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IV

JE T’AIME !


Le grand salon de Me Jean Drusac.

Des centaines de bougies posées comme des sentinelles. Dans un coin, un piano. Ici des statuettes, là des tableaux. Une cheminée monumentale, gigantesque, dans laquelle trois grosses bûches de hêtre à demi consumées. Et les fleurs, donc ? Que de fleurs ! que de fleurs ! Ici, là, partout : on dirait un parterre ! Un arôme suave s’en exhale, une atmosphère embaumée, des lumières éblouissantes à force d’être nombreuses.

Les couleurs riches et brillantes des robes de bal se mêlent dans une douce harmonie. Les pierreries lancent leurs feux de toutes parts.

Un délicieux frou-frou de jupes de satin et de soie. Quelques élégantes, dont les corsages sont généreusement décolletés, exhibent avec complaisance et avec une pudeur qui fait rire, des épaules blanches aux contours rebondis ; quelques maigrelettes donnent à l’humanité l’exemple d’une résignation admirable, en laissant apercevoir à l’œil… déçu, des épaules menaçantes qui ressemblent aux cônes tronqués d’un professeur de géométrie.

Les invités sont très dignes et un peu froids dans leurs habits de bal. La conversation, d’abord contrainte et timide, s’anime et se généralise.

Florence Drusac serait, sans contredit, la reine et l’héroïne de la fête. Cela se voyait ; elle était ravissante. Sans autres ornements que les fleurs qu’elle portait dans ses cheveux et à son corsage, elle n’en paraissait que plus belle. Ses joues, d’ordinaire un peu pâles, s’étaient recouvertes d’une teinte rose. On ne fait pas ses débuts tous les jours, il est bien permis de rougir un peu. Sous le jeu des lumières, ses yeux avaient la transparence des ondes cristallines du ruisseau reflétant le sombre feuillage de la rive.

La jeune fille est assise sur une causeuse. Un peu étonnée de ce spectacle, elle ne voit pas tous les regards fixés sur elle.

Tout près est un jeune beau, un frais. Frisé, pommadé, huilé, graissé, la moustache tortillée comme la queue d’un pug, le monocle à l’œil et les mains chargées de diamants comme une femme, il minaude.

Florence sourit par obligeance.

Quelques malheureux que le sort néfaste a placés près de beautés glaciales, ou de laiderons sur le point de doubler le cap de la trentaine, paraissent se complaire dans leur compagnie. De fait, ils se tourmentent sur leurs sièges. Ils lancent à ce mannequin fanfreluché des regards désespérés.

Veinard, va ! pensent-ils.

— Mademoiselle, disait Gustave Turcobal d’une voix qu’il voulait rendre sympathique, à quelle déesse vous comparerai-je ? À Vénus, à Minerve, à…

— Assez, assez, monsieur, répondit Florence avec un geste d’effroi. Je ne suis pas très avancée en mythologie, et je n’ai pas fait ample connaissance avec les fameux et vertueux personnages auxquels votre indulgence veut bien me comparer. Du reste, monsieur, je préfère demeurer au Canada que d’aller siéger dans l’Olympe.

— Je ne sais pas ce que je dois le plus admirer chez vous, ou de votre esprit ou de votre beauté ?

— Vous êtes dans le doute, monsieur, moi, je ne le suis pas. Ce que j’admire le plus en vous, c’est votre mémoire. N’avez-vous pas lu cette phrase si bien tournée dans le Manuel des Salons ! Au deuxième chapitre, si je ne me trompe pas.

Le galant se trouve mal. Les chandelles dansent comme des bacchantes devant ses yeux. Son silence devient embarrassant, funeste. Heureusement pour lui, Annette, d’un air de chatte malade, annonce :

— M. Hubert Rolette.

— C’est lui ! s’écrie Dorilla.

Florence a reconnu le nouveau venu. Son sang reflue vers son cœur qui bat plus vite. Son sein oppressé se soulève sous les sentiments de surprise, de joie, d’amour, d’admiration qui s’agitent dans son âme.

Gustave Turcobal la croit indisposée.

— Vous êtes malade ? Désirez-vous quelque chose ?

— Non, merci.

Et elle continue à regarder Hubert.

Aux présentations, le jeune homme salue d’un air dégagé. Il est aussi calme et aussi maître de lui-même, dans cette brillante réunion, que penché sur sa table de travail dans sa pauvre chambre qui n’aurait pas déplu au plus austère des fils de saint Bruno.

Soudain, il change de couleur, il pâlit. Un pensionnaire en vacances n’est pas plus embarrassé en présence d’une jeune fille !

— M. Rolette, j’ai l’honneur de vous présenter ma fille, fait le notaire en se rengorgeant.

Hubert bredouille le traditionnel :

— Je suis heureux de vous connaître, mademoiselle.

Florence, elle, du moins, a eu le temps de se remettre de sa surprise.

— Et moi, mon père, je vous présente mon sauveur.

— Comment ! Quoi… Mais… Vous ?… Mais c’est vous qui avez sauvé ma fille, s’écrie le notaire en sautant comme un diablotin dans l’eau bénite.

Il saisit les mains du jeune homme avec transport.

— Merci, monsieur, mille fois merci du service insigne que vous m’avez rendu ! Je n’essaie pas de vous récompenser ; aucune récompense n’est assez grande pour une telle action. Tout ce que je vous offre, c’est la reconnaissance d’un père.

Un avare aime toujours mieux donner sa reconnaissance que son argent. Plus pratique !

— Pourquoi tant d’effusion pour si peu ? Tout autre en eût fait autant. J’ai été plus heureux qu’un autre. Voilà tout.

— Et tout autre en eût fait autant aussi ce soir, je suppose, dit Dorilla en riant de la mine d’outre-tombe que fit Hubert qui la regarda avec des yeux, oh ! mais des yeux !

— Mesdames, messieurs, je vous présente le sauveur de Me Drusac !

En entendant ces paroles, le notaire demeura bouche béante, incapable de dire un mot.

Le pauvre homme ! il ne comprend pas que l’on puisse tant donner sans recevoir d’argent.

Les deux aventures d’Hubert font en un clin d’œil le tour du salon. Florence est l’héroïne de la fête : il en est le héros.

Le piano attaque les premiers accords de la danse. Hubert, qui se trouve près de Dorilla, la prie de lui faire l’honneur d’un tour de valse. La jolie brunette bénit, dans le secret de son âme, la fortune qui la favorise si bien.

Elle a la part du lion.

Quant à la fille du notaire, le tact seul de sa bonne éducation lui donne un air aimable lorsque Gustave Turcobal se courbant devant elle jusqu’à terre, lui dit les doigts écartés sur son cœur :

— Mademoiselle voudrait-elle me faire l’honneur d’une valse ?

— Certainement, monsieur.

Néanmoins, elle jette des regards d’envie sur l’heureux couple emporté dans le tourbillon de la valse. Ils semblent si heureux ?

Se croyant ancré dans les bonnes grâces de sa charmante valseuse, Gustave Turcobal ne fait pas attention à ce détail.

Il se cramponne à la taille de la jeune fille, comme un naufragé à une planche de salut.

Il danse comme s’il avait les pieds sur des charbons ardents.

Florence, par condescendance, ou par pitié, lui donne un coup d’encensoir sur sa bonne grâce. Le pauvre dude voit les bougies se livrer à une sarabande désordonnée dans les lustres. Il perd la tête. Mettant le pied sur la traîne d’une valseuse, il y fait un irréparable accroc. La bouche en cœur, il va faire ses excuses, lorsque tout à coup il se heurte contre Dorilla. La jeune fille dit à Hubert en souriant malicieusement :

— Je crois que M. Turcobal succombe sous les émotions.

Les valseuses regagnent leurs sièges, Dorilla près d’Hubert.

Dorilla, avec sa vivacité habituelle d’enfant terrible, demande à brûle-pourpoint :

— Vous êtes journaliste, M. Rolette ?

— Oui, mademoiselle. Mais dites plutôt que je suis enfant de Bohême.

— Que ça doit être amusant, la vie d’écrivain !

— Ah oui ! très amusant. Aujourd’hui on nous juche sur le pinacle des honneurs, et demain on nous laisse choir au beau milieu du chemin, condamnés à manier le pic et la pelle ou à aller mourir derrière les noires murailles d’un hôpital. Journalistes, écrivains, flattons-nous les passions populaires ? on nous porte aux nues. Avons-nous le malheur et le courage de dire franchement la vérité aux peuples ? on nous conspue, on nous crache à la figure. Mais que le monde nous adule ou qu’il nous méprise, le résultat est à peu près le même, vu que le jugement du monde est le jugement d’un sot. Peu importe que nous vivions dans un grenier ou dans un castel, sous les combles aux poutres tapissées de toiles d’araignées ou sous les voûtes dorées et enluminées, pourvu que nous ayons une croûte de pain sec pour soutenir notre guenille de vie et une bûche pour reposer notre tête. Surtout recevons l’adversité en lui faisant des pieds de nez, et, après avoir vécu en hommes, sachons mourir en hommes. Enfin, mademoiselle, puisque tout dire il faut, je crois qu’un journaliste devrait se condamner à un célibat perpétuel, car il serait malheureux de voir qu’une douce et gracieuse jeune fille dont les pieds ne doivent fouler que les roses, se vît obligée de traîner le boulet de la vie en compagnie d’un journaliste.

— Avouez, M. Rolette, que vous êtes un homme drôle et un dangereux original. Dans tous les cas, votre langage, m’ayant prise à l’improviste, je vous demande un sursis pour y songer.

— Accordé, chère mademoiselle.

— Si je ne me trompe, M. Rolette, vous avez là un rival qui ne lâchera pas la proie pour l’ombre.

— De qui voulez-vous parler, mademoiselle ? Je ne me connais pas de rival, pour la bonne raison que je n’aime aucune jeune fille. À moins que ce ne soit vous ?

— Je suis très flattée. Mais enfin, vous savez que je ne suis pas la dame qui ferait pourfendre deux chevaliers.

— Pourquoi pas ?

— Trêve de plaisanteries. Vous connaissez M. Turcobal ?

— Oui, je n’ai eu l’honneur et le bonheur de le connaitre que ce soir. Mais mieux vaut tard que jamais, ajoute Hubert avec un sourire moqueur qui n’échappe pas à la spirituelle Dorilla.

— Oh ! mais là ! regardez donc ses yeux. Ne voyez-vous pas qu’ils sont tout de feu pour Mlle Drusac ?

Chère mademoiselle, je ne suis pas attaché à la brigade du feu. Que son cœur lui-même soit enflammé, est-ce à moi d’aller éteindre l’incendie ? Cependant, si vous me le commandez, je…

— Oh ! si nous n’avons que ce feu pour nous réchauffer, nous serons tous gelés avant demain. Mais il en est un que je redoute davantage. Vous savez lequel. Oh ! celui-là, il est dangereux.

— Mademoiselle, je vous…

— Ne niez pas, fait Dorilla, en voulant prendre un ton sévère qui lui sied comme le boulet ennemi dans la marmite du pioupiou. Allons, allons, bel amoureux, ne regardez pas tant de ce côté et écoutez-moi bien. Vous y êtes, n’est-ce pas ? Bien. Je commence. Mademoiselle Drusac qui, entre parenthèses, est mon amie de cœur, est ce soir, à double titre, l’héroïne du bal. Votre apparition nous a appris quel en serait le héros. Or, comme je pensais qu’un héros et une héroïne ne se répugnent pas trop, j’ai voulu en faire l’expérience sur vous. La matière était belle. Les yeux sont le miroir de l’âme, vous le savez. Ils vous ont trahi. Donc, je n’ai eu qu’à regarder et j’ai tout découvert.

— Inutile de présenter ma défense, mademoiselle. Pour vous convaincre, il me faudrait une éloquence que je ne possède pas.

— Maintenant, monsieur le conquérant, sortez de la place forte dont vous venez de vous emparer. Je ne veux pas attirer sur ma tête le ressentiment éternel de mon amie.

Hubert répond par quelques paroles aimables aux compliments intéressés de certaines mères de famille qui avaient des filles à marier, et qui l’ont arrêté au passage, puis il s’approche de la fille du notaire, et salue avec courtoisie, mais sans affectation.

— Mademoiselle, puis-je espérer l’honneur d’une valse ?

Florence baisse les yeux. Mais elle les relève aussitôt avec un rayon de bonheur qu’elle s’efforce en vain de voiler.

— M. Rolette, mon carnet est plein de valses et de polkas promises, mais pour vous je fais exception. La prochaine valse est en blanc. Je ne l’ai promise à personne, car j’espérais que vous viendriez me demander. Ne soyez pas froissé de ce langage un peu osé peut être. La reconnaissance de mon âme parle plus haut que les convenances mondaines. Aussi, monsieur, j’accepte avec plaisir l’honneur que vous me faites.

Florence pose sa main d’albâtre sur l’épaule du jeune homme.

Hubert passe gracieusement son bras autour de la taille de la jeune fille.

Tous deux s’envolent dans le tourbillon.


Celui-ci la tenait enlacée.


Florence, dans l’ivresse du bonheur, s’abandonnait sans réserve à son élégant cavalier. Celui-ci la tenait enlacée d’un bras souple et ferme. Leurs yeux se rencontraient, ils échangeaient leur haleine. La fille du notaire sentait une chaleur étrange s’emparer de toutes les fibres de son être. Lui, la conduisait avec une grâce, une aisance qui la subjuguait.

Qui pourrait dire les sentiments qui s’agitaient dans le cœur virginal de Florence ? Elle-même, les connaissait-elle ? Cependant oui, elle en démêlait deux : l’amour, l’admiration.

Hubert avait cette délicatesse qui sait garder une juste mesure dans les plus grandes joies. Craignant que la jeune fille qui se mirait dans ses yeux ne fût lasse, il lui demanda si elle était fatiguée.

— Cette atmosphère est embrasée. Si nous allions dans le jardin ?

— Avec plaisir, mademoiselle.

Florence alla chercher un châle de soie blanche.

— Permettez, mademoiselle.

Et il le lui mit sur les épaules. Une de ses mains frôla le cou de la jeune fille.

Elle rougit et regarda les fleurs d’oranger dessinées sur le tapis du salon.

Il sentit un frisson parcourir ses membres.

Tous deux d’abord gardent le silence — toujours la vieille histoire — en se promenant à travers les allées froides et nues du jardin. Au ciel, la lune semble briller d’un éclat inaccoutumé. On dirait qu’elle prend à cœur son rôle de chaperon.

Pauvre lune ! combien de fois n’a-t-elle pas eu à remplir ce pénible devoir !

Chaperon parfois traître et dangereux.

Quant aux étoiles, ce sont autant de chérubins qui folâtrent et qui n’y entendent rien.

Peu dangereuses celles-là. Mais la lune ! oh ! la lune !

Florence s’assit sur un banc rustique.

Hubert de même, naturellement.

— Serais-je indiscrète, questionna Florence sans plus de préambule, si je vous priais de me dire, monsieur, pourquoi vous m’avez caché votre nom, lorsque…

— Pourquoi, mademoiselle, vous aurais-je mentionné un nom qui vous importe si peu ? D’autant plus que ce léger service ne valait pas cet honneur.

— Pensez-vous réellement ce que vous dites ?

— Mais oui, mademoiselle.

— Ce nom m’importe tant, que la reconnaissance que je vous dois me fait un devoir impérieux de ne l’oublier jamais.

— Je vous remercie infiniment, mademoiselle, fait-il en la regardant dans les yeux. Cette reconnaissance prouve la noblesse de votre âme que je place au-dessus de votre beauté. Mais, mademoiselle, que n’ai-je eu le bonheur de faire davantage pour vous ! Que n’ai-je vu mon sang couler pour vous ! Peut-être, ah ! oui, peut-être un autre sentiment qui me serait bien plus doux à entendre exprimer par vos lèvres bénies s’y serait mêlé, ou plutôt en eût été la suite nécessaire.

— Pourquoi cette humilité qui, cependant, vous honore et rehausse le prix de votre dévouement ? Avez-vous donc oublié, monsieur, que vous m’avez sauvé plus que la vie ?

— Je m’estime le plus heureux des hommes, mademoiselle, d’être honoré de votre reconnaissance. Je remercie la Providence qui a si bien dirigé mes pas, qu’au moins j’aie pu vous être de quelque utilité. Mais que puis-je, mademoiselle, moi, pauvre hère, pour me rendre digne de votre amitié, je n’ose dire de votre amour ?

Hubert prend entre ses mains tremblantes une des mains de Florence, qui ne la retire pas. Il plonge ses noires prunelles brillantes d’amour dans les yeux de la jeune fille.

Celle-ci, trop noble pour dissimuler, baisse ses longs cils et dit d’une voix si douce, si douce, qu’à peine Hubert peut l’entendre :

— Êtes-vous aveugle, M. Rolette, que vous n’ayez découvert la flamme qui brille dans mes regards ?

Elle lève ses grands yeux violets et embrasse le jeune homme d’un œil qui met à nu toute son âme.

Subjugué, fasciné, Hubert est hors de lui. Il se laisse glisser à ses genoux. Il colle son front brûlant sur les mains glacées de la jeune fille, et lui dit, dans un cri inexprimable du cœur :

— Ma chère Florence, je t’aime…

La jeune fille, debout, la tête baissée, gardait le silence. Hubert allait se lever, le désespoir dans l’âme, quand, tout à coup, il sentit une larme bénie, larme capable d’enfanter des prodiges, qui venait de tomber sur sa main. Trahie par cette larme qu’elle n’avait pu retenir, elle dit à celui qu’elle voyait à genoux à ses pieds dans l’attitude d’un malheureux qui attend sa sentence de vie ou de mort :

— Monsieur, j’ai déjà entendu parler de vous. Quand un homme nourrit pour sa patrie l’amour que vous avez pour elle, il ne peut avoir qu’une âme noble et généreuse, pouvant produire les dévouements les plus héroïques. Mon cher Hubert, non seulement je t’admire, mais je t’aime !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les deux jeunes gens retournent au salon. Ils trouvent Gustave Turcobal entouré de plusieurs invités. Ce jeune « frais » n’avait pu, avec tous ses diamants et ses frisons, attirer l’attention sur sa précieuse personne. Irrité de son peu de vogue, il voulait, coûte que coûte, se faire remarquer.

Aussi, débitait-il des paroles amères et des sarcasmes contre les Canadiens qui parlaient de se révolter. Il appelait le gouvernement anglais le plus juste et le plus équitable des gouvernements. De plus, il conseillait de jeter dans les fers le premier qui oserait faire entendre une seule plainte contre le sort actuel des Canadiens.

Hubert entend parler ce jeune homme pusillanime et sans aucun amour de la patrie. Il le voit joindre l’outrage à l’indifférence. Et sa malheureuse patrie qui gémissait et ployait sous le joug honteux de l’Angleterre, déchirée par les griffes du lion britannique se vautrant continuellement dans le sang de l’humanité qui crie vengeance !

Qui sait si l’antique histoire de la grandeur et de la décadence de Rome ne se répétera pas.

Alors le rouge de l’indignation lui monte au front. Ses yeux lancent des éclairs de colère. Il se redresse de toute la hauteur de sa taille. Du revers de sa main, il soufflette ce sans cœur en s’écriant d’une voix vibrante qui éclate comme un coup de tonnerre au milieu de la réunion en suspens :

— Monsieur, vous êtes un lâche.