par l’art. 198, qui s’exprime ainsi :

« S’il s’agit d’un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l’espèce de délit ;

Et s’il s’agit de crime, ils seront condamnés, savoir : à la réclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation civique ;

Aux travaux forcés à temps, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine de la réclusion ou de la détention ;

Et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps.

Au delà des cas qui viennent d’être exprimés, la peine commune sera appliquée sans aggravation… »

Les articles 145 et 146 punissent des travaux forcés à perpétuité tout fonctionnaire public qui, dans l’exercice de ses fonctions, a commis un faux, soit par fausses signatures, soit par altération des actes, écritures ou signatures, soit par supposition de personnes, soit par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou autres actes publics, depuis leur confection ou leur clôture ; ou qui, en rédigeant des actes de son ministère, en a frauduleusement dénaturé la substance ou les circonstances, soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits faux, ou comme avoués des faits qui ne l’étaient pas.

137. Le fonctionnaire public qui livrerait aux agents d’une puissance étrangère ou de l’ennemi le secret d’une expédition ou d’une négociation dont il aurait été instruit officiellement, commettrait une trahison que la loi punit de la peine de mort. Il en serait de même de celui qui, chargé, à raison de ses fonctions, d’un dépôt des plans de fortifications, arsenaux, ports ou rades, aurait livré un seul de ces plans à l’ennemi ou aux agents de l’ennemi. La peine ne serait que celle de la détention, s’il avait livré ces plans aux agents d’une puissance étrangère neutre ou alliée (art. 80 et 81). Celui qui a détruit, supprimé, soustrait ou détourné les actes et titres dont il était dépositaire en cette qualité, ou qui lui ont été remis à raison de ses fonctions, est puni des travaux forcés à temps (art. 173).

136. L’une des qualités essentielles des fonctionnaires publics est le désintéressement ; ils ne peuvent, sans se rendre coupables, recevoir des dons ou des présents, agréer des promesses pour faire un acte de leurs fonctions, même juste, mais non sujet à salaire, ou pour s’abstenir de faire un acte qui entre dans l’ordre de leurs devoirs. L’infraction à cette règle est punie de la dégradation civique et d’une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues, et qui ne peut être moindre de 200 francs. Dans le cas où la corruption a pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que celle de la dégradation, cette dernière peine est appliquée au coupable. (Art. 177, 178.)

139. Le citoyen qui accepte des fonctions publiques doit se dévouer à l’intérêt général ; s’il est juste qu’il reçoive une indemnité de son temps et de ses travaux, il ne doit pas spéculer sur les avantages que lui donne sa position pour en tirer un profit pécuniaire. Il lui est interdit de faire, à cause de sa qualité de fonctionnaire public, des actes, licites d’ailleurs pour tout autre, mais qui pourraient le placer entre son devoir et son intérêt. Ainsi, tout fonctionnaire public qui, soit ouvertement, soit par actes simulés, soit par interposition de personnes, a pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont il avait, au temps de l’acte, en tout ou en partie, l’administration ou la surveillance, est puni d’un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et est condamné à une amende qui ne peut excéder le quart des restitutions et des indemnités, ni être au-dessous du douzième. Il est de plus déclaré à jamais incapable d’exercer aucune fonction publique. Ces dispositions sont applicables à tout fonctionnaire qui a pris un intérêt quelconque dans une affaire dont il était chargé d’ordonnancer le payement ou de faire la liquidation. (Art. 175 Cod. pén.)

140. La loi pousse les précautions jusqu’à défendre le commerce des denrées de première nécessité aux fonctionnaires revêtus d’une grande autorité, et qui pourraient abuser de leur position pour se procurer des bénéfices illicites. Aussi est-il défendu aux commandants des divisions militaires, aux commandants de places et villes, aux préfets ou aux sous-préfets, de faire le commerce de grains, grenailles, farines, substances farineuses, vins ou boissons, autres que ceux provenant de leurs propriétés, dans l’étendue des lieux où ils exercent leur autorité. Ce commerce, fait ouvertement, ou par des actes simulés, ou par interposition de personnes, est puni d’une amende de 500 fr. au moins et de 10,000 fr. au plus, et de la confiscation des denrées qui y sont employées. (C. pén., 176.)

141. Enfin, l’administrateur comme le juge ne peut se dispenser de s’acquitter de ses fonctions et de rendre justice à ceux qui la réclament, même sous prétexte de silence ou d’obscurité de la loi. Celui qui, après les réquisitions légales et l’avertissement on l’injonction de ses supérieurs, persiste dans son déni de justice, est puni d’une amende de 200 fr. au moins et de 500 fr. au plus, et de l’interdiction des fonctions publiques depuis cinq ans jusqu’à vingt. Il y a un crime plus grand encore à se décider par faveur pour une partie, ou par animosité contre elle ; il constitue la forfaiture et entraîne la dégradation civique. (C. pén., art. 183 et 185.)

142. Lorsque des fonctionnaires publics oublient leurs devoirs jusqu’à opposer à l’autorité supérieure une résistance combinée, ils commettent une faute que le Code pénal prévoit et punit en ces termes :

« Tout concert de mesures contraires aux lois, pratiqué soit par la réunion d’individus ou de corps dépositaires de quelque partie de l’autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, sera puni d’un emprisonnement de deux mois au moins, et de six mois au plus, contre chaque coupable, qui pourra de plus être condamné à l’interdiction des droits civiques, et de tout emploi public, pendant dix ans au plus. (Art. 123.)

Si, par l’un des moyens exprimés ci-dessus, il a été concerté des mesures contre l’exécution des lois où contre les ordres du gouvernement, la peine sera le bannissement.

Si ce concert a eu lieu entre les autorités civiles et les corps militaires ou leurs chefs, ceux qui en seront les auteurs ou provocateurs seront punis de la déportation ; les autres coupables seront bannis. (Art. 124.)

Dans le cas où ce concert aurait eu pour objet ou résultat un complot attentatoire à la sûreté intérieur de l’État, les coupables seront punis de mort. (Art. 125.)

Seront coupables de forfaiture, et punis de la dégradation civique, les fonctionnaires publics qui auront, par délibération, arrêté de donner des démissions dont l’objet ou l’effet serait d’empêcher ou de suspendre soit l’administration de la justice, soit l’accomplissement d’un service quelconque. » (Art. 126.)

143. Les agents de l’administration doivent respecter les attributions du pouvoir législatif et de autorité judiciaire ; ils seraient punis de la dégradation civique s’ils s’immisçaient dans l’exercice du pouvoir, soi en faisant des règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou suspendant l’exécution d’une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si les lois seront publiées on exécutées. (C. pén., 130, 131.) Le crime serait plus grave, et la peine serait plus forte, si un fonctionnaire public avait requis ou ordonné, fait requérir ou ordonner l’action ou l’emploi de la force publique contre l’exécution d’une loi ou contre la perception d’une contribution légale, ou contre l’exécution soit d’une ordonnance ou mandat de justice, soit de tout autre ordre émané de l’autorité légitime : ce fonctionnaire serait alors puni de la réclusion, et le maximum de la peine devrait être prononcé, si la réquisition ou l’ordre avait été suivi de son effet ; sans préjudice des peines plus graves méritées par d’autres crimes qui seraient la suite des ordres et des réquisitions, et qu’on devrait appliquer au fonctionnaire coupable d’avoir donné ces ordres ou fait ces réquisitions : le tout sauf l’excuse résultant des ordres donnés par les supérieurs dans la hiérarchie sur des choses de leur ressort. (C. pén., 189, 190, 491.)

144. Enfin les actes des fonctionnaires peuvent être déférés par l’Empereur au Conseil d’Etat, qui peut, après une instruction réglée par le décret du 14 juin 1806 (art. 45 et suiv.), ou proposer des poursuites judiciaires qui sont ordonnées par l’Empereur, ou prononcer, encore sous l’approbation de l’Empereur, la réprimande, la censure, la suspension où même la destitution du fonctionnaire. (Id., 19, 22, 23.)

145. S’ils sont assujettis à des obligations plus rigoureuses que les autres citoyens, les fonctionnaires publics sont, d’un autre côté, protégés d’une manière particulière contre les outrages publics dont ils sont l’objet à raison de leurs fonctions par l’article 6 de la loi du 25 mai 1822. Nous verrons plus loin comment ils sont garantis contre les poursuites civiles et criminelles qui peuvent être exercées contre eux à raison de leurs fonctions. (V. nos 172 et suiv.) Ils ont droit aussi, après un certain temps de service, à des pensions de retraite réglées aujourd’hui par la loi du 9 juin 1853.


  1. (Const., art. 6.) Les juges de paix, bien que nommés pur l’Empereur, sont amovibles (Ch. de 1814, art. 62). Les juges de commerces sont nommés périodiquement par la voie de l’élection ; ils sont institués par l’Empereur. (V. C. de com., art. 615 et suiv.)
  2. Avant 1848, l’administration des cultes avait été réunie au ministère de la justice ; un décret du 20 mai 1848 l’en a séparée pour la réunir au ministère de l’instruction publique, dont elle n’a pas été distraite depuis.
  3. Nous ne donnons pas ici la date de ces ordonnances, qui ont presque toutes été rendues dans le mois de décembre 1844, parce qu’elles ont subi depuis de nombreuses modifications, et qu’elles n’ont d’importance que pour les employés des ministres.
  4. L’art. 15 de la loi du 27 avril 1791 portait : « Il y aura un Conseil d’Etat composé du Roi et de ses ministres. »
  5. L’organisation du Conseil d’Etat de l’an VIII a été faite et successivement modifiée par le règlement du 5 nivôse an VIII, l’arrêté du 7 fructidor an VIII, le S.-C. du 16 thermidor an X, le décret du 10 juin 1806.
  6. Sauf, pour le Conseil d’Etat actuel, le droit de statuer sur les amendements adoptés ou proposés par les commissions du Corps législatif. (Const., 40. — V. hic, nos 80-81.)
  7. Décr. du 25 janv. 1852, 2, 3, 6, 7, 8, 9, et décr. du 28 nov. 1858, 1 à 7.
  8. Décr. du 25 janv. 1852, 10, 11 et 14. — Décr. du 30 janv. 1852, 1 à 10.
  9. Décr. du 25 janv. 1852, 12, 13, 14. — Décr. du 30 janv. 1852, 10, 11, 12 et suiv. — Pour l’énumération des affaires portées à l’assemblée générale, v. art. 13 ; les autres sont laissées aux sections. Nous ferons connaître le mode de procéder du Conseil d’Etat en matière contentieuse dans la dernière partie de notre ouvrage.
  10. Cette indemnité se nommait Wehregeld chez les peuples germains ; on la trouve fixée dans les lois des Ripuaires, des Bourguignons et des Bavarois. Le meurtre d’un esclave est payé 20, 30 ou 40 solides, selon la province et selon les talents de l’esclave. Il n’en coûtait que 45 solides pour tuer un serf, 75 pour tuer un homme libre d’une condition inférieure, 100 à 160 un homme d’une condition moyenne ; mais on ne pouvait pas tuer un évêque ou un duc à moins de 960 solides. Le meurtre le plus dispendieux était celui du barbare libre, compagnon du roi (comes regis) ; on n’en était quitte que moyennant le payement de 1, 800 solides.
  11. Cod. com., 615 à 630. — Décr. du 2 mars 1852.
  12. Avant 1848, le nombre des divisions militaires en France était de vingt ; un décr. du 28 avril 1848 les avait réduites à dix-sept ; un décr. du 26 dec. 1851 les a élevées à vingt et une.
  13. V. ord. du 29 oct. 1820 et un décr. du 1er mars 1854 portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie.
  14. V. L. du 7 brum. an VII ; ord. du 14 juin 1844 concernant le service administratif de la marine, du 21 déc. 1844 portant organisation de contrôle de la marine, et décr. du 14 mars 1858 portant réorganisation du corps du commissariat de la marine.