Fleurs de rêve/Crépuscule

)
Boehme et Anderer (p. 84-85).
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CRÉPUSCULE



Très lentement mon pas rêveur
Marque le sol de vos allées ;
Et je marche, étreignant mon cœur,
Sous vos branches échevelées ;
S’enlaçant amoureusement,
Dans les festons de leur feuillage
À moi sourit comme une image
D’ami lointain tendre et charmant.

… Et c’est le soir… et le silence
Avec ses échos assoupis
Coule dans mon âme en partance
Vers un ciel de rêves amis.
Ah ! c’est l’heure crépusculaire
Qui faisait frissonner Rousseau,
Où songeait aux morts Edgar Poe,
L’heure où méditait Baudelaire…


Sous le linceul du flot lointain
Disparaît l’ardente prunelle
Du soleil, si gaie au matin,
Mais à cette heure bien plus belle !
Et la prunelle de la nuit
Se lève haut sur la montagne,
Éclairant la vaste campagne ;
C’est la douce lune qui luit !

Et mon cœur si jeune se serre
Sous la splendeur de ce beau soir…
L’ombre lui pèse et le mystère
Du monde lui semble trop noir…
Et des larmes, sans juste cause,
Larmes d’une incomprise peur,
Larmes d’enfant sans frère ou sœur,
Glissent sur ma paupière close…